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  • Poussée djihadiste dans les camps palestiniens du Liban


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    Réalisation : Chris den Hond, 2016 (6 min)

    «  Depuis le milieu des années 2000, il y a un développement exponentiel de groupes djihadistes dans certains camps palestiniens au Liban, comme Ain El-Hilweh  », explique Nicolas Dot-Pouillard, chercheur du programme européen When Authoritarianism Fails In The Arab World (Wafaw). «  Cette tendance s’est renforcée avec la guerre civile en Syrie.  »

    Source : OrientXXI

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  • L'OTAN au service des USA : vers la relance de la guerre froide ?

     

    L'OTAN

    Alors qu’en 1990, H.W.Bush promettait à Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’Est, celle-ci a intégré tous les pays de l’Est de l'Europe, anciennes républiques soviétiques. Au sommet de Varsovie les 8 et 9 juillet 2016, il est décidé de doter les États Baltes et la Pologne d'une force permanente de défense afin, selon, son secrétaire général, de négocier avec la Russie en position de force.

    Cet élargissement de l'OTAN n’est pas achevé puisque le PPP (Partenariat Pour la Paix) qu'elle dirige permet de monter « des accords de défense » avec, entre autres, les ex-Républiques soviétiques de l’Asie centrale (Azerbaïdjan, Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizstan).

    L’encerclement de la Russie serait la conséquence de son attitude expansionniste. Est-ce exact ?


    I ) Historique


    La fin de la Seconde Guerre Mondiale laisse en Europe un vainqueur prestigieux, l'URSS, situation qui n'est pas sans inquiéter les États-Unis. Ceux-ci développent une stratégie, s'appuyant sur l'Europe occidentale. C'est la politique de l'endiguement définie par le président H.Truman en 1947 : «Je crois que les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d'asservissement […] les protéger de l'avancée communiste». Ce discours pose les bases d'un monde coupé en deux blocs et une volonté des États-Unis d'organiser, de contrôler le bloc occidental. C'est en application de cette volonté que le plan Marshall sera proposé sous condition d'une entente européenne, ce qui aboutit en 1948 à la création de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), qui sera remplacée en 1961 par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). La première construction européenne naît sous l'impulsion des États-Unis et contre l'Union soviétique !

    Le volet militaire intégré naît le 4 avril 1949. Dix États d'Europe de l'Ouest (Belgique, Danemark, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni) concluent une alliance militaire défensive avec le Canada et les États-Unis : l'OTAN. Cette organisation intègre les armées européennes dans un système de défense sous commandement des États-Unis, alors seule puissance nucléaire, se portant garant de la défense d'un monde occidental désormais engagé dans la « guerre froide » contre l'URSS et ses alliés.

    Après l'intégration de la RFA (République fédérale allemande) dans l'OTAN le 9 mai 1955 l'URSS riposte et organise militairement son propre bloc par la création du Pacte de Varsovie le 14 mai 1955. Pour parfaire l'encerclement du bloc soviétique, les États-Unis mettent en place des clones de l'OTAN : l'Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est (OTASE) en 1954 et le Traité d'Organisation du Moyen Orient (ou pacte de Bagdad) l’année suivante.


    II) L'OTAN a perdu sa raison d'être


    Avec l'effondrement de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, on pouvait légitimement espérer la fin du monde bipolaire et une organisation multipolaire des relations internationales. Dans ce cadre, l'OTAN - ayant perdu sa raison d'être : lutter contre une éventuelle attaque soviétique - aurait dû être dissoute. Mais la stratégie des États-Unis à travers l'OTAN est de profiter de la relative faiblesse de la Russie en pleine reconversion vers l'économie de marché, pour en provoquer le reflux (Roll Back). C'est à dire expulser la Russie de ses positions traditionnelles, créer une irréversibilité qui assurerait la position hégémonique de l'Empire américain. Dans cette stratégie anti russe l'OTAN tient un rôle de premier plan.

    Mais, l’ennemi ayant disparu, comment justifier la persistance de l'Alliance atlantique ?

    Les événements du 11 septembre 2001 à New York, permettront de substituer un nouvel ennemi à l'ancien : le TERRORISME. En effet, celui-ci peut frapper aveuglément, n'importe où, n'importe quand et menace donc les intérêts des pays occidentaux.

    Un tournant s'opère alors : l'OTAN, organisation en théorie défensive devient ouvertement une organisation militaire offensive, prompte à intervenir partout sur la planète. Pour ce faire, elle renforce ses structures politiques et militaires. Et les États-Unis obtiennent que les forces de l'OTAN puissent intervenir hors de leur zone géographique (l'Atlantique Nord). C'est ainsi que seront menées les guerres en Afghanistan(2001), Irak( 2003), Libye( 2011), Syrie (2011) et Ukraine (2014)...


    III) L'OTAN au service des États-Unis

     

    Les Etats-Unis se caractérisent selon E. Todd, "Après l’Empire" (2004) par une économie de prédation. Ils sont importateurs - donc dépendants de l'extérieur - de matières premières et énergétiques, de biens manufacturés et industriels. La lutte pour le contrôle des espaces économiques (surtout énergétiques) est donc vitale pour eux. L'arme commerciale et les divers traités de libre-échange que Washington signe tous azimuts doivent assurer la consolidation de leur hégémonie planétaire, hégémonie mondiale que l'OTAN leur permet de conforter.

    Pour ce faire Washington a installé des bases (terrestres, aériennes et navales) sur tous les continents : environ 800 en dehors des États-Unis. Dès 1954 le Pentagone entrepose des armes nucléaires dans plusieurs pays européens - en particulier en RFA et en Turquie - ce qui fait des États-Unis, le seul État nucléaire à stocker des armes nucléaires sur le territoire d'autres États. La France, quant à elle, en a accueilli sur son territoire jusqu'en 1959. Depuis 1991, cet arsenal a été réduit de 80 % .

    Ces bases européennes de l'OTAN sont dès le départ conçues pour permettre des interventions hors de l'Europe. En 1958, les États-Unis utilisent les bases françaises pour intervenir au Liban et en Jordanie. Les bases allemandes sont très utiles pendant la guerre au Vietnam et les frappes contre Tripoli et Benghazi en 1986 sont menées à partir des bases britanniques.


    IV) OTAN et ONU

     

    L'OTAN s'est auto-proclamée « bras armé de l'ONU » et c'est la seule alliance militaire à laquelle l'ONU accorde la possibilité de mener des opérations internationales y compris en dehors de son aire géographique. A-t-on oublié que OTAN signifie Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ? … En 2003, en Afghanistan, l'OTAN effectue sa première intervention hors du cadre euratlantique.

    Mais au-delà de cette « délégation » d'intervention, l'OTAN, dont le commandement général est étasunien, se prétend institution mondiale, « gendarme du monde » et s'affranchit des résolutions de l'ONU. Ainsi au nom de la sécurité du monde, l'OTAN s'arroge indûment des prérogatives qui sont celles du Conseil de Sécurité de l'ONU.

    Elle a ainsi souvent effectué des interventions militaires, des bombardements, sans aucun respect des résolutions votées par l'ONU. Et elle multiplie les violations de la Charte de l'ONU qui dit dans son article 2-4 que les États s'abstiennent, dans les relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force.


    V) Relance de la guerre froide ?

     

    «Il est indispensable que l'Amérique [puisse contrer ] toute tentative de restructuration impériale au centre de l'Eurasie, [ce] qui ferait obstacle à son objectif géostratégique numéro un : La mise sur pied d'un vaste système euro-atlantique...» Zbigniev Brzezinski « Le Grand échiquier » 2000 , p.121.

