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  • Livre : Hold-up sur le climat

     

    Couverture Hold Up sur le climat
     

    Après « Hold up sur l’alimentation », le CETIM publie : « Hold-up sur le climat », un ouvrage réalisé par GRAIN, à la suite d’un travail de 25 années, en partenariat avec les mouvements sociaux et les organisations de défense des cultures alimentaires locales.

     

    Ce livre rappelle comment et pourquoi la souveraineté alimentaire est centrale dans la mise en place d’une solution pérenne et juste pour les peuples. Du lien oublié entre alimentation et crise climatique, au contrôle exercé par les multinationales, en passant par l’accaparement des terres et la lutte semencière, GRAIN dresse une analyse scientifique complète de l’état du système alimentaire mondial et de ses enjeux planétaires. Pour vous donner un avant goût, en voici un petit extrait :

    «  Ruée vers l’or bleu en Afrique : derrière chaque accaparement de terres, un accaparement de l’eau

    Sans eau, pas de production alimentaire En Afrique, une personne sur trois souffre de pénurie d’eau et le changement climatique va encore aggraver les choses. Les savoirs locaux sur les systèmes extrêmement sophistiqués de gestion de l’eau en Afrique pourraient contribuer à résoudre la crise qui se développe, mais ce sont justement ces systèmes qui sont actuellement détruits par un accaparement des terres à grande échelle au prétexte que, sur ce continent, l’eau est abondante, sous-utilisée et prête à être exploitée pour une agriculture tournée vers l’exportation.

    GRAIN examine l’actuelle ruée sur les terres en Afrique pour mettre à jour la lutte globale de ce qui est de plus en plus considéré aujourd’hui comme une marchandise plus précieuse que l’or ou le pétrole : l’eau. L’Alwero, une rivière de la région éthiopienne de Gambela, représente à la fois une identité et un moyen de subsistance pour le peuple autochtone des Anuak, qui pratiquent depuis des siècles la pêche dans ses eaux et l’agriculture sur ses berges et les terres environnantes. Certains Anuak sont des éleveurs nomades, mais la plupart sont des agriculteurs qui se déplacent vers des zones plus sèches à la saison des pluies avant de revenir sur les berges de la rivière. Ce cycle agricole saisonnier permet d’entretenir et de maintenir la fertilité du sol. Il permet également de structurer la culture autour de la répétition collective de pratiques agricoles traditionnelles en lien avec les pluies et les crues dans la mesure où chaque communauté s’occupe de son propre territoire et des eaux et terres agricoles qui en font partie.

    Au cours des dernières années, des sociétés saoudiennes ont acheté des millions d’hectares à l’étranger pour produire des denrées alimentaires qui sont ensuite réimportées en Arabie saoudite. L’Arabie saoudite ne manque pas de terres pour la production alimentaire. Ce qui manque dans le Royaume, c’est l’eau, et ses entreprises vont la chercher dans des pays comme l’Éthiopie. Une nouvelle plantation dans la région de Gambela, propriété du milliardaire saoudien Mohammed al-Amoudi, est irriguée avec de l’eau prélevée dans la rivière Alwero. Des milliers de personnes dépendent de l’eau de cette rivière pour leur survie, et les projets d’irrigation industrielle d’Al-Moudi pourraient mettre en péril l’accès à cette ressource. »

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  • Serons-nous toujours « une guerre en retard » ?

    On peut reprocher beaucoup de choses aux dirigeants des Etats-Unis et à la CIA, mais pas d’être des fainéants. Depuis plus de vingt ans que j’étudie leurs stratégies de guerre et de désinformation, j’ai constaté qu’ils cherchent sans cesse à « faire mieux ». De chaque guerre, réussie ou non, ils tirent des enseignements et améliorent leurs méthodes pour la fois suivante. Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Libye, Syrie, et bien d’autres : à chaque guerre, je découvre de nouveaux trucs et de nouveaux procédés. Très créatifs, vraiment !

     

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    Mais le « printemps » arabe n’est pas une guerre, diront certains. Bien sûr que si. La guerre ne se mène pas seulement par des bombes, c’est toute forme d’agression visant à imposer le pillage et le maintien des injustices. Manipuler les révoltes arabes pour les saboter, c’est aussi une forme de guerre, non déclarée. Les bombes ont été remplacées par Twitter et les G.I.’s par des experts en ‘com’ aux valises remplies de dollars.

