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  • La guerre du Vietnam n’est pas finie : les séquelles de l’Agent Orange

    par Hai Quang Ho

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    Certes, la guerre du Vietnam s’est terminée il y a 40 ans. Mais elle continue à tuer aujourd’hui. Selon la Croix Rouge, 3 à 4 millions de Vietnamiens sont actuellement handicapés ou présentent de graves maladies liées à l’Agent Orange.

     



    6 avril 2015 : début en France du procès de Mme Nga contre ceux qui ont épandu l’Agent Orange sur le Vietnam : Monsanto, Dow chemical, etc.

    30 avril 2015 : 40e anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam

    Il y a 40 ans, l’armée des États-Unis était chassée du Vietnam. Pourquoi y était-elle allée faire la guerre ? Et quelles sont les séquelles actuelles de celle-ci sur la population vietnamienne ?

    En 1954, après 100 ans de colonisation, la France doit quitter le Vietnam après la défaite de Diên Bien Phu. Les accords de Genève qui mettent fin à « la guerre d’Indochine » contiennent trois dispositions principales :

    1) Le Vietnam est provisoirement divisé en deux régions situées de part et d’autre du 17e parallèle ;

    2) Le Vietnam doit être réunifié en 1956 ; des élections générales doivent se tenir cette année-là pour élire les dirigeants politiques du pays ;

    3) En attendant, la région nord est placée sous l’autorité de Ho Chi Minh ; la région sud, sous celle de l’ex-empereur Bao Dai, avec Ngo Dinh Diem comme premier ministre.

    Dans un contexte international marqué par la Guerre Froide, les États-Unis demandent à Diem de refuser la réunification du pays et l’organisation des élections. Ce non-respect des accords de Genève entraîne la formation d’une opposition politique grandissante qui finira par se transformer en lutte armée pour la réunification du pays.

    La guerre, qui au départ est une guerre civile, va rapidement se transformer en une guerre par procuration opposant le bloc de l’ouest au bloc de l’est. Dès 1961, John Kennedy signe avec le gouvernement du Sud un traité d’aide économique et militaire et les troupes états-uniennes s’installent au Vietnam. C’est le début de la « guerre du Vietnam ».

    Pourquoi les États-Unis vont-ils s’y engager de plus en plus massivement ?

     

    Parce que Washington est persuadé que si le Vietnam passe sous le contrôle de Hanoï, alors, tous les pays de la péninsule indochinoise « tomberont », comme une rangée de dominos, dans le « camp communiste ». C’est la théorie dite des dominos.

    En 1965 débutent les bombardements aériens sur le Nord du pays et l’envoi des premiers conscrits états-uniens au Vietnam. En 1968, il y a 500 000 soldats états-uniens auxquels s’ajoutent des engagés sud-coréens, thaïlandais, australiens… et 700 000 soldats sud vietnamiens. C’est la « guerre totale ». Pour ravitailler en nourriture et en matériels les résistants de la zone sud, un réseau de 2 000 km de sentiers est créé, reliant le Nord Vietnam à la zone sud, en passant par le Laos et le Cambodge. C’est la fameuse « piste Ho Chi Minh ». Elle traverse les montagnes, la jungle. Pour tenter de couper ce cordon ombilical, affamer les résistants et détruire leurs cachettes, l’aviation états-unienne va déverser 80 millions de litres de défoliants sur les forêts et les cultures. Tout est détruit. Le Nord est sous les bombes. À la fin des années 1960, les États-Unis pensent que la guerre est entrée dans le « dernier quart d’heure » et qu’elle va s’achever par l’anéantissement de la résistance vietnamienne.

    Grossière erreur ! En 1968, l’ « offensive du Têt » est lancée. Les soldats nord-vietnamiens et les maquisards du Front National de Libération attaquent simultanément plus de 100 villes et arrivent jusqu’à l’ambassade et au QG états-unien de Saïgon. Ils sont finalement repoussés.

    Mais aux États-Unis, l’effet politique et psychologique de l’offensive du Têt est dévastateur : le gouvernement états-unien pensait que les résistants vietnamiens étaient à bout de souffle. L’offensive du Têt démontre qu’ils sont encore plus forts qu’avant.

