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Comment les alliés des États-Unis apportent leur aide à Al-Qaïda en Syrie
La stratégie de l’administration Obama visant à obtenir un « changement de régime » en Syrie renferme un secret fâcheux : elle revient à nouer une alliance de fait avec le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaïda tendant vers une victoire éventuelle, aidé directement et indirectement par l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’entité sioniste. Voici les explications de Daniel Lazare.
Lorsque les États-Unis et la Turquie ont annoncé le 23 juillet qu’ils s’unissaient pour la création d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie, personne n’arrivait exactement à comprendre ce que cela signifiait. Tandis que la Maison Blanche refusait d’admettre que l’accord impliquait l’envoi de troupes afin de boucler la zone ou d’avions de guerre pour effectuer des patrouilles aériennes, Josh Rogin de Bloomberg a écrit que cette expression n’était pas appropriée : « En vérité, il n’y a pas vraiment de « zone », ni de projet cherchant à garantir la « sécurité » de la région ».
En effet, Rogin a déclaré que trois « hauts responsables du gouvernement » avaient organisé une téléconférence dans le but d’assurer aux journalistes qu’il n’y avait aucun projet « de création d’une zone de sécurité, d’une zone d’exclusion aérienne, d’une zone tampon humanitaire ou de quelque autre zone protégée que ce soit. » Alors, s’il ne s’agissait pas de cela, en quoi le projet pouvait-il bien consister ?
À présent, nous le savons. La raison pour laquelle la Turquie et les États-Unis souhaitent peut-être créer, ou pas, cette zone qui n’en est pas une, est pour donner à la Turquie carte blanche pour bombarder les Kurdes et aux États-Unis l’opportunité de mener des opérations conjointement avec Al-Qaïda. Quelle en est la preuve ? Un article paru en première page du New York Times dans son édition en date du 1er août dans lequel on pouvait lire qu’un groupe de rebelles entraînés par les États-Unis connu sous le nom de Division 30, et qui avait été envoyé en Syrie afin de combattre l’EI, avait été la cible « vendredi d’une violente attaque de la part d’une autre faction islamiste extrémiste affiliée à Al-Qaïda… le Front Al-Nosra. »
Ceci n’est pas une nouvelle marquante en soi, étant donné que la myriade de factions rebelles composant l’opposition syrienne, toutes plus extrémistes les unes que les autres, s’affrontent constamment pour obtenir le contrôle des armes, des territoires, des ressources et du personnel. Mais ce qui était nouveau, c’était le fait que les rebelles formés avaient été pris au dépourvu. Comme l’ont rapporté Anne Bernard and Eric Schmitt, journalistes au Times, « les formateurs militaires américains…n’ont pas anticipé d’assaut de la part du Front Al-Nosra. Des responsables ont même déclaré vendredi qu’ils s’attendaient à ce que le Front Al-Nosra accueille la Division 30 comme une alliée dans son combat contre l’État islamique. « Ce n’était pas censé se passer ainsi », a déclaré un ancien haut responsable américain. »
En d’autres termes, des représentants officiels du ministère de la Défense s’attendaient à ce qu’Al-Nosra voit les membres de la Division 30 comme des amis, et le fait que cela n’ait pas été le cas les a laissés perplexes. Il a aussi été remarqué dans le Times que les américains « n’avaient pas fait état de leur intention de combattre le Front Al-Nosra », et, que bien qu’il soit « allié à Al-Qaïda », Al-Nosra est, pour beaucoup d’insurgés en Syrie, préférable à l’État islamique, et qu’il coopère parfois avec d’autres groupes moins radicaux pour lutter à la fois contre l’État islamique et les forces armées du gouvernement syrien. »
Selon des journalistes du quotidien londonien The Independent, un commandant de la Division 30 qui se trouvait « dans un état d’affolement » et avec lequel ils ont pu s’entretenir en Turquie a déclaré avoir même rencontré, avec un des membres de la Division 30 qui avait été capturé, un chef d’Al-Nosra, 10 jours plus tôt, pour l’établissement d’une trêve. Il a rapporté qu’ « ils ont dit que si ne serait-ce qu’une balle les atteignaient, ils nous attaqueraient, mais nous leur avons assuré que notre seul objectif était de combattre Daech [c’est-à-dire l’EI] ».
