Alors qu’en 1990, H.W.Bush promettait à Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’Est, celle-ci a intégré tous les pays de l’Est de l'Europe, anciennes républiques soviétiques. Au sommet de Varsovie les 8 et 9 juillet 2016, il est décidé de doter les États Baltes et la Pologne d'une force permanente de défense afin, selon, son secrétaire général, de négocier avec la Russie en position de force.
Cet élargissement de l'OTAN n’est pas achevé puisque le PPP (Partenariat Pour la Paix) qu'elle dirige permet de monter « des accords de défense » avec, entre autres, les ex-Républiques soviétiques de l’Asie centrale (Azerbaïdjan, Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizstan).
L’encerclement de la Russie serait la conséquence de son attitude expansionniste. Est-ce exact ?
I ) Historique
La fin de la Seconde Guerre Mondiale laisse en Europe un vainqueur prestigieux, l'URSS, situation qui n'est pas sans inquiéter les États-Unis. Ceux-ci développent une stratégie, s'appuyant sur l'Europe occidentale. C'est la politique de l'endiguement définie par le président H.Truman en 1947 : «Je crois que les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d'asservissement […] les protéger de l'avancée communiste». Ce discours pose les bases d'un monde coupé en deux blocs et une volonté des États-Unis d'organiser, de contrôler le bloc occidental. C'est en application de cette volonté que le plan Marshall sera proposé sous condition d'une entente européenne, ce qui aboutit en 1948 à la création de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), qui sera remplacée en 1961 par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). La première construction européenne naît sous l'impulsion des États-Unis et contre l'Union soviétique !
Le volet militaire intégré naît le 4 avril 1949. Dix États d'Europe de l'Ouest (Belgique, Danemark, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni) concluent une alliance militaire défensive avec le Canada et les États-Unis : l'OTAN. Cette organisation intègre les armées européennes dans un système de défense sous commandement des États-Unis, alors seule puissance nucléaire, se portant garant de la défense d'un monde occidental désormais engagé dans la « guerre froide » contre l'URSS et ses alliés.
Après l'intégration de la RFA (République fédérale allemande) dans l'OTAN le 9 mai 1955 l'URSS riposte et organise militairement son propre bloc par la création du Pacte de Varsovie le 14 mai 1955. Pour parfaire l'encerclement du bloc soviétique, les États-Unis mettent en place des clones de l'OTAN : l'Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est (OTASE) en 1954 et le Traité d'Organisation du Moyen Orient (ou pacte de Bagdad) l’année suivante.
II) L'OTAN a perdu sa raison d'être
Avec l'effondrement de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, on pouvait légitimement espérer la fin du monde bipolaire et une organisation multipolaire des relations internationales. Dans ce cadre, l'OTAN - ayant perdu sa raison d'être : lutter contre une éventuelle attaque soviétique - aurait dû être dissoute. Mais la stratégie des États-Unis à travers l'OTAN est de profiter de la relative faiblesse de la Russie en pleine reconversion vers l'économie de marché, pour en provoquer le reflux (Roll Back). C'est à dire expulser la Russie de ses positions traditionnelles, créer une irréversibilité qui assurerait la position hégémonique de l'Empire américain. Dans cette stratégie anti russe l'OTAN tient un rôle de premier plan.
Mais, l’ennemi ayant disparu, comment justifier la persistance de l'Alliance atlantique ?
Les événements du 11 septembre 2001 à New York, permettront de substituer un nouvel ennemi à l'ancien : le TERRORISME. En effet, celui-ci peut frapper aveuglément, n'importe où, n'importe quand et menace donc les intérêts des pays occidentaux.
Un tournant s'opère alors : l'OTAN, organisation en théorie défensive devient ouvertement une organisation militaire offensive, prompte à intervenir partout sur la planète. Pour ce faire, elle renforce ses structures politiques et militaires. Et les États-Unis obtiennent que les forces de l'OTAN puissent intervenir hors de leur zone géographique (l'Atlantique Nord). C'est ainsi que seront menées les guerres en Afghanistan(2001), Irak( 2003), Libye( 2011), Syrie (2011) et Ukraine (2014)...
III) L'OTAN au service des États-Unis
Les Etats-Unis se caractérisent selon E. Todd, "Après l’Empire" (2004) par une économie de prédation. Ils sont importateurs - donc dépendants de l'extérieur - de matières premières et énergétiques, de biens manufacturés et industriels. La lutte pour le contrôle des espaces économiques (surtout énergétiques) est donc vitale pour eux. L'arme commerciale et les divers traités de libre-échange que Washington signe tous azimuts doivent assurer la consolidation de leur hégémonie planétaire, hégémonie mondiale que l'OTAN leur permet de conforter.
Pour ce faire Washington a installé des bases (terrestres, aériennes et navales) sur tous les continents : environ 800 en dehors des États-Unis. Dès 1954 le Pentagone entrepose des armes nucléaires dans plusieurs pays européens - en particulier en RFA et en Turquie - ce qui fait des États-Unis, le seul État nucléaire à stocker des armes nucléaires sur le territoire d'autres États. La France, quant à elle, en a accueilli sur son territoire jusqu'en 1959. Depuis 1991, cet arsenal a été réduit de 80 % .