    Dans cette logique, pour ce conseiller de la Maison Blanche, l'Ukraine - comme l'Azerbaïdjan et l'Ouzbékistan - est un « pivot géopolitique », un État dont l'importance tient moins à sa puissance réelle qu'à sa situation géographique. L'Ukraine est alors au cœur des stratégies d'alliance opposant l'axe euro-atlantique sous domination des États-Unis et l'axe eurasien sous contrôle russe. Une Ukraine intégrée à l'OTAN aurait une capacité de nuisance sur l'acteur politique majeur qu'est redevenue la Russie. On comprend mieux la volonté farouche de rapprocher l'Ukraine de l'Union européenne via un contrat d'association et de libre échange, premier pas d'une intégration à l'OTAN, et « l'intérêt » des États-Unis pour la révolution kiévienne, comme pour les autres « révolutions colorées » !

    Poutine arrive au pouvoir en Russie en 2000, sa politique étrangère n'est en rien hostile à l'Occident car la Russie ambitionne une intégration croissante dans l'économie mondiale de marché. Le projet économique de Poutine est celui d'une « Union économique européenne de Lisbonne à Vladivostok ». Cette orientation remettrait forcément en cause la domination politico-stratégique des États-Unis et, via l'OTAN, en Europe. Surtout elle ouvrirait la voie à un ordre mondial multipolaire dans lequel l'ONU pourrait trouver toute sa place au détriment de l'organisation unilatérale voulue par les États-Unis.

    Pourtant, l'attentat terroriste du 11 septembre 2001 aurait pu donner une impulsion aux relations Russie/ États-Unis. Le 13 novembre Poutine et Bush publient une déclaration commune afin de mener une lutte conjointe contre le terrorisme. Le Conseil OTAN-Russie ( COR) est officiellement créé en 2002 date à laquelle Vladimir Poutine signe d'importants accords avec les pays membres de l'OTAN. Il ne s'oppose pas à l'installation de bases américaines en Asie centrale et à leur présence en Géorgie. A l'invasion de l'Irak par l'OTAN, en 2003, Poutine ne réagit pas. Mais cette « entente cordiale » ne va pas résister aux assauts des États-Unis...

    Les « révolutions de couleurs » en Géorgie (2003), en Ukraine (2004), au Kirghizistan (2005), soutenues et financées par Washington, vont marquer un tournant de la politique étrangère de Vladimir Poutine. La pression engagée par le Kremlin contre les ONG et les institutions financées par Washington (USAID, NED, …) et par l'Union européenne ne va dès lors cesser de s'amplifier.

    A Munich, en février 2007, Poutine dénonce la politique des États-Unis qu'il accuse de vouloir imposer leur système politique et de se lancer dans une nouvelle course aux armements avec leur projet de bouclier antimissiles, en Pologne et en Tchéquie.

    Après l'affrontement avec la Géorgie en 2008, l'OTAN suspend jusqu'en 2010 les réunions du COR. Nouvel accroc en 2014 suite au coup d'état occidental en Ukraine et au rattachement de la Crimée à la Russie, suspension du COR jusqu'en 2016...

    Enfin, dès 2011, la Syrie est une nouvelle source de tensions...(1)

    L'OTAN reproche à la Russie l'usage de la force vis à vis de ses voisins et estime qu'elle reste une menace potentielle. L'Alliance dénonce entre autre l'annexion de la Crimée. Mais que fait-elle du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » ? Le referendum de rattachement, proposant la réintégration de la Crimée à la Russie a recueilli 90% de OUI. Que reprochent les Occidentaux à la Russie ? D’avoir rompu avec la politique d’Eltsine et de défendre ses intérêts nationaux ?

    Baptisées « Anaconda » - du nom de ce reptile qui étouffe ses proies - les manœuvres d’une vingtaine d’armées de l’OTAN aux frontières de la Russie ont constitué « le plus grand exercice depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide ». Poutine réplique en installant des missiles iskander à Kaliningrad – l'enclave russe entre Pologne et la Lituanie. La tension monte...

    Le dernier sommet de l'OTAN - qui a lieu tous les deux ans - s'est déroulé du 8 au 10 juillet 2016 à Varsovie. Il y a été décidé un renforcement des capacités de commandement de l'Alliance en Europe du Nord et de l'Est, la validation du principe consistant à déployer par rotation une brigade blindée en Europe, c'est-à-dire 4000 hommes envoyés alternativement en Pologne et dans les Pays Baltes pour faire face à la menaçante Russie. C'est ainsi que 72 ans après l’échec des armées nazies devant Leningrad, des blindés allemands se déploient à 150 km de St Petersbourg, dans les Pays Baltes intégrés dans l'OTAN en 2004 et actuellement dirigés par des gouvernements d'extrême-droite.

    Nos médias n'en ont pas dit un mot mais nous étions en plein Euro-foot et Tour de France cycliste....

    Quant au gouvernement allemand il a adopté le 24 août un plan de défense civile appelant notamment les Allemands à stocker de l'eau à raison de "deux litres par personne et par jour sur une période de cinq jours". Les citoyens sont aussi appelés à stocker suffisamment de nourriture pour pouvoir s'alimenter pendant dix jours. Il prévoit aussi des plans d'urgence en cas d'une interruption de l'approvisionnement en eau ou en électricité ….


    VI ) Pourquoi la France doit sortir de l'OTAN ?

     

    Plusieurs raisons nous poussent à dire que la France n'a rien à faire dans cette organisation belliciste, dont le but évident est la domination mondiale avec pour objectif de supplanter l'ONU dans toutes les questions militaires, et d'encercler la Russie en se positionnant au plus près de ses frontières. Ces provocations ne font qu' exacerber les tensions internationales et incitent Vladimir Poutine à augmenter ses crédits militaires .

    Depuis que la France a rejoint le commandement intégré de l'OTAN en 2009 à l'occasion du sommet de Strasbourg, elle a accepté, de fait, une soumission à la politique étrangère définie par les États-Unis. Nous avons donc perdu notre indépendance militaire et politique et nous pouvons être entraînés dans des aventures guerrières inconsidérées. Ainsi nos armées sont allées en Afghanistan, en Libye, en Syrie …. Pour y défendre quelle cause? Sans parler du coût en hommes et en argent de ce genre de folies ! La France est responsable et coupable d'avoir contribué à déstabiliser ces pays où règne maintenant le chaos...

    La déclaration de De Gaulle lors de sa conférence de presse du 21 février 1966 annonçant la sortie de la France du commandement intégré de l'OTAN, reste d'une brûlante actualité : «…. voici que des conflits où l’Amérique s’engage […], risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est dans l’OTAN celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. […] Enfin, la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée. »

    Si la France quittait l'OTAN, imaginez le retentissement sur l'opinion mondiale d'une telle rupture aujourd'hui ! Ce serait un signe très fort pour faire avancer l'exigence d'une politique de paix mondiale et redonner à la France le rang de puissance prestigieuse. Qui a oublié le discours de Dominique de Villepin à l'ONU le 14 février 2003, annonçant que la France ne participerait pas à la guerre en Irak ? Ce discours inoubliable fut applaudi par tous sauf... par les Américains qui lancèrent une campagne de dénigrement de la France aux États-Unis. Et ce fut la dernière manifestation de la souveraineté de la France au plan international.

    Tout comme la Russie, la Chine fait l'objet d'une stratégie d'encerclement. Ce pays a déjà le premier PIB mondial derrière les États-Unis et il est prévu qu’il les dépassera d'ici quelques années. Les États-Unis pourront-ils alors maintenir cette suprématie du dollar qui fait leur force ?

