L’élection de Donald Trump : les naufragés et le canot de sauvetage
Rappelons une évidence : depuis un demi-siècle les peuples sont malmenés par la logique financière et ultralibérale qui sévit de façon hégémonique sur notre planète ; ils souffrent. Le peuple des États-Unis ne fait pas exception et l’épicentre de la crise financière de 2008 était bien le comportement scandaleux des banques américaines qui ont poussé méthodiquement les classes populaires non solvables à s’endetter pour acquérir leur logement. On connaît la suite : environ douze millions de familles expulsées de leur maison et réduites à dormir dans leur voiture à l’intérieur de parkings aménagés alors que les pouvoirs publics sauvaient les banques au prix d’une vague d'austérité brutale qui s’est propagée jusqu’en Europe. Quarante-trois millions d'étatsuniens sont réduits à vivre de coupons alimentaires.
Dans ces conditions, crier à la surprise et à la stupeur après l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, revient à s’étonner que des naufragés s’agrippent à la première planche qui s’offre à eux. C’est ne pas comprendre le désarroi et l’exaspération d’un peuple qui ne veut plus être balloté au gré d’intérêts financiers – ceux des banques d’affaires de Wall Street, de Goldman Sachs entre autres, si proches d’Hillary Clinton - et se retrouver relégué dans des zones sinistrées, cette « ceinture de rouille » ancien cœur industriel des États-Unis devenu une zone de chômage de masse et de misère.
Sauve-qui-peut…
On nous dira que parmi ces naufragés du libéralisme qui portent leur espoir sur le vote Trump, certains sont racistes, beaucoup sont blancs et que leur principal souci n’est pas la construction d’un ordre économique alternatif et socialisé. C’est vrai. Au MS21 nous aurions préféré que d’autres choix soient proposés au peuple américain et notamment celui porté par le candidat démocrate Bernie Sanders dont la campagne a été exemplaire. Mais cette critique - relayée en boucle par nos perroquets médiatiques - fait fi de deux constats. D’une part, aux États-Unis comme en France, l’ordre dominant est verrouillé par un bipartisme qui disqualifie toutes les candidatures non conformes à l’orthodoxie libérale et les dirigeants démocrates n’ont pas hésité un seul instant à favoriser outrageusement Hillary Clinton dans la course présidentielle.
La suite
Il est évidemment prématuré de faire des prévisions sur la façon dont Donald Trump va conduire son pays. Son programme propose des mesures favorables aux classes populaires : développement des infrastructures (mille milliards de dollars sur dix ans), dénonciation du libre-échange généralisé (dont le TAFTA), apaisement des relations internationales (notamment avec la Russie). D'autres mesures plus inquiétantes reprennent les fondamentaux du parti Républicain : baisse de la fiscalité pour les plus riches, chasse aux immigrés, remise en cause des accords de Paris sur le climat...
Mais, dès à présent, en Europe et dans le reste du monde, cette élection interpelle tous les acteurs politiques.
Aux dirigeants, elle montre que rien ne peut se faire durablement contre les peuples. S’ils devaient continuer à mépriser l’expression des peuples comme ils l’ont fait en 2005 en France et aux Pays-Bas, en Grèce en 2015, comme ils le font à l’occasion de la signature des traités de libre-échange ou comme ils semblent vouloir le faire en Angleterre en ne reconnaissant pas le Brexit, ils s’exposeraient à d’autres cinglants désaveux dont l’intensité ne pourra que s’amplifier.
Aux militants progressistes et laïques, elle montre l’urgence qu’il y a à construire une nouvelle embarcation porteuse de l’émancipation sociale . A défaut, d’autres rafiots sont déjà à flot et d'autres apprentis dictateurs n’attendent qu’un nouveau naufrage systémique pour récupérer toutes les victimes égarées d’un capitalisme prédateur .