    Dès lors, les États-Unis veulent se retirer du Vietnam, mais sans perdre la face, avant une défaite militaire finale. C’est pourquoi ils signent en 1973, avec le Nord-Vietnam et le Front National de Libération, l’accord de Paris. Celui-ci prévoit le retrait de leurs troupes et la fin des bombardements sur le Nord-Vietnam.

    Après le retrait des forces états-uniennes vers le Cambodge, l’armée sud-vietnamienne ne peut résister face à la poussée des troupes nordistes et des maquisards. Saïgon tombe le 30 avril 1975.

    Quel est le bilan ? Pendant la guerre, les États-Unis ont déversé sur le Vietnam 80 millions de litres de défoliants et largué 7 millions de tonnes de bombes, chiffre à comparer avec les 2,5 millions de tonnes larguées par les Alliés sur l’Europe pendant la Seconde Guerre Mondiale.

    Près de 9 millions de militaires états-uniens ont participé à la guerre dont 2,7 millions ont été envoyés au Vietnam. Le coût financier s’élève à 533 milliards de dollars, soit 9 % du PNB de 1970. Du côté vietnamien, la guerre a fait au Nord 1 million de morts, 4 millions de blessés et mutilés, 13 millions de réfugiés. Au sud, il y a eu 685 000 morts, des réfugiés par millions, et les méfaits persistants de l’Agent Orange.

    Certes, la guerre du Vietnam s’est terminée il y a 40 ans. Mais elle continue à tuer aujourd’hui. Selon la Croix Rouge, 3 à 4 millions de Vietnamiens sont actuellement handicapés ou présentent de graves maladies liées à l’Agent Orange.

    En 2004, la VAVA (Association Vietnamienne des Victimes de l’Agent Orange), a déposé une plainte devant le tribunal fédéral de Brooklyn contre les fabricants de l’Agent Orange (Monsanto, Dow Chemical..). Cette plainte a été rejetée en 2005, 2008, puis définitivement en 2009 par la Cour Suprême de Justice des États-Unis. Tout semble alors perdu pour les victimes vietnamiennes. Mais une fenêtre s’ouvre en 2013 quand le Parlement français vote une loi qui restaure la compétence de la juridiction nationale en matière de droit international et autorise une victime française d’un tort commis à l’étranger par un étranger, de porter plainte devant les tribunaux français.

    Cette loi permet aujourd’hui à Mme Tran To Nga, victime Franco-vietnamienne de l’Agent Orange, de porter plainte contre une vingtaine de sociétés chimiques américaines (Monsanto, Dow Chemical…) qui ont fourni l’Agent Orange à l’armée des États-Unis. Ces sociétés savaient pourtant que ce produit contenait de la dioxine de Seveso, le plus violent et le plus difficilement destructible de tous les poisons. Le 16 avril 2015, le procès s’est ouvert devant le tribunal d’Evry. Ce procès sera long, difficile et très coûteux.

    Pour soutenir l’action de Mme Nga, mais aussi financer des opérations chirurgicales au Vietnam, acheter des prothèses, des chaises roulantes… pour les victimes de l’Agent Orange, un concert se tiendra le jeudi 7 mai au Théâtre Sous les Arbres (Le Port ; La Réunion). Il est organisé par Orange DiHoxyn, une association humanitaire née à La Réunion en 2008, et dont la représentante au Vietnam, entre 2009 et 2011, était… Mme Nga !

    Source : Investig’Action

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  • « Pour les USA, seuls les États qui servent leurs intérêts sont des démocraties »

    par Alex Anfruns, Lilia Solano

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    Lilia Solano est une militante colombienne des Droits de l’Homme reconnue. Elle est également membre du Frente Amplio por la Paz (Front Élargi pour la Paix), un acteur majeur dans les revendications de participation populaire en Colombie, dans un contexte de répression généralisée contre les hommes et femmes qui dénoncent le système en place. Dans cette interview accordée en exclusivité au Journal de Notre Amérique, elle décortique les vrais enjeux des pourparlers de paix en cours en Colombie, le rôle des médias dans la diabolisation de l'opposition ainsi que la complicité entre les Etats-Unis et le gouvernement colombien.



