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Quelle réponse politique à la montée du FN?

Lu sur le site de l'Humanité, signalé par El Diablo (mis en ligne en mars 2015)

  • Une alternative aux replis communautaires par Stéphanie Roza, professeure de philosophie politique

 

L’heure n’est pas à hurler au fascisme : oui, le FN a changé, il a notoirement changé de stratégie. Avant de se précipiter pour faire tomber d’hypothétiques masques et dévoiler la face hideuse de la bête immonde aux yeux d’un peuple qui comprend de moins en moins bien un tel langage, la gauche radicale doit se pencher sur ces transformations, les analyser sans complaisance, mais sans l’hystérie qui trop souvent tient lieu de politique antifasciste. Le FN n’a pas seulement changé par un phénomène naturel de remplacement par lequel, aux nostalgiques de Vichy et aux tortionnaires de la guerre d’Algérie, se substitue peu à peu une génération de politiciens toujours réactionnaires, toujours nationalistes, mais également opportunistes, technocrates…, en un mot, plus « classiques ». Les crânes rasés, les croix gammées, les amateurs de ratonnades n’ont certes pas disparu, mais ils se sont faits plus discrets. Ils font même l’objet de mesures disciplinaires parfois radicales. Des mesures d’affichage ? Sans doute. Mais qui disent quelque chose d’essentiel, pour qui sait l’entendre, des objectifs actuels de ce parti qui, désormais, se rêve sous les ors de la République. Qui, une fois au pouvoir, appliquerait bien évidemment une politique rétrograde, xénophobe, mais ne mettrait personne dans des chambres à gaz. Ni même n’abolirait, vraisemblablement, le suffrage universel.

 

Le FN brigue le pouvoir dans une situation qui n’a pas grand-chose à voir avec celle des années 1930. Il ne dispose pas de centaines de milliers de partisans en uniforme prêts à saccager les permanences des partis de gauche, à en assassiner les militants, à en disperser les meetings. Il dispose, en revanche, d’une base de millions d’électeurs qui, pour la plupart, ne sont pas même prêts à se déplacer à une de ses réunions publiques, mais qui ne comprennent ni n’approuvent ce qu’est devenue la France d’aujourd’hui. Qui sont remplis de méfiance et de préjugés. Qui se sentent bafoués et trahis. Et qui se vengent de tous et de tout en glissant discrètement un bulletin dans l’urne. De ces électeurs, des petits Blancs, pour la plupart, mais aussi désormais des juifs, des Arabes, des Noirs (qui l’eût cru), on a tiré des portraits divers, et qui tous contiennent une part de vérité : petits employés barricadés dans des pavillons dont ils peinent à rembourser le crédit et qui n’ont de l’Autre que l’image renvoyée par un écran de télévision ou d’ordinateur ; chômeurs des territoires saccagés par la désindustrialisation, emplis d’un sentiment de relégation ; petits patrons néo-poujadistes et racistes. Aux opprimés parmi eux, la gauche radicale devrait avoir des choses à dire et à proposer : pour eux, elle devrait substituer à la confusion idéologique et aux stigmatisations une explication rationnelle des causes historiques et économiques de la désagrégation du tissu social, de l’agonie des solidarités, de la montée de l’individualisme consumériste ; proposer une alternative aux replis communautaires en promouvant une société basée sur l’égalité, le progrès culturel, la mixité ; mettre fin au désespoir en redessinant la perspective d’un avenir collectif meilleur. Mais, pour cela, encore faudrait-il être, face au FN, « en ordre de marche »… comme dirait Marine Le Pen. Or la gauche de la gauche est dans un état préoccupant. Déchirée par des dissensions d’appareils, incapable d’ouvrir un vrai et vaste débat sur des sujets brûlants comme la souveraineté nationale, la laïcité, l’école, la forme parti. Incapable de trancher ces questions, de dégager une majorité et de défendre un minimum de positions communes. Manquant d’unité, de contenu idéologique clair, et finalement de courage politique, la gauche de la gauche, depuis la chute du mur, n’en finit plus de se chercher. Trouvons-nous donc enfin, avant qu’il ne soit trop tard.

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