Le harcèlement à l'école
COMMENT LE POUVOIR POLITIQUE SE DÉFAUSSE DE SES RESPONSABILITÉS SUR LE DOS DES ENSEIGNANTS
Une vidéo, commandée et validée par le Ministère de l’Éducation nationale, sous le prétexte salutaire de dénoncer la souffrance à l'école, permet non seulement de ridiculiser le personnel enseignant, mais de porter atteinte à ses compétences, ses responsabilités et plus globalement à son humanité.
Outre ces atteintes insupportables à la dignité du corps enseignant, il s’agit en réalité de démontrer que le service public de l’Éducation nationale n’est plus à la hauteur de sa mission républicaine, qu’il est nécessaire d’en changer, de le « moderniser » de « l’adapter » à la nouvelle société, selon les expressions que l’on nous ressasse à longueur de discours politico-médiatiques.
Prenez le temps de regarder cette vidéo et observez ce qui est distillé le long de ces quelques minutes : un enfant maltraité par d'autres enfants, une enseignante dont le cours n’intéresse personne, une enseignante qui ne voit rien, une enseignante qui n'entend rien, une enseignante qui ne dit rien. Cela ne vous rappelle-t-il pas les trois petits singes célèbres, celui qui se ferme les yeux, celui qui se bouche les oreilles, celui qui s'interdit de parler ?
Est-ce ainsi que vous voyez les enseignants de vos enfants, les enseignants que vous avez eus? En tout état de cause, c'est ainsi que Mme Najat Vallaud Belkacem se les imagine et entend les faire connaître sur les chaînes TV, dans les clips des salles de cinéma. Qui a produit ce message ? : l'industrie Walt Disney avec le concours d'une journaliste d'Europe 1*. Mme Najat Vallaud Belkacem était-elle obligée d'associer une entreprise cinématographique étasunienne à l’Éducation nationale ?
Mais Madame La Ministre, si l’on compare les griefs que ce message formule à l’encontre des enseignants, que dire alors de ceux que l’on peut légitimement formuler à l’égard d’un gouvernement, dont vous êtes le porte-voix consciencieux quel que soit le ministère où l’on vous rencontre ?
Qu’il faille déprécier le service public de l’éducation, réduire ses capacités à remplir sa mission, faire douter les parents qui lui confient leurs enfants, c’est en effet une exigence qu’impose le néo-libéralisme à l’œuvre dans les institutions européennes et que sert un gouvernement dont vous reflétez docilement les orientations.
En cela Madame, vous respectez incontestablement la solidarité gouvernementale. En revanche qu’en est-il du respect que vous devez aux enseignants qui travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles, aux parents que vous leurrez en détournant leur attention des vraies responsabilités, les vôtres, et même aux enfants, victimes ou coupables de harcèlement, en laissant supposer que l’école est le lieu où ils peuvent subir ou exercer ce harcèlement impunément ?…
Nous, MS21, condamnons avec force des procédés irresponsables et indignes de ceux qui prétendent conduire la Nation en se revendiquant du Socialisme et de la République.
* Mise en cause à propos de son clip, Mélissa Theuriau se défend ainsi sur Europe1 (cit. HuffPost aveec AFP. Mis à jour 4/11/2015 ) : « je montre une institutrice qui a le dos tourné comme tous les professeurs et les instituteurs qui font un cours à des enfants et qui ne voit pas dans son dos une situation d’isolement, une petite situation qui est entrain de s’installer et qui arrive tous les jours dans toutes les classes de ce pays et des autres pays …». « Si tous les instituteurs étaient alertes et réactifs à cette problématique de l’isolement on n’aurait pas besoin de former, de détecter le harcèlement, on n’aurait pas 700 000 enfants par an en souffrance. On n’aurait pas non plus des situations de drames et de suicides parce qu’on n’arrive pas à parler aux adultes de cette solitude et de ce sentiment d’injustice ».
On laissera à Madame Mélissa Theuriau la responsabilité d’une diatribe aussi absurde que malhonnête. En revanche, on ne peut dédouaner la ministre qui avalise de tels propos et oublie son rôle, comme ses responsabilités, préférant s‘en décharger sur les enseignants.