    Aujourd'hui, on peut légitimement se demander jusqu’où ira l’obsession guerrière de l'OTAN si on n'y met pas fin. Jusqu’où ira la servilité européenne et française ? De plus en plus de voix exigent la sortie de la France de l'OTAN.

    MS21 s'est associé à un appel pluraliste lancé par le Comité Valmy en juin 2015 dénonçant l'existence de l'OTAN et appelant au retrait de nos armées du commandement intégré. (2)

    Cet appel est malheureusement aujourd'hui plus que jamais d'actualité


     

    (1) http://ms21.over-blog.com/2015/11/le-bourbier-syrien.html

    (2) http://ms21.over-blog.com/2015/06/l-otan-n-a-plus-raison-d-etre.html

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  • L'EURO et l'austérité

    Banque Centale Européenne ( Frankfurt)

    Banque Centale Européenne ( Frankfurt)

    La privatisation des emprunts d’État entérinée, organisée par les traités de l’Union européenne (UE) a marqué la fin de la période dite des « Trente glorieuses ». La monnaie, de facilitateur des échanges économiques devient elle-même une marchandise à part entière et objet de transactions. Un tel système a pour fonction d’augmenter les profits des capitaux avec pour corollaire un accroissement de l’appauvrissement de la société civile. Nous évoquerons la mise en œuvre dans l’UE des mécanismes à l’origine des crises que nous connaissons, en Allemagne d’abord où les salariés victimes d’une purge sociale, vont faire les frais de la compétitivité de leur pays. Cette compétitivité qui s’exerce au détriment des autres pays de la zone, conduit ceux-ci à systématiser l’austérité chez eux. C’est à cette contrainte que répond chez nous l’actuelle réforme du code du travail, ce que les responsables politiques se gardent bien de reconnaître. Les règles de la monnaie unique euro systématisent ces contraintes à tous les pays de la zone euro et l’Allemagne qui en est la grande bénéficiaire bloque toute évolution du système.La France dispose pourtant de nombreux atouts pour mettre en œuvre une politique d'émancipation : elle doit retrouver sa souveraineté, reprendre en main son destin et passer de la guerre économique dans l'Union à la coopération européenne.

     

    Dans l'histoire du capitalisme la période qui a suivi le deuxième guerre mondiale, appelée "les Trente glorieuses" constitue une parenthèse incongrue. L'humanité avait failli sombrer définitivement dans la barbarie par la faute d'un capitalisme au comble de sa logique prédatrice. Les gouvernements occidentaux n'étaient pas parvenus à juguler les effets de la crise économique de 1929. Conscients que cette crise avait été la cause de la montée du nazisme et soucieux de préserver les fondements du système, ils entreprirent de le réformer. Pour tenter d'éviter les crises économiques, ils décidèrent de favoriser le pouvoir d'achat par un système de redistribution. Ce système fonctionna aussi longtemps que le capitalisme – dont l'esprit est de viser l'enrichissement d'une minorité – jugea de son intérêt de le tolérer.

     

    Dès 1971, les États-Unis cassaient le système dit de Bretton-Woods qui, établissant une parité entre l'or et le dollar limitait le développement de la finance étasunienne. En France, le 3 Janvier 1973 Valéry Giscard d'Estaing, ministre des finances de Georges Pompidou, ancien fondé de pouvoir de la Banque Rothschild, décidait que L’État Français ne devrait plus se financer auprès de la Banque de France, mais devrait emprunter avec intérêt aux banques privées. Le capital privé prend alors la main sur les dépenses de l’État.

     

    En 1992 le traité de Maastricht va imposer cette règle à l’ensemble de l’Union européenne et il établit pour l’Union européenne une monnaie unique, l’euro.

    En France, dès 1973 des mesures d'économie drastiques destinées à satisfaire aux futurs critères de Maastricht et à rendre la France « euro-compatible » provoquent de facto la baisse du pouvoir d'achat et donc de la consommation. La croissance indispensable aux profits dépendant de la consommation, il importe de la maintenir coûte que coûte. La finance mondiale invente alors les crédits hypothécaires nés de la certitude des financiers, (en réalité de l'illusion) que les prix de l'immobilier ne peuvent qu'augmenter !... Ainsi naît la crise dite des « subprimes » qui partie des États-Unis touche l'Espagne, la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Italie... Peu à peu les ménages les moins aisés ne pourront plus faire face aux échéances. On en connaît les dégâts sociaux... Enfin, les autorités européennes, soucieuses d'élargir l'Union européenne ont fermé les yeux sur le maquillage de la dette grecque - maquillage auquel la banque Goldman Sachs a prêté son concours. Les Européens ont fait le pari que la monnaie unique obligerait les pays à "converger" vers ceux qui sont les plus industrialisés en mettant en œuvre des mesures d'austérité qui favoriseraient leur compétitivité. Pari perdu, nous le voyons tous les jours mais moins douloureusement certes que les Grecs !

    L‘Allemagne donne l’illustration d’un modèle que l’oligarchie occidentale a importé des États-Unis pour prolonger le capitalisme et rendre ainsi les riches de plus en plus riches aux dépens des peuples. Cette stratégie peut conduire à des formes de gouvernements dictatoriales molles si possible ou plus violentes si les circonstances l’exigent. Elle explique également les guerres, au Moyen Orient (Irak, Libye, Syrie) pour conserver l’approvisionnement en énergie, ou en Ukraine pour contenir la concurrence des pays émergents et de la Russie.

    Voyons comment la zone euro, après avoir été mise sous la coupe de quelques grandes banques qui ont entraîné les pays dans la dette, doit maintenant faire face aux conséquences de cette situation désastreuse : les privatisations forcées et l'austérité.

     

    Au commencement : L’austérité en Allemagne.

    En 1995 le PIB allemand par tête était supérieur au PIB français de 17% . En 2009 le PIB par habitant en France était de 29900 euros contre 29100 pour le PIB allemand. Comment expliquer cette surprenante inversion ? On la doit au chancelier social-démocrate Gerhard Schröder qui en 2003 lance un train de réformes libérales qui vont concerner en premier lieu le marché du travail. Considérant qu’il fallait « encourager » les chômeurs à travailler, le chancelier fait appel à Peter Hartz ancien DRH de Wolkswagen et membre du syndicat IGMetall. Ainsi naissent ce que l’on a appelé les Lois Hartz qui méritent d’être évoquées avec précision puisque en France même une note du Trésor ( Lettre N°110 de mars 2013 Trésor – éco ) leur attribue la montée de la pauvreté et des inégalités en Allemagne.

    La loi Hartz I de janvier 2003 définit l’emploi « acceptable ». Avant cette loi les services de l’emploi devait démontrer le caractère raisonnable de l’emploi proposé à un chômeur. Avec cette loi c’est au chômeur de prouver qu’il ne peut accepter telle ou telle offre. Au premier refus le montant de l’allocation est réduit de 30% pendant trois mois, au second il est réduit de 60% pendant trois mois, et au troisième l’allocation est suspendue pendant trois mois.

    La loi Hartz II de janvier 2003 facilite le développement des contrats à salaire modéré d’environ 15 heures hebdomadaires, dits « mini-job » soit 450 euros mensuels depuis 2013 ou les « midi-job » 850 euros mensuels en échange d’une réduction des cotisations pour l’employeur. Les mini-jobs sont soumis à des cotisations patronales réduites ; les midi-jobs eux restent soumis à des cotisations patronales et salariales réduites. Les mini-jobs attirent surtout les étudiants, les femmes et les retraités qui ont besoin d’un complément de revenu. En 2012, 7,29 millions de personnes bénéficiaient d’un mini-job, dont 4,76 millions ne disposaient pas d’autre salaire.

