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Mercosur: l’affront de la triple alliance fait au processus bolivarien


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Dans un geste sans précédent, les ministres des affaires étrangères du Brésil, de l’Argentine et du Paraguay ont refusé la participation du Venezuela à la réunion du Mercosur le mercredi 14 décembre à Buenos Aires. La « chancelière de la dignité » Delcy Rodriguez a critiqué la volonté de la « Triple Alliance » de porter un coup fatal au processus d’intégration latino-américaine initié par Hugo Chavez.

 

Accompagnée de son homologue bolivien David Choquehuanca, la chancelière vénézuélienne s’est rendue sur place pour dénoncer le caractère illégal de cette réunion convoquée par l’Argentine et rappeler que la présidence du Mercosur est toujours assurée par son pays. En effet, l’Argentine doit présider cette institution uniquement à partir du 1er janvier.

Suite à la déclaration de la triple alliance en faveur de la suspension du Venezuela de cet organisme le 2 décembre, ce pays a eu recours à un dispositif de résolution des conflits, le « Protocole des Oliviers », et obtenu l’appui du gouvernement uruguayen de Tabaré Vazquez. Après sa visite en Argentine, Delcy Rodriguez s’est rendue à Montevideo le jeudi 15 décembre pour poursuivre les négociations.

 

Le « cachet impériale » de la triple alliance

 

Lors de la rotation de la présidence au MercoSur qui avait eu lieu le 1er août, les gouvernements de Temer, Macri et Cartes avaient exprimé leur non reconnaissance (1) du transfert de fonctions de l’Uruguay au Venezuela et refusé de participer au traditionnel Sommet de Présidents pour le transfert de fonctions au sein du Mercosur. La raison invoquée était un soi disant manque de respect des libertés démocratiques par le gouvernement de Nicolas Maduro.

À ce propos, il convient de rappeler que dans son rapport rendu public fin juillet 2015 le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies avait approuvé la gestion de l’exécutif vénézuélien, saluant l’implémentation du « Pacte International des Droits Civiques et Politiques » (PIDCP). (2) En plus, contrairement au Brésil, l’Uruguay ou l’Argentine, le Venezuela est le seul pays a avoir signé le « Protocole de Montevideo d’engagement avec la démocratie au Mercosur » (Protocolo de Ushuaia II). Quant au Paraguay, il a explicitement voté contre sa ratification en octobre 2012.

Les représentants de la triple alliance ont exprimé plusieurs fois leur soutien à la droite vénézuelienne et remit en cause la prise de fonctions au Mercosur par le Venezuela en le qualifiant de « régime autoritaire ». En réalité, la droite de la Triple Alliance n’ attendait qu’une seule chose : la répétition au Venezuela du schéma de coup d’Etat en douce qui réussit au Brésil.

Faute d’arguments valables en faveur de l’exclusion du pays du Libertador Simon Bolivar, la triple alliance s’est cachée derrière une salve d’accusations dont l’expression juridique est très douteuse voire inexistante. Après avoir invoqué dans un premier temps le prétexte du respect des droits de l’homme, le 2 décembre dernier la Triple Alliance a notifié au Venezuela la « suspension par non conformité des obligations assumées » lors du Protocole d’Adhésion en 2012.

Or, l’accusation de ne pas avoir suffisamment intégré les règles du Mercosur ne tient pas debout, car dans l’espace de quatre ans le pays bolivarien a intégré 1.479 règles sur un total de 1 563. Autrement dit, le Venezuela a intégré une moyenne de 295 règles par an, tandis que le Paraguay, l’Uruguay, le Brésil et l’Argentine n’ont intégré qu’une moyenne de 36-44 règles chaque année. (3)

 

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Brésil, Argentine et Paraguay : des gouvernements démocratiques ?

 

Mais là où le bât blesse, c’est le manque d’autorité morale des gouvernements de la triple alliance. Pour rappel, avant d’arriver au gouvernement, Mauricio Macri avait promis le « changement ». Un an après, ses mesures phares sont loin d’enthousiasmer le peuple argentin. Les deux cents mille licenciements de travailleurs, la révélation de l’évasion fiscale dans le scandale des Panama Papers lui ont valu des critiques généralisées. Quant à l’embastillement à Jujuy de la militante pour le droit au logement Milagro Sala, cela a déclenché une vague de solidarité internationale qui ne cesse de grandir. Le groupe de travail contre les détentions arbitraires de l’ONU  a réclamé sa libération immédiate à l’approche de l’anniversaire de son emprisonnement il y a un an. (4)

Les actuels gouvernements du Paraguay et du Brésil sont, quant à eux, le résultat de deux coups d’Etats, et sont donc peu crédibles lorsqu’il s’agit de donner des leçons en matière de démocratie…Au Paraguay, le procès politique parlementaire débouchant sur la destitution du président Fernando Lugo eut lieu suite à une investigation sur la répression des forces policières dans des affrontements avec les paysans. Pourtant, quatre ans après, les responsabilités derrière le massacre de Curuguaty n’ont pas encore été élucidées malgré les efforts déployés par des associations et des forces politiques progressistes. (5)

