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Grèce - Page 2

  • Le parlement grec vote sous le chantage et la menace

    Lettre de Zoé Konstantopoulou

    La lettre de la Présidente du Parlement grec au Président de la République et au Premier ministre :

     

    À M. le Président de la République, M. Prokopis Pavlopoulos

    À M. le Premier ministre, M. Alexis Tsipras

    Du fait de mes devoirs institutionnels, je vous signale que les conditions dans lesquelles est introduit au débat le projet de loi « Mesures urgentes de mise en œuvre de la L. 4334/2015», composé du texte déposé dans la nuit du 20 au 21 juillet 2014, comportant 977 pages, incluant tous les textes que les parlementaires doivent étudier et prendre en considération afin de former un avis et de voter selon la procédure d’urgence dans la journée en cours, et qui contient :

    1. en 1 article (article premier) les008 articles du Code de procédure civile et ceux de la loi d’introduction du Code de procédure civile, et
    2. en un article (article 2) les 130 articles relatifs à la transposition au droit grec d’une directive de l’UE (NdT : directive sur les banques et le bail-in, entre autres)

    ne garantissent pas que la Constitution soit respectée, que le fonctionnement démocratique soit protégé, que le pouvoir législatif du Parlement soit exercé ni que les parlementaires votent selon leur conscience.

    Sous un régime de chantage plus qu’évident, provenant de gouvernements étrangers- membres de l’UE, et dirigé contre le Gouvernement grec et les parlementaires, il est introduit et, qui plus est, «sans la possibilité d’introduire le moindre amendement», un texte législatif qui entreprend une intervention majeure sur le fonctionnement de la Justice et sur l’exercice des droits des citoyens, de manière qui abolit tant le fonctionnement de la République grecque en tant qu’état social de droit, où la séparation des pouvoirs peut fonctionner, que la préservation du principe du procès équitable.

    Des Ministres qui ne sont pas d’accord avec son contenu sont contraints d’introduire ce texte au Parlement, alors qu’ils s’y opposent directement, tandis que des parlementaires, qui s’opposent également à son contenu, sont contraints de voter pour.

    Le tout sous menace directe de faillite désordonnée.

    Il s’agit d’un acte législatif qui provient de la dernière période parlementaire, déposé par l’ancien ministre de la Justice, M. Ch. Athanasiou, concernant lequel, en décembre 2014, les avocats de l’intégralité du pays avaient été invités à se prononcer dans le cadre d’un référendum organisé sous l’égide de l’Assemblée générale des présidents des barreaux du Pays, et dont le résultat était le rejet du projet de loi, avec une majorité de plus de 93% des avocats qui ont voté contre.

    En outre, contre le projet de loi ce sont exprimés également les représentants de la Justice, les assemblées administratives des Tribunaux et, dans l’ensemble, les acteurs sociaux intéressés. Les deux partis au gouvernement s’étaient engagés avant les élections nationales de ne pas introduire ledit acte législatif et aucun des deux n’a changé d’avis ni de position quant au fond du texte.

    Le fait que ce texte législatif ait été choisi par des gouvernements étrangers, participant au Sommet européen, comme « pré-requis » c’est-à-dire, comme condition pour entamer des négociations en vue d’une solution (NdT: solution au « problème grec »), montre la taille du dédain dont font preuve lesdits gouvernements étrangers envers les principes du fonctionnement du parlement, de la souveraineté populaire et, enfin, de la démocratie.

    La responsabilité institutionnelle de tous est énorme. En assumant ma responsabilité en tant que Présidente du Parlement, je vous demande d’informer vos homologues à propos de ma lettre présente que je notifierai par la suite à mes homologues de toute l’Europe, à la suite de mes interventions antérieures, de mes propositions et de ma lettre récente au Président du Parlement européen, M. Martin Schultz, qui a été notifiée aux membres du Parlement européen.

    Cette attaque violente contre la Démocratie ne peut pas être commise dans le contexte de l’Union européenne. Et elle ne peut certainement pas être commise dans le silence.

    Athènes, le 22 juillet 2015

    Avec honneur,

    La Présidente du Parlement grec

    Zoé Ν. Konstantopoulou

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  • Noam Chomsky : Cuba et les USA, Yanis Varoufakis, Leçons de la crise grecque...

    Le Grand Soir
    Journal Militant d'Information Alternative
     
    Cette semaine
    "Nous savions dès le départ à quel point ils étaient sans scrupules"
    Yanis VAROUFAKIS
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    « nous alphabétisons même en Espagne »
    Viktor DEDAJ
    Carnet de bord. Extrait. En s’approchant de la voiture garée à l’ombre, nous remarquons une flaque sous le réservoir d’essence. Le carburant fuit lentement à travers la rouille. Après un rapide échange, nous concluons qu’il y un certain danger. Qu’à cela ne tienne. Dans le coffre, nous extirpons un gros bidon vide. Avec un tube, nous vidons le réservoir dans le bidon. Nous arrachons ensuite le tuyau qui arrive au réservoir et nous l’introduisons dans le bidon. Et voilà, un réservoir d’essence tout neuf, (...) Lire la suite »
     
    Frederic LORDON
    1. L’euro interdit radicalement toute politique progressiste possible. 2. S’il en était encore besoin, le traitement criminel infligé à la Grèce en six mois de brutalisation (rebaptisée « négociation ») prouve que l’entreprise de « transformer l’euro », ou l’hypothèse d’un « autre euro possible », sont des chimères qui, par désillusions successives, ne mènent qu’à l’impasse et à la désespérance politiques. 3. Abandonner aux extrêmes droites (qui au demeurant n’en feront rien [1]…) toute perspective politique (...) Lire la suite »
     
    Robert BIBEAU
    Pour tout événement historique d'importance, la bourgeoisie présente une exégèse de droite et une interprétation de gauche dont s'emparent les plumitifs (journalistes stipendiés et analystes médiatisés) à la solde des médias "mainstream" pour les propager. C'est au milieu de ces écueils savamment disposés sur le sentier de la vérité que les communistes révolutionnaires doivent naviguer... afin d’analyser les informations convergentes et divergentes qui ne peuvent manquer de (...) Lire la suite »
     
    « Le gouvernement cubain, dans la mesure des possibilités, fait des choix qui vont dans le sens de la défense de la population, des plus faibles. »
    Viktor DEDAJ
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    David BROOKS
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    « L’internationalisme n’a pas de prix et n’est pas négociable. »
    Viktor DEDAJ
    Carnet de bord, extrait. La nuit tombe. Ibrahim semble inquiet. « Tu crois qu’elle est morte ? » me demande-t-il. Je ne sais pas. Vu la façon que tu l’as traitée, ça ne m’étonnerait pas. « Les Cubains ont le sang chaud » tente-t-il de se justifier. Je propose d’abandonner sa carcasse dans un fossé et de rentrer à pied. On reviendra demain pour la récupérer. « La police risque de la trouver avant... » soupire-t-il, avant de rajouter « c’est toujours la même chose, tu crois que tout est redevenu normal et (...) Lire la suite »
     

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  • 98 milliards d’euros: la dette de l’Allemagne à la Grèce

     www.initiative-communiste.fr

     

    Au minimum, 90 milliards… Pourquoi les demandes de réparation de la Grèce envers l’Allemagne sont justifiées

     

    > ci après une traduction d’un article de Karl Heinz Roth, parue sur le site contremps.eu sur la dette de l’Allemagne envers la Grèce du fait des réparations de guerre (1939-1945) que l’Allemagne n’a jamais payées. Le chercheur et militant allemand, ancien membre du bureau national de l’Union socialiste allemande des étudiants et fondateur de la revue 1989, décrit le pillage de la Grèce pendant l’occupation l’allemande et, à partir de ces éléments, propose un calcul de la dette actuelle due par l’Allemagne à la Grèce, tout en discutant de la légitimité actuelle des demandes de réparations grecques.

