Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cinq réflexions sur le Front National (suite) 4/5

 

Cinq réflexions sur le Front National (suite)

 

4- Le FN et la question écologique

 

4.1- Origine de la pensée écologique du FN.

Le FN est issu d'un courant de pensée historique qui a intégré l'écologie dans son corpus idéologique, même si le mot « écologie » n'est pas cité explicitement. Le mot le plus à même de positionner le FN par rapport à la question environnementale est « nature » qui est vu comme un héritage, un patrimoine. L'environnement est d'abord et avant tout une question de «patrimoine», de cadre de vie, de paysages qu'il convient de préserver et de protéger. L'écologie est pour le FN une façon d'envisager la préservation du territoire national, ce qui lui permet d'accuser les écologistes de vouloir imposer une gouvernance écologique mondiale contre la souveraineté des nations. On retrouve ici une caractéristique constante du FN : le prisme sécuritaire qui renvoie l’ensemble des problèmes de la société aux dangers toujours liés à l'insécurité et à l'immigration. Enfin, la référence uniquement à la nature exclut tout lien entre crise écologique et crise sociale, bien que les deux soient intimement liées. En matière d'écologie, le FN continue de regarder l'avenir avec les yeux du passé.

Au fil des années, la question écologique a pris de plus en plus d'ampleur, non seulement à l'échelle locale ou régionale, mais à présent au niveau planétaire : pollutions, surexploitation des ressources naturelles, changements climatiques, érosion de la biodiversité. L'écologie devient peu à peu le grand débat politique de ce siècle car les effets observés peuvent conduire à un effondrement de nos sociétés, autant au Nord qu’au Sud. La question écologique porte un regard sur le devenir de notre civilisation. Les enjeux sont à présent suffisamment importants pour voir se dessiner deux visions d'avenir, soit la remise en cause de notre modèle économique et financier basé sur l'exploitation sans limite des énergies fossiles, soit au contraire la foi en la modernité, au progrès de la connaissance apporté par la recherche scientifique et la capacité de la techno-science de résoudre les problèmes posés. C'est à ces deux visions qu'il faut regarder les positions du FN.

4.2- La pensée écologique chez Marine Le Pen .

Les priorités affichées

L'actualisation de la question écologique, les choix politiques à faire, interpellent tous les partis politiques. Il est donc intéressant de dessiner les contours de la pensée écologique au sein du FN et en tout premier lieu ceux affichés par sa Présidente, Marine Le Pen. A lire son programme, on peut penser que sa première priorité, si elle était élue à la tête du pays, serait de promouvoir la sécurité de la France, sa culture et son identité. Mais la politique prônée serait au seul service des Français, c'est à dire une politique dissuasive à l'égard de l'immigration. Ce repli identitaire ferait donc l'impasse sur la principale question migratoire, celle des déplacés environnementaux (réfugiés climatiques), évalués d'ici 2050 à 250 millions de personnes selon les estimations des Nations-Unies alors que ceux-ci ne bénéficient actuellement d'aucun statut juridique permettant leur reconnaissance par la Convention de Genève.

Un positionnement en apparence très critique envers la logique néo-libérale

La France de la sécurité conduit Marine Le Pen à mettre en cause le système ultralibéral et le libre-échange. Le refus de toute règle à un marché qui se définit comme autorégulateur conduit à une vision économique à la fois inhumaine et destructrice de la planète. Pour le FN, il faut donc produire au plus près, retraiter sur place, et redéfinir les règles du jeu, quitte à nationaliser à titre temporaire et partiel. L'exemple de la centrale nucléaire de Fukushima confirme pour le FN que l’État doit rester propriétaire des acteurs de l'industrie nucléaire. Les règles doivent être redéfinies également pour le secteur bancaire, en séparant activités de dépôt et activités d'affaires, afin de protéger l'épargne individuelle et celle des familles.

Mais une critique qui a ses limites

En premier lieu, il n'est pas question pour le FN d'envisager une fiscalité écologique. S'il est question de parler de protectionnisme, il s'agit d'un protectionnisme « intelligent » sans pour autant que ce qualificatif avancé par Florian Phillipot soit clairement défini : « la vraie arme pour défendre la nature et la santé des hommes, ce sont les droits de douane ciblés sur les produits fabriqués dans les pays qui ne respectent aucune norme environnementale ». Cette proposition fait l'impasse sur l'idée d'un protectionnisme écologique et social (délocalisations, conditions de travail, travail des enfants), ce qui situe bien les limites du discours du FN. Marine Le Pen préfère quant à elle parler de placer de « barrières de protection ». Dans cette réflexion, il est proposé une extension de la garantie des produits, au minimum à cinq ans, à la charge du fabricant, pour lutter contre l'obsolescence programmée des produits de consommation.

Un seul responsable : le consommateur

Pour les services publics, la protection sociale est limitée à rendre le consommateur citoyen, responsable de son comportement, en faisant payer à tous au prix coûtant jusqu'à un certain seuil (palier minimum vital) l'eau et l'électricité et au-delà d'appliquer une tarification plus chère et progressive, la facture permettant ainsi de faire prendre conscience concrètement à l'usager le coût de la consommation et du gaspillage. Mais dans ce registre des besoins fondamentaux, la précarité énergétique n'est pas abordée alors que des millions de foyers en souffrent. La responsabilité individuelle est mise en priorité, en avant, sans que le système économique productiviste au service d'une hyperconsommation et dont la logique conduit également au gaspillage, soit remis lui-même en cause, ou a minima analysé dans ses excès. Tout autant, l'agriculture industrielle est assurée de bénéficier d'un franc soutien du FN, dans le sens où Marine Le Pen estime que le bio est « dictature » et que l'aide doit être destinée à tous les agriculteurs, sans que l'on sache sur quelle base de répartition (production, taille des exploitations) l'aide doit se concevoir. L'idée même d'un soutien à une agriculture familiale de petites exploitations pratiquant de nouvelles formes de cultures comme l'agroécologie est absente du discours.

