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Cinq réflexions sur le Front National 1/5

Cinq réflexions sur le Front National

 

Cinq réflexions sur le Front National

Première Partie


Les dernières élections régionales ont vu le Front National arriver en tête au premier tour dans six des treize nouvelles régions métropolitaines. De façon indéniable nous sommes maintenant en présence d’un parti très structuré, qui sait mobiliser ses troupes - plus de six millions de voix - et dont la montée en puissance lui permet  maintenant de faire jeu égal avec les partis dits «de gouvernement». Cette caractéristique certes prévisible, mais cependant nouvelle, appelle un regard lucide sur cette évolution. Il s’agit de dépasser la simple moralisation ou l’invocation dans la précipitation politicienne entre deux tours d’élections à un désistement républicain - qui n’a d’ailleurs plus le moindre impact auprès des classes populaires – pour saisir en profondeur la nature de cette organisation.

Le MS21 proposera donc dans les semaines suivantes cinq réflexions critiques sur le FN. Il s’agira d’abord de repérer l’ambivalence structurelle de ce parti et de voir la nature de sa composante radicale qui se cache derrière son aspect lisse et respectable. Puis nous verrons comment, en France, le concept de Nation a évolué et, à la lumière de quelques exemples, vers quelles dérives il peut mener. Ensuite nous survolerons le programme du FN sur le plan économique et social et sur la question écologique. Enfin nous donnerons notre position sur ce que l’on peut raisonnablement attendre de ce parti.


1-Le FN au-delà du discours

En premier lieu, le MS21 appelle les citoyens à dépasser sur ce sujet une approche purement réactive, suscitée par l’apparence des discours, pour convoquer leur culture politique. Car celle-ci existe même si  elle est contestée par un ordre dominant qui cherche à la domestiquer et la neutraliser par des médias serviles, des pseudo-experts et des économistes « chiens de garde » de l’orthodoxie libérale. Cette culture politique, ce besoin de confronter les idées et de peser sur le cours des événements,  s’enracine dans l'histoire de notre peuple et - même si une minorité dominante souhaiterait  la voir rangée au rayon des accessoires périmés - elle reste présente et prête à se réveiller. En France, depuis la Révolution, c’est le peuple et uniquement lui qui, par son vote, fait la loi. C’est donc à lui de savoir aller au delà de la vitrine des apparences pour comprendre en profondeur la réelle nature des principes, des conceptions du monde qui animent les dirigeants des partis politiques et dictent leurs actions et leur stratégie. Cette approche critique doit s’appliquer tout particulièrement vis-à-vis du Front National.

       1.1 La composante sociale et respectable

De façon très claire, la nature du FN est double. Elle fait coexister une composante activiste et ultra-radicale avec une autre préoccupation - déjà présente dès la fondation du parti en 1972 par Jean-Marie Le Pen - qui vise à donner à ce mouvement une légitimité dans sa reconnaissance de la démocratie parlementaire. Cette stratégie était  perceptible dès les premiers actes fondateurs du FN. Par exemple, le groupuscule activiste « Ordre Nouveau » - une des bases du FN, fondé en 1969 et fer de lance du néofascisme français - se contentait déjà, à l’occasion de son congrès de 1972 de réclamer un régime présidentiel, une réforme de l’école et de l’administration, le réaménagement territorial de la France, une industrialisation stimulée par l’Etat mais ne portant pas atteinte aux intérêts privés etc… rien qui ne pouvait inquiéter les partisans d’une démocratie conservatrice.  Par la suite, cette tendance à la respectabilité n’a jamais cessé de guider les dirigeants du FN. Ainsi, Jean-Marie Le Pen a toujours affiché son ralliement aux institutions gaulliennes, et au cadre du pluralisme et de la démocratie représentative. Il se déclare démocrate, met en avant sa participation à la vie publique de son pays et déclare situer son projet d’ « assainissement » et de « redressement » de la Nation dans le cadre de la constitution de 1958 révisée « dans le sens d’un régime présidentiel ».

