La Bombe et Nous - Le film : un monde sans arme nucléaire ?
.... ne loupons pas cette deuxième occasion !
Nous le savons maintenant, à Reykjavic, en 1986, Reagan et Gorbatchev furent à un cheveu de conclure un accord sur un désarmement nucléaire total. Le journaliste Guillaume Serina a reconstitué à partir de documents déclassifiés, des mémoires des intéressés et d’entretiens particuliers cette rencontre qui aurait pu aboutir à l’éradication des armes nucléaires en 1996. 1
Bien avant d’être Président Reagan exprimait déjà sa profonde aversion pour la bombe atomique : « Nous vivons dans un monde où les grandes puissances ont pointé sur les autres d’horribles missiles de destruction, des armes nucléaires qui peuvent, en quelques minutes, atteindre le pays et détruire quasiment le monde civilisé... »
Du côté soviétique on ne connait pas les sentiments de Gorbatchev concernant l’arme atomique, mais la mission que lui ont confié le Bureau Politique et le Comité Central est claire : « Considérant les problèmes du désarmement nucléaire, la position initiale de l’Union Soviétique est que le résultat final de toute mesure dans ce domaine doit être l’élimination complète des armes nucléaires. En allant dans cette direction nous devons nous assurer d’une sécurité égale des deux côtés. »
Après la première rencontre de Genève entre les deux hommes (nov 1985), deux autres sont programmées l’une à Washington, l’autre à Moscou. Mais Gorbatchev anticipe en proposant une rencontre « informelle » en terrain neutre, à Reykjavic. Celle-ci a lieu les 9 et 10 octobre 1986. Les deux délégations ont sincèrement la volonté d’aboutir à un accord qui serait officialisé à Washington.
La discussion démarre sur ce qui semblait faire consensus à Genève : la réduction de 50% des armes stratégiques.2Après un exercice de décompte acrobatique Gorbatchev propose de généraliser la diminution de 50 % à tout l’arsenal nucléaire, missiles balistiques, avions, sous-marins. Georges Schultz, ministre des affaies étrangères intervient en faveur de cette proposition. En ce qui concerne les missiles à moyenne portée Gorbatchev propose leur élimination totale en Europe (Pershing et SS 20) et concède de le faire sans tenir compte de l’arsenal britannique et français. Un désaccord subsiste sur les missiles stationnés en Asie et sur la prorogation du traité ABM interdisant la mise en place d’un système antinucléaire défensif qui romprait l’équilibre des forces. Ce dernier point contrarie fortement Reagan qui a lancé le programme de recherches « IDS », la guerre des étoiles, censée établir un bouclier anti-missile par destruction des fusées adverses par des lasers portés par des satellites. Beaucoup de scientifiques américains estimaient le projet irréalisable techniquement et financièrement, les soviétiques qui avaient aussi envisagé le projet l’avaient finalement abandonné. Mais Reagan s’était fortement engagé en sa faveur au cours de sa campagne électorale. Gorbatchev propose que les recherches concernant l’IDS se cantonnent au laboratoire durant un certain temps.
1 Guillaume Sérina « Reagan Gorbatchev, Reyjavic 1986 : le sommet de tous les espoirs », Ed « l’Archipel », 2016 2
Arme nucléaire conçue pour attaquer des cibles ennemies très intéressantes situées généralement à très longue portée, souvent intercontinentale. Elles sont
généralement prévues pour frapper les forces nucléaires stratégiques ennemies et leurs infrastructures, ainsi que les centres industriels et de population. Les
armes nucléaires stratégiques sont généralement transportées par des missiles balistiques à longue portée. Voir aussi missile balistique intercontinental (ICBM)
et missile balistique lancé par sous-marin (SLBM).
Sur questionnement de Gorbatchev Reagan finit par donner son accord à l’option zéro en Europe si une solution est trouvée concernant les missiles en Asie. Il propose de partager l’IDS avec l’l’URSS, ce que Gorbatchev ne prend pas au sérieux.
Tout va se jouer le deuxième jour de la rencontre. La délégation soviétique est soudée autour des propositions de Gorbatchev : réduction de 50% des arsenaux nucleaires américains et soviétique en 5 ans, retrait des missiles en Europe, négociations sur les missiles en Asie et, élimination totale des armes nucléaires les 5 années suivantes. Pendant ces dix ans les expérimentations « IDS » seront cantonnées en laboratoire.
La délégation américaine est divisée. Schultz est pour la signature d’un accord mais finalement se rallie à la position des autres conseillers de ne pas céder sur l’ »IDS ». Le texte US présenté en final est extrêmement proche du texte soviétique mais le mot « laboratoire » n’y figure pas, volontairement. Reagan argue que les expérimentations ne peuvent pas être toujours menées en laboratoire, Gorbatchev déclare que la militarisation de l’espace est inacceptable pour l’URSS. Ce fut la pierre d’achoppement sur laquelle échoua cette rencontre.
Les deux délégations quittèrent Reykjavic avec une profonde amertume et le sentiment d’avoir loupé de très peu un accord de portée historique qui aurait changé la face du monde.
Le projet « IDS » fut abandonné par le gouvernement des Etats Unis en 1996.
Le 27 mars débutera la conférence décidée par l’ONU en vue d’aboutir à l’interdiction des armes nucléaires et leur élimination totale. Trente et un ans séparent cette conférence de la rencontre de Reykjavic. Le gouvernement français est hostile à cette conférence, vraisemblablement n’y participera pas mais travaillera à son échec. Ne loupons pas cette deuxième occasion !
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