     

    > Le 6 avril 1941, la Wehrmacht attaque la Yougoslavie et la Grèce. Fin octobre 1940, l’armée grecque a déjà repoussé une offensive italienne depuis l’Albanie et de ce fait un corps expéditionnaire britannique a été laissé en soutien dans le pays. Pour les Allemands, ce développement entraine une double menace stratégique. D’abord en ce qui concerne les champs pétrolifères roumains mais aussi par rapport à l’offensive planifiée contre l’Union Soviétique qui présente désormais des faiblesses sur son flanc sud-est. En 1941, ni la Yougoslavie ni la Grèce ne sont en mesure de résister à l’attaque de la 12ème armée de la Wehrmacht.

     

    > La direction de la Wehrmacht utilise cette « guerre-éclair » (« Blitzkriegs-Exkurs ») comme champ d’expérience afin de tester le pillage économique total prévu pour être répliqué en Union Soviétique. La Grèce est systématiquement pillée. Entre le début de l’offensive et le début du mois de juin 1941, de grandes quantités de minerais et de concentrés de chrome, de zinc, d’étain, de cuivre et de plomb s’accumulent dans le port de Thessalonique afin d’être transportés vers l’Allemagne. De plus, les managers industriels allemands prennent le contrôle de la production annuelle des métaux industriels que sont la bauxite, le manganèse, le nickel, le molybdène et la pyrite, si bien que la somme totale annuelle d’exportation de matières premières atteint 45 à 50 millions de Reichsmark (RM). Le charbon, l’huile minérale et les produits d’exportation agricoles les plus importants comme les raisins secs, l’huile d’olive, le coton, le sucre, le riz et le cocon de soie sont également envoyés en Allemagne. En outre, les officiers chargés des questions économiques confisquent les machines-outils du consortium d’armement de Bodsakis et une grande partie du matériel roulant du chemin de fer.

     

    > Cependant le butin le plus considérable reste le tabac. Sous la direction du manager de Reemtsma, Otto Lose, toute la récolte de 1939 et 1940 est confisquée et transportée vers l’Allemagne. Il s’agit de 85.000 tonnes de tabac d’Orient, soit l’équivalent de 175 millions de Reichsmarks. Cette quantité suffit pour approvisionner l’Allemagne en cigarettes pendant une année entière et leur vente génère un revenu fiscal de 1,4 milliards de Reichsmarks.

     

    > Comme contrepartie pour ces « achats », la 12ème armée délivre soit des certificats de livraison qui contiennent la promesse de paiement après la guerre, ou paye avec des « bons de caisse de crédit », moyen de paiement de la Wehrmacht, indexé sur les prix de 1939. Ces paiements ou promesses de paiement fictifs doivent être refinancés soit en liquide (drachmes), soit en crédits par le gouvernement de collaboration du général Tsolakoglu installé le 30 avril 1941. Ce gouvernement se voit donc contraint de faire marcher la planche à billets, de surendetter l’État et de gonfler le déficit du bilan de la banque centrale grecque. C’est le premier pas dans l’hyperinflation, revers des expéditions de pillage. La chute ainsi provoquée de l’économie grecque est d’autant plus accélérée que l’industrie de transformation perd son approvisionnement en matières premières et doit réduire sa production.

     

    > Avec ce pillage économique planifié, les conditions économiques se dégradent dramatiquement. La drachme est dévaluée deux fois. En août 1941, un premier paiement de trois milliards de drachmes mensuels est imposé à la banque centrale grecque pour rembourser les frais d’occupation. Cette politique ouvre définitivement les vannes économiques du pays. La Wehrmacht considère désormais la Grèce comme un tremplin pour ses opérations en direction de l’Afrique du Nord et du canal de Suez, et les frais de ravitaillement et de logistique augmentent drastiquement. Ils sont inclus entièrement dans les frais d’occupation. En raison de l’hyperinflation naissante les prix de l’alimentation augmentent rapidement : ils doublent avant la fin de l’année 41 et sont multipliés par 4 à 5 entre 1942 et début 1944. L’activité du secteur agro-alimentaire se réduit alors très fortement. La famine s’installe.

     

    > Dans les grandes et moyennes villes, près de 100 000 personnes meurent de faim ou de maladies liées à la faim à l’hiver 1941/42. Pour la plupart, les victimes sont des enfants et des personnes âgées issues de classes sociales populaires. Toute personne qui le pouvait, s’enfuyait dans les régions villageoises pour y vivre d’une économie de subsistance. Cette migration interne et massive vers les campagnes vient soutenir la résistance qui commence à s’organiser rapidement.

     

    > Bilan des destructions

     

    > Quand les Allemands se retirent de Grèce, à partir d’octobre 1944, ils ne laissent pas seulement un pays ruiné économiquement mais aussi en grand partie détruit. Ce sont en tout six facteurs qui détruisent le potentiel économique de la Grèce pendant l’occupation allemande :

     

    > Premier facteur : les pillages pendant la première phase d’occupation. Ils atteignent en valeur un montant d’au moins 750 millions de Reichsmarks. Les confiscations continuent cependant au-delà de cette période. Ainsi au plus tard à partir de l’été 1943, il est devenu habituel de piller systématiquement les villages qu’on prévoie de détruire.

     

    > Deuxième facteur : le pillage du fait des rapports d’échange inégaux lors des « achats » de la Wehrmacht et des « remboursements » qui s’en suivent. Il y a de bonnes raisons d’estimer que la dette allemande liée à ces opérations menées jusqu’à l’automne 1944 est d’au moins 125 millions de Reichsmarks.

     

    > Troisième facteur : les dépenses extorquées au régime de collaboration grec pour frais d’occupation et coûts de projets d’infrastructure militaires. Une estimation du ministère des finances du IIIe Reich parle d’un montant de 500 millions de Reichsmarks pour l’année budgétaire 1943. En partant de cette donnée, il est possible de décompter pour les 3 ans et demi d’occupation – y compris l’emprunt obligatoire imposé à la banque centrale grecque – un montant total d’environ 1,75 milliard de reichsmarks.

     

    > Quatrième facteur : l’exportation de matières premières stratégiques qui fait suite à la première phase de pillage par l’industrie minière grecque sous contrôle allemand. Elle couvre une partie importante des besoins allemands comme par exemple pour le minerai de chrome et la bauxite et atteint une ampleur considérable d’après le rapport final de la direction de l’industrie de l’armement de la Wehrmacht pour la Grèce de septembre 1944.

     

    > Cinquième facteur : la destruction d’une partie considérable de l’économie dans le cadre des mesures de terreur et de la pratique de la terre brûlée lors des opérations de retraite. Les représailles contre les région contrôlées par la résistance armée entraîne la destruction de 1.600 localités – des villages, hameaux et petites villes. Plus de 100.000 maisons sont ainsi incendiées. À la date de la retraite allemande environ 400.000 habitant.e.s sont sans-abris. Si nous estimons la valeur marchande moyenne de chaque bâtiment détruit à 10.000 reichsmarks, alors cela équivaut à une somme d’un milliard de reichsmarks. Il faut y ajouter les vastes destructions des infrastructures routières et ferroviaires visées systématiquement par les troupes allemandes pendant leur retraite.

     

    > Sixième facteur : la perte de vies humaines qui ne peuvent jamais vraiment être dédommagées par aucun geste, si généreux soit-il. Sur 6,933 millions de personnes avant le début de l’occupation, au total 520.000 personnes de nationalité grecque meurent, victimes de l’attaque allemande. Au moins 125.000 de ceux-ci meurent de faim. Environ 100.000 personnes grecques sont assassinées dans les camps de concentration allemands. 60.000 Juives, Juifs et Roms sont tué.e.s dans le cadre de la Shoah. Les rafles dans les grandes villes et les massacres dans les régions villageoises, par les militaires allemands et la police tuent 56.000 individus supplémentaires.