    Actuellement, quelle est la situation en Colombie alors que des négociations de paix sont en cours ? Quel processus historique a conduit à la situation actuelle ?

    Je vous remercie infiniment de m’avoir invitée à converser avec vous. Pour commencer, plaçons-nous dans une perspective historique puisque, en Colombie, ont lieu en ce moment des négociations pour arriver à un rétablissement de la paix avec un des mouvements insurrectionnels, une des armées de la guérilla, les FARC, et que nous vivons également une phase préparatoire aux négociations avec la seconde armée de la guérilla, la plus importante, l’Armée de Libération Nationale.

    Ce n’est pas la première fois que l’on essaye de rétablir la paix par le dialogue et la négociation ; par le passé, nous avons connu d’autres tentatives pour trouver un accord de paix négocié. Pensons au processus de paix de Belisario parce c’est à cette occasion que naquit l’Union Patriotique. Il y avait l’intention, le désir, l’effort de faire en sorte que quiconque voudrait s’investir dans la politique pût le faire. Les FARC furent invitées à négocier, d’où le slogan : « Moins de balles et plus de politique ».

    Et un climat favorable fut créé et le pays en vint à croire que cette fois la paix était possible, qu’un chemin négocié avait été trouvé et qu’il nous mènerait à une paix négociée et concertée après des décennies de conflit armé. Mais n’oublions pas que les causes qui conduisent à la naissance de groupes d’insurgés sont la conséquence d’une situation qui perdure encore aujourd’hui : ce terrible fossé qui existe entre les riches et les pauvres, l’extrême concentration de la propriété foncière, l’absence d’un véritable modèle juridique, le type de modèle économique... À cette époque-là, la situation était telle qu’il était impossible que la résistance puisse s’exprimer de façon pacifique et non par les armes.

    Et c’est alors qu’arrive ce processus de paix ; c’est le quatrième... et la réponse à cette signature des accords de paix est une terrible politique criminelle de la part de l’État. Et survient cette alliance que nous, Colombiens, avons si fortement dénoncée, cette alliance des militaires et des paramilitaires, des grands propriétaires fonciers, du patronat... et c’est ce qui a causé la mort d’au moins 5 000 Colombiens qui avaient mis leurs espoirs dans ce parti politique qui s’appelait l’Union Patriotique.

    Ce parti n’était pas seulement constitué de guérilleros qui avaient rejoint le processus de paix, mais il était aussi composé de militants sociaux, de militants des organisations de défense des Droits de l’Homme, de militants issus d’autres partis politiques, attirés par cette possibilité nouvelle de participer au débat politique, et toutes ces personnes avaient rejoint massivement le mouvement. Des listes pour les élections nationales, régionales, locales... avaient été établies... Il y avait tout un climat nouveau autour d’un rêve qui semblait devenir réalité.

    Mais alors, pourquoi ces persécutions politiques, durant toutes ces dernières décennies, contre l’opposition en Colombie ?

    Tout cela a conduit à un génocide, à une tuerie indicible qui a créé une terrible blessure dans notre histoire nationale. Au cours de ces années-là, l’alliance criminelle d’État, au sein de laquelle les paramilitaires ont joué un grand rôle, a non seulement tué et exterminé toute cette élite de dirigeants politiques, mais a également poursuivi sa besogne en assassinant des leaders sociaux, des animateurs de quartiers, des instituteurs, des figures du monde culturel, des syndicalistes, bref : tous ceux qui étaient différents, tous ceux qui étaient critiques, tous ceux qui exprimaient une divergence.

    Être différent était interdit. Et la seule réponse à cette contestation c’était la mort. Alors nous avons commencé à mener un très grand nombre de campagnes pour dénoncer cette situation. Mais il y a eu également une criminalisation de l’esprit critique, de la pensée critique. Et les persécutions envers l’opposition ont atteint un sommet. Ils en sont venus à concrétiser cette idée qu’il fallait éliminer tout opposant, toute personne différente, pas seulement ceux qui expriment un désaccord dans un débat, non, toute personne qui pense différemment. Par exemple apparaît l’idée que le pauvre, lui, est différent. On comprend alors qu’en Colombie, au cours de notre Histoire, il y a eu ce qu’on appelle un « nettoyage social ».