     

    La Loi Hartz III de janvier 2004 restructure l’Office Fédéral pour l‘emploi, supprime les 16 agences régionales pour l’emploi et recentre les services sous le contrôle de l’Agence fédérale installée à Nuremberg. Moins de 150 000 salariés essentiellement de droit privé font fonctionner l’Agence Fédérale pour l’emploi.

    La Loi Hartz IV entrée en vigueur en janvier 2005 durcit les conditions d’indemnisation du chômage en réduisant la période d’indemnisation de 32 à 12 mois, 18 mois pour les chômeurs de plus de 55 ans. Pendant cette période le chômeur peut connaître des régimes différents, 12 mois pendant lesquels il est soumis à des règles incitatives après quoi il passe au régime des minima sociaux (environ 380 euros également soumis à des règles strictes).

     

    Pour lutter contre le chômage de longue durée, la loi encourage les chômeurs de plus de deux ans à se réinsérer sur le marché du travail grâce à des emplois à « un euro » de l’heure avec un maximum de 30 heures par semaine et dont le revenu s’ajoute aux allocations et aides sociales.

    Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que cette purge sociale est une des explications des excédents commerciaux que l’Allemagne accumule. Il en existe au moins une autre, le déficit commercial que connaît l’Allemagne avec des pays comme la République Tchèque, la Hongrie, la Slovaquie. Comment un pays champion du monde pour ses excédents commerciaux peut-il avoir un déficit avec des pays plus pauvres que lui ? L’explication est simple. C’est dans ces pays à bas coût de main d’œuvre et qui dépendent d’elle que l’Allemagne fait fabriquer les pièces détachées dont elle a besoin pour son industrie, pour les voitures, les appareils électro-ménagers estampillés ensuite « made in Germany ».

     

    Grâce aux deux facteurs que sont l’austérité imposée aux travailleurs et l’exploitation d’une main d’œuvre bon marché des pays voisins la compétitivité allemande est supérieure à celle des autres pays de la zone euro. A cela s’ajoutent sans doute d’autres facteurs historiques ou géographiques de moindre importance mais également le fait que nombre de ces pays, dont la France, ont abandonné leur base industrielle. Le seul ressort immédiat dont ils disposent pour accroître leur compétitivité et que les autorités européennes cherchent à leur imposer est l’austérité salariale. En France il est clair que c’est bien la ligne adoptée par le pouvoir et dont les récentes lois Macron et EL Khomri illustrent la mise en œuvre.

     

    L’euro propagateur de l’austérité allemande.

    Certains pays comme la Grande Bretagne pratiquent l’austérité bien que n’étant pas dans la zone euro mais les membres de l’euro-zone y sont contraints par construction, liés qu’ils sont par le partage d’une monnaie unique. L’euro s’apparente bien à une dangereuse utopie et ce pour plusieurs raisons.

    Dès son origine, la zone euro ne présente aucune des caractéristiques  d’une zone monétaire optimale. Rappelons qu’une zone monétaire optimale est une région géographique dont les économies ne connaissent pas de choc entraînant des disparités dans leurs conditions de production, que les capitaux et les travailleurs y circulent sans entrave et qu’il n’y ait pas d’inflation. Ce qui a été développé précédemment montre bien qu’au moins la première et non la moindre de ces conditions n’existe pas dans la zone euro et que l’inflation la plus basse possible qu’exige l’Union européenne peut ne pas convenir de manière identique à toutes les économies.

    Les traités ont érigé en dogme un certain nombre de critères parmi lesquels le fait que le déficit d’un pays soit cantonné à 3% du PIB et sa dette publique à 60%. Depuis le traité de Maastricht ces règles ont été précisées et complétées en 1997, assorties de procédures de contrôle, de surveillance et de sanction puis confirmées lors de l’entrée en vigueur en Janvier 2013 du Traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG).

     

    L’UE récuse toute idée de solidarité entre les pays membres.

    Les traités européens si attentifs à la coordination budgétaire, si enclins à promouvoir la concurrence libre et non faussée ignorent superbement toute notion de solidarité. Les classes moyennes allemandes soumises depuis vingt ans à l’austérité et à une diminution de leur pouvoir d’achat n’entendent pas que l’on vienne en aide aux Grecs à qui l’on impose le remboursement impossible d’une dette qui pour l’essentiel incombe aux banques. La situation de dramatique austérité que connaît la Grèce s’explique ainsi pour une grande part.

    L'Allemagne n’envisage pas davantage l’existence d’États unis d’Europe qui nécessiterait – en cohérence avec la monnaie unique – un autre système budgétaire dont elle serait le plus gros contributeur et qui la contraindrait à renoncer à sa primauté économique. Jacques Sapir en donne l’explication suivante: « La faiblesse de la demande intérieure allemande s’explique par un transfert vers les impôts d’une bonne partie des charges dues par les entreprises… d’une part, les profits des entreprises ont été accrus, ce qui leur a permis d’investir ou de baisser leurs prix pour un taux de profit équivalent, d’autre part la consommation intérieure a été réduite, ce qui a limité les importations sur le marché allemand… Ce sont donc les autres économies qui ont tiré la croissance de la zone euro mais au prix d’un déficit commercial important avec l’Allemagne ». On peut y ajouter le prix de l’affaiblissement de leur tissu industriel et l’accroissement du chômage.

     

    Une politique d’émancipation est-elle possible ?

    En janvier 2016 lors de la conférence dite du plan B, Frédéric Lordon s’exprimait en ces termes : « Ne plus avoir l’austérité et rester dans l’euro, avoir l’euro et la démocratie, ces promesses là sont intenables car elles sont contradictoires et pire que contradictoires, sans compromis possible ». Une partie de la gauche radicale s’est en effet imprégnée de l’idée néolibérale que l’intervention de l’Etat dans l’économie était intrinsèquement nuisible et vouloir contraindre à la solidarité engendre hostilité et ressentiment entre les peuples.

    La solution que serait le renflouement des pays en cessation de paiement par ses partenaires est exclue, de même que le sont la répudiation de la dette ou le renoncement au principe de non renflouement par les émissions monétaires c’est-à-dire par l’inflation. Il faut coûte que coûte sauver l’euro et l’UE et donc imposer aux peuples une austérité sans limite. Les mesures économiques et de lutte contre le chômage mises en œuvre depuis le début du quinquennat de François Hollande attestent clairement de la soumission du pouvoir à l’ordre néolibéral et évoquent fâcheusement les réformes accomplies par l’Allemagne de Schröder au début des années 2000. Il n’est pas inutile de rappeler que François Hollande a rencontré Peter Hartz en 2014 à sa demande, même s’il s’est défendu de vouloir en faire un conseiller. Pour illustrer ce propos on ne saurait passer sous silence les mesures mises en œuvre dans certaines régions, par exemple dans le département du Nord où le nouveau conseil départemental « respecte la loi qui prévoit que dans un premier temps, on peut diminuer de 100 euros le montant du RSA des allocataires qui ne réagissent pas aux demandes de contact » et que « s’il n’y a pas de manifestation de bonne volonté dans les deux mois qui viennent, il peut y avoir une suspension pour quatre mois…» jusqu’à la radiation définitive. (cf. FR3 Nord-Pas de Calais du 11 septembre 2016).

