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MS21 - Page 30

  • Le modèle néolibéral en Colombie: spoliation et accaparement des terres

    Acaparamiento de tierras

    Au cours des dernières décennies, l’accaparement des terres par les États, les entreprises privées et les particuliers a augmenté de manière exponentielle. Cette situation met en danger la souveraineté alimentaire des peuples ainsi que celle de millions de citoyens dans le monde.

    L’organisation GRAIN a rapporté dans une étude que, depuis 2006, environ 35 millions d’hectares de terre répartis dans 66 pays ont été achetés par des investisseurs étrangers pour la production de denrées alimentaires1. Un nombre important de ces appropriations se produit en Afrique, mais existe aussi en Amérique latine, en Asie et en Océanie.

    En Colombie, le processus d’accaparement des terres a ses particularités : à l’époque coloniale, la terre a été attribuée aux Espagnols et aux créoles de la classe oligarchique émergente de la Colombie et ces derniers ont accumulé de vastes étendues de terres qui, par la suite, ont été transférées à leurs héritiers.

    Au cours du siècle dernier, de nouveaux territoires ont été colonisés par des paysans pauvres. Ces mêmes territoires (Caqueta, Meta, Antioquia, par exemple) ont ensuite fait l’objet d’accaparement par d’anciens et de nouveaux grands propriétaires qui, dans la plupart des cas, ont utilisé des méthodes violentes. Les paysans alors déracinés ont entrepris de nouveaux processus de colonisation, ce qui engendra encore l’expansion de la frontière agricole.

    Depuis la fin de la seconde moitié du XXe siècle et jusqu’à présent, le processus d’occupation des terres a été exacerbé par l’émergence de l’économie de la drogue. La loi 160 de 1994 a cependant délimité une quantité importante de terres incultivables appartenant à la Nation.

    En Colombie, la terre a été liée au pouvoir car posséder de grandes étendues de terre donne le pouvoir politique et le statut social au possesseur. En outre, les terres en Colombie ont été un instrument : en termes marxistes classiques, la terre en Colombie ne joue pas un rôle majeur dans le capitalisme car elle ne génère pas de capital qui peut être réinvesti pour générer encore plus de capitaux. En effet, les terres en Colombie génèrent une accumulation de revenus et, jusqu’aux années 50 du siècle dernier, le système de production rural ressemblait plus à une exploitation féodale qu’à une production capitaliste.

    Les modèles de développement appliqués en Colombie ont généré une «ruralisation» des villes, c’est-à-dire une migration massive des paysans vers les villes. Causés par la pauvreté et non par un développement économique agricole, ces déplacements ont de fait augmenté la taille des bidonvilles. Au cours de la première moitié du siècle dernier, la proportion d’habitants en Colombie était d’environ 70% des personnes vivant dans les zones rurales et 30% vivant dans les zones urbaines, aujourd’hui, cette proportion s’est exactement inversée2.

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  • De la haine de la démocratie dans l’UE (par Jacques Sapir)

    Les principaux responsables de l’Union européenne se déchaînent contre la pratique des référenda, considérée comme non démocratique. Ceci peut se comprendre à la suite du référendum britannique, mais ne constitue en réalité qu’une argutie qui vise à renforcer la déclaration de Jean-Claude Juncker de janvier 2015 où il déclarait « qu’il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». En fait, si l’on regarde l’histoire des référenda depuis le traité de Maastricht, elle est effectivement édifiante :

     

    Pays Date Objet Pourcentage du vote de rejet (« non ») Résultat politique
    Danemark 1992 Traité de Maastricht 51,7% Obligation de revoter
    Danemark 2000 Adhésion à l’Euro 53,2% Résultat accepté
    Irlande 2001 Traité de Nice 53,9% Obligation de revoter
    Suède 2003 Adhésion à l’Euro 56,1% Résultat accepté
    France 2005 Constitution européenne (TCE) 54,9% Résultat ignoré
    Pays-Bas 2005 Constitution européenne (TCE) 61,5% Résultat ignoré
    Irlande 2008 Traité de Lisbonne 53,2% Obligation de revoter
    Grèce 2015 Conditions des créanciers 61,3% Résultat ignoré

    On constate que sur 8 référenda, seuls 2 ont été respectés. La pratique de l’Union européenne, et des gouvernements dans le cadre de cette Union européenne, se révèle donc largement anti-démocratique puisque remettant en cause dans 75% des cas un vote démocratiquement exprimé.

