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La France, sponsor des terroristes ? Soutien diplomatique et militaire à des États totalitaires (3/10)

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Le gouvernement français déborde d’imagination dès lors qu’il s’agit de trouver des solutions antidémocratiques aux attentats de Paris. Mais a-t-il sondé les causes de ces terribles événements? Les relations qu’entretient la France avec des dictatures proches des mouvements terroristes n’ont-elles aucune incidence? Qu’en est-il des projets d’Erdogan et de son implication dans le conflit syrien? Un partenaire de choix?


 

« C’est le grand paradoxe de l’action gouvernementale actuelle. On pleure sur les conséquences des attentats [du 13 Novembre 2015] qui sont terribles mais on ne s’interroge jamais sur les causes. Évidemment, notre politique étrangère a un rôle fondamental pour expliquer ces attentats. C’est dramatique mais on a aidé, formé, financé indirectement le terrorisme en soutenant l’opposition à Bachar al-Assad. Pour ce qui est de l’Arabie Saoudite et du Qatar, c’est encore pire. Et il y a une complicité fondamentale entre le Qatar et l’Arabie Saoudite et ce qui se passe en Syrie. Ces pays-là financent la mouvance salafiste, la mouvance la plus radicale de l’islam, et en plus sont des facteurs de la déstabilisation de la Syrie. Comme le dit le juge antiterroriste Marc Trévidic, prétendre lutter contre le terrorisme en serrant la main du roi de l’Arabie Saoudite, c’est un peu comme si on prétendait lutter contre le nazisme en invitant Hitler à sa table.[1]  »

Charles-Henri Gallois[2]

 

Comme le rappelait l’ancien chef du renseignement français Alain Chouet en juillet 2015, « au Moyen-Orient, au Sahel, en Somalie, au Nigeria, etc., nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène terroriste[3] ». En effet, la France est l’alliée géostratégique d’États totalitaires qui financent le terrorisme international, qui torturent, bombardent et assassinent allègrement les populations d’autres pays ou leur propre peuple dans l’indifférence la plus totale et sous l’attentisme pathologique de l’ONU. Ces États, non contents de jouir de la plus grande impunité devant les instances internationales, sont de surcroît soutenus par la so-called « communauté internationale », qui se rend de fait complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ces États sont les suivants : la Turquie, le Qatar, l’Arabie Saoudite, les États-Unis et Israël.

 

La Turquie et les « rebelles syriens »

En mai 2015, le journal turc Cumhuriyet a révélé que des armes à destination des rebelles syriens transitaient par la frontière turco-syrienne dans des camions[4], sous le nez du gouvernement turc. Selon un article du Monde, « des documents officiels publiés sur Internet ont affirmé que les camions appartenaient aux services de renseignements turcs (MIT) et transportaient armes et munitions destinées aux rebelles islamistes syriens en guerre contre le président Bachar Al-Assad.[5]» Un rapport de l’ONU publié en décembre 2013 accusait déjà le gouvernement turc d’avoir livré des armes aux « rebelles syriens » (47 tonnes d’armes livrées entre juin et décembre 2013[6]), ce qui avait été confirmé en janvier 2014 par des enquêtes[7] de journalistes en Turquie qui avaient révélé le soutien du gouvernement turc aux opposants syriens à Bachar Al-Assad.

La Turquie est aussi soupçonnée de fermer les yeux, voire d’encourager et de faciliter  le passage vers la Syrie de jihadistes venus du monde entier pour rejoindre les rangs, entre autres, du groupe syrien Jabhat al-Nosra (« le front pour la victoire »), un groupe jihadiste affilié à al-Qaïda[8].