     

    L’Allemagne décidément nous aura beaucoup appris ! La course à la compétitivité donc à l’austérité n’est pas propre à l’UE. Elle caractérise une économie occidentale en régression qui voit dans l’austérité le moyen de préserver les intérêts de l’oligarchie financière. Pour les pays du Sud de l’Europe, le retour aux monnaies nationales permettrait la dévaluation, moyen alternatif à l’austérité pour retrouver une compétitivité dans les échanges internationaux et marquerait un retour à la démocratie. Il est vrai que la sortie de l’euro ne résoudra pas tous les problèmes causés par le néolibéralisme mais elle sera un premier par vers l’affranchissement de la nation du carcan européen. La concurrence des pays à bas coût du travail entraîne la désindustrialisation de la France. Pour remédier à cette spirale nocive, il faut mettre en place un protectionnisme- assorti de collaborations entre États - qui permettrait une lutte efficace contre le chômage. Par ailleurs la possibilité d’emprunter gratuitement à la Banque de France offrirait à l'État français la possibilité d’investir chaque année dans l’économie réelle les 50 milliards d’euros qu'il verse actuellement au titre des intérêts de la dette. La sortie de l’UE telle que nous la connaissons devra donc être la prochaine étape après la sortie de l’euro.

     

    La France est un pays jeune dans l’Union européenne et bénéficie d’une jeunesse éduquée. Dans une zone euro atone économiquement et sans perspective cet atout français devient un handicap et l’on voit avec colère cette jeunesse contrainte de s’exiler pour trouver ailleurs le travail que l’UE ne lui offre pas. Il importe que la France recouvre son indépendance financière, puisse renégocier la dette publique et retrouve la souveraineté monétaire qui lui permettrait par l’investissement public de redresser son économie et d’écarter enfin la contrainte permanente de l’austérité, lourde de menaces pour la démocratie républicaine. C’est le sens de l’engagement du MS21.

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  • La Tunisie est dans la crise jusqu’au cou

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    Il a fallu 6 ans, 7 gouvernements et un pays en ruine, pour que les assassins économiques finissent par cracher le morceau : la Tunisie est dans la crise jusqu’au cou !

    Photo by Habib M’henni (CC)

    A défaut d’arguments, un tant soit peu rassurants pour des tunisiens laminés et déprimés, Youssef Echahed (YE), le nouveau chef du gouvernement, a arboré son âge et s’est targué d’être franc ! Tout est dans le style !

    Côté programme il a affirmé vouloir : soutenir les investissements et les exportations pour doper la croissance économique, maitriser les équilibres macro-économiques et blablas… La même rengaine depuis trente ans ! Mais, cela n’a pas empêché YE d’affirmer que “les choix ont conduit au recul de tous les indicateurs économique et sociaux”(1) Cela en dit long sur la franchise du nouveau résidant de La Casbah !

    Membre du gouvernement précédent, YE passe aux aveux donc (2): Il a insisté, notamment, sur l’état des finances publiques (3): L’Etat serait en situation de quasi-cessation de paiement ! La situation serait pire qu’en 1986!

    Le bilan est lourd, voire très lourd :

    Le déficit budgétaire serait de 7,1% au lieu de 3,9% prévu dans la loi de finance de 2016 ; soit 2 900 millions de dinars (MD) de déficit en plus ! Autrement dit, 5 semaines de caisses vides !

    Les résultats enregistrés au cours des six premiers mois de l’année en cours(4), laissent apparaître un manque à gagner, par rapport aux résultats de la même période en 2015, au niveau de la collecte des impôts sur les bénéfices des sociétés de 739 MD. L’impôt sur les sociétes qui a été récolté atteint à peine 910 MD, au 30 juin 2016 ; soit 26,8% des ressources prévues pour l’année 2016 (3 380 MD), contre 52,8% en 2015 !

    La dette publique a explosé ! L’encours est passé de 25 600 MD en 2010 à 56 600 MD en 2016, et le taux d’endettement de 40,7% à 62,1%, alors que loi de finances a prevu un 53,4% !

    Au cours des six dernières années, les gouvernements successifs ont emprunté 34 000 MD, mais ont remboursé 28 000 MD ; soit un solde net, au titre de la dette publique à moyen et long terme, de 6 000 MD. Ce qui voudrait dire que son coût serait égal à la somme invraisemblable de 25 000 MD (5) ; soit l’équivalent de l’encours de 2010 !

    Seul un audit de la dette publique peut nous renseigner sur les comptes de la dette et permettre de mettre fin au truandage actuel.

    Jusqu’ici, seul le recours intensif à l’endettement a rendu possible la poursuite criminelle de la même politique économique et sociale, qui a poussé le pays à la révolte, dont la seule réussite est d’avoir maintenu un système hautement toxique en place. Mais, comme toute chose a une fin, ce palliatif est à bout de souffle. L’une après l’autre, les portes de l’emprunt deviennent hors d’atteinte, voire se referment. L’Etat Japonais a bien voulu, à deux reprises, garantir un emprunt obligataire. L’administration US en a fait de même, à trois reprises. La dictature du système de la dette se manifeste actuellement, par l’emprise totale des Institutions financières internationales sur l’Etat tunisien.

    YE évoque aussi la crise des finances des caisse sociales (6). Rien qu’en 2016 leur déficit s’élèverait à près 1 650 MD et la CNAM a un déficit de l’ordre de 1 400 MD. Le système de la sécurité sociale est en faillite, et ne se maintient que grâce aux subsides de l’Etat.

    YE a aussi effleuré la situation financière des entreprises publiques, qui n’est pas réjouissante non plus. Actuellement, parmi les 10 plus grandes entreprises opérantes en Tunisie, 9 sont publiques et réalisent 10% du PIB. Peu ou très peu de données statistiques sont publiés à ce sujet.

    Les finances des collectivités locales, notamment les municipalités, sont là aussi en piteux état. Non seulement ces dernières manquent terriblement de moyens, mais en plus leurs finances sont gangrénées par la mauvaise gestion et la corruption.

    Bref, le constat est accablant ; les finances publiques sont dans le rouge. L’Etat est plus que jamais menacé par un défaut de paiement généralisé ! Un signe qui ne trompe pas : le gouvernement a obtenu le report d’un remboursement d’une créance de l’ordre d’un milliard de dollars, au profit du Qatar, dont l’échéance arrive à terme en 2017.

    YE est pareil à un tueur qui, après avoir avoué ses crimes, ne cherche point à s’en repentir, mais plutôt à justifier ses crimes à venir.

    1)République tunisienne : ‘Résumé du programme d’action du gouvernement d’unité nationale”, Tunis 26 août 2016. Page 3. Document distribué aux députés de l’ARP lors de la séance du vote de confiance.

    2)Nous n’aborderons pas ici les raisons de ce faux mea-culpa

    3) C’est-à-dire : le budget de l’Etat, les entreprises publiques, les caisses sociales et les collectivités locales.

    4) Fayçal Derbel, président honoraire de l’ordre des experts comptables, lors des journées d’études parlementaires, organisées par l’ARP les 28 et 29 août 2016. Comparaison au 30 juin des résultats du budget 2016 et 2015.

    5) MD (encours de 2010) + 6 000 MD (solde net) + 25 000 MD (coût des nouveaux emprunts) = 56 600 (encours 2016 )

    6) CNSS et CNRPS.

    Source : Tunisia en Red

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  • Sabra et Chatila, trente ans après

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    En septembre 1982, les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila situés à l’ouest de Beyrouth sont le théâtre d’un massacre perpétré par l’armée israélienne. Retour sur ces évènements qui couteront la vie à des milliers de personnes.

