Le parlement grec vote sous le chantage et la menace
Lettre de Zoé Konstantopoulou
La lettre de la Présidente du Parlement grec au Président de la République et au Premier ministre :
À M. le Président de la République, M. Prokopis Pavlopoulos
À M. le Premier ministre, M. Alexis Tsipras
Du fait de mes devoirs institutionnels, je vous signale que les conditions dans lesquelles est introduit au débat le projet de loi « Mesures urgentes de mise en œuvre de la L. 4334/2015», composé du texte déposé dans la nuit du 20 au 21 juillet 2014, comportant 977 pages, incluant tous les textes que les parlementaires doivent étudier et prendre en considération afin de former un avis et de voter selon la procédure d’urgence dans la journée en cours, et qui contient :
- en 1 article (article premier) les008 articles du Code de procédure civile et ceux de la loi d’introduction du Code de procédure civile, et
- en un article (article 2) les 130 articles relatifs à la transposition au droit grec d’une directive de l’UE (NdT : directive sur les banques et le bail-in, entre autres)
ne garantissent pas que la Constitution soit respectée, que le fonctionnement démocratique soit protégé, que le pouvoir législatif du Parlement soit exercé ni que les parlementaires votent selon leur conscience.
Sous un régime de chantage plus qu’évident, provenant de gouvernements étrangers- membres de l’UE, et dirigé contre le Gouvernement grec et les parlementaires, il est introduit et, qui plus est, «sans la possibilité d’introduire le moindre amendement», un texte législatif qui entreprend une intervention majeure sur le fonctionnement de la Justice et sur l’exercice des droits des citoyens, de manière qui abolit tant le fonctionnement de la République grecque en tant qu’état social de droit, où la séparation des pouvoirs peut fonctionner, que la préservation du principe du procès équitable.
Des Ministres qui ne sont pas d’accord avec son contenu sont contraints d’introduire ce texte au Parlement, alors qu’ils s’y opposent directement, tandis que des parlementaires, qui s’opposent également à son contenu, sont contraints de voter pour.
Le tout sous menace directe de faillite désordonnée.
Il s’agit d’un acte législatif qui provient de la dernière période parlementaire, déposé par l’ancien ministre de la Justice, M. Ch. Athanasiou, concernant lequel, en décembre 2014, les avocats de l’intégralité du pays avaient été invités à se prononcer dans le cadre d’un référendum organisé sous l’égide de l’Assemblée générale des présidents des barreaux du Pays, et dont le résultat était le rejet du projet de loi, avec une majorité de plus de 93% des avocats qui ont voté contre.
En outre, contre le projet de loi ce sont exprimés également les représentants de la Justice, les assemblées administratives des Tribunaux et, dans l’ensemble, les acteurs sociaux intéressés. Les deux partis au gouvernement s’étaient engagés avant les élections nationales de ne pas introduire ledit acte législatif et aucun des deux n’a changé d’avis ni de position quant au fond du texte.
Le fait que ce texte législatif ait été choisi par des gouvernements étrangers, participant au Sommet européen, comme « pré-requis » c’est-à-dire, comme condition pour entamer des négociations en vue d’une solution (NdT: solution au « problème grec »), montre la taille du dédain dont font preuve lesdits gouvernements étrangers envers les principes du fonctionnement du parlement, de la souveraineté populaire et, enfin, de la démocratie.
La responsabilité institutionnelle de tous est énorme. En assumant ma responsabilité en tant que Présidente du Parlement, je vous demande d’informer vos homologues à propos de ma lettre présente que je notifierai par la suite à mes homologues de toute l’Europe, à la suite de mes interventions antérieures, de mes propositions et de ma lettre récente au Président du Parlement européen, M. Martin Schultz, qui a été notifiée aux membres du Parlement européen.
Cette attaque violente contre la Démocratie ne peut pas être commise dans le contexte de l’Union européenne. Et elle ne peut certainement pas être commise dans le silence.
Athènes, le 22 juillet 2015
Avec honneur,
La Présidente du Parlement grec
Zoé Ν. Konstantopoulou
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