     

    > La question des réparations

     

    > Après la libération, des économistes et des experts de la banque centrale grecque commencent à faire le bilan des conséquences économiques de l’occupation allemande. Leurs constatations sont adressées à la conférence de réparation interalliée qui siège autour du nouvel an 1945/46 à Paris. Les résultats en sont, le 14 janvier 1946, une convention de réparation et la fondation d’une agence de réparation (IARA) inter-alliée. Pour les pourparlers sur les réparations envers la Grèce, ce sont avant tout deux expertises qui sont significatives.

     

    > A. Angelopoulos estime que les frais d’occupation ont soutiré 4,050 milliards de dollars US à l’économie grecque et que les dégâts causés à l’ensemble de l’économie sont de 3,172 milliards de dollars US, ce qui revient à un montant total de 7,222 milliards de dollars d’US sur la base du pouvoir d’achat du dollar US de 1938. Au contraire A. Sborounis, chef de la délégation grecque, pose une estimation totale de 12 milliards de dollars d’US, également sur la base de 1938. Finalement, le gouvernement grec s’accorde sur une somme de réparations de 10,45 milliards de dollars US.

     

    > Le montant global convenu lors des pourparlers de Paris, de l’ordre de 7,1 milliards de dollars US, constitue un socle inattaquable en droit international pour toutes les discussions ultérieures. Certes, cette convention de réparation de Paris a été suspendue de fait par la convention de sur la dette de Londres de 1953, mais elle n’a jamais été annulée. Donc, puisque le pouvoir d’achat du dollar US a diminué entre 1938 et 2010 en raison de la dévalorisation continue selon le facteur 15, les droits de réparation pour la Grèce définis par la conférence de Paris se montent à 106,5 milliards de dollars US en 2010.

     

    > La convention sur la dette de Londres de février 1953 a prorogé les demandes de réparation qui avaient été adoptées sept ans plus tôt. Ces demandes ont été adressées d’abord en 1946 à la zone d’occupation interalliée, puis plus tard à la RFA, et sont reprises finalement dans la perspective de l’adoption d’un traité de paix avec une future Allemagne unifiée1. Après de longues négociations, le gouvernement grec obtient en mars 1960 un versement unique de 115 millions de Deutschmarks. Dans le compte rendu de ces accords, le gouvernement grec anticipe et spécifie que cela ne signifie pas que les revendications de réparations sont satisfaites.

     

    > Au moment de l’annexion de la RDA par la RFA, la question des réparations resurgit. Ceux qui s’attendaient à ce qu’une nouvelle convention (avec des règles contraignantes) soit élaborée sur cette question ont été déçus. Certes, l’accord de septembre 1990 entre les quatre alliés principaux et les deux Etats allemands, ratifié à la veille de l’unification, équivaut très certainement à un traité de paix, mais il ne dit rien sur les réparations.

     

    > Une facture encore largement due

     

    > Le paiement global de 115 millions de deutschmarks de 1960 de la RFA à la Grèce vise uniquement à dédommager les personnes persécutées pour raison raciale et politique. Même si le versement exclut du dédommagement les descendants des victimes de massacres et de la famine, il a le caractère d’une réparation du fait de son mode de transfert interétatique et parce qu’il répond aux réparations individuelles mentionnées dans l’accord de Paris de 1946. Ainsi, en 1960, 27,578 millions de dollars US supplémentaires sont payés à la Grèce en accord avec les taux de changes de l’époque. Comme l’index d’inflation pour la période entre 1960 et 2010 est de 7,35, cela correspond à une somme d’environ 202,7 millions dollars US sur la base du pouvoir d’achat de 2010.

     

    > En revanche, le deuxième paiement de dédommagement de 2003 se déroule hors du cadre d’un contrat bilatéral. Il est versé, dans le cadre de la fondation « souvenir, responsabilité et avenir » au bénéfice d’un groupe spécifique, les personnes victimes du travail forcé en Grèce. Puisque notre base de référence, la convention de réparation de 1946, ne prévoit pas la division des dédommagements de la guerre entre les réparations dues à l’Etat et celles dues à des personnes privées, nous ne devons pas exclure ces paiements. 20 millions d’euros ont été payés aux victimes de travail forcé en Grèce. Ce qui équivaut à 22,588 millions de dollars US selon le taux de change de 2003. Il faut aussi prendre en compte l’index d’inflation (1,19) pour la période allant de 2003 à 2010, ce qui fait que le remboursement effectué en 2003, calculé sur la base du pouvoir d’achat de 2010, peut être estimé à 26,9 millions de dollars US.

     

    > Si on additionne ces trois versements partiels, calculés sur la base du pouvoir d’achat de 2010, on arrive à un sous-total de 1,954 milliards de dollars US. Cette somme doit être soustraite de la somme totale fixée en 1946 (106,5 milliards de dollars US sur la base du pouvoir d’achat de 2010). Il s’agit ainsi de 104,546 milliards de dollars US ou de 78,844 milliards d’euros (toujours sur la base du pouvoir d’achat de 2010). Depuis l’euro a été dévalorisé considérablement et cette tendance continue à moyen terme. La dette de réparation allemande se monte donc actuellement à 98,503 milliards d’euros. Nous pouvons ainsi estimer la dette de réparation à, au moins 90 milliards d’euros.

     

    > Ressentiments populistes

     

    > En Allemagne ces calculs vont très certainement être perçus comme scandaleux par la majorité de la population. Le premier argument à réfuter concerne les accords de réparation de Paris de 1946. Datant de près de 70 ans, il seraient ainsi de « l’histoire ancienne », alors même que d’un point de vue de droit international, ils n’ont de fait jamais été annulés. A contrario, en raison des accords de Londres, les dettes allemandes dues à des créanciers privés, qui remontent parfois à 1924, ont été amorties jusque dans les années 1980. Dans le même ordre d’idées, alors que le paiement des intérêts sur les réparations de la première guerre mondiale par la RFA avait été ajourné lors de la convention de Londres, du fait de la partition de l’Allemagne, le fisc allemand a postérieurement repris les paiements jusqu’au 3 octobre 2010 – soit presque un siècle après la fin de la première guerre. L’argument du gouvernement fédéral qui vise donc à refuser les demandes de réparation grecques au nom d’un délai sans précédent paraît bien cynique si l’on remonte l’histoire des réparations.

     

    > Deuxièmement, il faut rappeler que ces calculs sont basés sur des estimations et des montants minimaux. Mais comme les réparations doivent toujours prendre en compte en plus des biens et services volés, les salaires et revenus soustraits, il faudrait y ajouter un calcul sur la base de l’index des salaires et de l’index des produits sociaux et d’en estimer une valeur moyenne. Dans ce cas les réparations dues seraient encore plus importantes.

     

    > Une troisième série d’arguments provient de mots d’ordre populistes : Est-ce que les petit.e.s contribuables et les retraité.e.s allemand.e.s qui vivent déjà pauvrement devraient payer pour les demandes de réparations de la Grèce ? Aux côté de la banque impériale allemande (Deutsche Reichsbank), des services fiscaux de l’époque (Reichfiskus), des groupements économiques et des commandements économiques de la Wehrmacht ,ce sont avant tout les grandes entreprises qui ont organisé et profité du pillage de la Grèce. Elles existent encore aujourd’hui. ThyssenKrupp, l’industrie du tabac, Siemens, des entreprises de construction de premier plan et des grandes banques. Tout autant que la Deutsche Bundesbank (qui assume la succession juridique de la Deutsche Reichsbank), elles devraient se voir également présenter la facture. Un prélèvement généreux sur les réserves d’or de la banque fédérale allemande ainsi que sur la fortune des responsables historiques envers une Grèce ébranlée par la crise serait un signal essentiel.

     

    > Ce texte est une synthèse du livre Griechenland am Abgrund. Die deutsche Reparationsschuld (La Grèce au bord du gouffre, les dettes de réparation allemande) de Karl Heinz Roth publié dernièrement aux éditions VSA-Verlag.