    De la pratique à la théorie…

    Cette position n’est pas seulement une pratique. Elle a été théorisée dans une critique qui s’avère parfaitement convergente avec le discours tenu par l’Union Européenne. Il convient de s’y arrêter un instant pour chercher à comprendre de quoi il retourne en la matière. Jakab, après une analyse comparée des diverses interprétations de la souveraineté, avance pour le cas français que : « La souveraineté populaire pure fut compromise par un abus extensif de referenda sous le règne de Napoléon Ier et de Napoléon III, la souveraineté nationale pure ayant été perçue comme insuffisante du point de vue de sa légitimation[1] »

    C’est soutenir qu’un abus pervertirait le principe ainsi abusé. Mais il ne peut en être ainsi que si l’abus démontre une incomplétude du principe et non de sa mise en œuvre. Viendrait-il à l’esprit des contemporains de détruire les chemins de fer au nom de leur utilisation par le Nazis dans la destruction génocidaire des Juifs et des Tziganes ? Or, ceci est bien le fond du raisonnement tenu par Jakab. Pourtant, il est loin d’être évident dans l’usage politique fait du plébiscite que cet usage soit le seul possible. Si un plébiscite est bien un instrument non-démocratique, tout référendum n’est pas à l’évidence un plébiscite.

    La confusion établie par l’auteur entre les deux notions est très dangereuse et pour tout dire malhonnête. La pratique qui consiste à assimiler référendum et plébiscite, car c’est de cela dont il est question dans le texte, est une erreur logique. La discussion se poursuit sur la portée qu’il faut attribuer à la décision du Conseil Constitutionnel concernant la Nouvelle Calédonie où il est dit que « la loi votée… n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution »[2]. Ici encore, on pratique de manière volontaire la stratégie de la confusion. Ce que reconnaît le Conseil Constitutionnel, en l’occurrence, c’est la supériorité logique de la Constitution sur la Loi. Ce n’est nullement, comme le prétend à tort Jakab l’enchaînement de la souveraineté. En fait, dire que le processus législatif doit être encadré par une Constitution ne fait que répéter le Contrat Social de Rousseau[3]. Ce qui est en cause est bien le parti pris de cet auteur est de refuser ou de chercher à limiter le concept de Souveraineté.

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  • Après le BREXIT le FREXIT !

     

     par MS21

    BREXIT

     

    A l’issue d’une campagne intense le peuple britannique a donc décidé de quitter l’Union Européenne et de retrouver sa souveraineté. C’est un événement de première importance qui porte les enjeux politiques des mois à venir vers une nouvelle configuration.

    Le MS21 tient tout d'abord à saluer les dirigeants du Royaume Uni pour avoir organisé cette grande consultation démocratique - même si on peut regretter les outrances et les violences verbales de la campagne. Combien de chefs d'Etats de l'UE, et de dirigeants de la Commission européenne, considèrent en effet qu'il est pour le moins imprudent et à coup sûr totalement inopportun de consulter le peuple sur une question sensible qui perturbe les clivages traditionnels du champ politique et risque de contrevenir aux objectifs des classes dirigeantes européennes voire mondiales. Ensuite, même si on ne peut préjuger de l’utilisation que fera le gouvernement britannique de son indépendance recouvrée, nous affirmons sans restriction que nous nous réjouissons de ce résultat. La raison principale en est simple et bien connue : cette Union Européenne n’est en rien le cadre institutionnel d’une coopération entre les peuples ; elle n’est qu’un pilier de l’ordre néo-libéral mondialisé dont le but reste la concurrence des modèles sociaux et l’affaiblissement du salariat. Si en sortir n’est certes pas une condition suffisante à l’amélioration de la condition des classes populaires, nous considérons au MS21, que cela en est une condition absolument nécessaire.