     

     

    Le chef des catholiques, Benoît XVI, vient d’arriver à Beyrouth. Quand il a quitté l’aéroport, pour se rendre dans la capitale du Liban, il a emprunté la route parcourue, il y a tout juste trente ans, par un convoi de véhicules fournis par l’armée israélienne transportant des miliciens chrétiens membres des Phalanges libanaises. Comme eux, il a traversé le rond-point de l’ambassade du Koweit où se trouvait, juste à côté, un immeuble de 7 étages au sommet duquel l’armée israélienne, qui encercle les camps de Sabra et Chatila voisins, avait installé son quartier général. Comme eux, il a longé la cité sportive sous laquelle sont ensevelis des centaines de corps de Palestiniens.

    Il est étonnant que la presse passe totalement sous silence que la visite du pape à Beyrouth coïncide avec le 30e anniversaire du massacre de milliers de Palestiniens vieillards, femmes, enfants dans les camps de Sabra et Chatila. Un massacre perpétré par les milices chrétiennes. Un massacre qui fut rendu possible grâce à la complicité active de l’armée israélienne. C’est dire la place insignifiante que le sort des Palestiniens occupe aujourd’hui dans la plupart des esprits occidentaux.

    Devant une telle négation d’un passé qui, pour les Palestiniens et leurs amis, ne passe pas, il m’apparaît nécessaire, dans le cadre d’une indispensable lutte contre l’impunité des crimes de masse, de rappeler les faits tels qu’ils se sont déroulés il y a trente ans.

    Le récit qui va suivre est le résultat d’une enquête effectuée entre 1999 et 2006. Je me suis rendu à quatre reprises au Liban. J’ai rencontré des survivants du massacre et des témoins occidentaux des évènements, en particulier du personnel médical de l’hôpital de Chatila. J’ai rencontré des journalistes et des chercheurs universitaires libanais et occidentaux. J’ai eu accès aux archives de plusieurs journaux libanais ainsi qu’à des documents confidentiels israéliens. J’ai relu le récit émouvant de Jean Genet, sur place quelques heures après les faits. J’ai lu tout ce qui a été publié sur le sujet au Liban, en France, aux Etats-Unis et en Israël. Les travaux sur l’origine d’Israël de ceux qu’on appelle les « nouveaux historiens israéliens », qui étudient les archives rendues publiques depuis 1978, ont été également très éclairants. Comme les travaux de la Commission MacBride sur les violations du droit international par Israël

    Rappelons le contexte historique. En 1947, le peuple palestinien et les Etats arabes n’acceptent pas le plan de partage décidé à l’Assemblée générale des Nations Unies qui permet d’amputer la Palestine au profit de la création d’un Etat israélien. Car, contrairement à une propagande diffusée dans le monde entier par les organisations sionistes, la Palestine n’était pas « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».  Il y avait un million deux cent vingt-cinq mille Palestiniens sur cette terre en 1947.

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  • Shimon Peres du point de vue de ses victimes

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    Les nécrologies de Shimon Peres ont déjà été publiées, préparées sans aucun doute à l’avance, dès que la nouvelle de son hospitalisation est parue dans les médias. Le verdict sur sa vie est très clair et a déjà été prononcé par le président américain Barack Obama : Peres était un homme qui a changé le cours de l’histoire humaine dans sa recherche incessante pour la paix au Moyen-Orient. Mon intuition est que très peu des nécrologies examineront la vie et les activités de Peres du point de vue des victimes du sionisme et d’Israël.


    Il a occupé de nombreux postes en politique, postes qui ont eu un impact immense sur les Palestinien-ne-s où qu’elles et ils soient. Il a été directeur général du ministère israélien de la Défense, ministre de la Défense, ministre du développement de la Galilée et du Néguev (Naqab), Premier ministre et Président.

    Dans tous ces rôles, les décisions qu’il a prises et les politiques qu’il a poursuivies ont contribué à la destruction du peuple palestinien et n’ont rien fait pour faire avancer la cause de la paix et de la réconciliation entre Palestiniens et Israéliens.

    Né Szymon Perski en 1923, dans une ville qui faisait alors partie de la Pologne, Peres a émigré en Palestine en 1934. Adolescent dans une école d’agriculture, il est devenu actif en politique au sein du mouvement travailliste sioniste qui a dirigé le sionisme, et plus tard le jeune Etat d’Israël.

    Figure dominante des cadres du mouvement de jeunesse, Peres a attiré l’attention du haut commandement de la force paramilitaire juive de la Palestine sous mandat britannique, la Haganah.

    Bombe nucléaire

    En 1947, Peres a été pleinement recruté par l’organisation et envoyé à l’étranger par son leader, David Ben Gourion, pour acheter des armes qui ont ensuite été utilisées lors de la Nakba de 1948, le nettoyage ethnique des Palestinien-ne-s, et contre les contingents arabes qui sont entrés en Palestine cette même année.

    Après quelques années à l’étranger, principalement aux États-Unis où il était occupé à acheter des armes et à construire l’infrastructure pour l’industrie militaire israélienne, il est rentré pour devenir directeur général du ministère de la Défense.

    Peres était actif dans l’établissement de l’entente entre Israël, le Royaume-Uni, et la France, pour envahir l’Egypte en 1956, invasion pour laquelle Israël a été récompensé par la France avec la capacité nécessaire pour construire des armes nucléaires.

    En effet, c’était Peres lui-même qui a supervisé en grande partie le programme clandestin d’armement nucléaire d’Israël.

    Le zèle que Peres a montré sous la direction et l’inspiration de Ben Gourion pour judaïser la Galilée n’était pas moins important. Malgré le nettoyage ethnique de 1948, cette partie d’Israël faisait encore très campagne et paysage palestiniens.

    Peres était derrière l’idée de confisquer des terres palestiniennes dans le but de construire des villes juives exclusives comme Karmiel et Haute Nazareth, et de baser l’armée dans la région de manière à perturber la continuité territoriale entre les villes et villages palestiniens.

    Cette ruine de la campagne palestinienne a conduit à la disparition des villages palestiniens traditionnels, et à la transformation des agriculteurs en une classe ouvrière urbaine sous-employée et défavorisée. Cette triste réalité est toujours d’actualité.

    Le champion des colons

    Peres a disparu un certain temps de la scène politique lorsque son maître Ben Gourion, le tout premier Premier ministre d’Israël, a été poussé vers la sortie en 1963 par une nouvelle génération de dirigeants.

    Il est revenu après la guerre de 1967, et le premier portefeuille ministériel qu’il a occupé était celui de responsable des territoires occupés. Dans ce rôle, il a légitimé, très souvent de façon rétroactive, la course à la colonisation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

    Comme beaucoup d’entre nous réalisent aujourd’hui, au moment où le parti Likoud pro-colonisation est arrivé au pouvoir en 1977, l’infrastructure des colonies juives, notamment en Cisjordanie, avait déjà rendu impossible une solution à deux Etats.

    En 1974, la carrière politique de Peres est devenue intimement liée à celle de son ennemi juré, Yitzhak Rabin. Les deux hommes politiques, qui ne pouvaient pas se supporter, ont dû travailler en tandem pour des raisons de survie politique.

    Cependant, sur la stratégie d’Israël envers les Palestinien-ne-s, ils ont partagé la perspective coloniale sioniste, convoitant autant de terres de Palestine que possible avec le minimum de Palestinien-ne-s que possible.

    Ils ont bien travaillé ensemble pour réprimer brutalement le soulèvement palestinien qui a commencé en 1987.