     

    > Il a été publié en allemand dans le journal AK – analyse & kritik. Zeitung für linke Debatte und Praxis / Nr.606 / 16.6.2015 https://www.akweb.de/

     

    > Traduit par Aurélie Audeval et Jan Wörlein

     

    Image en bandeau : Walther von Brauchitsch, commandant en chef de la Wehrmacht visite l’acropolis en 1941 pendant l’occupation allemande de la Grèce.

     

    • 1. NdT : Les traités de paix post-guerre ont été rédigés comme des traités provisoires, du fait de la partition de l’Allemagne. Avec la réunification, ces traités auraient donc du être réexaminés.
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  • Le secrétaire national du PCF : ses mensonges sur la Grèce

     

    Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, vient de donner le samedi 25 juillet une interview à Marianne[1]. Il justifie sa position au sujet de la Grèce et son soutien à la capitulation consentie par Alexis Tsipras. C’est son droit. Mais, pour se faire, il prend un certain nombre de libertés avec les faits. Et cela est beaucoup plus condamnable. Cette interview est une excellente illustration des illusions d’une partie de la « Gauche Radicale », illusions sur l’Euro et sur l’Europe, dont il semble désormais que le Parti de Gauche commence à se dégager[2].

    Un petit florilège des citations de Pierre Laurent permet de voir qu’il entretient de sérieuses illusions, et même qu’il adopte un point de vue « européiste » qui n’est pas éloigné de celui du Parti dit « socialiste ». Mais, il faut aussi savoir que les prises de position de Pierre Laurent sont aujourd’hui fortement critiquées dans de larges fractions de la base comme de l’appareil du PCF. Ces prises de position reflètent bien plus les errances d’un homme et d’un groupe de direction du PCF qu’une position largement défendue au sein du Parti.

     

    Une analyse tendancieuse du 13 juillet

    Tout d’abord, quand il entend justifier la capitulation de Tsipras, Pierre Laurent dit au journaliste la chose suivante :

    « Ils ont enfermé la Grèce et ses dirigeants dans une alternative qui était soit le Grexit — souhaité par les Allemands de manière ouverte, Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances allemand, a plaidé jusqu’au dernier moment auprès des Grecs pour une sortie ordonnée —, soit le plan d’austérité qui a finalement été imposé. Le choix qu’a fait Tsipras est un choix qui évite la banqueroute bancaire de son pays, une situation qui aurait été terrible pour les Grecs. Je crois qu’il n’avait pas d’autres alternatives »[3].

    Si je suis d’accord qu’un effondrement des banques est une catastrophe, je signale à Pierre Laurent que ce que Tsipras a refusé c’est la proposition de Varoufakis de (1) réquisitionner les banques et (2) de réquisitionner la Banque de Grèce. Ce faisant, le gouvernement aurait eu accès aux réserves (sous contrôle de la BCE avant la réquisition) déposées à la Banque de Grèce mais aussi dans les banques commerciales. La réquisition est un mécanisme qui permet à tout gouvernement de la zone Euro de s’affranchir de la tutelle de la BCE. Dire, dans ces conditions, que le choix de Tsipras était entre la banqueroute et la capitulation est faux. La décision de Tsipras a été politique, et non économique. C’était un choix entre s’engager sur une voie, celle que proposait son Ministre des finances Yanis Varoufakis, voie pouvant le conduire à sortir de l’Euro, ou bien d’accepter l’austérité. Présenter cela comme une décision économique est un mensonge éhonté[4]. Les choses sont désormais publiques, et il est triste de voir Pierre Laurent s’enferrer dans le mensonge.

     

    Pierre Laurent révolutionne la science économique

    Commentant un possible Grexit, Pierre Laurent ajoute alors :

    « Et une sortie de la zone euro laisserait n’importe quel pays qui la pratiquerait devant la même pression des marchés financiers, voire une pression décuplée et une dévaluation nationale plus grave encore ».

    Il semble ici que Pierre Laurent, qui a pourtant fait des études d’économie à Paris 1, ignore qu’il existe des moyens réglementaires permettant à un pays de faire fortement baisser la pression exercée par les marchés financiers. Cela s’appelle le contrôle des capitaux. Non pas le « contrôle des capitaux » imposé par la BCE à la Grèce, et qui aboutit à empêcher les entreprises grecques de faire des opérations sur l’étranger via les comptes Target2 (et qui s’apparente en réalité à un contrôle des changes), mais les contrôles sur les mouvements de capitaux à court terme non liés à des opérations matérielles. Ces mouvements représentent entre 90% et 95% des flux de capitaux, et sont essentiellement des mouvements spéculatifs. Bien entendu, pour les mettre en œuvre, il faut recouvrer le contrôle sur la Banque Centrale. Ici, soit Pierre Laurent fait la preuve de sa méconnaissance des mécanismes économiques de base, soit il les connaît, et en ce cas il ment en toute connaissance de cause. Je laisse le lecteur libre de son choix.

     

    Pierre Laurent est un grand logicien

    Pierre Laurent assène alors un argument qui lui apparaît imparable pour écarter une sortie de l’Euro. Cet argument, le voici :

    « Il y a d’ailleurs des pays aujourd’hui qui, en dehors de la zone euro, sont également frappés par des politiques d’austérité. Car la pression des marchés s’exerce partout et sur tous les pays ».

    On reste sidéré par ce que ce paragraphe implique comme méconnaissance des liens logiques qui relient plusieurs éléments. Bien sûr, il existe des pays qui ont des politiques d’austérité sans appartenir à l’Euro. Nul ne l’a nié. Mais, connaît-on un pays de la zone Euro qui n’applique pas une politique d’austérité ? En fait, on peut montrer que la zone Euro induit un cadre dépressif pour les économies qui y participent[5]. Donc, cet argument ignore ce qu’en logique on appelle des conditions nécessaires et des conditions suffisantes. La sortie de l’Euro est une condition nécessaire à une rupture avec une politique d’austérité, mais ne constitue nullement une condition suffisante. Par contre, par sa méconnaissance de la logique la plus élémentaire, Pierre Laurent nous montre qu’il est suffisant mais pas nécessaire.

     

    Pierre Laurent révolutionne la science économique (bis)

    On revient à un argument en apparence plus économique avec la citation suivante, qui se révèle, à nouveau, tout à fait catastrophique :

    « Oui, mais aujourd’hui, la différence est que tous les avoirs détenus par les Grecs sont en euros. Et le transfert de ces avoirs dans une monnaie nationale qui serait dévaluée par les marchés financiers conduirait, dans un premier temps, à un affaiblissement considérable du potentiel de ressources des Grecs. Alors que pour reconstruire leur pays, ils ont besoin d’un niveau d’investissement important ».

    Notons tout d’abord que ce ne sont pas les « marchés financiers » qui transfèrent les avoirs qui sont détenus par les grecs. C’est en réalité le système bancaire, s’il s’agit d’avoirs détenus en Grèce. Pierre Laurent, à l’évidence soit ne connaît pas les règles de fonctionnement de l’économie, soit cherche à nous mener en bateau. Ces avoirs en Euros seront automatiquement re-dénominés en Drachmes. Mais cette redénomination touchera toutes les valeurs de l’économie grecque. Donc, le potentiel d’investissement sur la base de l’épargne (oui, cette chose que l’on apprend en fin de première année d’économie, l’égalité entre l’épargne et l’investissement) sera inchangé par rapport aux valeurs de l’économie grecque. Mais, une partie de ces avoirs ne sont pas détenus en Grèce. Donc, ils resteront en Euros (ou dans une autre monnaie, que ce soit le Dollar ou, peut être, le Mark allemand…). Si la Drachme est dévalué, disons de 25%, cela signifie que ces avoirs seront réévalués de 33%. Donc, le potentiel d’investissement, sur la base des avoirs grecs détenus à l’étranger, sera largement augmenté. Ce qui veut dire que les grecs ayant mis leurs avoirs à l’étranger pourraient les rapatrier avec un effet bien plus positif sur les investissements que si la Drachme n’avait pas été dévaluée. Notons encore que ceci s’applique aussi à l’ensemble des investisseurs étrangers. En fait, une sortie de l’Euro et une dévaluation de 25% de la Drachme constituent la condition pour qu’un flux d’investissement important en drachmes se reconstitue en Grèce.