Enfin, la famille du président turc Recep Tayyip Erdoğan est accusée par la Russie d’acheter le pétrole en provenance des territoires contrôlés par l’État islamique en Syrie, participant ainsi directement au financement du groupe terroriste. Le vice-ministre de la défense russe Anatoli Antonov a déclaré le 2 décembre 2015 : « Vous ne vous posez pas de questions sur le fait que le fils du président turc s’avère être le dirigeant d’une des principales compagnies énergétiques et que son beau-fils a été nommé ministre de l’énergie ? Quelle merveilleuse entreprise familiale ! [9]». En effet le fils du président turc, Bilal Erdoğan, possède le groupe BMZ spécialisé dans les travaux publics et le transport maritime. Et Berat Albayrak, le gendre de Recep Tayyip Erdoğan, dirigeait la Çalık Holding, un conglomérat actif dans le secteur des textiles, de l’énergie, de la construction, de la finance, de la logistique et des médias. Depuis novembre 2015, Berat Albayrak est même devenu le nouveau ministre turc de l’Énergie dans le gouvernement de Ahmet Davutoğlu. Un rapport d’une entreprise norvégienne d’hydrocarbures va dans le même sens, accusant la Turquie d’acheter à bas prix le pétrole des zones contrôlées par l’État islamique[10].

Ainsi, le gouvernement turc souhaite s’inscrire en Grand timonier dans le plan de remodelage du Moyen-Orient (BMENA) imaginé par les États-Unis (voir partie 4/10). Le 16 février 2004 Recep Tayyip Erdoğan – à l’époque Premier ministre de Turquie – l’a clamé fièrement : « l’Amérique a un projet du Grand Moyen-Orient ou Moyen-Orient élargi. Diyarbakir[11] pourrait être au centre de ce projet. Nous devons y parvenir[12] ». Il a d’ailleurs déclaré la Turquie « co-présidente de l’initiative[13] », l’autre pays co-président étant implicitement les États-Unis.

L’auteur belgo-turc Bahar Kimyongür nous explique en quoi cette initiative  s’apparente à un vaste programme d’ingérence étrangère : « basé sur le principe de création d’un arc sunnite chapeauté par la Turquie, cette stratégie vise à neutraliser les turbulences des chiites d’Iran, d’Irak, du Liban et de leur allié syrien[14] ». Des câbles fuités par Wikileaks « révèlent que Washington envisageait de remplacer le régime syrien par une coalition comprenant [l’ancien vice-président de la Syrie] Abdel Halim Khaddam et les Frères musulmans de Syrie.[15] » Abdel Halim Khaddam est proche du milliardaire Saad Hariri, fils de l’homme d’affaires libanais Rafiq Hariri assassiné en 2005 à Beyrouth. Saad Hariri est, comme son père, proche de la famille royale saoudienne, et « a fourni de grosses quantités d’armes aux terroristes syriens[16] » selon Bahar Kimyongür.

 

Source: Investig’Action

Notes:

[1]              . Victoria ISSAÏEVA, « Créer de nouvelles alliances au nom de la lutte contre l’EI », Sputniknews.com, 26 novembre 2015.

[2]              . Responsable national du parti de l’Union Populaire Républicaine pour les questions économiques.

[3]              . Alain CHOUET, « Nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène djihadiste », Humanite.fr, 3 juillet 2015.

[4]              . Cumhuriyet.com.tr, 29 mai 2015.

[5]              . « Un journal turc publie les images d’armes livrées par la Turquie aux djihadistes en Syrie », Lemonde.fr, 29 mai 2015.

[6]              . « Report: Turkey Shipped Arms to Syria Rebels », Naharnet.com, 16 décembre 2015.

[7]              . Hélène SALLON, « L’étrange soutien de la Turquie aux réseaux djihadistes de Syrie », Lemonde.fr, 24 janvier 2014. & Fehim TASTEKIN, « Turkish intelligence service trucks reveal secrets », Al-monitor.com, 20 janvier 2014. & Fehim TASTEKIN, « Turkey declares vanishing truck to Syria ‘state secret’ », Al-monitor.com, 7 janvier 2014.

[8]              . « Report: Turkey Shipped Arms to Syria Rebels », Naharnet.com, 16 décembre 2015.

[9]              . « La Russie accuse « Erdogan et sa famille » d’être impliqués dans le trafic de pétrole avec l’EI », Lemonde.fr, 3 décembre 2015.

[10]            . « Norway Confirms ISIS Oil Sold into Turkey at Low Prices », Geopolitics.co, 20 décembre 2015.

[11]            . Grande ville kurde au Sud-Est de la Turquie.

[12]     . Bahar KIMYONGÜR, Syriana, la conquête continue, Investig’Action, 2011, p. 115.

[13]     . Idem, p. 116.

[14]     . Ibidem.

[15]     . Idem, p. 127.

[16]     . Idem, p. 125.

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