    Un résultat révélateur

    Par de nombreux aspects, le résultat de cette élection est révélateur d’une nouvelle prise de conscience, pour une partie importante de la population, des véritables enjeux de la période. Elle concerne d’abord ceux qui, en majorité dans la gauche traditionnelle, ont cru un temps à la potentialité progressiste de l’UE. Celle-ci devait nous assurer la paix, la mise en commun de nos cultures, de nos savoirs, de notre recherche, et permettre par la libre circulation des marchandises et des personnes, l’avènement d’une société fraternelle. Mais bientôt soixante ans après le traité de Rome et 43 ans après l’intégration du Royaume uni dans l’UE, les ouvriers du Nord de l’Angleterre, les chômeurs, les salariés précarisés ont dû se rendre à l’évidence et désavouer massivement Jeremy Corbin le leader travailliste qui a fait campagne - d’ailleurs bien timidement - contre le Brexit; tous ces grands principes n’ont été que l’habillage trompeur d’une agression sans précédent sur les services publics de l’après-guerre, et la mise en place d’une financiarisation sans entraves dont la City - où on se désole certainement de ce résultat- est devenue l’emblème.

    Ensuite ce résultat doit ouvrir les yeux aux catastrophistes de tout poil et leur montrer que leur stratégie de peur et d’intimidation est vaine. Depuis quelques heures le Royaume Uni n’est virtuellement plus dans l’UE et le soleil s’est tout de même levé ! Aucune météorite n’est tombée sur Big Ben ! Aucun fléau n’a frappé la famille royale ! Ce pays va continuer à commercer avec ses voisins, à réguler son immigration et conduire sa monnaie selon ses propres critères. Il le fera peut-être sous l’égide des travaillistes en se préoccupant des plus démunis ou peut-être - dans la tradition thatchérienne - en ne se souciant que de l’intérêt des dominants. Mais le voilà, dans tous les cas, libéré de cette insupportable tutelle technocratique et anti-démocratique de l’oligarchie européiste.

    Enfin, ce résultat révèle que le terrain de la souveraineté ne doit pas être abandonné à l’extrême droite. Car, nous le savons, il existe de très mauvaises raisons pour contester la mainmise de l’UE. On les a retrouvées bien sûr en Angleterre dans le parti UKIP de Nigel Farage qui attise, sur fond de conservatisme le plus étroit, les peurs fantasmatiques et la xénophobie débridée, mais elles sont relayées par de nombreux responsables politiques européens , du Hongrois Viktor Orban, à Marine Le Pen en passant par des élus néerlandais, polonais, italiens, danois…Déserter le champ idéologique et politique de la souveraineté des nations - comme l’ont fait tristement en France le PS mais aussi le PC - est donc doublement coupable : c’est à la fois mépriser les peuples et leurs souffrances et laisser prospérer les populismes réactionnaires et parfois fascisants qui utilisent les frustrations populaires dans l’unique but de conquérir le pouvoir.

    Et maintenant…

    Ne rêvons pas. Les libéraux de Bruxelles - avec J C Juncker à leur tête qui disait encore récemment «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités » - vont accentuer la pression sur les peuples de l’UE en les soumettant à une cure d’austérité de plus en plus sévère, comme ils l’ont déjà fait avec la Grèce où sévit une véritable crise humanitaire. La loi «Travail » imposée en France de façon autoritaire et antisyndicale en est malheureusement un signe annonciateur. Le fédéralisme européen va se présenter comme l’unique alternative à la déroute amorcée et, avec lui, le carcan monétaire de l’euro et celui militaire de l’OTAN, vont parachever de mettre les pays sous tutelle en les soumettant à des accords de libre-échange – comme le TAFTA - de plus en plus destructeurs.

    Tous les citoyens français sont donc devant l’alternative suivante: être complices passifs et désabusés de cette dérive anti-démocratique au seul profit des marchés financiers ou amorcer, à l’instar du peuple britannique, un vaste mouvement progressiste dans l’intérêt des classes populaires et dans le cadre d’une nation souveraine. Le MS21 a choisi son camp : il s’engagera résolument auprès d’autres organisations politiques pour retrouver la dynamique victorieuse de 2005 et réclamer un référendum sur la question du maintien de la France dans l’UE.

    Car, après le Brexit, il est temps que sonne rapidement l’heure du « FREXIT »!