Sa fille, Marine Le Pen, élue à la présidence du FN en janvier 2011 a poursuivi et amplifié cette tendance, allant même pour cela jusqu’à rentrer en conflit avec son père. Influencée par Florian Philippot, elle n’hésite pas à rendre hommage à la Gauche « qui a mené d’immenses combats de libération », à citer K. Marx et J. Jaurès, à se réclamer du Conseil national de la Résistance et à apporter son soutien à Syriza lors des élections législatives grecques de 2015. En fait, il n’y a rien de surprenant dans cette stratégie qui part d’un constat simple et incontournable pour tout mouvement politique qui veut « ratisser large » et ambitionne de prendre le pouvoir : la très grande majorité des français est attachée au « modèle républicain » et au système institutionnel qui lui est associé.

        1.2   La composante radicale

Tous ces points sont incontestables mais ne doivent pas faire oublier les autres éléments constitutifs du FN et qui l’inscrivent dans sa filiation historique. Car derrière ce courant légaliste qui se prête temporairement et tactiquement au jeu parlementaire, se cache une tentation toujours présente vers l’antiparlementarisme de choc et l’action directe. On la retrouve dans la permanence d’un discours résolument tourné contre « le système » et la violence d’une terminologie qui, en termes de critique du « régime des partis », de xénophobie, de dénonciation du « cosmopolitisme » et de minorités n’a pas grand-chose à envier aux ligues d’extrême droite des années trente. Il faut donc se représenter le Front National comme la partie émergée d’une famille politique singulière - la droite radicale – qui fait converger des parcours militants vers son émanation électorale à l’aspect inoffensif et consensuel.

Les origines de cette radicalité sont à rechercher dans la pensée de Charles Maurras et du mouvement qu’il a créé au début du XXème siècle, l’Action française. Dans une première phase,  c’est avant tout la quête de valeurs stables, immuables, qui reproduisent la distinction grecque entre la civilisation et la barbarie : la Beauté, le Bien, la Raison. Mais cette attraction pour des valeurs positives glisse vers une dynamique de rejet idéologique. Maurras rejette les trois R : la « Réforme » mère de l’individualisme religieux, la « Révolution »  messagère de l’individualisme politique - avec la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen - et le « Romantisme »  qui prône l’individualisme dans l’art. On voit bien se dessiner ici les traits idéologiques qui vont faire le lien dans la deuxième partie du XXème siècle entre la pensée d’extrême droite et ses formes totalitaires. Car très vite, et notamment à la suite de l’affaire Dreyfus, cette position de rejet ne cible pas uniquement les idées, elle doit identifier les ennemis : ce seront les juifs, les protestants, les métèques et les francs-maçons, tous ceux que Maurras appelle « les quatre Etats confédérés » et qui constituent  selon lui l’ « Anti-France ». Tout ce corpus idéologique sera exposé dans le quotidien « l’Action Française »  - qui comptait 45 000 abonnés en 1925 - ouvertement antiparlementaire, antidémocratique, antirépublicain, et antisémite.

Aujourd’hui, cette filiation est minutieusement cachée mais elle doit rester présente à l’esprit de tout citoyen informé.  Ainsi, on se rappellera que le premier secrétaire à l’organisation du FN (Victor Barthelemy) avait exercé la même fonction au Parti Populaire Français de Jacques Doriot et que c’est la vague poujadiste des années 1950 qui fit élire J.M. Le Pen à l’assemblée, que toute une génération militante au FN est venue de l’OAS, et enfin que de nombreux néofascistes sont venus dans les années 1970 renforcer les structures du FN. Cette permanence des thèmes nationaux radicaux  s’est encore manifestée dernièrement à l’occasion de la campagne de Marion Marechal-Le Pen qui n’a pas hésité à évoquer « l’identité chrétienne de la France », les risques de « la prise de pouvoir du terrorisme islamique » - car par un curieux revirement de l’Histoire c’est maintenant la religion musulmane et non la religion juive qui est devenue la cause de notre déclin ! - et son souhait de couper les subventions au planning familial « soupçonné de banaliser l’avortement »…

A suivre...

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