Le climat, une grande cause nationale ? (1er partie)
L'échec programmé de la Conférence Climat en décembre 2015 à Paris.
La crise climatique attend une réponse politique et non la seule indignation citoyenne.
(1ère partie)
En préparatif à la Conférence sur le climat à Paris en décembre 2015, le gouvernement de Manuel Valls décrétait que le collectif « Coalition climat 21 » (http://coalitionclimat21.org/) serait une grande cause nationale. Ce collectif, constitué de plus de 70 organisations, a une étrange singularité, il exclut tout parti et mouvement politique et n'intègre qu'associations, mouvements de solidarité, mouvements altermondialistes et syndicats. La crise climatique devrait donc se jouer sur le seul mode de l'indignation des citoyens impliqués dans ces mouvements («changeons le système, pas le climat»), or cette crise est de nature politique, c'est donc d'une réponse politique dont elle a besoin. Imaginer que la Conférence de Paris puisse être une caisse de résonance des luttes pour une justice climatique relève d'un vœu pieux et risque de rester lettre morte comme cela fut le cas à Copenhague. La Conférence de Paris risque de s’achever de la même façon par des déclarations d'intentions, des promesses qui ne seront pas tenues.
Six ans auparavant, la Conférence de Copenhague avait scellé l'échec de tout accord international pour lutter contre le réchauffement climatique. Le seul résultat tangible fut un texte de trois pages, qualifié «Accord de Copenhague» (!) dans lequel une trentaine de pays, représentant 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), reconnaissaient que le changement climatique était l'un des grands défis de notre temps, mais signifiaient tout autant leur refus de s'engager pour tout objectif chiffré de réduction des émissions de GES, pour tout mécanisme contraignant ou pour toute aide réelle en faveur des pays les plus vulnérables. L'implication exceptionnelle de la société civile citoyenne à Copenhague, plus de 800 ONG accréditées pour assister à la Conférence, l'organisation d'un «Forum citoyen mondial », la mise en place de multiples coalitions environnementales, la manifestation dans les rues de Copenhague réunissant entre 50 000 et 100 000 personnes, le foisonnement de sites militants, le recueil de pas moins de 15 millions de signatures par la campagne «TckTckTck», n'y ont rien changé. La Conférence de Copenhague a mis ainsi en lumière les limites d'influence des ONG et des mouvements sociaux, leur impuissance face aux réalités des rapports de force internationaux
Il n'est nullement question pour MS21 de mettre ici en doute la sincérité de l'engagement et la combativité de nombreux militants pour une justice climatique, mais celle-ci, tant écologique que sociale, nécessite des politiques de même nom, et donc des choix politiques qui soient à la hauteur des enjeux qui nous sont présentés.
Les effets du réchauffement climatique.
Le dernier rapport du GIEC confirme sa conviction que l’élévation de la température terrestre est majoritairement due à l’accumulation des gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine. L'objectif affiché de limiter le réchauffement climatique à 2°C au-dessus du niveau préindustriel exige des actions de réduction des émissions très au-delà des politiques actuelles. Plusieurs pays particulièrement vulnérables ont demandé une limitation à 1,5°C; ce dernier objectif n’est plus envisageable à présent. Le scénario le plus pessimiste envisage une augmentation de la température moyenne de 5,5°C.
Les effets du réchauffement climatique sont multiples : événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations), hausse du niveau des mers (de 26 cm à 98 cm en moyenne d’ici 2100), perte de biodiversité entraînant l’extinction de nombreuses espèces terrestres et marines incapables de s’adapter à des changements aussi rapides, acidification des océans, insécurité alimentaire, sévères pénuries d’eau sur plusieurs continents, impacts sur la santé liés à l’insécurité alimentaire et à l’augmentation de maladies infectieuses. Sans actions volontaristes, les inégalités sociales et économiques seront accentuées entre les régions du monde ainsi qu'à l’intérieur des pays. Les migrations et les risques de conflits, liés aux changements climatiques, iront en augmentant. De nouveaux modèles de développement sont donc indispensables dans tous les secteurs de nos activités.
Causes profondes du changement climatique
Pour trouver des solutions, faut-il encore déterminer les causes profondes du phénomène. Le réchauffement climatique trouve son origine au 18ème siècle, au moment de la grande transformation des sociétés occidentales, rendue possible par la découverte et l'usage sans limites des énergies fossiles, charbon, pétrole, gaz et à présent atome au niveau de la production, des transports et de la consommation. Cette grande transformation trouve son aboutissement dans le processus actuel de la mondialisation. Les changements climatiques sont la conséquence non attendue d'un modèle économique particulier et dominant, où l'homme est qualifié d'homo œconomicus, individu qui maximise ses intérêts, et le marché considéré comme modèle de relation sociale. Ce modèle qui a généré croissance, richesses, mais aussi fortes inégalités, pauvreté extrême et crise écologique se trouve aujourd'hui dans une impasse car fondé sur des ressources énergétiques naturelles non renouvelables. Certains persistent à adhérer à ce système de croissance illimitée au prétexte qu'il permettrait de sortir des millions d'êtres humains de la pauvreté et misent sur la poursuite du progrès technique pour corriger les dégâts écologiques. Le débat est bien politique.
Nos sociétés ont été traversées par de grands débats, pour l'établissement de l’État de droit au 18e siècle, la participation politique par l'extension progressive du droit de vote au 19e siècle, l'attribution des droits sociaux par la mise en place de l’État-providence au 20e siècle. On peut avancer que la question climatique et plus largement écologique sera le quatrième grand débat des sociétés durant ce 21e siècle.
La suite, vendredi 7 août