    Mais, il est peu probable que Pierre Laurent ignore à ce point les mécanismes de base de l’économie, ou alors il faut s’interroger sur les conséquences délétères sur le cerveau humain d’années de travail au journal l’Humanité. Il est bien plus probable que Pierre Laurent, ici encore, mente, et qu’il mente avec l’aplomb d’un arracheur de dents.

     

    Quand Pierre Laurent joue au prestidigitateur

    Reprenons le cours du raisonnement. Pierre Laurent nous offre une magnifique perle avec la citation suivante :

    « Puisque les solutions apportées par Tsipras étaient totalement viables et elles restent praticables dans la zone euro. Ce n’est pas la zone euro qui les empêche mais la décision politique prise par les dirigeants allemands et un certain nombre d’autres dirigeants européens de rendre impossible l’expérience politique de Syriza ».

    Ici, Pierre Laurent fait mine de croire que les dirigeants allemands et européens ont été conduits uniquement par leur haine politique de Syriza. Que ces dirigeants n’aient pas apprécié Syriza est certain. Mais, quand bien même l’auraient-ils apprécié, accepter les solutions proposées par Tsipras impliquait, à relativement court terme, faire basculer la zone Euro vers ce que l’on appelle une « union de transfert ». Or, les montants nécessaires pour faire fonctionner la zone Euro sans les politiques d’austérité ont été évalués, et on trouvera l’une de ces évaluations d’ailleurs dans ce carnet. Pour faire court, il faudrait que l’Allemagne consacre entre 8% et 10% de son PIB tous les ans pendant environ dix ans à ces transferts. Il est clair que cela n’est pas possible, sauf à vouloir détruire l’économie allemande. La véritable cause du rejet des options de Syriza se trouve là. Affirmer que « les solutions apportées par Tsipras étaient totalement viables et elles restent praticables dans la zone euro » est un nouveau mensonge. Les solutions proposées par Tsipras impliquaient une refonte totale de la zone Euro, et cette refonte aboutissait à faire peser un poids excessif sur l’Allemagne. Telle est la vérité. Mais, cette vérité gêne Pierre Laurent, qui préfère la faire passer sous le tapis pour sauver l’illusion de la possibilité d’une zone Euro qui ne soit pas austéritaire. Pierre Laurent doit donc mentir quant aux conditions de viabilité de la zone Euro, mais, nous l’avons vu, il n’est pas à un mensonge près.

     

    Le dernier mensonge

    Il ne reste donc à Pierre Laurent qu’un argument : le point Godwin ou la réduction du dilemme grec à un affrontement avec le Front National. Il suffit de regarder le paragraphe suivant pour s’en convaincre :

    « Il y a aujourd’hui trois options en débat. L’option d’une Europe de l’ordre libérale, celle qui existe aujourd’hui. Il y a l’option d’une destruction de l’Europe et d’un retour à la compétition, voire au choc des nations dans la crise que traverse l’Europe, c’est l’option du Front national et des forces qui l’appuient. Et il y a l’option qui est la nôtre, celle de Tsipras, la mienne, celle que nous défendons, qui est l’option de la reconstruction d’une Europe de coopération, de solidarité, d’une Europe de souveraineté qui doit laisser plus de place aux pouvoirs de chaque nation de négocier démocratiquement son insertion dans cette Europe de solidarité. Nous parlons d’une Europe à géométrie choisie… ».

    Passons sur le fait que proclamer que l’on vivrait mieux dans le monde des bisounours, la troisième option, na jamais fait avancer le débat. Mais, une sortie de la Grèce de l’Euro, et à terme, une dissolution de l’Euro, entraineraient-ils ce cataclysme que prévoit Pierre Laurent ? En fait, de nombreux économistes soutiennent aujourd’hui qu’une sortie de l’Euro était préférable, certains conservateurs comme Henkel[6], d’autres progressistes comme Kevin O’Rourke[7] ou Stefano Fassina[8], ancien ministre du PD en Italie, et parmi eux des assistants de Varoufakis[9]. C’est donc un nouveau mensonge de Pierre Laurent que de prétendre que l’option d’une sortie de l’Euro serait le fait du seul Front National. Un mensonge de plus dira-t-on. Espérons, en tous les cas, qu’il soit le dernier.

     

    [1] Pierre Laurent : “Une sortie de la zone euro n’empêche pas la pression des marchés”, entretien avec Bruno Rieth, Marianne, 25 juillet 2015, http://www.marianne.net/pierre-laurent-sortie-zone-euro-n-empeche-pas-pression-marches-100235637.html

    [2] Voir le blog de Guillaume Etievant, responsable économique du PG, le 24 juillet 2015, http://guillaumeetievant.com/2015/07/24/soyons-prets-a-sortir-de-leuro/

    [3] Pierre Laurent : “Une sortie de la zone euro n’empêche pas la pression des marchés”, op.cit..

    [4] Je renvoie à l’article de Jamie Galbraith, qui a travaillé avec Varoufakis publié dans Harper’s, http://harpers.org/blog/2015/07/greece-europe-and-the-united-states/ ainsi qu’aux explications données par Yannis Varoufakis lui-même sur son blog : http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/14/on-the-euro-summits-statement-on-greece-first-thoughts/

    [5] Voir Bibow, J., et A. Terzi (eds.), Euroland and the World Economy—Global Player or Global Drag? Londres, Palgrave, 2007.

    [6] http://www.conservativehome.com/platform/2015/07/hans-olaf-henkel-mep-greece-must-leave-the-eurozone-for-the-good-of-us-all.html

    [7] http://www.socialeurope.eu/2015/07/moving-on-from-the-euro/

    [8] http://www.stefanofassina.it/lavoroeliberta/2015/07/19/sono-daccordo-con-schouble-una-grexit-assistita-unica-soluzione/

    [9] Munevar D., « Why I’ve Changed My Mind About Grexit », in SocialEurope, 23 juillet 2015, http://www.socialeurope.eu/2015/07/why-ive-changed-my-mind-about-grexit/

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  • Ci-gît SYRIZA ?

     

     

     

     


    L’impitoyable règne, l’amertume déborde. Rien ne sera plus comme avant, hormis la poursuite du génocide économique et encore. Notre situation relève à la fois de la... troisième bataille d'Ypres , de Montoire et de Várkiza ... SYRIZA n’est plus comme avant, je dirais même que dans un sens SYRIZA n’est plus. Histoire alors en direct et de pleine gueule. Mardi 14 juillet dans la soirée, j’ai assisté en... observateur participant invité, à la réunion plénière du courant (Plateforme) de Gauche de SYRIZA.

    Réunion de la Plateforme de Gauche SYRIZA. Athènes, le 14 juillet


    Images obligatoirement floues d’une époque enfin limpide. Les journalistes en ont été exclus car la réunion n’était pas publique ni ouverte, et la consigne a été donnée par les organisateurs et répétée par Panagiótis Lafazánis en personne, “de ne pas enregistrer les débats et de ne pas communiquer, au-delà des déclarations à la presse qui attend dehors”.