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  • Conséquences du Brexit

     

    La livre était à 1,4114 Dollars le 14 juin 2016 (avant l’assassinat de Jo Cox). Elle est aujourd’hui, 29 juin, à 1,3321 Dollars, soit une baisse de 5,62%, baisse inférieure aux projections moyennes qui tablaient sur -10%.

    La bourse (indice Footsie) était à 5933 le même 14 juin. Elle est aujourd’hui 29 juin à 6269 soit un gain de 5,66%. Si on calcule par rapport au 23 juin (jour du vote), elle était remontée à 6338 sur l’anticipation (erronée) que le « remain » triompherait. En ce cas nous avons une baisse de 1,1%.

    Où sont passées les catastrophes attendues, les tremblements de terre, les pluies de sang et les invasions de zombies ? De même le baril de pétrole (indice BRENT) était à 47,19 dollars le 14 juin et il atteint 48,89 ce 29 juin.

     

    Voilà qui en dit long sur les discours de propagande tenus par les adversaires du « Brexit ».

    Bien sur, il y a eu des conséquences importantes, et en particulier sur la situation des banques italiennes, signalant que ce sujet va devenir important au cours de l’été. Mais ceci traduit une faiblesse structurelle des banques italiennes et sera certainement un sujet important dans les semaines à venir.

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  • BREXIT (et champagne) par Jacques Sapir

     

    PAR  

     

    Le vote du jeudi 23 juin est un moment historique capital. Il est aussi un grand moment pour la démocratie. En votant à 51,9% pour une sortie de l’Union européenne les électeurs britanniques ont donné une leçon de démocratie au monde, et à votre humble serviteur, et probablement changé notre futur.

     

    Une leçon de démocratie

    La leçon de démocratie est première, et elle se décline à plusieurs niveaux. Il faut ici saluer la décision du Premier-ministre britannique, M. David Cameron, de laisser les positions divergentes s’exprimer, que ce soit au sein du parti conservateur ou au sein du gouvernement. De même il convient de saluer la maturité des électeurs britanniques qui, légitimement choqués par la tragédie qu’a représenté l’assassinat de la député travailliste Joe Cox, ne se sont pas laissés submerger par l’émotion et on maintenu leurs positions en faveur de la sortie de l’UE.

    Bien sûr, tout ne fut pas parfait dans cette campagne. Il y a eu des outrances, de part et d’autres, et il y a eu des mensonges, comme ceux de George Osborne[1], le Ministre des finances ou ceux de tous les catastrophistes patentés de Bruxelles. La couverture des médias a été biaisée en faveur de l’option « rester », mais moins que ce qui serait survenu si un tel vote avait eu lieu en France[2]. On a pu remarquer comment les milieux financiers faisaient une campagne hystérique pour que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Et ces milieux détiennent le nerf de la guerre, c’est-à-dire l’argent. Mais, on a pu aussi voir que les électeurs ne se laissaient pas outre mesure impressionner par l’argent ni les arguments d’autorité déversés dans les médias. Le succès de l’option « sortir » dans ce référendum peut alors être comparée au succès similaire du « non » lors du référendum sur le projet de Traité Constitutionnel Européen en France en 2005. Dans les deux cas, un électorat populaire et ouvrier s’est soulevé contre des « élites » autoproclamées et les journalistes à leur solde. Et le nouveau dirigeant du parti travailliste, M. Jeremy Corbyn, qui faisait campagne pour que le Royaume-Uni reste dans l’UE, a été désavoué par une partie significative de ses électeurs. Ces deux référendums témoignent de la vitalité des sentiments démocratiques dans les opinions des deux côtés de la Manche. Le référendum britannique, de plus, s’avère être un véritable camouflet pour le Président des Etats-Unis, qui avait fait le déplacement en Grande-Bretagne il y a quelques semaines pour inviter les électeurs à rester dans l’Union européenne, témoignant de ce fait de ce qu’est la véritable nature de l’UE.

    Dernier élément de cette leçon de démocratie, David Cameron a dit qu’il entendait que la décision du peuple britannique soit respectée, et que la procédure juridique permettant une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne serait engagée. Ici aussi, cela tranche fortement avec le comportement des élites politiques françaises qui n’ont eu de cesse que de faire appliquer une décision qui avait été largement rejetée par les électeurs.