    Il est donc très important de comprendre les nouvelles méthodes qui ont été employées pour piéger les peuples et l’opinion internationale. Bien analyser les armes et les stratégies de son adversaire, n’est-ce pas la première étape pour lui résister efficacement ? C’est donc avec un grand plaisir que je salue et recommande la remarquable enquête d’Ahmed Bensaada. Notre équipe Investig’Action a jugé important de mettre à disposition de chacun son livre Arabesque$.

    Ahmed Bensaada pose toutes les questions qui préoccupaient chacun de nous :
    - Si vraiment les Etats-Unis ont soutenu le « printemps » arabe pour aider « la démocratie », comment se fait-il que cette lutte n’ait touché aucune des monarchies pétrolières ?


    - Vu que les Etats-Unis avaient installé, financé, armé et protégé le tyran Moubarak, pourquoi n’a-t-on entendu aucun slogan anti-US dans les rues du Caire ? Pourquoi n’y a-t-on pas, comme ailleurs, brûlé le drapeau étoilé ? Pourquoi leur ambassade est-elle restée à l’écart de toute contestation ?


    - Les multinationales US ayant une sainte horreur du syndicalisme et des revendications ouvrières, pourquoi Washington a-t-elle soutenu en Egypte des grèves qu’elle aurait condamnées partout ailleurs ?


    - Est-il exact que les grandes multinationales du Net Facebook, Google, Twitter ou Yahoo ont collaboré très étroitement avec le Département d’Etat US et la CIA ?


    - Et ces fameux cyberactivistes égyptiens et tunisiens, tout d’un coup placés sous les projecteurs, savaient-ils que les aides financières et les formations que Washington leur avait généreusement offertes depuis quelques années, étaient organisées aussi avec la complicité d’Israël ?


    - Pourquoi les dirigeants de ces cyberactivistes égyptiens voulaient-ils absolument cacher qu’ils avaient été formés par un théoricien US nommé Gene Sharp, un des principaux stratèges de la politique impériale des Etats-Unis, déjà impliqué dans de nombreux renversements de gouvernements « gênants » ? Parce qu’ils savaient que la rue les aurait immédiatement rejetés ?


    - Pourquoi ces « révolutions » qui avaient tout pour réussir puisqu’elles combinaient une puissante révolte populaire et le soutien généreux de la plus grande puissance mondiale, pourquoi ont-elles abouti trois ans plus tard à…rien du tout ? Les injustices perdurent, l’insécurité a augmenté, certains pays ont carrément sombré dans l’anarchie et le chaos et enfin, les forces populaires sont partout profondément divisées. Et si c’était le but ?

    Tant de questions cruciales pour nous citoyens, et jamais posées dans les médias !

    D’où viennent les dollars ?

    Non seulement Ahmed Bensaada pose les bonnes questions, mais il y répond. Son enquête minutieuse part de la question centrale : d’où viennent les dollars ? Arabesque$ suit à la trace tous les organismes impliqués dans les financements qui ont démarré bien avant le « printemps » et ont permis aux Etats-Unis de contrôler cette révolution populaire et de la neutraliser en douceur. On voit la CIA et ses intermédiaires préparer soigneusement le terrain de la révolte qui arrive pour éviter qu’elle n’aille trop loin. Comment ? En achetant ceux qu’elle va ensuite propulser sous les projecteurs médiatiques internationaux.

    Bensaada montre comment, pour réussir ce tour de force, Facebook, Google, Twitter et tous les géants technologiques ont travaillé main dans la main avec la CIA, les ambassades et le département d’Etat. Hillary Clinton et avant elle, Donald Rumsfeld, ministre de la Guerre de Bush, avaient tous deux bien compris qu’à présent la guerre se mène en premier lieu sur la Toile… En fait, ces pratiques ne sont pas vraiment nouvelles. En 2000, nous attirions l’attention sur le financement par la CIA du groupe soi-disant « étudiant » Otpor qui permit de renverser le gouvernement yougoslave de Milosevic.