    Ainsi, d’après le reportage de la presse grecque du 15 juillet, “lors de la réunion des dirigeants de la Plateforme gauche, ses cadres essayent simultanément de coordonner leurs actions avec d'autres groupes organisés et de dissidents au sein de SYRIZA, afin d'adopter une ligne commune lors des réunions ultérieures, autant au Parlement, que dans les organes du parti”. “Notre feuille de route est d'aller vers la monnaie nationale, cela nous devrions l’avoir déjà fait, et nous pouvons le faire maintenant, en utilisant les 22 milliards d’Euros de réserve de la Banque de Grèce pour payer les salaires et les pensions, et ainsi profiter de ce laps de temps pour imprimer notre propre monnaie, aurait dit M. Lafazánis, car la réunion était à huis clos, et il n’y a pas eu de communiqué publié”.

    Réunion de la Plateforme de Gauche de SYRIZA, le 14 juillet 2015


    Manifestement, de nombreux membres de cette composante de SYRIZA, se ont ouvertement positionnés en faveur d’un vote, contre la proposition du gouvernement conduisant à l’accord, cependant, ils ont laissé la porte ouverte, celle de la communication et du dialogue, ils ont aussi réitéré la nécessité absolue, même en ce moment du rejet de l’accord par le gouvernement”.

    Des informations très fiables, indiquent que la Plateforme de Gauche échange et converse avec l'ex-ministre des Finances (Yanis Varoufákis)”, quotidien “Ethnos” du 15 juillet. Tout cela est juste, sauf que je ne peux écrire davantage... sur les échanges et sur les débats qui se sont déroulés hier, les lecteurs de greekcrisis peuvent ainsi comprendre !

    Journalistes et cameras devant l'hôtel où se tenait la réunion de la Plateforme de Gauche. Athènes, le 14 juillet


    Je peux par contre écrire, que le climat était bien grave, les visages crispés et les cœurs bien battants. Les ministres issus de la mouvance gauche de SYRIZA (et qui ne le seront plus dans quelques heures), ont précisé ce que tout le monde d’ailleurs sait: “La procédure est anticonstitutionnelle, plus anticonstitutionnelle même que jamais... autant auparavant. Personne n’a lu réellement le long texte étalé sur seulement deux articles, les ministres concernés non plus. C’est un diktat... dicté et imposé, donc c’est un viol, d’abord de la volonté populaire exprimée lors du référendum, de la souveraineté nationale et... accessoirement de la Gauche, en Grèce et partout ailleurs. Nous, nous n’accepterons pas cette version de l’histoire... de notre histoire”.

    Le mémorandum III et... Tsipriote, a été même qualifié de “Solution finale”, tandis que les arguments avancés par Alexis Tsípras sur le “paquet alloué au développement” et sur l’ex-annulation de la dette grecque, c’est à dire son rééchelonnement lointain vers 2022, ont été réfutés par les élus de la Plateforme de Gauche, lors de la réunion mais aussi par la suite publiquement ce mercredi matin dans les médias.

    Joint par téléphone en direct, le député Plateforme de Gauche et du Pirée, Leoutsakos, a expliqué sur la télévision Ant1 (15 juillet), sa “mission qui est aussi celle de la Plateforme de Gauche et en réalité de tout SYRIZA fidèle à son histoire et à ses engagements vis à vis du peuple grec, référendum compris: informer, lutter, préparer le peuple pour enfin sortir de zone euro, car... aucune politique de gauche n’est possible pour les pays de la dite zone, d’où l’effondrement total de la stratégie SYRIZA jusque là. Si cet accord (le mémorandum III) passe, alors nous lutterons jusqu’à son annulation.

    Manifestante ex-Syriziste brûle le drapeau du parti. Place de la Constitution, le 13 juillet, source: internet grec


    Alexis Tsípras a commis une grave erreur en acceptant cet accord, car c'est effectivement une erreur de rester dans une zone monétaire sous les ordres de la soumission. D’ailleurs nous voterons ‘Non’ au texte et nous ne démissionnerons pas du mandat de député. Car ce mandat appartient à SYRIZA, et nous, nous restons fidèles aux idées du parti tout en respectant la déontologie en interne. Mais nous ne fonderons pas pour autant un nouveau parti, seulement au sein de SYRIZA il y aura du changement, c’est certain” (je cite de mémoire).

    Dimítris Vitsas, également député SYRIZA (de... la majorité), très agacé a aussitôt quitté le studio où il participait à un panel d’invités, cela a donc pu démontrer la... clarté du débat chez SYRIZA.

    Peu avant midi (15 juillet), Nadia Valaváni (ministre déléguée de l’Économie) a démissionné, tandis que Zoé Konstantopoúlou, Présidente de l’Assemblée supposée Nationale, a exhorté les députés à ne pas céder devant le coup d'État et face au chantage.

    Les événements se bousculent devant l’issue de secours de l’histoire. Place de la Constitution... piétinée par le nazisme bleu de l’UE et de Berlin eternel, des manifestants... de type nouveau ont fait leur apparition. Ces Syrizistes indignés, manifestent avec rage et détermination, certains ont même brûlé le drapeau de... leur parti. Le nouveau slogan qui orne désormais le marbre de la place est le suivant: “Ci-gît SYRIZA... que je soutenais jadis”. Les forces spéciales de la police (MAT - CRS) ont par ailleurs retrouvé... toute leur place devant le Parlement. Ci-gît alors un certain SYRIZA...

    Ci-gît SYRIZA. Place de la Constitution, le 13 juillet

     

    Retour des unités de la Police devant le Parlement. Athènes, le 13 juillet

     

    Nouveaux manifestants. Place de la Constitution. Le 13 juillet


    La stratégie de la Plateforme de Gauche semble se dessiner: prendre le contrôle du parti et reléguer du gouvernement Tsipriote au rang d’électron mémorandaire “libre”. Ce serait presque fait. L’affirmer c’est prématuré. Cependant, mercredi (15 juillet), un texte signé par 109 membres du Comité Central de SYRIZA (sur un total de 201 délégués) et aussitôt publié par la presse appelle à l’unité de SYRIZA, et au respect des engagements adoptés avant les élections et lors du dernier congrès du parti.

    Le 12 juillet a eu lieu à Bruxelles un coup d'État. Il a prouvé que le but des dirigeants européens était l'extermination d'un peuple pour en faire un exemple, ce peuple avait songé à la poursuite d’un autre chemin, au-delà et en dehors du modèle néolibéral de l'austérité alors extrême. Un coup d'État donc dirigé directement contre toute conception de la démocratie et de la souveraineté populaire.

    Alexis Tsípras et Panagiótis Lafazánis. Unité... en 2013


    L'accord avec les ‘institutions’ fut le résultat de menaces directes et d’étranglement économique, introduisant ainsi un nouveau mémorandum, dont les termes du contrôle exercé seront encore plus lourds et humiliants, un désastre pour notre pays et pour notre peuple.” “Nous concevons certes la situation, autrement-dit les pressions étouffantes, exercées sur la partie grecque lors des négociations, néanmoins, nous considérons que le fiers ‘NON’ de tout un peuple au référendum, n’autorise pas au gouvernement la soumission au chantage et à l’ultimatum des créanciers. Cet accord n’est pas compatible avec les idées ni avec les principes de la gauche, mais surtout, il n’est pas compatible avec les besoins des couches populaires. Cette proposition ne peut pas donc pas être acceptée par le peuple, ni par les cadres de SYRIZA. Nous demandons la tenue d’une réunion immédiate du Comité central et nous invitons les membres, les cadres et les députés de SYRIZA, à sauvegarder l'unité du parti sur la base des engagements qui ont été les nôtres en janvier 2015, et sur celle, issue du dernier congrès de SYRIZA.”, voilà pour le texte dans son intégralité.