    Nous devons surtout nous poser cette question : mais pourquoi se sont-ils acharnés à détruire l’opposition politique ? La réponse est : parce qu’ils pensent qu’il est moins coûteux d’assassiner que de procéder à des changements structurels. Et aussi longtemps qu’il en sera ainsi, aussi longtemps que l’État garantira l’impunité pour tous ces crimes, cette histoire criminelle n’aura pas de fin. Le plus terrible d’une soi-disant démocratie c’est qu’on l’appelle « démocratie » uniquement parce qu’on y pratique le jeu électoral alors que l’opposition politique y est interdite, alors que penser autrement est considéré comme un crime, alors que la réponse à une pensée critique est la peine de mort, la disparition forcée, la torture... Et, plus terrible que tout cela : le fait que cette situation soit le fruit d’une stratégie voulue et appliquée par l’État lui-même.

    Pouvez-vous nous expliquer comment le Front Élargi pour la Paix travaille pour impliquer la société civile — les femmes, les organisations indigènes... — pour construire une alternative pour le pays, dans un contexte d’une telle gravité ?

    Effectivement, c’est l’histoire de ces 60 dernières années. Mais en Colombie, nous subissons la guerre depuis le temps de la Conquête par les Espagnols, depuis l’époque coloniale. Continuellement ont existé des guerres contre les gens. Le fait même que les personnes assassinées soient des leaders sociaux, politiques, des figures populaires, des personnes impliquées dans la vie des quartiers... cela signifie que ce ne sont pas des assassinats aveugles ; ils sont très ciblés. Aujourd’hui, au cours de ce processus de paix, nous avons décidé que nous refusions de revivre l’histoire de l’Union Patriotique. Nous avons décidé que nous devions, nous, la société, entourer d’une barrière de protection ce processus de paix, le défendre comme notre propre bien. Et, bien entendu, nous avons décidé de mettre en œuvre toute une pédagogie susceptible d’expliquer ce que signifie cette possibilité de parvenir à la paix, chez nous, en Colombie.

     

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  • Le Journal de Notre Amérique n°3

    Investig’Action

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    Fin février, le gouvernement péruvien confirme l'arrivée imminente de plus de 4000 soldats états-uniens sur son territoire. La raison avancée : la lutte contre le narcotrafic. Le 9 mars, le président des États-Unis, Barack Obama, signe un décret considérant le Venezuela comme une « menace extraordinaire et inhabituelle pour la sécurité des États-Unis ». Le vendredi 27 mars, dans le quartier populaire de la Boca à Buenos Aires, les dirigeants conservateurs argentins, dont le maire de la ville Mauricio Macri, reçoivent les épouses des deux leaders d’extrême droite vénézuéliens emprisonnés, Léopoldo Lopez et Antonio Ledezma. Au Brésil, la droite conservatrice en appelle au renversement du gouvernement de la présidente Dilma Rousseff, certains appelant même les États-Unis à l'aide. Qu'est-ce qui relie tous ces événements ? Quel en est le dénominateur commun ? Il s'agit avant tout d'un projet de restauration de l'ordre ancien, celui des oligarchies nationales alliées à l'impérialisme états-unien...

     

    Le Journal de Notre Amérique 3 by Investigaction

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  • Le Québec contre l’austérité

     site du PRCF : www.initiative-communiste.fr

    Comme le soulignent nos camarades québecois, le mouvement populaire est fort quand il associe conscience de classe, conscience nationale et défense de la langue nationale, le français. Et il s’affaiblit quand ce lien se défait. Chez nous aussi la classe ouvrière était forte quand le PCF défendait l’indépendance nationale contre l’Europe atlantique et le tout-anglais impérial ; en attendant, solidarité avec les luttes des communistes et du syndicalistes du Québec (et, faut-il le dire, de tout le Canada).

    Québec : Contre l’austérité : Pour une convergence des mouvements étudiant, syndical… et national !