    Le premier rôle de Peres dans ce partenariat difficile a été celui de ministre de la Défense dans le gouvernement Rabin de 1974. La première véritable crise à laquelle a du faire face Peres était une expansion majeure du mouvement colonial messianique Gush Emunim dans ses efforts de colonisation dans et autour de la ville de Naplouse, en Cisjordanie.

    Rabin s’est opposé aux nouvelles colonies, mais Peres se tenait aux côtes des colons. Les colonies qui désormais étranglent Naplouse sont là grâce à ses efforts.

    En 1976, Peres a dirigé la politique gouvernementale en direction des territoires occupés, convaincu qu’un accord pourrait être trouvé avec la Jordanie, par lequel la Cisjordanie serait sous compétence jordanienne tout en restant sous domination effective israélienne.

    Il a initié des élections municipales en Cisjordanie, mais à sa grande surprise et déception, les candidats liés à l’Organisation de libération de la Palestine ont été élus, et non ceux fidèles à la monarchie hachémite en Jordanie.

    Mais Peres est resté fidèle à ce qu’il a appelé l’ « option jordanienne » quand il était leader de l’opposition après 1977, puis quand il est revenu au pouvoir au sein de la coalition avec le Likoud entre 1984-1988. Il a poussé les négociations sur cette base jusqu’à la décision en 1988 du roi Hussein de cesser tout lien politique entre la Jordanie et la Cisjordanie.

    Le visage international d’Israël

    Les années 1990 ont exposé au monde un Peres plus mature et cohérent. Il était le visage international d’Israël, que ce soit au gouvernement ou à l’international. Il a joué ce rôle même après que le Likoud soit devenu la principale force politique du pays.

    Au pouvoir dans le gouvernement Rabin au début des années 1990, puis comme Premier ministre après l’assassinat de Rabin en 1995, puis en tant que ministre dans le cabinet d’Ehud Barak entre 1999 et 2001, Peres a mis en avant un nouveau concept pour ce qu’il appelait la « paix ».

    Plutôt que de partager le contrôle en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec la Jordanie ou l’Egypte, il voulait maintenant le faire avec l’Organisation de libération de la Palestine. L’idée a été acceptée par le chef de l’OLP, Yasser Arafat, qui avait espéré bâtir dessus un nouveau projet pour la libération de la Palestine.

    Comme il était inscrit dans les accords d’Oslo de 1993, ce concept a été approuvé avec enthousiasme par les alliés internationaux d’Israël.

    Peres a été le principal ambassadeur de cette mascarade de processus de paix, qui a fourni un parapluie international à Israël pour établir une politique du fait accompli sur le terrain, permettant de créer un plus grand apartheid israélien avec de petits bantoustans palestiniens dispersés en son sein.

    Le fait qu’il ait gagné un prix Nobel de la paix pour un processus qui a accéléré la ruine de la Palestine et de son peuple, est un nouveau témoignage de l’incompréhension, du cynisme et de l’apathie des gouvernements du monde entier envers la souffrance palestinienne.

    Nous sommes chanceux de vivre à une époque où la société civile internationale a exposé cette mascarade et a offert, à travers le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions, ainsi que le soutien croissant pour une solution à un Etat, un chemin à terme plus encourageant et authentique.

    Cana

    En tant que Premier ministre, Peres avait une « contribution » supplémentaire à apporter à l’histoire de la souffrance palestinienne et libanaise.

    En réponse aux escarmouches sans fin entre le Hezbollah et l’armée israélienne dans le sud du Liban, où le Hezbollah et d’autres groupes ont résisté à l’occupation israélienne qui a commencé en 1982 pour prendre fin en 2000, Peres avait ordonné le bombardement de toute la région en avril 1996.

    Pendant ce qu’Israël a appelé l’opération « Raisins de la colère », les bombardements israéliens ont tué plus de 100 personnes – des civils fuyant les bombardements et des Casques bleus des Fidji – près du village de Cana.

    Malgré une enquête des Nations unies qui a trouvé « peu probable » l’explication d’Israël selon laquelle le bombardement était un accident, le massacre n’a en rien écorné la réputation internationale de Peres comme étant un « artisan de la paix ».

    Au cours de ce siècle, Peres était plus une figure de proue symbolique qu’un homme politique actif. Il a fondé le Centre Peres pour la paix, construit sur une propriété de réfugié-e-s palestinien-ne-s confisquée à Jaffa, et qui continue de vendre l’idée d’un « Etat » palestinien avec peu de terre, d’indépendance ou de souveraineté, comme la meilleure solution possible.

    Cela ne marchera jamais, mais si le monde continue d’être accroché à cet héritage de Peres, il n’y aura pas de fin à la souffrance des Palestinien-ne-s.

    Shimon Peres a symbolisé l’embellissement du sionisme, mais les faits sur le terrain mettent à nu son rôle dans la perpétration de tant de souffrances et de conflits. Connaître la vérité, au moins, nous aide à comprendre comment aller de l’avant et défaire tant d’injustices que Peres a contribué à créer.

     

    Source: Etat d’exception

     

    Ilan Pappé est un historien israélien en exil. En Angleterre. il est professeur d’histoire. Il dirige aussi le Centre Européen pour les Études Palestiniennes et co-dirige le Centre pour les Études Ethno-Politiques, à l’Université d’Exeter. Retrouvez son livre La Propagande d’Israël sur notre boutique.

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  • L’Ethiopie à la croisée des chemins (1/3): l’Empire de Sélassié

     

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    Voilà plus d’un an que des manifestants défient le gouvernement éthiopien sous les tirs à balles réelles de la police. Sans défrayer la chronique ni même susciter l’intérêt des chancelleries occidentales promptes à promouvoir la démocratie partout dans le monde. « L’Éthiopie brûle », nous prévient Mohamed Hassan. Pour notre spécialiste de la Corne de l’Afrique, ancien diplomate éthiopien, les jours du gouvernement sont comptés. Pour le meilleur ou pour le pire. La chute du régime est une opportunité de voir les Éthiopiens construire un véritable État démocratique. Mais le pays pourrait tout aussi bien imploser dans des combats interethniques. L’Éthiopie est à la croisée des chemins. Après nous avoir fait traverser le Moyen-Orient et l’Afrique de l’Est dans la Stratégie du chaos et Jihad made in USA, Mohamed Hassan nous emmène dans son pays, l’Éthiopie. Cette première partie porte sur l’Empire de Hailé Sélassié. Quelle réalité cachait le mythe du « roi des rois » ? Comment le seul pays d’Afrique à ne pas avoir été colonisé est-il devenu une caricature de néocolonie ? Pourquoi Mohamed Hassan voulait-il changer de nom lorsqu’il était enfant ? Retour sur un empire qui a alimenté bien des fantasmes… 


     

    Vous dîtes que l’Éthiopie est en train de brûler dans l’indifférence quasi générale. Pourquoi tirez-vous la sonnette d’alarme ?