    Non au 4ème Reich. Athènes 2010-2015

     

    Plan-B. NON à l'euro. Athènes 2010-2015

     

    Ne vivons pas comme des esclaves. Athènes, 2010-2015

     

    Handicapés et manifestants. Athènes, 2010-2015


    En plus, vingt délégations régionales SYRIZA, se sont ouvertement positionnées de la même manière, et ce n’est qu’un début. Le mémorandum III aura scellé en quelque sorte le sort de SYRIZA, et autant celui de l’Européisme. Pétros, un voisin rencontré mercredi matin est du même avis:

    SYRIZA, en tout cas tel que nous le connaissions, est terminé. Ce mémorandum est un génocide. Nous ne nous laisserons pas faire, avec un SYRIZA nouveau, avec un autre mouvement politique et surtout entre nous mobilisant notre nouvelle conscience, nous ferons tout pour résister et pour sortir de l’UE. Deja, il va falloir sortir de la zone de l’Euro de manière réfléchie et préparée, pas n’importe comment. Et il faut enfin comprendre que la voie actuelle est celle de la mort assurée tandis que l’autre manière, elle sera peut-être difficile, sauf que l’espoir... peut revenir” Il y a encore six mois, Pétros, électeur SYRIZA, pensait que l’Europe était alors un cadre... naturel. Plus maintenant et plus jamais.

    La tragédie politique et incontestablement personnelle d’Alexis Tsípras, a eu le grand mérite de faire bouger les lignes de l’Européisme, en Grèce, comme ailleurs. Lors de la réunion de la Plateforme de Gauche, Panagiótis Lafazánis a insisté sur la fausseté... grassement payée des sondages. “Croyez-moi, tous les sondages sur cette question de l'image prétendument positive de l'UE et de l'Euro sont payés pour être sciemment faux ; il faut en être conscient”, a-t-il précisé.

    Retraités manifestants. Athènes, 2010-2015

     

    Costas Lapavítsas via Skype. Forum pour sortir de l'euro et de l'UE. Athènes, 2013

     

    Vie grecque. Athènes, 2010-2015


    Costas Lapavítsas, économiste et député SYRIZA (Plateforme de gauche), lors de son intervention mardi soir (14 juillet), a insisté sur deux points (déjà connus par ses propos tenus devant les journalistes). “D’abord, c’est la première fois dans ma carrière d’économiste que je rencontre une telle convention d’accord. Non seulement, elle est de type néo-colonialiste, personne ne dira le contraire, mais surtout, surtout hélas, cet accord comporte par certaines de ses formulations et tournures de phrase, un volet ouvertement revanchard et punitif, au-delà même de toute logique économique (même de type néocolonialiste), car c’est ainsi que l’élite de l’Allemagne pense ‘régler l’affaire grecque’”.

    Ensuite, je le répète, nous avons un Plan-B, par lequel, étape après étape, nous sortirons de la zone euro.”. La Grèce sait et la Grèce alors comprend. En se suicidant Place de la Constitution, le retraité pharmacien Dimitri Christoúlas, n’avait pas mâché ses derniers mots. J’y étais... étrange hasard. “Preuve en est le très visionnaire billet, écrit de sa propre main, que ce nouveau martyr des temps modernes qu’est Dimítris Christoúlas, pharmacien de longue date, laissa expressément dans sa poche, tel un véritable manifeste idéologique plus encore qu’un testament spirituel, avant de quitter cette ingrate terre:” “Je crois que les jeunes sans avenir, dans ce pays, prendront un jour les armes et pendront les traîtres.”, note dans son carnet Daniel Salvatore Schiffer, et c’est... dans le Nouvel Observateur.

    Quelques minutes après le suicide de Dimitri Christoúlas. Place de la Constitution, le 4 avril 2012

     

    Nikólaos Palyvos. Jeune scientifique, suicidé en 2012

     

    Le mémorandum, impose ce psychisme de la peur. Athènes, 2010-2015


    Mémorandum après mémorandum, suicide après suicide, c’est alors le lien... social tissé autour de la peur et de la mort qui devient alors le catalyseur non contrôlable du futur. La barrière anatomique de la société grecque a été ouverte depuis, la plaie est béante. Sauf qu’en fin de compte, la peur a été vaincue, déjà en janvier 2015 et ensuite, lors du récent référendum. D’où très... logiquement, cette expédition punitive, héritée du passé impérial et nazi de l’élite allemande.

    Sauf qu’en Allemagne déjà, de nombreux citoyens, voire collectifs politiques expriment leur désaccord et parfois même leur désarroi. Wolfgang Schäuble, escroc et mafieux parmi les grands mafieux, “non seulement prépare un projet d’une l'Europe germanocentrée, il est en plus... l’usufructuaire direct d’un tel projet. Le fonds luxembourgeois... où devaient être alors transférés les 50 milliards de dollars des privatisations grecques imposées initialement par la première version du mémorandum III, est en réalité une société dans laquelle Schäuble est le président du conseil d’administration. Ceci explique alors cela, car nous devons enfin comprendre ce que signifie la mainmise sur les peuples européens de l’oligarchie allemande”, a-t-il déclaré devant les députés ce mercredi le ministre du Travail (SYRIZA) Panos Skourlétis.

    Athènes, 2010-2015

     

    Peuple aux armes. Athènes, 2010-2015




    Fiasco programmé. Athènes 2010-2015


    Le mémorandum III, introduit entre-autres de... l’automaticité quant aux mesures austéritaires, lorsque certains chiffres ne correspondront pas au logiciel ordo-libéral d’Angela Merkel et de François Hollande... dans un sens. C’est autant ; un essai gradeur nature de la nouvelle Europe en gestation. C’est aussi pour cette raison qu’elle est depuis synonyme de haine, de guerre et de destruction massive des sociétés, de la démocratie, des nations et des souverainetés. Donc arrêtons-la, tant qu’il est encore temps, autrement-dit, il faut défaire l’UE, tel doit être le seul et premier programme de la Gauche déjà.

    SYRIZA n’est plus (comme avant d’abord), et le mémorandum III finira très mal. La société grecque explosera alors tôt ou tard, j’en suis convaincu et je ne suis pas le seul à le penser à Athènes.

    La... Grrrrèce, toute la Grèce est en train de grincer des dents. Dans la rue, dans les cafés, les gens sont enflammés, agacés, amers et déterminés. Ils ne disposent pas d’autre arme que leur présence physique ou le vote, et cela, malgré la tromperie et malgré le coup d’État.

    La Grrrèce qui grince. Athènes, 2010-2015

     

    UE, Euro et leur dictature. “Quotidien des Rédacteurs”, juillet 2015


    À la fin de la réunion de la Plateforme de Gauche, nous avons bu un seul verre de vin, et d’ailleurs sec, dans un bistro du coin. Nous avons commenté les événements, ainsi que l’interview qu’Alexis Tsípras avait entre-temps accordée à la télévision publique ERT le même soir. “Il n'est pas convaincant, il est sur la défensive... bonjour”.

    Au moment de la note, Caterína Thanopoúlou, Plateforme de Gauche et Vice-présidente de Région en Attique chargée des Affaires sociales, a sorti un... faux billet de “500 nouvelles drachmes”.

    500 nouvelles drachmes. Le 14 juillet 2015


    C'est déjà un peu tôt et c'est surtout largement en retard, nous regardons toujours le soleil... derrière le grillage de l'euro”!

    SOURCES ICI

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  • Leçons de la crise grecque sur l’Euro (par Jacques SAPIR)

    Le drame que vit la Grèce nous aura au moins appris deux choses : le lien qui existe aujourd’hui entre l’Euro et l’austérité et l’attachement d’une partie de la gauche à l’Euro, un attachement qui la conduit, maintenant de plus en plus rapidement, à sa perte. La première de ces choses permet de comprendre pourquoi les autorités de la zone Euro se sont montrées à ce point inflexibles. Le second nous explique pourquoi Alexis Tsipras s’est laissé poser la tête sur le billot et n’a pas choisi de rompre quand il le pouvait, c’est à dire dans la nuit du 5 au 6 juillet, après la victoire du « Non » au référendum.