     

    Marc Laviolette et Pierre Dubuc

    Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

     Il faut saluer le courage, la détermination et la mobilisation du mouvement étudiant en réaction aux mesures d’austérité du gouvernement Couillard (le premier ministre du Québec - Note du MS21). La hargne des forces policières, le mépris de certains commentateurs politiques et les provocations du ministre de l’Éducation illustrent la volonté de ce gouvernement d’en découdre avec les opposants et, par le fait même, de la nécessité pour les forces progressistes d’établir un véritable rapport de forces.

    De toute évidence, le gouvernement compte sur l’essoufflement et l’étiolement du mouvement de grève, sur les divisions au sein du mouvement étudiant et entre celui-ci et les organisations syndicales pour revenir éventuellement à la charge avec l’augmentation des droits de scolarité de 2012.

    Une défaite du mouvement étudiant serait une défaite pour l’ensemble du mouvement d’opposition aux politiques d’austérité. D’où notre appel à la coordination et à la convergence des luttes entre les mouvements étudiant et syndical.

    Une contre-révolution

    Il faut regarder les choses en face. Le gouvernement Couillard a pour objectif de compléter la Révolution néolibérale des années 1980, suivant en cela les préceptes développés dans The Fourth Revolution, le livre de deux journalistes britanniques du magazine The Economist, présenté par le premier ministre Couillard comme étant la bible de son gouvernement.

    Les prescriptions de ses auteurs sont simples : réduction de la taille de l’État, tout en reconnaissant que les syndicats constituent l’obstacle majeur à cette opération; déréglementation et privatisation; gel des salaires dans la fonction publique et plus grand recours à la charité privée; baisse des impôts et hausse de la tarification; soutien à l’école privée; accent sur les droits individuels plutôt que collectifs.

    Cette contre-révolution est aussi antinationale. Que ce soit du point de vue fiscal, environnemental ou de la politique étrangère, avec l’appui à l’aventure guerrière au Moyen-Orient, le gouvernement Couillard accorde son violon sur celui de Stephen Harper.

    Il redécoupe, retaille, raccourcit l’État québécois pour lui enlever toute spécificité nationale afin d’en faire une province comme les autres. Sa volonté, exprimée au cours de la campagne électorale, que tout ouvrier sache l’anglais au cas où un patron étranger s’amènerait sur le plancher de l’usine était annonciatrice de sa politique linguistique.

    Priorité à la lutte contre la pauvreté

    Depuis quelques temps, des commentateurs se gaussent du fait que les inégalités sociales seraient moins accentuées au Québec que dans le reste de l’Amérique du Nord.

    Voilà une bien mince consolation pour le tiers de la population de la Ville de Montréal qui vit dans la pauvreté et ce 45% de la population québécoise trop pauvre pour payer de l’impôt sur le revenu.

    Avec un taux d’endettement sur le revenu disponible, qui dépasse la barre des 146%, des milliers de ménages québécois peinent à joindre les deux bouts et la grande majorité n’a d’autre horizon que de finir ses jours dans l’indigence, faute de pouvoir bénéficier d’un régime complémentaire de retraite.

    Quant aux 530 000 « gras durs » du secteur public ("gras durs" = nantis - note du MS21), à qui le gouvernement offre des augmentations de 0% pour les deux prochaines années, 35% d’entre eux sont à statut précaire et gagnent moins de 25 000 $ par année. Avec les personnes travaillant à temps partiel, c’est 52 % des employés du secteur public qui occupent un emploi atypique et touchent un salaire annuel moyen de 28 035 $.

    Devant une telle situation, il n’est pas étonnant que, « lorsqu’on sonde les Québécois sur le projet qui frappe leur imaginaire, un seul se démarque : mettre fin à la pauvreté », comme le révélait un sondage CROP réalisé pour La Presse+.

    « Presque 40 % des répondants considèrent que l’élimination de la pauvreté est le projet politique qui les fait davantage rêver. C’est loin devant la création de la richesse (18 %), l’amélioration de l’environnement (16 %) et la souveraineté (11 %). » (La Presse+, 29 mars 2015).

    Les péquistes interpellés

    (Note du MS21 : Les "Péquistes" sont les militants et les élus du parti politique souverainiste le Parti Québécois)

    Les résultats de ce sondage constituent un formidable carburant pour la mobilisation étudiante, syndicale et populaire contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard.

