À propos des « bruits de chiottes » de Madame Najat Vallaud-Belkacem …
Quand Madame Najat Vallaud-Belkacem veut faire "peuple"... A propos de « Bruits de chiottes »
d’après Claire Polin
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A propos de « Bruits de chiottes »
Chère amie, cher ami,
Si quelque chose mobilise toute l’attention et une grande partie du temps de la ministre, c’est son équipe de communicants. De l’avis même de François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem est « le top de l’accro aux médias ». Croyez-le bien, chacun de ses gestes, le moindre de ses éléments de langage, est minutieusement scruté par ses conseillers avant son passage aux informations.
C’est dire que lorsque la ministre de l’Éducation a répondu, mardi dernier sur France Info, au sujet d’un dîner qu’elle aurait eu à Matignon, qu’elle n’entendait pas commenter des « bruits de chiottes », cela n’avait rien d’un incident de conversation. Bien au contraire. Il s’agissait probablement d’une expression tout à fait choisie, pour se présenter comme moderne, proche de la jeunesse et de sa manière supposée de parler.
On ne saurait lui faire de meilleure réponse que cette enseignante, dont le courrier m’a été transmis ce matin par un de ses collègues, membre de SOS Éducation.
Lisez plutôt :
« Madame la ministre,
Mes élèves à moi apprennent à dire "wesh", "nique", "encule", "salope" dès le primaire.
> Mes élèves à moi grandissent très souvent dans des familles où les parents ne parlent pas français, et où le summum de la réussite consiste à passer manager chez KFC.
> Mes élèves à moi n’écoutent pas Boris Vian et Desproges, ignorent l’existence de Bach et Mahler. Mes élèves à moi n’ont droit qu’à Booba, La Fouine, Orelsan et Gradur.
> Mes élèves à moi doivent passer dix minutes sur chaque vers de Du Bellay pour espérer comprendre quelque chose. Parce que leur référentiel principal, c’est Nabila et Touche pas à mon poste.
> Mes élèves à moi poussent dans un environnement où les filles doivent dès la 6eme s’habiller et se comporter en bonhommes, ou se voiler, si elles veulent avoir la paix. Mes élèves à moi découvrent le porno bien avant d’avoir la chance de rencontrer Balzac.
Nos élèves, madame la ministre, comprennent que s’ils veulent s’en sortir, accéder aux postes que leurs talents et un travail acharné leur feraient mériter, ils doivent d’abord se défaire de leur codes vestimentaires et langagiers, découvrir les pronoms relatifs, atteindre le pluriel et le passé simple, se reposer sur le subjonctif. Ils savent, croyez-moi, madame, que si je m’escrime à leur faire répéter dix fois une phrase avec la bonne syntaxe et le ton juste, c’est parce que je refuse que nos lâchetés et nos faiblesses fassent d’eux ce que la société imagine et entretient : des racailles, des jeunes privés d’avenir car privés d’exigences, de langue, de style, de beauté, de sens, enfin.
Nous luttons quotidiennement au milieu de nos gosses de REP et REP+ contre les "salope !", "sale chien !", "tu m’fous les seum !". Nous luttons pour leur donner une noble vision d’eux-mêmes quand tout pousse au contraire à faire d’eux des êtres hagards, décérébrés, violents. Nous tentons de leur transmettre le Verbe, dans un monde qui ne leur offre qu’Hanouna et Ribéry. Nous ne passons pas nos journées à jouer les thuriféraires de la pensée unique, rue de Grenelle, nous. Nous ne nous faisons pas de courbettes entre deux numéros de cirque à l’Assemblée Nationale. Nous avons les pieds dans la boue, une boue qui nous donne quelquefois la nausée, tant nous sommes seuls, et isolés, et décriés, tant notre tâche paraît ridicule et vaine.
Quand donc, à la radio, madame la ministre, vous lâchez votre "bruit de chiottes", en bonne petite bourge qui ne voudrait pas avoir trop l’air d’être loin du petit peuple, qui ne voudrait surtout pas faire le jeu de cet abominable élitisme dont tout le monde sait que notre société crève, n’est-ce pas, quand donc vous vous soulagez verbalement, ce n’est pas tant votre fonction que vous abîmez : c’est notre travail auprès des élèves, nos mois d’épuisement et leur espoir, nos années de travail et leurs efforts, nos séances passées à essayer de leur dire que ce n’est pas parce que ce monde-ci est laid qu’il faut lui ressembler.
Vous avez réussi, en quelques mois, à démontrer avec éclat votre conformisme, votre arrogance, votre paresse intellectuelle. Nous n’ignorions rien de tout cela. Désormais, nous savons que vous êtes aussi vulgaire. On ne vous mettra pas de 0/20, puisque vous avez aussi décidé que l’évaluation, c’était mal, péché, Sheitan, vilainpasbeau. Vous aurez simplement gagné le mépris absolu de milliers d’enseignants qui bien souvent, eux aussi, quand ils sont un peu à bout, aimeraient en lâcher une bonne grosse bien vulgaire, en classe, mais se retiennent, par souci d’exemplarité. »
Je crois que l’on ne saurait mieux dire... n’hésitez pas à faire suivre ce message à vos amis !
Claire Polin
Présidente de SOS Éducation