Au Brésil, la destitution illégale de Dilma Rousseff s’est produite suite à un acharnement médiatique et judiciaire sans que son implication dans des cas de corruption n’ait été prouvée. Très rapidement, un vaste programme de coupes budgétaires dans le domaine de la santé et l’éducation a été mis en route à travers une réforme constitutionnelle (Proposition d’Amendement Constitutionnel; PEC 55 dans l’original, ndlR). Des associations ont dénoncé ce projet de loi très controversé auprès de l’Organisation des Etats Américains (OEA). (6) Son but est d’empêcher tous les investissements dans le secteur public pour une durée de 20 ans. Ironie du destin, le principal responsable de la destitution de Dilma Roussef, l’ex-président de la chambre de députés Eduardo Cunha, a été condamné à de la prison pour corruption dans l’affaire Petrobras.

 

« Venezuela est Mercosur »

 

La droite est donc à l’offensive et, faute de légitimité, elle est pressée de démanteler les conquêtes de ses prédécesseurs dans le progrès social et la lutte contre les inégalités et la pauvreté. Son intolérance envers le processus bolivarien n’a d’égal que la conscience de la fragilité de son propre projet, qui est lié à la spoliation de l’avenir des peuples. En réalité, depuis la victoire de Mauricio Macri lors des élections en Argentine il y a un an, et l’arrivée au pouvoir de Michel Temer par le biais d’un coup d’État au Brésil, la droite latino-américaine a pour objectif prioritaire de détruire l’héritage de la décennie d’or qui mit un terme à la longue nuit du néolibéralisme.

Comme l’a signalé la chancelière vénézuélienne, aux yeux de Temer, Macri et Cartes, le rôle que le Venezuela joue comme membre du Mercosur représente « un obstacle pour les négociations de libre commerce ». Elle a aussi alerté sur le projet qui se cache derrière cette attaque: « ce n’est pas l’occurrence d’un fonctionnaire, il s’agit d’un plan de restauration (conservatrice) ». Rodriguez a indiqué que l’attaque contre le MercoSur n’est que la première phase d’un « processus historique de déconstruction du politique par le capital », où la phase suivante serait le « démantèlement des autres organismes d’intégration régionale comme l’UNASUR ou la CELAC ». (7)

Dans les années 1990 et au début des années 2000, la crise du modèle néolibéral arriva à son comble avec le « corralito » en Argentine. Cette recette semblait avoir ses jours comptés depuis qu’en 2005 Lula, Kirchner et Chavez rejetèrent l’ALCA à Mar del Plata. Avec l’adhésion au Mercosur du Venezuela en 2012, la dynamique du processus bolivarien d’intégration semblait irréversible. Mais il est aujourd’hui menacé par la formation de la triple alliance conservatrice. Désormais, cette union géopolitique stratégique entre les pays du Cône Sud et le Brésil n’est plus mise au service des peuples de Notre Amérique.

Mais l’histoire montre que le virage à droite toute peut avoir des effets inattendus. La triple alliance serait-elle en train de creuser sa propre tombe ? L’intérêt des peuples est de s’unir contre ses oppresseurs. Il est temps que la deuxième indépendance, celle de l’émancipation économique et sociale des peuples latino-américains, puisse enfin voir le jour.

 

Notes:

 

1) Venezuela: Boicot en MercoSur de Argentina y Brasil tiene « sello imperial », 05-8-16, CNN en espanol http://cnnespanol.cnn.com/2016/08/05/venezuela-boicot-en-mercosur-de-argentina-brasil-y-paraguay-tiene-sello-imperial/

2) Comité de Derechos Civiles y Políticos (CCPR) – Venezuela (2015), publié le 23 juillet 2015 http://acnudh.org/comite-de-derechos-civiles-y-politicos-ccpr-%e2%80%93-venezuela-2015/

3) Conférence de presse de Delcy Rodriguez à la Casa Amarilla, 7 décembre 2016. https://www.youtube.com/watch?v=9GMD_TdUAgI

4) Arbitrary Detention: UN expert group releases 21 Opinions on detention cases from 17 countries http://www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20820&LangID=E#sthash.ZZ3rPXIU.dpuf

5) Pire, selon la version qui a prévalu, le massacre aurait eu lieu à cause d’une embuscade préparée par les paysans. Quant aux 7 exécutions extra-judiciaires de paysans (sur un total de 10 paysans assassinés), elles ont été considérées comme étant de la légitime défense exercée par les policiers. En échange, onze paysans sont en train d’être jugés pour la mort de six policiers.

http://www.nodal.am/2016/06/paraguay-a-cuatro-anos-de-la-masacre-de-curuguaty-la-justicia-se-prepara-para-condenar-solo-a-los-campesinos/

6) Organizaciones brasilenas denuncian recortes en salud y educacion ante la OEA http://www.nodal.am/2016/12/organizaciones-brasilenas-denuncian-recortes-en-salud-y-educacion-ante-la-oea/

7) Déclarations à la presse de Delcy Rodriguez à la Casa Amarilla, 9 décembre 2016.

 

53, Chaussée de Haecht

 

Source: Le Journal de Notre Amérique

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