    Mais ils devraient également interpeler les militantes et militants du Parti Québécois qui vont bientôt élire leur nouveau chef.

    De toute évidence, la « création de la richesse », qui a constitué le cœur du projet politique du Parti Québécois sous André Boisclair et Pauline Marois (deux anciens dirigeants du Parti Québécois - Note du MS21), ne mystifie plus grand monde. Partout, à travers le monde, « créer de la richesse » a servi d’étendard au néolibéralisme et s’est traduit par une formidable augmentation des inégalités sociales.

    Plus inquiétant encore pour les militants péquistes, le projet qui « frappe l’imaginaire des Québécois » n’est pas l’indépendance et celle-ci n’est plus, dans l’esprit de la majorité, associée, comme elle l’a déjà été, à « mettre fin à la pauvreté ». Autrement dit, le parti politique porteur du projet souverainiste n’est pas au diapason du peuple et de ses organisations!

    André Boisclair avait retenu du New Labour de Tony Blair la nécessité d’une rupture avec le mouvement syndical. La réponse de l’électorat a été sans équivoque : le Parti Québécois a été relégué au rang de tiers-parti.

    Après avoir fait, dans un premier temps, de « l’enrichissement individuel » son credo, Mme Marois a opéré un virage à 180 degrés pour épouser la cause étudiante le temps d’une campagne électorale. Cela lui a permis de prendre le pouvoir, mais la division du vote souverainiste l’a privée d’une majorité.

    À l’élection suivante, mécontents du retour à droite à la faveur du budget Marceau (ministre de l'économie du précédent gouvernement Péquiste - Note du MS21) et de la candidature improvisée de l’anti-syndicaliste Pierre Karl Péladeau (magnat de la presse, de la télévision et de l'édition au Québec - Note du MS21), les progressistes boudèrent les urnes et le Parti Québécois enregistra son pire résultat depuis 1973.

    Croit-on sérieusement aujourd’hui que le Parti Québécois renouera avec le peuple en se donnant comme chef un candidat à l’anti-syndicalisme assumé qui, avec une rémunération annuelle de près de 8,3 millions $ en 2013, fait partie du 0,1% des plus riches au Canada, et dont l’article premier de son programme, si on en croit le titre de l’entrevue qu’il a accordée au Journal de Montréal, est : « Des millionnaires au Québec, j’en veux » ! (Journal de Montréal, 14 mars 2015)

    La règle d’or

    Historiquement, la force du Parti Québécois a toujours été son enracinement dans le peuple. S’il est devenu, aujourd’hui, « un champ de ruines », un parti « sans âme » avec une « absence de vision », comme l’affirme Jacques Parizeau, c’est parce que ses récents chefs ont tourné le dos au peuple en privilégiant la « création de la richesse » à « l’élimination de la pauvreté ».

    Le Québec a été victorieux quand les mouvements syndical et national ont fusionné en un seul et même mouvement de libération nationale et d’émancipation sociale. La lutte contre l’austérité n’échappera pas à cette règle d’or.

    Source L'aut'journal

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  • A l’origine du 1er mai : Lucy Parsons, la veuve des martyrs de Chicago


    par Hernando Calvo Ospina

     

     
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    Peu avant sa pendaison, Albert écrivit à Lucy : « Tu es une femme du peuple, et je te confie au peuple… ». Le Congrès des Ouvriers Socialistes qui se tenait à Paris en 1889 déclara le 1er mai comme la journée internationale des Travailleurs et des Travailleuses. C’était en hommage aux cinq martyrs de Chicago. L’année suivante, cette journée fut commémorée pour la première fois. Lucy était déjà connue comme « La veuve mexicaine des martyrs de Chicago ».

     



    Encore, en 1920, la police de Chicago considérait Lucy Gonzàles comme « plus dangereuse que mille révolutionnaires ».

    Elle naquit esclave en 1853, dans un hameau du Texas, un territoire qui cinq ans auparavant faisait partie du Mexique. Elle était la fille d’une mexicaine noire et d’un indien de l’Alabama. A trois ans, elle devint orpheline. Et, à peine put elle travailler qu’on l’envoya dans les champs de coton.