     

    Retour des Nations et déni de réalité

    Cette leçon de démocratie aura des conséquences importantes pour le futur. Non pas tant des conséquences financières. L’agitation sur les marchés financiers va durer quelques jours, puis va se calmer quand les opérateurs prendront actes du fait que ce vote n’interrompra certainement pas les flux de marchandises ni la production. La Norvège et la Suisse ne font pas partie de l’UE et ne s’en portent pas mal, si l’on en croit les statistiques économiques. Les conséquences les plus importantes seront évidemment politiques.

    Il faut ici rappeler que ce vote est le premier par lequel un pays membre de l’UE, et avant elle de la communauté économique européenne, ce que l’on appelait le marché commun, prend la décision démocratique de se séparer de ces institutions. En matière de précédent, mais aussi par son possible effet d’imitation, l’impact de cette décision sera considérable. D’ores et déjà, on peut voir que dans d’autres pays, comme les Pays-Bas, le Danemark ou la France, ce vote donne des idées aux différents partis eurosceptiques. Au-delà, la victoire de ceux que l’on nomme « populistes » lors des élections municipales italiennes, le M5S de Beppe Grillo, ou l’échec sur le fil du candidat du FPÖ à l’élection présidentielle en Autriche (et ce résultat fait d’ailleurs l’objet d’un recours en annulation), montre qu’il y a bien une forme de révolte contre l’Union européenne. Ce mouvement ; on pouvait le constater dans l’étude réalisée par le Pew Research Center où les opinions défavorables à l’UE l’emportent sur les opinions favorables dans 4 pays : L’Espagne, la Grèce, la France et le Royaume-Uni[3].

    Le vote britannique ne survient pas par hasard et c’est un tribut à l’ampleur du déni de réalité des élites européistes que ce vote ait pu constituer une telle surprise. La politique du déni étant ce qu’elle est, on ne doit pas s’attendre à une remise en cause sérieuse des options de la politique européenne par ceux-là mêmes qui l’ont mis en œuvre. Il est donc probable que l’on assiste, dans les semaines qui viennent, à une surenchère dans cette politique. Mais, les faits sont têtus : tout engagement vers plus de « fédéralisme », plus d’options « supra-nationales » ne produira que plus de résistance de la part des peuples. Il faut espérer qu’ils soient rapidement consultés, car dans le cas contraire cette résistance pourrait prendre des formes violentes.

    Ce vote britannique porte en lui la condamnation d’une forme du projet européen. La logique et le bon sens voudraient que l’on en prenne acte, et que l’on revienne à des formes plus respectueuses de la souveraineté, et donc de la démocratie, dans le cadre des nations qui constituent l’Europe.

     

    Importance et impasses de la « gauche » dans le combat pour la souveraineté

    Il reste une dernière leçon à tirer. La victoire de l’option « sortir » n’a été possible en Grande-Bretagne que parce qu’une partie de l’électorat travailliste a, comme on l’a dit, voté au contraire des consignes données par la direction de son parti. Cela conduit alors à deux remarques. La première concerne le degré d’aveuglement des directions des partis sociaux-démocrates qui se refusent à admettre que les conséquences concrètes de l’union européenne sont négatives pour les classes populaires. Les réglementations européennes ont été le cheval de Troie de la dérégulation et de la financiarisation des économies nationales. Continuer aujourd’hui à prétendre changer l’UE de l’intérieur, à tenir le discours convenu sur « l’Europe sociale » constitue un mensonge qui se double d’une impasse stratégique. Ce mensonge doit être dénoncé sans relâche si l’on veut qu’un jour la gauche sorte de l’impasse dans laquelle elle s’est elle-même enferrée.

    La seconde remarque tient à l’importance, pour le succès d’un vote que l’on peut qualifier de « souverainiste », d’un électorat traditionnellement situé à gauche. Cet électorat ne peut s’engager qu’à travers des médiations politiques spécifiques. En Grande-Bretagne, les comités « Labour for Leave » ont été déterminants dans le succès final du « Leave ». On peut en déduire l’importance de formes autonomes d’organisation structurant l’électorat de gauche pour que puisse s’y exprimer des options souverainistes.