    Voilà près d’un an que des manifestants défient l’autorité du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti qui domine la coalition au pouvoir. La répression est terrible. Des centaines de personnes y ont déjà laissé leur vie, mais la contestation continue à se répandre dans le pays comme une trainée de poudre. Le TPLF tient les rênes de l’Éthiopie depuis 1991. À travers la coalition du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), il s’est octroyé la totalité des sièges du Parlement lors des dernières élections législatives. Mais les gens en ont plus qu’assez de cette dictature, du manque de libertés et, surtout, des conditions de vie terribles. Les dirigeants corrompus du TPLF bradent les richesses de ce beau pays qu’est l’Éthiopie et laissent le peuple crever de faim. La situation est devenue explosive. Les premières manifestations sont parties de la région Oromo avant de gagner la communauté Amhara. La colère des Éthiopiens a ensuite éclaté dans la capitale Addis-Abeba. Le Premier ministre Haile Mariam Dessalegn a fait couper Internet avant d’autoriser la police à utiliser « tous les moyens nécessaires » pour réprimer ces manifestations qui « menacent l’unité du pays ». Getachew Metaferia, professeur de sciences politiques à l’université Morgan State aux Etats-Unis, décrit ainsi la situation : « Il n’y a pas de discussion fondamentale avec le peuple, pas de dialogue… Le niveau de frustration augmente. Je ne pense pas qu’il y aura un retour à la normale. »[1]

     

    Le gouvernement à la tête du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique serait-il sur le point de tomber ?

    Les jours du TPLF sont comptés. Les Oromo et les Amhara lui reprochent de monopoliser le pouvoir alors que les Tigré ne représentent que 6 % de la population. De fait, le TPLF a joué la carte de la division ethnique pour imposer sa suprématie. Et la communauté Tigré en est elle-même victime car seuls quelques privilégiés corrompus profitent de la mainmise du TPLF. La possible chute du gouvernement représente donc une opportunité, mais aussi un danger pour l’Éthiopie. Ce pays n’a connu que des dictatures. Aujourd’hui, il peut entrevoir l’occasion de construire un véritable État démocratique où tous les citoyens auront les mêmes droits et où les richesses serviront à rencontrer les besoins fondamentaux de la population. Mais le défi est de taille. Le TPLF a imposé un fédéralisme ethnique en Éthiopie, si bien que les mouvements d’opposition reposent pour la plupart sur des bases communautaires. Le danger de voir le pays imploser est donc réel. En fait, l’Éthiopie est à un carrefour. Si les manifestants et les partis d’opposition parviennent à unir leurs forces sur une base démocratique, l’Éthiopie sera un paradis sur terre. S’ils échouent, l’Éthiopie pourrait tout simplement disparaître.

     

    Les Éthiopiens sont dans la rue, le gouvernement fait tirer sur les manifestants, les opposants politiques sont jetés en prison, les accès à Internet sont coupés, la répression se durcit… Voilà un contexte qui rappelle furieusement celui des « printemps arabes ». Pourtant, l’Éthiopie ne fait pas la une des médias. Et nos chanceliers ne se bousculent pas pour soutenir la démocratie dans ce pays d’Afrique. Pourquoi ?

    Les journalistes étaient peut-être trop occupés avec le burkini et les Jeux olympiques. Ou alors, ils attendent que les services de presse de l’Otan mettent le sujet sur la table. Dans ce cas, ils pourront attendre longtemps. Les Etats-Unis ne vont pas intervenir en Éthiopie pour aider ceux qui aspirent à la démocratie comme ils ont prétendu le faire en Libye ou en Syrie. La relation qui unit Washington à Addis-Abeba, si elle a connu des hauts et des bas, est historique. C’est par l’Éthiopie que les Etats-Unis ont mis un premier pied en Afrique alors que le continent était colonisé par les puissances européennes. L’Éthiopie est ainsi devenue un allié stratégique de l’impérialisme US. Depuis de nombreuses années, le TPLF joue pour Washington le rôle de gendarme dans la Corne de l’Afrique. Il est intervenu militairement dans des pays hostiles à son employeur comme la Somalie, l’Érythrée ou le Soudan. Mais malheureusement pour lui, Obama n’a pas de plan B en Éthiopie pour remplacer ce régime aux abois. Ce n’est pas comme en Tunisie ou en Égypte où les Etats-Unis avaient d’autres coups à jouer pour remplacer leurs alliés historiques. Même si tout ne se passe pas comme prévu. Ce n’est pas non plus comme en Libye et en Syrie où Washington voulait se débarrasser des dirigeants en place. L’utilité du TPLF et l’absence d’alternatives expliquent donc la grande réserve d’Obama sur les événements qui secouent le pays. L’Éthiopie révèle ainsi les véritables motivations des Etats-Unis. Vous remarquerez qu’il n’y a que dans les pays qui leurs sont hostiles que les Etats-Unis soutiennent des « révolutions ». Chez leurs alliés, ils s’accommodent des pires dictateurs.

     

    Les Éthiopiens sont passés aux urnes l’an dernier et les élections se sont soldées par une victoire sans appel de la coalition au pouvoir. Le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF) a remporté la totalité des sièges. Comment expliquez-vous ce résultat ?

    Ces élections n’avaient aucun enjeu. Elles devaient simplement permettre de formaliser le règne sans partage du TPLF qui utilise la coalition au pouvoir pour avancer masqué, même si personne n’est dupe. Autrefois indépendantiste, le TPLF vient d’une région du sud de l’Éthiopie, à la frontière avec le Soudan et l’Érythrée. Il a participé au renversement de la junte militaire en 1991. Son leader, Meles Zenawi, a ensuite imposé d’une main de fer son hégémonie sur tout le pays jusqu’à sa mort en 2012. Les élections de l’an dernier ont simplement permis de confirmer officiellement dans ses fonctions le successeur de Zenawi, Haile Mariam Dessalegn. C’est le TPLF qui est réellement aux manettes en Éthiopie. L’EPRDF n’est qu’une coalition fantoche qui sert à masquer la mainmise d’une minorité sur tout le pays.

    La répression des opposants politiques et le boycott d’une partie de l’opposition expliquent ce résultat ubuesque. On peut dire que le TPLF a tiré les enseignements du scrutin de 2005. Cette année-là, sous la pression de ses parrains occidentaux, le parti au pouvoir avait voulu montrer un visage démocratique et s’était plus ou moins prêté honnêtement au jeu des élections. Résultat des courses : le TPLF avait perdu. Il avait légèrement entrebâillé la fenêtre, le vent s’était introduit et avait failli tout détruire dans la maison. Finalement, au nom de la réconciliation nationale, le TPLF avait repris la main et écrasé l’opposition avec la bienveillance de l’Union européenne et des Etats-Unis. Des opposants politiques, notamment ceux qui avaient réellement gagné les élections, ont été emprisonnés ou contraints à l’exil. Un nouveau parti politique s’est ainsi créé, Ginbot 7 qui veut dire « 7 mai », en souvenir de cette triste date des élections de 2005. On retrouve dans ce parti des victimes malheureuses du scrutin qui ont tiré les enseignements de cette amère expérience. Puisque le régime est incapable de reconnaître sa défaite et qu’il jouit du soutien des Occidentaux pour réprimer les opposants, aucun changement n’est possible en Éthiopie par la voie démocratique. Ginbot 7 s’est donc associé à un autre mouvement, le Front patriotique du peuple éthiopien, qui mène la lutte armée. Quant au parti au pouvoir, après la frayeur de 2005, il n’a plus tenté le diable lors des élections suivantes. L’EPRDF a cadenassé le système politique, remportant 99,6 % des sièges en 2010 et 100 % en 2015.

     

    Le score des dernières élections de 2015 ferait saliver n’importe quel dictateur à travers le monde. Mais la réaction de l’Union européenne est pour le moins ambigüe. Dans un communiqué, elle a timidement pointé l’arrestation de journalistes et d’opposants politiques, tout en jugeant « encourageant que le processus se soit déroulé de manière générale dans l’ordre et dans le calme ». L’Union européenne conclut qu’elle attend avec beaucoup d’intérêt de poursuivre la coopération avec le nouveau gouvernement. Plutôt paradoxal, non ?

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