    Ce que les bombes de l’Otan n’avaient pu réussir au printemps 99 (au contraire, elles avaient ressoudé les rangs serbes), les valises de dollars et les experts en ‘com’ made in USA l’avaient réalisé pour beaucoup moins cher un an plus tard. La chercheuse US Eva Golinger avait retrouvé la trace des mêmes « communicateurs », des mêmes experts, des mêmes financements dans la préparation du coup d’Etat anti-Chavez au Venezuela en avril 2002.

    Lorsqu’Investig’Action avait publié en français son livre « Code Chavez », en 2005, nous avions en préface souligné que les « experts » d’Otpor avaient exporté leur savoir-faire dans de nombreux pays, avec la bénédiction (et les dollars) des USA pour les débarrasser de gouvernements dérangeants. Entre parenthèses, qu’arriverait-il si une puissance étrangère s’avisait, de la même façon, de financer aux Etats-Unis des partis, des médias, des syndicats ou des ONG en vue d’influencer la politique de ce pays ? Eh bien, une telle ingérence serait immédiatement poursuivie en justice car elle contrevient à la loi « Foreign Agents Registration Act ». Pourtant, les Etats-Unis ne cessent de faire à l’étranger ce qu’ils interdisent sur leur propre territoire !

    Et voilà qu’Ahmed Bensaada, grâce à une lecture attentive des documents US, nous démontre que les mêmes réseaux sont toujours à l’œuvre, cette fois au Caire et à Tunis. Et il éclaire très bien le mobile de cette soudaine générosité révolutionnaire de Washington. Le cœur du problème a été expliqué par la Rand Corporation, bureau d’études de l’Armée US : « Compte tenu de la réputation populaire négative actuelle des Etats-Unis dans la région (du Moyen-Orient), le soutien américain aux initiatives de réforme sera mieux réalisé par des institutions non gouvernementales et sans but lucratif. Le gouvernement américain devrait encourager les ONG à offrir de la formation aux réformateurs ». Attention, ceci a été écrit en 2008, donc trois ans avant le « printemps ». Par une institution militaire qui recommande donc de remplacer l’US Air Force par des ONG et les missiles par Twitter.

    Cette stratégie n’est pas tout à fait nouvelle : dans les années 60, Kennedy avait déjà développé des « ONG » non seulement pour « mener la lutte contre le communisme », mais surtout pour prendre le contrôle de certains pays intéressants pour les multinationales US. Mais à présent que la puissance impériale des Etats-Unis décline de même que leurs capacités d’interventions militaires directes, on recourt de plus en plus au « soft power », un impérialisme « intelligent » basé sur la manipulation plus que sur la brutalité visible.

    Nulle raison de se réjouir pourtant : quand la manipulation des « révolutions » échoue, la violence prend vite le relais comme on a pu le voir en Ukraine (recours à des milices fascistes), en Syrie (envoi de milices terroristes), au Venezuela (tentatives de coups d’Etat avec des agents provocateurs) et ailleurs. En fait, manipulation et violence vont de pair.

    Changer un petit peu pour que rien ne change

    Au Caire et à Tunis, Washington a poursuivi ses objectifs habituels mais par des moyens plus subtils. Quels objectifs ici ? Non pas favoriser une révolution, mais l’empêcher. En effet, qu’est-ce qu’une révolution ? Un soulèvement populaire pour mettre fin à l’injustice et redistribuer équitablement les richesses. Ce dont Washington ne veut évidemment pas. La révolution a donc été remplacée par un simple changement de têtes. On a détourné la colère vers la seule personne du tyran pour protéger ceux qui l’avaient fait président : cette élite égyptienne corrompue et richissime, mais surtout ces multinationales US qui ont toujours sucé le sang de l’économie de ce pays. Sans oublier la complicité d’Israël, détesté dans les rues du Caire mais adoré dans les palais et les états-majors.

    L’analyse très détaillée et complète de Bensaada le confirme : c’est bien ce conseil de la Rand qui fut à la base de la politique des Etats-Unis dans certaines parties du Moyen-Orient. Changer un peu pour que rien ne change. Pour y parvenir, le meilleur moyen n’est-il pas d’agir en coulisses ? De sélectionner, financer, former et guider ceux qu’on va, le moment venu, propulser à la tête du mouvement de masse afin de le contrôler et d’éviter qu’il ne devienne dangereux pour Israël et pour l’ensemble des intérêts US.