    [1] https://russeurope.hypotheses.org/5030

    [2] https://russeurope.hypotheses.org/5022

    [3] http://www.pewglobal.org/2016/06/07/euroskepticism-beyond-brexit/

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  • Brexit / UE : des xénophobes des deux côtés


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    Toute la presse ne parle que du Brexit et les opposants anglais à l’Union européenne sont présentés comme des nationalistes, racistes, anti-migrants. Sans doute à juste titre. Mais l’Union est-elle vertueuse pour autant?

     

    Sans entrer dans les aspects socio-économiques de la vision ultra-libérale européenne, qui mériteraient de bien plus longs développements, voyons qui va présider le Conseil de l’Union en ce moment.

    Le 1er juillet, la Slovaquie prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne, et cela pour six mois. Le président du Conseil de l’UE sera donc Roberto Fico.

     

    Portrait d’un homme pas très sympathique 

     

    Roberto Fico commence sa carrière au parti communiste, en 1987, mais très vite il passe chez les sociaux-démocrates avant de fonder son propre parti Direction – Social-démocratie (SMER-SD).

    Il se lance dans une carrière politique aux alliances fluctuantes et accède au pouvoir grâce à une alliance avec les nationalistes (SNS) et les populistes (ĽS-HZDS), ce qui lui vaut d’être suspendu du Parti socialiste européen (PSE), mais très vite réintégré. Il s’agit donc d’un « homme de gauche ». Enfin la gauche telle que définie par le groupe des Socialistes européens. Au gouvernement slovaque, nous retrouvons pourtant de vrais néo-nazis, dont Marian Kotleba, un nostalgique du III ème Reich, ex skinheads, du genre à porter les costumes de la milice slovaque collaborationniste, mise en place par le régime nazi. Les ennemis actuels de cette étrange coalition sont toujours les Juifs bien sûr, mais surtout les Roms, l’Islam et les migrants.

    Roberto Fico a dit notamment: « L’islam n’a pas sa place en Slovaquie ». « J’ai décidé de surveiller chaque musulman du pays« . « Je sens que l’UE est en train de commettre un suicide rituel, tout en contemplant (l’invasion migratoire) »; « Le multiculturalisme est une fiction« .

     

    Roberto Fico a aussi émit le souhait de n’accueillir que des migrants chrétiens. Pour sa réélection en 2016, son slogan de campagne était « Protéger les Slovaques ». Il a surfé sur la vague islamophobe et anti-migrant,  présente dans toute l’Europe, au point qu’il a été qualifié de « Viktor Orban de gauche ». Sa rhétorique anti-migrant a remplacé ses discours traditionnels centrés sur les Roms. »Le problème rom ne pouvait être résolu autrement que par certaines limitations des droits de l’Homme ».

     

    Roberto Fico a tenu ses promesses: à l’encontre des Roms, la politique slovaque est choquante et limite très fort les droits de l’Homme. La Cour de Strasbourg a eu l’occasion à de nombreuses reprises de le constater. Elle a condamné la politique slovaque à l’égard des roms dans des affaires qui traitent de meurtre dans un commissariat (2010), de stérilisations forcées de femmes roms ( 2011 et 2012) et bien entendu de discriminations.

    Selon un rapport des Nations-Unies, 75% des Roms slovaques sont au chômage, un taux sept fois plus élevé que chez les autres habitants du pays. 20% des 400.000 Roms slovaques vivent ainsi dans l’extrême pauvreté.

    C’est cet homme-là qui va présider le Conseil de l’Union, sans que la presse ne se scandalise pour autant, sans que des pétitions n’exigent que le peuple slovaque revote, sans que les défenseurs des droits de l’Homme ne montent au créneau.

    Les défenseurs du Brexit avaient peut-être une rhétorique xénophobe et défendaient une position de repli identitaire, mais l’honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître que les défenseurs de l’Union ont exactement les mêmes tares.

     

    Source: Investig’Action

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  • L’Union européenne victime de son impérialisme démesuré

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    Alors que le vote Brexit montre une résistance populaire à la migration des travailleurs vers l’Ouest, l’Union européenne s’est-elle tirée une balle dans le pied en s’étendant de manière hautaine et précipitée vers l’Europe de l’Est et ses bas salaires ?

