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Des histoires de dettes...

 

Par MS 21

Nous ne prendrons en considération que les dettes des Etats appelées aussi dettes souveraines.

Comment réagissent les pays endettés? Que font-ils pour «s'en sortir»? A travers quelques exemples nous allons exposer diverses situations.

Nous savons comment Philippe IV le Bel a résolu ses énormes difficultés financières: il a habilement intrigué contre l'ordre des Templiers pour les faire condamner comme hérétiques et ainsi accaparer leurs immenses richesses.

Louis XIV a fait arrêter et emprisonner Nicolas Fouquet afin de confisquer sa fortune qui était colossale.

En 1789, la dette de l'Etat est réglée grâce à la confiscation des biens du clergé.

Les bolcheviks en 1918 ont déclaré qu'ils ne reconnaissaient pas les dettes contractées par le Tsar et les fameux emprunts russes sont devenus de vulgaires bouts de papier sans valeur.

Façons autoritaires et efficaces de régler les ardoises....

Par l'accord de Londres en 1953, les Alliés créanciers, Etats-Unis en tête, font des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d'une réduction de dette. La raison est politique : c'est le début de la guerre froide, il s'agit de reconstruire une Allemagne forte dans une Europe puissante capable de faire barrage au communisme et de contrer l'influence de l'URSS. Les créanciers effacent les dettes quand ils y ont un intérêt.

Mais certains pays ont payé rubis sur l'ongle leur dette: c'est l'histoire incroyable de Haïti. En 1804, Haïti, alors colonie française, proclame son indépendance et devient la première République noire du monde après les soulèvements des esclaves et la lutte armée victorieuse (bataille de Vertières) contre le corps expéditionnaire français envoyé par Napoléon 1er afin de rétablir l'esclavage. En 1825 la France «concède» l'indépendance à Haïti mais exige le paiement de 150 millions de francs-or en dédommagement de la perte de sa plus riche colonie: il faut indemmniser les colons et la métropole mais aussi laver l'affront! La jeune République paiera ...jusqu'en 1947! Même réduite à 90 millions, cette dette odieuse et illégitime a empêché tout développement économique faisant de ce pays le plus pauvre du continent américain.

Prenons quelques exemples plus récents.

En Equateur, dès son élection, le Président Raphaël Correa annonce qu'il mettra en place une commission pour un audit intégral de la dette. Le travail de la commission dura 14 mois et son rapport final fut publié en septembre 2008.

Un audit n'est pas seulement un exercice comptable mais une appréciation de la pertinence des prêts, de l'utilisation des fonds alloués, de l'efficacité des investissements etc...La conclusion de la commission est claire: de nombreux prêts ont été accordés en violation des règles et constituent une dette illégitime. En novembre 2008, le gouvernement équatorien annonce qu'il cesse de rembourser la dette commerciale, il rachète en secret une bonne partie des titres vendus sur les marchés financiers et propose d'acheter les titres restant à 35% de leur valeur. C'est à prendre ou à laisser. Au risque de tout perdre les créanciers acceptent de vendre. En juin 2009, l'Equateur annonce publiquement qu'il a racheté 91% des titres.

En conclusion, l'économie réalisée sur le service de la dette est de 7 milliards de dollars qui seront versés au budget de la santé et de l'éducation.

En Argentine l'inflation et même l'hyper-inflation est un mal récurrent que tous les gouvernements ont tenté de juguler. Un des moyens utilisés par le Président Carlos Menem fut d'arrimer le peso au dollar et de déclarer, de façon tout à fait artificielle, la parité peso-dollar. Immédiatement l'inflation tomba à un taux à un chiffre et l'économie se porta plutôt bien pendant la décennie 1990. Mais la brutale remontée du dollar en 1998 met en difficulté toute la politique économique et monétaire du pays car pénalise fortement les exportations. L'Argentine entre en récession dès 1999: cette crise engendre des manifestations de chômeurs (les piqueteros), des protestations parfois violentes (28 morts en 2001) qui entraînent la chute de 5 présidents de la République en l'espace de quelques semaines. Cette crise se termine en 2003 par l'élection de Nestor Kirchner et d'un gouvernement favorable aux classes populaires.

Si la dictature militaire (1976-1983) a laissé une ardoise d'environ 45 milliards de dollars, la dette était arrivée à 140 milliards juste avant la crise de 2001.

