LE TRAITE CONSTITUTIONNEL EUROPEEN (TCE) SOUMIS A REFERENDUM EN 2005
Ce qu'ils nous avaient promis
Ce qu'il en est 10 ans plus tard
La construction de l'Union européenne prend toute sa réelle signification au fil du temps. Elle est le résultat de l’application d'une idéologie néo-libérale au seul service de l'économie de marché : elle exclue toute ambition sociale et organise de manière délibérée le recul systématique de la démocratie et elle fait en faisant obstacle à tout respect de la souveraineté nationale et populaire de ses Etats-membres. Ce n'est pas une Europe qui protège comme on nous l'a si souvent dit, mais c'est une Europe qui menace et déstructure nos sociétés.
Le ver était dans le fruit dès 1957.
Présenté comme un instrument au service de la paix et de la coopération entre les peuples, le Traité de Rome de 1957 gravait dans le marbre le socle originel de la future Union européenne, en garantissant la concurrence libre et non faussée, et la liberté de circulation des hommes, des marchandises et des capitaux. Pierre Mendes-France s'opposait à la ratification d'un tel traité en mettant déjà en garde sur sa dérive anti-démocratique : « le projet du marché commun, tel qu'il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XXe siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d'une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ».
Un printemps démocratique en 2005
Un Traité constitutionnel européen (TCE) était proposé en 2005 à l'ensemble des pays de l'Union pour codifier le Traité de Rome et les autres traités européens. Ce texte fut soumis à referendum par le Président Jacques Chirac et ce fut, contre toute attente, le premier moment où la construction européenne fit réellement débat au sein de la société française. Les tenants du OUI avançaient 5 arguments qui résonnent singulièrement 10 ans plus tard : une Europe sociale au service de l'emploi, une Europe plus démocratique, une Europe plus forte au service de la paix, une Europe plus protectrice, une Europe plus efficace. Les tenants du NON avaient une toute autre lecture ; ils refusaient une Europe qui donnait à la concurrence et au marché une priorité sur toute autre considération, comme la coopération, la solidarité, la justice sociale. Ils reprochaient au TCE de reprendre l'ensemble des traités antérieurs conduisant à un recul systématique de la démocratie en Europe et à y faire disparaître toute ambition sociale. Le 29 mai, le peuple français tranchait et rejetait par plus de 54 % des voix le Traité constitutionnel européen (TCE). A ce moment, il n'était pas question de rejeter l'Union européenne mais de rejeter cette Europe-là et d'appeler à faire repartir l'Union européenne sur de nouvelles bases.
Une forfaiture en 2007
L'Union Européenne et la participation populaire ne font pas bon ménage. A la suite du rejet du TCE par les référendums français et néerlandais en 2005, un nouveau texte est élaboré qui deviendra le Traité de Lisbonne. Les deux textes sont des clones et comme le soulignait Valéry Giscard d'Estaing, fin connaisseur des institutions européennes « les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boite à outils » (Le Monde, 27 octobre 2007). Pour éviter tout risque de désaveu populaire, Nicolas Sarkozy, nouveau Président de la République, refuse de redonner la parole au peuple et fait ratifier le Traité de Lisbonne par voie parlementaire en convoquant le Congrès à Versailles. Le texte est adopté à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés grâce au boycott des parlementaires socialistes décidé par François Hollande en tant que Premier secrétaire du PS. Jean-Luc Mélenchon parle alors de forfaiture pour dénoncer cette manœuvre politicienne qui élargit la fracture entre les citoyens et l'appareil institutionnel européen.
Une fuite en avant dont il faut sortir en 2015.
Plus aucun frein démocratique ne s'oppose à la poursuite et à l'amplification des politiques néo-libérales de l'Union européenne. La crise financière de 2008 met en obligation les États de sauver le système bancaire et la dette des États qui en résulte, contractées auprès des marchés financiers, impose des politiques d'austérité à l'ensemble des pays de l'Union, notamment en Irlande, en Espagne et au Portugal. Le cas le plus dramatique est celui de la Grèce qui conduit à une crise humanitaire pour une frange importante de la population de ce pays de la zone euro. L'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) confirmée par le Traité de Lisbonne conduit à ce que les gouvernements des pays de la zone euro n'ont plus aucun pouvoir sur leur monnaie. Mais cela ne suffit pas. Le Traité européen (TSCG) adopté en 2013 installe le principe de la règle d’or qui donne pouvoir à la Commission européenne de surveiller les budgets nationaux de tous les pays de la zone euro et d'imposer des politiques d'austérité. Une mise sous tutelle est imposée aux pays membres de la zone euro par la Commission européenne. Les conséquences se font à présent sentir dans tous les secteurs de la vie publique : restrictions budgétaires des politiques publiques et des collectivités territoriales en matière de santé, d'éducation, de culture, de recherche, de protection sociale, de services auprès des personnes âgées et de la petite enfance. La situation tragique imposée par la troïka (FMI, BCE, Commission européenne) à la Grèce suscite en janvier dernier un rejet démocratique contre les politiques d'austérité. La coalition Syriza emporte les élections démocratiques, forme un nouveau gouvernement et se déclare prête à négocier sur la base du message envoyé par le peuple grec. La réponse de l'Union européenne est exprimée par le nouveau Président de la Commission européenne E. Juncker « dire que tout va changer parce qu'il y un nouveau gouvernement à Athènes, c'est prendre ses désirs pour des réalités. Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».
Tout est dit à présent. Les mises en garde de Pierre Mendès-France au moment de la ratification du Traité de Rome, le maintien d'une idéologie néo-libérale malgré le rejet par les peuples français et néerlandais du Traité constitutionnelle européen (TCE), la connivence des soi-disant partis de gouvernement (droite et PS confondus) confirment la dérive anti-démocratique de l'Union européenne (UE). Il ne peut plus être question de vouloir une autre UE comme en 2005, la question qui se pose à présent est de trouver les conditions de sortir de cette UE-là qui empêche le fonctionnement démocratique, et entrave toute politique au service de la justice sociale, de la fraternité et de la paix.