    Entendons-nous bien, les masses du Caire et de Tunis avaient mille raisons de se soulever contre leurs despotes et leurs exploiteurs. Il y avait déjà eu des grèves fortes et des révoltes spontanées. Et c’est justement parce que les ambassades US, ces nids d’espions, avaient bien pris la température du mécontentement, qu’il fut décidé de prendre les devants et de laisser tomber deux marionnettes âgées, usées et qui ne pourraient plus servir longtemps. On attendait l’étincelle opportune. La mise en scène du « printemps » arabe par les Etats-Unis, c’est au fond la technique qu’emploient les pompiers lorsqu’un grand incendie menace la forêt : allumer eux-mêmes un feu plus petit et bien contrôlé afin de couper l’herbe au plus grand incendie qui menace.

    D’ailleurs, il est frappant de voir que les cyberactivistes ont été très vite mis au service du candidat de rechange Mohamed El Baradei, que Washington a tenté d’imposer sur la scène médiatique avant d’y renoncer car il manquait de crédibilité. Ceci dit, pour les Etats-Unis, peu importe le candidat finalement retenu, pourvu qu’il soit docile.

    Serons-nous toujours une guerre en retard ?

    A juste titre, le livre de Bensaada tire la sonnette d’alarme et rejoint nos préoccupations. Pourquoi n’y a-t-il plus personne dans nos rues quand Washington déclenche une guerre, un coup d’Etat ou une autre forme d’agression ? Pourquoi le mouvement anti-guerre a-t-il disparu ?

    Dans le temps, lorsque les Etats-Unis entraient en guerre ou fomentaient un coup d’Etat, les manifestations étaient fortes. Les intellectuels de la gauche européenne avaient à chaque fois le sain réflexe de se demander : où sont les intérêts économiques et stratégiques, quelles sont les classes en présence, quelles infos nous manquent dans la propagande officielle ?

    Ainsi, nous étions des millions dans la rue contre la guerre du Vietnam ou le coup d’Etat au Chili. Il y eut encore une remarquable mobilisation contre la guerre d’Irak en 2003 (exceptionnelle parce que le mouvement altermondialiste s’était relancé et que Bush avait affiché un cynisme très maladroit). Mais aujourd’hui, plus rien de tout cela : les guerres impériales sont devenues « humanitaires », les coups d’Etat « démocratiques » et les valises de dollars de la CIA de la « philanthropie ». Aujourd’hui, il n’existe plus de mouvement anti-guerre et à chaque fois, le peuple de gauche est profondément divisé. Hasard ?

    La question que nous pose le livre de Bensaada est donc très importante : après tant de manipulations et de médiamensonges (Irak, Palestine, Yougoslavie, Venezuela, Cuba, Bolivie, Honduras, Mali, Côte d’Ivoire, Ukraine, Zimbabwe, Erythrée, Somalie, Libye, Syrie et d’autres encore), qu’avons-nous appris ? Après la manipulation et le torpillage de la révolte du peuple égyptien et du peuple tunisien, qu’avons-nous appris ? Allons-nous, comme les dirigeants US, tirer des leçons pour faire mieux la prochaine fois ou serons-nous toujours une guerre en retard ?

    La lecture d’Arabesque$ ne doit pas nous décourager. Au contraire. La manipulation des Etats-Unis repose sur le mensonge. C’est aussi son point faible : une véritable information peut servir d’antidote.

    En effet, si Washington, sachant qu’une révolte arabe était inévitable, l’a neutralisée en plaçant à sa tête des marionnettes (conscientes ou non, c’est secondaire) qui n’avaient aucun programme pour résoudre les problèmes du peuple, notre alternative en découle logiquement... Pour réussir, une révolte populaire devra absolument : 1. Proposer un programme de revendications s’attaquant réellement à l’injustice et à la pauvreté. 2. Populariser sur le Net les mouvements et figures qui présentent de véritables analyses indépendantes. 3. Démasquer préventivement et en permanence les « nouveaux habits » de la CIA, ses nouvelles méthodes pour tromper et diviser les gens. Tout cela de façon internationalement coordonnée. Nous avons besoin de construire une info qui aide à résister.