Ces bases européennes de l'OTAN sont dès le départ conçues pour permettre des interventions hors de l'Europe. En 1958, les États-Unis utilisent les bases françaises pour intervenir au Liban et en Jordanie. Les bases allemandes sont très utiles pendant la guerre au Vietnam et les frappes contre Tripoli et Benghazi en 1986 sont menées à partir des bases britanniques.
IV) OTAN et ONU
L'OTAN s'est auto-proclamée « bras armé de l'ONU » et c'est la seule alliance militaire à laquelle l'ONU accorde la possibilité de mener des opérations internationales y compris en dehors de son aire géographique. A-t-on oublié que OTAN signifie Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ? … En 2003, en Afghanistan, l'OTAN effectue sa première intervention hors du cadre euratlantique.
Mais au-delà de cette « délégation » d'intervention, l'OTAN, dont le commandement général est étasunien, se prétend institution mondiale, « gendarme du monde » et s'affranchit des résolutions de l'ONU. Ainsi au nom de la sécurité du monde, l'OTAN s'arroge indûment des prérogatives qui sont celles du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Elle a ainsi souvent effectué des interventions militaires, des bombardements, sans aucun respect des résolutions votées par l'ONU. Et elle multiplie les violations de la Charte de l'ONU qui dit dans son article 2-4 que les États s'abstiennent, dans les relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force.
V) Relance de la guerre froide ?
«Il est indispensable que l'Amérique [puisse contrer ] toute tentative de restructuration impériale au centre de l'Eurasie, [ce] qui ferait obstacle à son objectif géostratégique numéro un : La mise sur pied d'un vaste système euro-atlantique...» Zbigniev Brzezinski « Le Grand échiquier » 2000 , p.121.
Dans cette logique, pour ce conseiller de la Maison Blanche, l'Ukraine - comme l'Azerbaïdjan et l'Ouzbékistan - est un « pivot géopolitique », un État dont l'importance tient moins à sa puissance réelle qu'à sa situation géographique. L'Ukraine est alors au cœur des stratégies d'alliance opposant l'axe euro-atlantique sous domination des États-Unis et l'axe eurasien sous contrôle russe. Une Ukraine intégrée à l'OTAN aurait une capacité de nuisance sur l'acteur politique majeur qu'est redevenue la Russie. On comprend mieux la volonté farouche de rapprocher l'Ukraine de l'Union européenne via un contrat d'association et de libre échange, premier pas d'une intégration à l'OTAN, et « l'intérêt » des États-Unis pour la révolution kiévienne, comme pour les autres « révolutions colorées » !
Poutine arrive au pouvoir en Russie en 2000, sa politique étrangère n'est en rien hostile à l'Occident car la Russie ambitionne une intégration croissante dans l'économie mondiale de marché. Le projet économique de Poutine est celui d'une « Union économique européenne de Lisbonne à Vladivostok ». Cette orientation remettrait forcément en cause la domination politico-stratégique des États-Unis et, via l'OTAN, en Europe. Surtout elle ouvrirait la voie à un ordre mondial multipolaire dans lequel l'ONU pourrait trouver toute sa place au détriment de l'organisation unilatérale voulue par les États-Unis.
Pourtant, l'attentat terroriste du 11 septembre 2001 aurait pu donner une impulsion aux relations Russie/ États-Unis. Le 13 novembre Poutine et Bush publient une déclaration commune afin de mener une lutte conjointe contre le terrorisme. Le Conseil OTAN-Russie ( COR) est officiellement créé en 2002 date à laquelle Vladimir Poutine signe d'importants accords avec les pays membres de l'OTAN. Il ne s'oppose pas à l'installation de bases américaines en Asie centrale et à leur présence en Géorgie. A l'invasion de l'Irak par l'OTAN, en 2003, Poutine ne réagit pas. Mais cette « entente cordiale » ne va pas résister aux assauts des États-Unis...
Les « révolutions de couleurs » en Géorgie (2003), en Ukraine (2004), au Kirghizistan (2005), soutenues et financées par Washington, vont marquer un tournant de la politique étrangère de Vladimir Poutine. La pression engagée par le Kremlin contre les ONG et les institutions financées par Washington (USAID, NED, …) et par l'Union européenne ne va dès lors cesser de s'amplifier.
A Munich, en février 2007, Poutine dénonce la politique des États-Unis qu'il accuse de vouloir imposer leur système politique et de se lancer dans une nouvelle course aux armements avec leur projet de bouclier antimissiles, en Pologne et en Tchéquie.
Après l'affrontement avec la Géorgie en 2008, l'OTAN suspend jusqu'en 2010 les réunions du COR. Nouvel accroc en 2014 suite au coup d'état occidental en Ukraine et au rattachement de la Crimée à la Russie, suspension du COR jusqu'en 2016...