Kirchner et Lavagna son ministre des finances, réussissent en février 2005 à renégocier la dette: réduction d'environ 70% d'une partie de la dette, reconversion d'une autre partie en bons du Trésor et un échéancier sur 42 ans.

La situation de l'Argentine s'est stabilisée , le chômage a baissé , la coopération avec les pays voisins est active.

L' Islande a connu une grave crise financière de 2008 à 2011, les dettes des banques étaient alors de 1000% du PIB ! Sept ans plus tard , l'Islande est sortie de la crise, a retrouvé la croissance. Comment? Y aurait-il une recette? Revenons en arrière....

L'Islande est un tout petit pays européen de 328 000 habitants dont on ne parle guère ....En juillet 2009 le gouvernement islandais avait sollicité son adhésion à l'Union européenne pensant que faire partie d'un ensemble de plus de 500 millions d'habitants pourrait fouetter son économie en déclin. Mais en 2013 le nouveau gouvernement issu des élections d'avril a interrompu les négociations, car vu ce qui se passe en Grèce, il a compris que l'Union européenne ne leur apporterait rien de bon.

Les 3 banques principales de l'île s'étaient engagées dans un processus à risque:

elles attiraient des fonds d'épargne étrangers avec des taux d'intérêts surélevés et spéculaient avec cet argent sur les places financières du monde entier. Mais la bulle éclata, le système s'écroula et en 2008 les 3 grandes banques islandaises font faillite. Cette crise bancaire provoque une chute brutale de l'activité et une montée rapide du chômage qui atteint 9% de la population active.

L'Etat recherche des emprunts pour relancer l'économie: les Pays nordiques , la Pologne et le FMI prêteront des capitaux mais les Islandais sont humiliés et l'appel au FMI est une autre humiliation car, sous la pression de l'Union européenne, l'aide du FMI n'est accordée que contre l'engagement de rembourser les épargnants européens – surtout britanniques et hollandais - ce qui représente environ 4 milliards d'euros! Le Parlement islandais accepte mais le peuple dit NON !

Des milliers de personnes signent des pétitions, se rassemblent tous les samedis sur la place du Parlement* pour exprimer bruyamment leur colère : ceux qui ont gagné beaucoup d'argent en spéculant doivent accepter de perdre et ce n'est pas à nous, le peuple de rembourser !

Suite à ces manifestations, le Président de la République n'a pas promulgué la loi votée au Parlement et se tourne vers le peuple. Il y aura 2 référendum l'un en mars 2010, l'autre en avril 2011. A chaque fois les électeurs disent non au paiement des dettes bancaires par l'Etat ( 93% de NON en 2010, 60% en 2011) et obligent les dirigeants à renégocier . Ce sera long et douloureux, les Islandais subiront une perte de pouvoir d'achat d'environ 30% ! Mais grâce à diverses mesures énergiques (nationalisation des banques, forte dévaluation de la monnaie, contrôle strict des échanges de capitaux, restructuration et allégement des dettes des petites et moyennes entreprises ….) l'Islande est sortie de la crise sans avoir coupé dans les budgets sociaux de la santé et de l'éducation. Maintenant, le PIB progresse de 2 à 2,5% l'an, le pouvoir d'achat retrouve son niveau de 2008, le chômage est redescendu autour de 5%, la balance commerciale est positive.

Pourquoi la Grèce est-elle plongée dans une terrible crise humanitaire depuis 5 ans ? Parce qu'elle ne peut ni dévaluer, ni nationaliser ses banques, ni contrôler les mouvements de capitaux, ni prendre des mesures protectionnistes, ni monétiser sa dette ....les traités européens le lui interdisent!

Pour «s'en sortir» il faudrait sortir de la zone euro et de l'Union européenne ! Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour dire que la construction européenne est un carcan et l'euro une camisole de force.

*Place du Parlement au centre de Reykjavik : célèbre place, lieu de toutes les manifestations et où se trouve une plaque qui porte cette inscription: « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.» ( article 35 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen 24/06/1793 )

On voit que la Révolution française a eu une forte influence jusqu'en Islande!

 

Sources: Vive la banqueroute ! (François Ruffin , Fakir éditions )

CADTM ( cadtm.org)

L'Islande ( Michel Sallé, ed. Karthala)

AAA ( damien Millet et Eric Toussaint, Seuil )

 

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