    Elle se maria à 19 ans avec Albert Parsons, jeune vétéran de la guerre de sécession (1860-1864). Ils étaient, pour ainsi dire, considérés comme un couple illégal. La mixité raciale était pratiquement interdite dans les états du sud. La participation à la vie sociale ne leur était pas facile, compte tenu qu’ils faisaient partie du petit nombre d’activistes autour de la question des noirs en terres racistes". Les menaces de mort à leur encontre les obligèrent de partir à Chicago en 1873.

    A peine posés leurs pauvres effets que déjà ils participaient à la vie politique. Pour assurer leur subsistance, Lucy décida de confectionner à domicile des vêtements pour les femmes. Ce travail était couplé avec sa participation au travail à l’imprimerie. Elle commença à écrire des articles dans le journal The Socialist . Puis ils participèrent à la création de The Alarm, organe de l’Association Internationale des Travailleurs, connu comme étant « l’Internationale Anarchiste ». Elle écrivait des articles sur le chômage, le racisme, ou sur le rôle des femmes dans les organisations politiques. Lucy rencontra un bon accueil au sein des organisations ouvrières, principalement dans les fabriques de textiles. C’est là que l’exploitation était la plus féroce.

    Ses deux grossesses ne l’empêchèrent pas de poursuivre ses activités : mais, souvent, elle quittait les réunions dans les ateliers presque au bord de l’accouchement. Avec le soutien d’Albert elle se décida à participer à la création de L’union des Femmes Ouvrières de Chicago. En 1862, cette organisation fut reconnue par « l’Ordre des Nobles Chevaliers du Travail », une sorte de fédération. Une grande avancée : jusqu’alors, le militantisme féminin n’était pas admis.

    Elle pouvait toujours compter sur Albert et lui-même pouvait compter sur elle. De lui, non seulement elle avait l’appui politique mais ils partageaient le soin apporté à leurs fils et au foyer.

    La lutte pour la journée de huit heures devint la principale revendication nationale. Il faut dire que les petites filles et les femmes devaient travailler entre quinze ou dix-huit heures par jour pour gagner à peine de quoi se nourrir.

    Le président Andrew Johnson avait décrété une loi qui promulguait la journée de huit heures mais quasiment aucun Etat ne l’appliqua.

    Les travailleurs appelèrent à une journée de grève pour le 1er mai 1886. Aussitôt, la presse se déchaîna. Le 29 avril l’Indianapolis Journal parla « des violentes diatribes de truands et démagogues qui vivent sur le dos des impôts versés par les hommes honnêtes ».

    Comme en d’autres occasions Lucy et Albert marchèrent avec leurs enfants. Les Parsons étaient tendus et prudents parce que le Chicago Mail, dans son éditorial, avait traité Albert et d’autres compagnons de lutte de « voyous dangereux restés en liberté ». Et exigeait de «  les dénoncer dès aujourd’hui. Les montrer du doigt. Les considérants comme des fauteurs de trouble, les rendre responsables de toutes les difficultés qui pourraient survenir ».

    A Chicago où les conditions de travail étaient pires que dans d’autres villes, les grèves et les mobilisations se poursuivirent. Pour le 4, un rassemblement fut organisé au Haymarket square. Albert fut l’un des orateurs.

    Le rassemblement se termina sans incident. A peu près 20 000 personnes y participèrent. Au moment de la dispersion, il commençait à pleuvoir. Les Parsons décidèrent d’aller prendre un chocolat au Salon Zept’s. Il restait Quelques 200 manifestants sur la place. Un gros contingent de policiers chargea. Une bombe de fabrication artisanale explosa tuant un officier. La troupe ouvrit le feu. On ne connut jamais le nombre exact de morts. L’état d’urgence et le couvre-feu furent déclarés. Les jours suivants des centaines d’ouvriers furent jetés en prison. Certains furent torturés.



    31 personnes furent accusées dont 8 resteront incriminés. Le 21 juin le procès débuta. Après s’être entretenu avec Lucy, Albert se présenta face à la cour déclarant : « Nos honneurs, je suis venu afin que vous me jugiez avec tous mes compagnons innocents ». Le procès fut une mascarade faisant fi des normes élémentaires de la justice. La presse se lança dans une campagne de dénonciation. Ce fut un procès politique car rien ne pouvait être prouvé quant aux responsabilités des accusés. Un véritable lynchage. Le jury déclara les huit accusés coupables. Parmi eux, trois furent condamnés à la prison et cinq à la pendaison. Parsons faisait partie des condamnés à mort.