Enfin, dès 2011, la Syrie est une nouvelle source de tensions...(1)
L'OTAN reproche à la Russie l'usage de la force vis à vis de ses voisins et estime qu'elle reste une menace potentielle. L'Alliance dénonce entre autre l'annexion de la Crimée. Mais que fait-elle du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » ? Le referendum de rattachement, proposant la réintégration de la Crimée à la Russie a recueilli 90% de OUI. Que reprochent les Occidentaux à la Russie ? D’avoir rompu avec la politique d’Eltsine et de défendre ses intérêts nationaux ?
Baptisées « Anaconda » - du nom de ce reptile qui étouffe ses proies - les manœuvres d’une vingtaine d’armées de l’OTAN aux frontières de la Russie ont constitué « le plus grand exercice depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide ». Poutine réplique en installant des missiles iskander à Kaliningrad – l'enclave russe entre Pologne et la Lituanie. La tension monte...
Le dernier sommet de l'OTAN - qui a lieu tous les deux ans - s'est déroulé du 8 au 10 juillet 2016 à Varsovie. Il y a été décidé un renforcement des capacités de commandement de l'Alliance en Europe du Nord et de l'Est, la validation du principe consistant à déployer par rotation une brigade blindée en Europe, c'est-à-dire 4000 hommes envoyés alternativement en Pologne et dans les Pays Baltes pour faire face à la menaçante Russie. C'est ainsi que 72 ans après l’échec des armées nazies devant Leningrad, des blindés allemands se déploient à 150 km de St Petersbourg, dans les Pays Baltes intégrés dans l'OTAN en 2004 et actuellement dirigés par des gouvernements d'extrême-droite.
Nos médias n'en ont pas dit un mot mais nous étions en plein Euro-foot et Tour de France cycliste....
Quant au gouvernement allemand il a adopté le 24 août un plan de défense civile appelant notamment les Allemands à stocker de l'eau à raison de "deux litres par personne et par jour sur une période de cinq jours". Les citoyens sont aussi appelés à stocker suffisamment de nourriture pour pouvoir s'alimenter pendant dix jours. Il prévoit aussi des plans d'urgence en cas d'une interruption de l'approvisionnement en eau ou en électricité ….
VI ) Pourquoi la France doit sortir de l'OTAN ?
Plusieurs raisons nous poussent à dire que la France n'a rien à faire dans cette organisation belliciste, dont le but évident est la domination mondiale avec pour objectif de supplanter l'ONU dans toutes les questions militaires, et d'encercler la Russie en se positionnant au plus près de ses frontières. Ces provocations ne font qu' exacerber les tensions internationales et incitent Vladimir Poutine à augmenter ses crédits militaires .
Depuis que la France a rejoint le commandement intégré de l'OTAN en 2009 à l'occasion du sommet de Strasbourg, elle a accepté, de fait, une soumission à la politique étrangère définie par les États-Unis. Nous avons donc perdu notre indépendance militaire et politique et nous pouvons être entraînés dans des aventures guerrières inconsidérées. Ainsi nos armées sont allées en Afghanistan, en Libye, en Syrie …. Pour y défendre quelle cause? Sans parler du coût en hommes et en argent de ce genre de folies ! La France est responsable et coupable d'avoir contribué à déstabiliser ces pays où règne maintenant le chaos...
La déclaration de De Gaulle lors de sa conférence de presse du 21 février 1966 annonçant la sortie de la France du commandement intégré de l'OTAN, reste d'une brûlante actualité : «…. voici que des conflits où l’Amérique s’engage […], risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est dans l’OTAN celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. […] Enfin, la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée. »
Si la France quittait l'OTAN, imaginez le retentissement sur l'opinion mondiale d'une telle rupture aujourd'hui ! Ce serait un signe très fort pour faire avancer l'exigence d'une politique de paix mondiale et redonner à la France le rang de puissance prestigieuse. Qui a oublié le discours de Dominique de Villepin à l'ONU le 14 février 2003, annonçant que la France ne participerait pas à la guerre en Irak ? Ce discours inoubliable fut applaudi par tous sauf... par les Américains qui lancèrent une campagne de dénigrement de la France aux États-Unis. Et ce fut la dernière manifestation de la souveraineté de la France au plan international.
Tout comme la Russie, la Chine fait l'objet d'une stratégie d'encerclement. Ce pays a déjà le premier PIB mondial derrière les États-Unis et il est prévu qu’il les dépassera d'ici quelques années. Les États-Unis pourront-ils alors maintenir cette suprématie du dollar qui fait leur force ?
Aujourd'hui, on peut légitimement se demander jusqu’où ira l’obsession guerrière de l'OTAN si on n'y met pas fin. Jusqu’où ira la servilité européenne et française ? De plus en plus de voix exigent la sortie de la France de l'OTAN.
MS21 s'est associé à un appel pluraliste lancé par le Comité Valmy en juin 2015 dénonçant l'existence de l'OTAN et appelant au retrait de nos armées du commandement intégré. (2)
Cet appel est malheureusement aujourd'hui plus que jamais d'actualité
(1) http://ms21.over-blog.com/2015/11/le-bourbier-syrien.html
(2) http://ms21.over-blog.com/2015/06/l-otan-n-a-plus-raison-d-etre.html