    Telle est justement la mission que s’est fixée notre équipe d’Investig’Action. Bien sûr, nos moyens sont forcément limités : dès que vous décidez de dire toute la vérité sur les Etats-Unis, vous pouvez oublier les valises de dollars et vous serez même diabolisé et censuré. Aussi, pour réaliser cette mission, nous ne pouvons compter que sur le soutien et la participation active de tous ceux qui recherchent la vérité. Il faut s’organiser.

    Je suis convaincu que le livre d’Ahmed Bensaada vous sera d’une aide précieuse sur cette voie de la lutte sans illusions. Bonne lecture !

    Michel Collon Bruxelles, octobre 2015

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  • A l’origine du 1er mai : Lucy Parsons, la veuve des martyrs de Chicago


    par Hernando Calvo Ospina

     

     
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    Peu avant sa pendaison, Albert écrivit à Lucy : « Tu es une femme du peuple, et je te confie au peuple… ». Le Congrès des Ouvriers Socialistes qui se tenait à Paris en 1889 déclara le 1er mai comme la journée internationale des Travailleurs et des Travailleuses. C’était en hommage aux cinq martyrs de Chicago. L’année suivante, cette journée fut commémorée pour la première fois. Lucy était déjà connue comme « La veuve mexicaine des martyrs de Chicago ».

     



    Encore, en 1920, la police de Chicago considérait Lucy Gonzàles comme « plus dangereuse que mille révolutionnaires ».

    Elle naquit esclave en 1853, dans un hameau du Texas, un territoire qui cinq ans auparavant faisait partie du Mexique. Elle était la fille d’une mexicaine noire et d’un indien de l’Alabama. A trois ans, elle devint orpheline. Et, à peine put elle travailler qu’on l’envoya dans les champs de coton.

    Elle se maria à 19 ans avec Albert Parsons, jeune vétéran de la guerre de sécession (1860-1864). Ils étaient, pour ainsi dire, considérés comme un couple illégal. La mixité raciale était pratiquement interdite dans les états du sud. La participation à la vie sociale ne leur était pas facile, compte tenu qu’ils faisaient partie du petit nombre d’activistes autour de la question des noirs en terres racistes". Les menaces de mort à leur encontre les obligèrent de partir à Chicago en 1873.

    A peine posés leurs pauvres effets que déjà ils participaient à la vie politique. Pour assurer leur subsistance, Lucy décida de confectionner à domicile des vêtements pour les femmes. Ce travail était couplé avec sa participation au travail à l’imprimerie. Elle commença à écrire des articles dans le journal The Socialist . Puis ils participèrent à la création de The Alarm, organe de l’Association Internationale des Travailleurs, connu comme étant « l’Internationale Anarchiste ». Elle écrivait des articles sur le chômage, le racisme, ou sur le rôle des femmes dans les organisations politiques. Lucy rencontra un bon accueil au sein des organisations ouvrières, principalement dans les fabriques de textiles. C’est là que l’exploitation était la plus féroce.

    Ses deux grossesses ne l’empêchèrent pas de poursuivre ses activités : mais, souvent, elle quittait les réunions dans les ateliers presque au bord de l’accouchement. Avec le soutien d’Albert elle se décida à participer à la création de L’union des Femmes Ouvrières de Chicago. En 1862, cette organisation fut reconnue par « l’Ordre des Nobles Chevaliers du Travail », une sorte de fédération. Une grande avancée : jusqu’alors, le militantisme féminin n’était pas admis.

    Elle pouvait toujours compter sur Albert et lui-même pouvait compter sur elle. De lui, non seulement elle avait l’appui politique mais ils partageaient le soin apporté à leurs fils et au foyer.

    La lutte pour la journée de huit heures devint la principale revendication nationale. Il faut dire que les petites filles et les femmes devaient travailler entre quinze ou dix-huit heures par jour pour gagner à peine de quoi se nourrir.

    Le président Andrew Johnson avait décrété une loi qui promulguait la journée de huit heures mais quasiment aucun Etat ne l’appliqua.

    Les travailleurs appelèrent à une journée de grève pour le 1er mai 1886. Aussitôt, la presse se déchaîna. Le 29 avril l’Indianapolis Journal parla « des violentes diatribes de truands et démagogues qui vivent sur le dos des impôts versés par les hommes honnêtes ».