     

    L’Euro, c’est l’austérité

     

    L’Euro est lié à l’austérité de par la logique même de la monnaie unique. Celle-ci met en concurrence des pays aux dotations en facteurs de production (que ces derniers soient matériels ou humains avec le niveau d’éducation) très différents. Pour rétablir leur compétitivité face à des pays mieux pourvus, les pays qui sont les moins bien pourvus doivent donc dégager une épargne supérieure (en pourcentage) à celle des pays les mieux pourvus. Ceci entraîne un déplacement de la consommation vers l’épargne. Comme, dans une monnaie unique, toute différence de taux d’inflation se traduit immédiatement par une perte de compétitivité, les pays les moins bien pourvus ne peuvent compter sur l’inflation comme instrument de financement de cette épargne. On perçoit alors la nature profondément austéritaire de l’Euro.

     

    Cette nature est renforcée par le fait que le taux d’inflation d’un pays ne dépend pas que de sa politique monétaire mais est déterminé, aussi, par la structure de son économie. Un pays ayant ainsi une population dynamique aura naturellement un taux d’inflation supérieur à un pays avec une population stagnante ou décroissante. De même, le taux d’inflation a un impact important sur la création des entreprises : ces créations, et les innovations qu’elles peuvent entraîner, engendrent des mouvements de prix relatifs (le prix d’un bien ou d’un service exprimé en d’autres biens ou d’autres services) qui impliquent un certain taux d’inflation. Dès lors, l’imposition d’un taux d’inflation unifié sur des économies aux structures très différentes implique que pour certain pays la croissance sera largement inférieure à ce qu’elle pourrait être. C’est ce que l’on appelle dans la littérature économique le problème de l’output gap ou écart de production.

     

    Enfin, politiquement, l’Euro introduit un très fort biais en faveur des politiques dites d’austérité car il conduit à la substitution d’un gouvernement où la décision est reine par un gouvernement déterminé par des règles comptables. Ces règles peuvent être internalisées par le personnel politique, ce qui est de plus en plus le cas en France, ou elles peuvent être imposées par la force comme c’est aujourd’hui le cas en Grèce.

     

    Ainsi, il peut y avoir de l’austérité sans l’Euro mais l’Euro implique nécessairement l’austérité. C’est désormais clair pour une large majorité d’européens, qui vont être de plus en plus dégoûté par la monnaie unique. Un article publié dans leFinancial Times le 13 juillet soulignait cet aspect[1].

     

    Les raisons d’un attachement irrationnel de la « gauche »

     

    Mais, face à ce constat, on est alors confronté aux positions d’une partie de la « gauche » qui continue de défendre, envers et contre tous, l’Euro. On l’a vu en France où le P« S », y compris les soi-disant « frondeurs », a soutenu le diktat du 13 juillet, et où même le PCF, par la bouche de Pierre Laurent, à failli le soutenir avant que de changer d’avis et de finir de voter « non » au Parlement. Il y a, il faut le reconnaître, un attachement qui semble irrationnel à l’Euro, et qui a transformé une partie de la « gauche » en bras séculier pour l’application de l’austérité[2]. Ambrose Evans-Pritchard, qui se qualifie lui-même de « libéral dans la tradition de Burke » va ainsi jusqu’à écrire : « Par un retournement du sort, la Gauche est devenue ce qui met en œuvre une structure économique qui a conduit à des niveaux de chômage qui semblaient impensables pour un gouvernement démocratique d’après-guerre avec sa propre monnaie et ses instruments de souveraineté »[3]. La lettre de démission du SPD de Yascha Mounk, une universitaire allemande, publiée dans The Nation, illustre bien ce mouvement particulièrement puissant en Allemagne et le trouble qu’il engendre[4].

     

    Cet attachement concerne aussi une partie de ce que l’on appelle la « gauche radicale ». C’est cet attachement qui a conduit Alexis Tsipras à poser sa tête sur le billot. Le politologue Stathis Kouvelakis a cherché à analyser ce phénomène[5]. Sans vouloir engager un débat il est possible de voir plusieurs raisons dans cet attachement irrationnel et malsain à l’Euro.

     

    • La raison la plus bénigne est une sous-estimation du rôle de la monnaie dans le fonctionnement d’une économie capitaliste moderne. Si la monnaie ne peut exister sans d’autres institutions, et en cela il est clair qu’elle n’est pas la seule institution de l’économie, la manière dont elle est gérée a une influence considérable sur les autres institutions. Cela s’appelle tout simplement la dialectique.
    • Une vision dévoyée de « l’internationalisme » qui prétend qu’au nom d’intérêts communs (qui existent assurément) les peuples seraient Cette vision nie en réalité la notion d’internationalisme qui précise bien que le commun est entre les Nations mais ne se substitue pas à elles. Cette vision dévoyée prétend ainsi que le Libre-Echange est la forme actuelle de « l’internationalisme ». On comprend alors comment elle arrive à constituer l’Euro en fétiche, sans s’interroger sur le fait que les « unions monétaires » sont en réalité assez rares aujourd’hui dans le monde. Toute interrogation sur cette réalité forcerait ceux qui défendent l’Euro-fétiche de revenir sur terre et d’en envisager l’ensemble des coûts et pertes qu’il fait supporter aux économies de la zone.
    • Une idéologie de remplacement pour cette « gauche » qui se dit réaliste, et que l’on appelle la « deuxième gauche ». L’Euro est venu se substituer à la perspective du changement de société qui avait été défendu en 1981. Ayant abandonnée toute idée de changement social, ayant même substitué le « sociétal » au social, cette « gauche » dite réaliste s’est trouvée une idéologie de remplacement dans la construction européenne qu’elle a alors identifiée rapidement à l’Euro. C’est pourquoi toute remise en cause de l’Euro lui apparaît comme une remise en cause de cette dite construction européenne et doit être combattue avec la plus féroce énergie (et la plus grande mauvaise foi) et ce contre toutes les évidences. On a eu un exemple de ce type de comportement avec les déclarations faites par le Président de la république et par le Premier ministre depuis le 13 juillet.

     

    Ces raisons n’épuisent pas le sujet. On dira, à juste titre, que nombre des économistes qui conseillent la « gauche » dite de gouvernement viennent des banques (ou des compagnies d’assurances) et sont donc directement intéressés au maintien de l’Euro. Mais, les raisons d’ordre symbolique et politique l’emportent largement. La conséquence de cela est que la question de l’Euro sera le grand débat des mois à venir. C’est autour de ce clivage que l’on verra se réunir la véritable gauche, celle qui entend rompre avec les logiques des politiques d’austérité et donc de l’Euro et ceux qui s’enfoncerons toujours plus dans une logique de soumission conduisant à l’acceptation totale de ces logiques austéritaires.

     

    Jacques SAPIR

     

    [1] W. Munchau, « Greece’s brutal creditors have demolished the eurozone project », Financial Times, 13/07/2015.

     

    [2] Ambrose Evans-Pritchard, « EMU brutality in Greece has destroyed the trust of Europe’s Left », The Telegraph, 15 juillet 2015,http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/EMU-brutality-in-Greece-has-destroyed-the-trust-of-Europes-Left.html

     

    [3] Ambrose Evans-Pritchard, « EMU brutality in Greece has destroyed the trust of Europe’s Left », op.cit., « By a twist of fate, the Left has let itself become the enforcer of an economic structure that has led to levels of unemployment once unthinkable for a post-war social democratic government with its own currency and sovereign instruments ».

     

    [4] http://www.thenation.com/article/germanys-social-democrats-are-colluding-in-greeces-destruction-and-im-leaving-the-party/

     

    [5] Sebastian Budgen et Stathis Kouvelakis, « Greece: The Struggle Continues », 15 juillet 2015,https://www.jacobinmag.com/2015/07/tsipras-varoufakis-kouvelakis-syriza-euro-debt/

     

    SOURCES : http://www.communcommune.com/2015/07/lecons-de-la-crise-grecque-sur-l-euro-par-jacques-sapir.html

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