    Bien que peu d’analystes exposent le problème sous cet angle, l’Union européenne souffre d’une crise auto-infligée de « surexpansion », ou si vous préférez, une forme de surmenage impérial. Le vote Brexit n’était que le dernier symptôme de cette catastrophe politique qui comprend également l’escalade des affrontements avec la Russie et la crise en cours en Ukraine.

    Les sondages d’opinion au Royaume-Uni ont établi que l’inquiétude généralisée sur l’immigration a été le facteur le plus important conduisant les électeurs à voter pour une sortie de l’UE. Les militants pro-Brexit ont insisté sur les statistiques publiées le mois dernier. Elles montrent que le solde migratoire a atteint le tiers d’un million de personnes en 2015, doublant le taux qui prévalait trois ans plus tôt.

    De tels chiffres ont nourri les préoccupations publiques quant à l’impact des immigrants sur le National Health System et les autres services sociaux du pays, ainsi que sur l’emploi. Ces chiffres ont également nourri une profonde méfiance à l’égard de la crédibilité du gouvernement.

    Comme le Guardian l’a rapporté après l’étonnante victoire électorale du camp Brexit, « l’échec de David Cameron à donner une réponse convaincante à la publication des chiffres quasi records du solde migratoire lors de la première semaine de la campagne sur le référendum européen s’est révélé être un moment décisif.

    “Le chiffre de 333.000 a non seulement souligné de manière incontestable que la Grande-Bretagne était devenue un pays de migration de masse, mais il signifiait aussi que les politiciens qui ont affirmé pouvoir faire des coupes profondes dans les chiffres tout en restant au sein de l’Union européenne n’étaient pas pris au sérieux.

    L’afflux de ces nouveaux arrivants a eu un effet psychologique profond sur le public. “L’incapacité du gouvernement britannique pour contrôler la migration (intraeuropéenne) est considérée comme emblématique d’une perte plus large de contrôle”, a écrit le théoricien politique d’Oxford David Miller juste avant l’élection. “Beaucoup de Britanniques estiment qu’ils ne sont plus en charge de leur propre destin : ‘Reprenez notre pays’ est un slogan qui résonne le long du sentier de la campagne.

     

    L’expansion de l’UE et l’immigration

    Environ la moitié des immigrants au Royaume-Uni ces dernières années sont venus d’autres pays de l’UE, profitant de l’engagement fondamental pour la libre circulation des personnes au sein de l’Union. Leur grand nombre reflète l’énorme expansion de l’UE depuis 2004 — et l’attrait de l’économie relativement riche de la Grande-Bretagne pour les travailleurs pauvres des nouveaux membres comme la Pologne et la Roumanie.

    L’Union européenne — qui dispose d’un commissaire pour “l’élargissement” — s’est élargie sans relâche et sans tenir compte des préoccupations des électeurs de base de ses membres fondateurs. En 2004, l’UE a absorbé Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie — tous des pays à bas salaires avec des normes de standard de vie beaucoup plus basses qu’en Allemagne, en France ou au Royaume-Uni. En 2007, l’Union a également pris la Roumanie et la Bulgarie.

    Les statistiques officielles montrent que les citoyens de ces membres plus récents et plus pauvres de l’UE comptent pour près d’un tiers du solde migratoire dans le Royaume-Uni au cours des dernières années.

    Bien que de nombreux économistes défendent que la libre circulation du travail est bonne pour l’économie dans son ensemble, le résultat — comme celui du libre-échange avec les pays à bas salaires — peut nuire à des travailleurs moins qualifiés.

    En 2011, deux rapports inédits commandés par le ministère des Communautés et des Collectivités locales ont établi ce point.

    Un haut fonctionnaire du gouvernement a prévenu que l’immigration en forte augmentation pourrait “accroître les tensions entre les travailleurs migrants et d’autres sections de la communauté” durant la récession du pays. Un autre a noté une forte augmentation des migrants établis de façon inattendue dans les zones rurales, et a conclu qu’ils avaient “un impact négatif sur les salaires des travailleurs du Royaume-Uni dans les plus bas niveaux de la distribution professionnelle.