    Comme en d’autres occasions Lucy et Albert marchèrent avec leurs enfants. Les Parsons étaient tendus et prudents parce que le Chicago Mail, dans son éditorial, avait traité Albert et d’autres compagnons de lutte de « voyous dangereux restés en liberté ». Et exigeait de «  les dénoncer dès aujourd’hui. Les montrer du doigt. Les considérants comme des fauteurs de trouble, les rendre responsables de toutes les difficultés qui pourraient survenir ».

    A Chicago où les conditions de travail étaient pires que dans d’autres villes, les grèves et les mobilisations se poursuivirent. Pour le 4, un rassemblement fut organisé au Haymarket square. Albert fut l’un des orateurs.

    Le rassemblement se termina sans incident. A peu près 20 000 personnes y participèrent. Au moment de la dispersion, il commençait à pleuvoir. Les Parsons décidèrent d’aller prendre un chocolat au Salon Zept’s. Il restait Quelques 200 manifestants sur la place. Un gros contingent de policiers chargea. Une bombe de fabrication artisanale explosa tuant un officier. La troupe ouvrit le feu. On ne connut jamais le nombre exact de morts. L’état d’urgence et le couvre-feu furent déclarés. Les jours suivants des centaines d’ouvriers furent jetés en prison. Certains furent torturés.



    31 personnes furent accusées dont 8 resteront incriminés. Le 21 juin le procès débuta. Après s’être entretenu avec Lucy, Albert se présenta face à la cour déclarant : « Nos honneurs, je suis venu afin que vous me jugiez avec tous mes compagnons innocents ». Le procès fut une mascarade faisant fi des normes élémentaires de la justice. La presse se lança dans une campagne de dénonciation. Ce fut un procès politique car rien ne pouvait être prouvé quant aux responsabilités des accusés. Un véritable lynchage. Le jury déclara les huit accusés coupables. Parmi eux, trois furent condamnés à la prison et cinq à la pendaison. Parsons faisait partie des condamnés à mort.

    José Marti, le futur apôtre de l’indépendance de Cuba était présent dans la salle. Le 21 octobre le quotidien argentin La Nation publia un article. Il y décrivait le comportement de Lucy lorsque la sentence fut prononcée : «  La mulâtre de Parsons, inflexible et intelligente comme lui, qui parle avec une vibrante énergie dans les rassemblements publics, qui ne se décourage pas comme souvent les autres, là, elle resta fière et ne fit apparaître aucun mouvement sur son visage lorsqu’elle entendit la condamnation. […]. Elle appuya une joue contre son poing fermé, regarda dans le vide, ne proféra aucune parole ; on put noter un tremblement de son poing, allant croissant… »

    Lucy, accompagnée de ses fils commença à parcourir le pays pendant presque une année en informant sur le procès. Elle parlait la nuit et voyageait le jour, envoyait des centaines de lettres aux syndicats et à diverses organisations politiques, aussi bien aux Etats-Unis que dans le reste du monde. La solidarité qui se leva, alors, fut immense.

    Le 11 novembre 1887 la sentence s’exécuta. Des années plus tard, Lucy se rappelait le matin où elle conduisit ses fils sur le lieu où se tenaient les condamnés. Elle demanda «  laissez ces enfants dire leur dernier adieu à leur père ». La réponse fut immédiate. « Nous restâmes enfermés dans le local de la police, pendant que s’exécutait le délit monstrueux ».

    Peu avant sa pendaison, Albert écrivit à Lucy : «  Tu es une femme du peuple, et je te confie au peuple… »

    Le Congrès des Ouvriers Socialistes qui se tenait à Paris en 1889 déclara le 1er mai comme la journée internationale des Travailleurs et des Travailleuses. C’était en hommage aux cinq martyrs de Chicago. L’année suivante, cette journée fut commémorée pour la première fois.

    Lucy était déjà connue comme « La veuve mexicaine des martyrs de Chicago ».

    Les patrons appliquèrent la journée de Huit heures. Le sacrifice des martyrs ne fut pas vain.