    José Marti, le futur apôtre de l’indépendance de Cuba était présent dans la salle. Le 21 octobre le quotidien argentin La Nation publia un article. Il y décrivait le comportement de Lucy lorsque la sentence fut prononcée : «  La mulâtre de Parsons, inflexible et intelligente comme lui, qui parle avec une vibrante énergie dans les rassemblements publics, qui ne se décourage pas comme souvent les autres, là, elle resta fière et ne fit apparaître aucun mouvement sur son visage lorsqu’elle entendit la condamnation. […]. Elle appuya une joue contre son poing fermé, regarda dans le vide, ne proféra aucune parole ; on put noter un tremblement de son poing, allant croissant… »

    Lucy, accompagnée de ses fils commença à parcourir le pays pendant presque une année en informant sur le procès. Elle parlait la nuit et voyageait le jour, envoyait des centaines de lettres aux syndicats et à diverses organisations politiques, aussi bien aux Etats-Unis que dans le reste du monde. La solidarité qui se leva, alors, fut immense.

    Le 11 novembre 1887 la sentence s’exécuta. Des années plus tard, Lucy se rappelait le matin où elle conduisit ses fils sur le lieu où se tenaient les condamnés. Elle demanda «  laissez ces enfants dire leur dernier adieu à leur père ». La réponse fut immédiate. « Nous restâmes enfermés dans le local de la police, pendant que s’exécutait le délit monstrueux ».

    Peu avant sa pendaison, Albert écrivit à Lucy : «  Tu es une femme du peuple, et je te confie au peuple… »

    Le Congrès des Ouvriers Socialistes qui se tenait à Paris en 1889 déclara le 1er mai comme la journée internationale des Travailleurs et des Travailleuses. C’était en hommage aux cinq martyrs de Chicago. L’année suivante, cette journée fut commémorée pour la première fois.

    Lucy était déjà connue comme « La veuve mexicaine des martyrs de Chicago ».

    Les patrons appliquèrent la journée de Huit heures. Le sacrifice des martyrs ne fut pas vain.

    Après la mort de son époux, Lucy continua à parcourir le pays en organisant les ouvrières et en écrivant dans les journaux syndicaux. En juin 1905, elle fut présente lors de la création de l’Organisation des « Travailleurs Ouvriers du Monde », à Chicago. Seulement 12 femmes y participèrent et Lucy y fut la seule à y prendre la parole. «  Nous autres les femmes de ce pays, nous n’avons aucun droit de vote. La seule manière est de prendre un homme pour nous représenter […] et cela me paraitrait étrange de demander à un homme de me représenter […]. Nous sommes les esclaves des esclaves…  » Elle termina son discours déclarant : « Il n’y a pas de pouvoir humain que les hommes et les femmes puissent obtenir s’ils ne sont pas décidés à être libre ! »

    En ceci, elle fut toujours en opposition avec les féministes. Elle les supportait peu. Elle voyait dans le féminisme un mouvement typique de la classe moyenne. Elle soutenait que ce mouvement servait davantage à une confrontation des femmes contre les hommes. Elle répétait que la libération de la femme ne se ferait qu’avec l’émancipation de la classe ouvrière libérée de l’exploitation capitaliste.

    A 80 ans, Lucy faisait encore des discours sur la place Bughouse de Chicago. Elle continuait à conseiller, à former les ouvriers et les ouvrières. En février 1941, à 88 ans, elle fit sa dernière apparition publique. L’année suivante, le 7 mars, et déjà aveugle, elle mourut dans l’incendie de sa maison. Même morte la police la poursuivit de sa hargne, la considérant toujours comme une menace. Ainsi, des milliers de ses documents et de ses livres furent saisis.

    Publié avec l’autorisation de l’auteur. Ce texte fait partie du livre Latines, belles et rebelles, aux Editions le Temps des Cerises. Paris, mars 2015. 200 Pages, 15 euros.

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