De nombreuses questions non abordées

La question des énergies fossiles n'est pas développée par Marine Le Pen alors que celle-ci est au cœur de la question écologique et sociale. La désaccoutumance aux énergies fossiles n'est pas évoquée, sinon que les énergies renouvelables représentent actuellement pour la Présidente du FN du bricolage. Les éoliennes suscitent chez elle une opposition radicale (« c'est immonde et ça ne marche pas »). Pour le nucléaire, celui-ci se place dans l'histoire du progrès humain, au même titre que la découverte du fer au temps de la préhistoire.

Le positionnement écologique de Marine Le Pen se radicalise sur les questions globales de l'écologie : biodiversité et climat. La dégradation de la biodiversité ne suscite de sa part aucun commentaire particulier. La dérive climatique suscite simplement une opinion sceptique (« je ne suis pas sûre que l'activité humaine soit l'origine principale du phénomène ») qui remet ouvertement en cause les conclusions du GIEC. La parole de son père et les conclusions des organisations scientifiques sont mises sur le même pied d'égalité, ce qui atteste du peu d'importance que la Présidente du FN accorde aux corps constitués, garants du fonctionnement démocratique de notre société. Le repli identitaire au niveau de la nation s'exprime à nouveau (« peut-on y faire quelque chose? ») niant par là même le besoin d'aide exprimée par les pays les plus pauvres et le problème des réfugiés climatiques.

Au final, le plaidoyer écologique de Marine Le Pen est centré sur la science, le progrès de la techno-science. Autocentré sur le repli national, la pensée se limite fondamentalement à l'hexagone, niant de ce fait les questions environnementales globales (biodiversité, climat) et la légitimité des corps scientifiques constitués (la parole de son père est tout aussi importante), ce qui pose la question de la démocratie, le désintérêt à toute implication internationale pour aider les pays vulnérables aux manifestations des dérèglements climatiques (solidarité internationale, dette écologique). Au-delà de la remise (supposée) du système économique existant, la pensée écologique de Marine Le Pen est au final pauvre, contradictoire, propre à flatter la pensée du café du coin, en deux mots cette pensée reste et demeure réactionnaire.

4.3- Autres contributions à la pensée écologique au FN : « Une approche pragmatique, réaliste et patriote

Le débat sur l'écologie au sein du FN est loin d'être clos. Il fait aussi émerger des idées multiples, à la fois intéressantes ou au contraire totalement irresponsables, montrant que les questions environnementales sont présentées dans une approche purement démagogique pour attirer l'électeur.

Ainsi pour Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN, la pollution urbaine à Paris relève simplement d'un manque de places de parking (35 000 selon lui) pour fluidifier la circulation dans les rues de la capitale. Il n'y a aucune envie de calmer le trafic et d'envisager une politique publique des transports en commun « il faut vivre avec son temps et avec le progrès technique. Si l'homme a créé la voiture et que nos usines en fabriquent autant, il faut permettre aux gens de bouger avec ». Le FN est le parti des automobilistes, ce que confirme Marine Le Pen en déclarant lors de l'inauguration du collectif «Nouvelle écologie» en décembre 2014 « notre écologie, ce n'est pas de harceler, d’assommer l’automobiliste ».

En même temps, Philippe Murer livre ce qui devrait être le cœur de la politique écologique du FN, à savoir un investissement massif sur les énergies renouvelables, rendu possible grâce à une banque centrale et une monnaie nationale, ce qui justifie à ce titre une sortie de l'euro. Le coût d'une telle politique (que l'on retrouve dans son ouvrage sur la transition énergétique) serait estimé à 1 500 milliards d'euros, réparti sur vingt ans pour remplacer la totalité des énergies fossiles, ceci en donnant une place centrale à l'hydrogène et en maintenant le temps qu’il faudra la production nucléaire. A ce titre le FN défend le nucléaire et s'oppose en revanche à l'exploitation des gaz de schiste.

Ce tour d'horizon qui demande à être très certainement complété fait apparaître certes des points de convergence (analyse sur la transition énergétique et les moyens politiques pour y parvenir), mais surtout des points qui portent la marque de fabrique inchangée du FN, à savoir l'appel démagogique auprès de l'électeur (le parti de l'automobiliste, refus de toute fiscalité écologique) au service d'un repli identitaire national (participer à minima aux enjeux des politiques climatiques au niveau international, absence de toute vision de solidarité envers les pays du Sud tant au plan de l'aide que de l'accueil), la non remise en cause du modèle économique dominant. Le protectionnisme environnemental constitue pour le FN une barrière de protection nationale, sans que le système économique productif au service d'une hyper-consommation ne soit remis en cause, ni que les conséquences sociales soient abordées. Au final, nous sommes en présence d’une pensée réactionnaire (une pensée climato-sceptique argumentée autour de la parole du père) dont le propos est une menace à la démocratie car cette question n'est manifestement pas fondamentale aux yeux des dirigeants du FN.

Lien permanent Catégories : Extrême Droite 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.