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Emmanuel Todd fait voler en éclat le vernis du charlisme

On se doutait que le nouveau livre d’Emmanuel Todd, "Qui est Charlie ?", allait déclencher un tollé des Charlie ainsi questionnés. Eh bien, mission largement accomplie avant même l’arrivée de l’ouvrage dans les librairies : un carnage.

 

 

Non, ce n’est pas la photo de couverture de cet ouvrage (que je n’ai pas encore lu), ni celle d’Emmanuel Todd, qui illustreront cette chronique, mais celle d’un des plus zélés défenseurs du charlisme patenté par l’Élysée et Matignon : Patrick Cohen, animateur des matinales de France Inter, grimaçant face à son invité.

Car le plus intéressant, dans le séisme médiatique ainsi déclenché par l’historien-anthropologue-démographe-sociologue-essayiste avant même la sortie de son brûlot, est d’abord la réaction proprement hystérique de ceux dont l’auteur met au jour l’imposture.

« Je pose des questions », avança Patrick Cohen, sur la défensive, à l’issue de son émission du lundi 4 mai, alors qu’il était évident qu’il n’en avait posé aucune, même s’il s’efforçait de donner une forme vaguement interrogative à des charges agressives d’une grossièreté caricaturale consternante :

 « Vous n’êtes pas loin d’expliquer au fond que Charlie a bien cherché ce qui lui est arrivé. »

Stigmatisant l’intolérance de ceux qui se posaient en hérauts de la tolérance et de la liberté d’expression, Emmanuel Todd eut beau jeu de rembarrer les petites piques approximatives de Patrick Cohen et de Thomas Legrand, ou encore les minauderies qui se voulaient assassines d’une Sophia Aram beaucoup plus méchamment revancharde que drôle.

Je sais que beaucoup de Je suis Charlie ? sincères vont être mortifiés, sinon scandalisés par les propos de Todd ou ceux de cette chronique. Et ils auront raison car leur sincérité à eux peut difficilement être remise en cause.

Mais pourtant tous les signes montraient à l’avance que la journée du 11 janvier allait être une supercherie dont ils seraient les victimes trop étourdiment consentantes : le sceau tapageur du gouvernement à la manifestation, les très louches invités officiels de l’Élysée...

Nous garder de nos propres démons

De fait, l’esprit du 11 janvier 2015 tourna salement vinaigre à peine les banderoles et les vertueux slogans remballés  : la multiplication des lois d’exception, le projet de loi sur le renseignement, les inculpations de gamins de 8 ans, les sanctions contre un prof de philo qui voulait faire réfléchir ses élèves, la stigmatisation de jupes trop longues par ci, de foulards impies (au sens de l’extrémisme athée et d’un christianisme historique mal digéré) par là...

Il faut avoir l’esprit bien crotté pour ne pas se rendre compte que notre société française est en train de basculer aujourd’hui dans un irrationnel aveugle fort dangereux. Et ce n’est pas en cédant à ces pulsions premières de colère et d’indignation, en sacrifiant à cet unanimisme de façade pour vertueux qu’il puisse paraître, qu’ils enraieront cette terrifiante descente aux enfers. En ces périodes bouleversées, mieux vaut tourner sept fois ses cellules grises dans sa tête avant que de céder à l’émotion irraisonnée.

Ce que met cruellement à nu Emmanuel Todd avec ses pieds dans le plat, c’est qu’il nous faut désormais nous garder au moins tout autant de nos propres démons que de ceux importés d’ailleurs (le terrorisme), nous méfier de toutes démonstrations précipitées de bonne conscience, surtout lorsqu’elles sont lourdement patronnées par les garde-chiourmes d’un vieux monde défait de plus en plus irrespirable.

Mais je vous laisse. Je vais attendre tranquillement le 7 mai, date de parution de l’ouvrage d’Emmanuel Todd, pour essayer de le lire à tête apaisée.

 

 => Qui est Charlie ? par Emmanuel Todd, Seuil, 252 pages, 18 euros, 7 mai 2015

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