    Nous avons sous-estimé de manière significative le nombre de personnes qui allaient venir en Europe de l’Est”, a concédé Ed Milliband, leader du Parti travailliste. “La migration économique et une plus grande flexibilité du marché du travail ont augmenté la pression rencontrée par les travailleurs moins qualifiés.

    Ironiquement, la plupart des localités qui ont voté le plus massivement pour le Brexit avaient des populations migrantes relativement faibles. Mais beaucoup d’entre elles souffrent encore de l’austérité économique et de fortes réductions dans le filet de sécurité sociale imposées par le gouvernement conservateur depuis 2010.

    Changer de bouc émissaire en passant du gouvernement au migrant sans visage. . . C’est plus facile quand les gens ont peur pour leur subsistance, et c’est plus commode pour les politiciens qui font campagne des deux côtés” a fait remarquer l’écrivain basé à Londres, Aube Foster.

    Les électeurs ont été facilement persuadés que les “lointains” et “anonymes” bureaucrates de l’UE ne saisissaient pas leurs préoccupations. En effet, l’Union européenne reste tordue par une expansion continue. Des pourparlers sont en cours pour l’adhésion de l’Albanie, de la Macédoine, du Monténégro, de la Serbie et de la Turquie. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont reconnus en tant que membres potentiels.

     

    La Russie et l’Ukraine

    La conduite expansionniste de l’UE a eu d’autres répercussions coûteuses tant pour la Grande-Bretagne que pour le reste de l’Europe. Sa volonté d’établir un “accord d’association” avec l’Ukraine a ainsi été une catastrophe notable. Ce traité de grande envergure comprenait non seulement des dispositions pour une étroite intégration économique, mais aussi un engagement dans le temps à se conformer à la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union ainsi qu’aux politiques des Agences de Défense Européennes. Sur ces deux fronts, l’accord a été conçu de manière à tirer l’Ukraine de son orbite russe traditionnelle.

    L’expansion de l’UE en Ukraine, comme son expansion dans le reste de l’Europe de l’Est, a été menée parallèlement à l’expansion de l’alliance militaire de l’OTAN dans les mêmes pays, contrairement aux promesses faites par les dirigeants occidentaux à leurs homologues russes en 1990. En 2008, le secrétaire général de l’OTAN — soutenu par le président George W. Bush et le candidat à la présidentielle Barack Obama — a promis que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan serait accordée.

    Inutile de dire que la Russie a mal réagi, comme elle l’a fait plus tard avec la joute de pouvoir menée par l’UE. La Russie a fait pression sur le gouvernement du président Viktor Ianoukovitch pour qu’il résiste aux sirènes de l’OTAN et de l’Union européenne. Le refus de Ianoukovitch de rompre avec la Russie a alors déclenché les manifestations du soi-disant “Euromaidan” et le putsch soutenu par l’Occident qui a renversé son gouvernement en février 2014.

    En moins d’un mois, le nouveau Premier ministre pro-européen et pro-US, Arseniy Yatseniuk, avait signé les dispositions politiques de l’accord européen. Quelques mois plus tard, il déclarait qu’il chercherait également à adhérer à l’OTAN.

    Le résultat a été une guerre civile sanglante dans l’Est de l’Ukraine ; des confrontations militaires dangereuses et coûteuses entre la Russie et l’OTAN ; et les sanctions économiques qui appauvrissent mutuellement la Russie et l’Union européenne.

    Les futurs historiens nous aideront à comprendre les sources sous-jacentes de l’expansion autodestructrice de l’UE. Sans doute comprennent-elles un mélange de foi idéologique dans l’universalité des valeurs européennes, d’agrandissement bureaucratique, et de soumission aux élites néolibérales. Quelles que soient les causes, les conséquences menacent aujourd’hui l’ensemble du projet européen.

    L’avenir de l’Union européenne exigera une sérieuse remise en question sur bien des fronts, mais plus particulièrement sur celui des grandioses ambitions d’expansion.

    Article publié sur Consortium News sous le titre European Union’s Imperial Reach

    Traduit de l’anglais par Investig’Action

    Source: Investig’Action

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