    Après la mort de son époux, Lucy continua à parcourir le pays en organisant les ouvrières et en écrivant dans les journaux syndicaux. En juin 1905, elle fut présente lors de la création de l’Organisation des « Travailleurs Ouvriers du Monde », à Chicago. Seulement 12 femmes y participèrent et Lucy y fut la seule à y prendre la parole. «  Nous autres les femmes de ce pays, nous n’avons aucun droit de vote. La seule manière est de prendre un homme pour nous représenter […] et cela me paraitrait étrange de demander à un homme de me représenter […]. Nous sommes les esclaves des esclaves…  » Elle termina son discours déclarant : « Il n’y a pas de pouvoir humain que les hommes et les femmes puissent obtenir s’ils ne sont pas décidés à être libre ! »

    En ceci, elle fut toujours en opposition avec les féministes. Elle les supportait peu. Elle voyait dans le féminisme un mouvement typique de la classe moyenne. Elle soutenait que ce mouvement servait davantage à une confrontation des femmes contre les hommes. Elle répétait que la libération de la femme ne se ferait qu’avec l’émancipation de la classe ouvrière libérée de l’exploitation capitaliste.

    A 80 ans, Lucy faisait encore des discours sur la place Bughouse de Chicago. Elle continuait à conseiller, à former les ouvriers et les ouvrières. En février 1941, à 88 ans, elle fit sa dernière apparition publique. L’année suivante, le 7 mars, et déjà aveugle, elle mourut dans l’incendie de sa maison. Même morte la police la poursuivit de sa hargne, la considérant toujours comme une menace. Ainsi, des milliers de ses documents et de ses livres furent saisis.

    Publié avec l’autorisation de l’auteur. Ce texte fait partie du livre Latines, belles et rebelles, aux Editions le Temps des Cerises. Paris, mars 2015. 200 Pages, 15 euros.

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  • Nouveau livre de Michel Collon : « Je suis ou je ne suis pas Charlie ? »


    Investig’Action

     

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    Michel Collon publie le premier livre analysant l’attentat à Charlie Hebdo et ses liens avec le Moyen-Orient. Il propose un débat large, respectueux et sans tabous. Pour surmonter le dangereux fossé entre « Charlie » et « pas Charlie ».

     


     

    « Je suis ou je ne suis pas Charlie ? »

     

    Réflexions sur la guerre, le terrorisme, l’islam et la liberté d’expression

     

    320 pages, format poche, 9 euros.

     

    12 questions pour débattre

     

    1. Jihadistes : la France innocente ?

    2. Arabie Saoudite et Qatar financent le terrorisme ?

    3. Les Etats-Unis ont-ils armé ces terroristes ?

    4. Eurojihadistes en Syrie : Opération Ben Laden bis ?

    5. L’antisémitisme se répand : à cause d’Israël ?

    6. Islamisme et islamophobie : musulmans suspects ?

    7. La France, c’est la liberté de la presse ?

    8. Fallait-il publier ces caricatures ?

    9. Qui a rapproché Charlie de l’Otan et de BHL ?

    10. La théorie du complot, un piège ?

    11. Le 11 septembre français : quelles conséquences ?

    12. Que faire ?

    COMMANDER CE LIVRE

    Le premier livre de Michel Collon après Israël, parlons-en ! (2010), La stratégie du chaos et Libye, OTAN et médiamensonges (2011).

    Le premier livre analysant l’attentat contre Charlie, l’ensemble des guerres au Moyen-Orient et 25 années de liens secrets entre USA et Al-Qaïda, puis Daesh. Pour garder la tête froide.

     

    Version e-book : 6 €

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    Offre spéciale avec un livre gratuit

    Qu’est-ce qui pousse de jeunes Français et de jeunes Belges à commettre un tel massacre ? Pourquoi une partie de la population ne se reconnaît pas dans le slogan « Je suis Charlie » ? Michel Collon répond à ces questions en revenant sur les causes profondes des attentats : la guerre là-bas, l’humiliation ici et, entre les deux, un eurojihadisme très organisé.

    Michel Collon enquête sur les dessous du terrorisme dit « islamiste » et son pouvoir d’attraction en France et en Europe. Comment empêcher ces départs vers la Syrie et ces atrocités ? Surtout : que vaut notre information ? Le fossé entre « Charlie » et « pas Charlie » révèle des populations qui s’informent de façon complètement différente, ne croient plus aux mêmes infos et ne se parlent jamais. Les médias, l’école et le débat démocratique doivent s’interroger, les enjeux sont vitaux ! Mais les choses ne bougeront que si chaque citoyen prend en main la bataille pour l’information.

     

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