Mais alors même que la Division 30 avait tenu ses engagements, ses membres qui avait été capturés par le groupe Al-Nosra étaient maintenant passés à tabac par celui-ci, qui les faisait défiler sous un soleil brûlant, leur t-shirt relevé sur la tête tandis que les combattants d’Al-Nosra les accusaient de « collaborer avec la coalition des croisés. »
Donc quand le New York Times a annoncé que le projet envisagé par les États-Unis et la Turquie « créerait ce que les représentants de ces deux pays appellent une zone libérée de l’État Islamique sous le contrôle d’insurgés syriens relativement modérés », nous savons désormais de quels « modérés » il s’agit : Al-Nosra. La zone serait sans danger pour les forces armées entraînées par les américains, dont le nombre de membres s’élevait à environ 60 seulement avant l’attaque de la semaine dernière, mais elle le serait surtout pour la branche syrienne d’Al-Qaïda, beaucoup plus importante et puissante.
S’allier à Al-Qaïda ?
Une alliance entre les États-Unis et Al-Qaïda – comment cela peut-il être possible ? Même si la presse n’aime pas évoquer ce sujet, en réalité, ces derniers temps, rares furent les fois où les États-Unis n’ont pas travaillé la main dans la main avec les plus dangereux groupes fondamentalistes.
Ceci remonte à l’époque où Dwight Eisenhower était président. Ce dernier, comme l’a fait remarquer Ian Johnson dans son excellent ouvrage intitulé Une mosquée à Munich (publié en 2010 aux éditions Houghton Mifflin Harcourt), tenait toujours à « faire ressortir l’aspect « guerre sainte » » lors de ses entretiens avec des leaders de la communauté musulmane d’après un mémo diffusé en interne à la Maison Blanche, et, lorsqu’on l’a informé que le djihad pourrait être mené contre l’entité sioniste, a répondu que l’Arabie saoudite lui avait assuré qu’il le serait uniquement contre les Soviets.
Plus récemment, le président Jimmy Carter et Zbigniew Brzezinski, son conseiller à la sécurité nationale, ont choisi de mettre la doctrine Eisenhower à l’épreuve en faisant passer de l’argent et des armes aux moudjahidines afghans qui combattaient à Kaboul un gouvernement soutenu par les Soviets. Cet effort, qui, lorsque Reagan était président, s’est soldé par une opération organisée conjointement par l’Arabie saoudite et la C.I.A. et dont le coût s’est élevé à plus de 20 milliards de dollars, a sans doute contribué à l’effondrement de l’U.R.S.S., la priorité absolue de Brzezinski.
Mais cela a également détruit la société afghane, ouvert la voie à la prise de pouvoir par les Talibans en 1996, entraîné la formation d’Al-Qaïda, et, bien évidemment, conduit directement à la destruction du World Trade Center dans le quartier de Lower Manhattan.
Les États-Unis ont par la suite probablement fait machine arrière, bien qu’ils aient continué à entretenir des rapports étroits avec l’Arabie saoudite, qui, selon Zacarias Moussaoui, le soi-disant « vingtième pirate de l’air », a entretenu des liens étroits avec Osama ben Laden et ce jusqu’à la veille des attentats du 11 septembre 2001. [Lire “The Secret Saudi Ties to Terrorism.” (“Les liens secrets de l’Arabie Saoudite avec le terrorisme”) publié sur Consortiumnews.com]
Mais en 2007, comme Seymour Hersh l’a très plausiblement affirmé dans le New Yorker, les Saoudiens avaient réussi à convaincre l’administration Bush de se concentrer plutôt sur la lutte contre les forces chiites. Non seulement cela signifiait être moins sévère envers Al-Qaïda, mais aussi coopérer avec un nombre croissant de groupes sunnites militants afin de poursuivre la lutte contre le Hezbollah et d’autres groupes chiites similaires.
Les conséquences sont devenues de plus en plus évidentes depuis que le printemps arabe a rattrapé le régime dictatorial de la famille Assad en février 2011. L’orientation pro-sunnite de Washington lui imposait de passer outre les rumeurs selon lesquelles les sunnites radicaux du mouvement des Frères musulmans dominaient les manifestations, qui prenaient une mauvaise tournure sectaire anti-chiite et anti-chrétienne à mesure que les proches d’Assad (d’origine chiite mais pas sectaires) s’efforçaient de garder le contrôle.
Lorsque les combats ont éclaté, le « revirement » (qualifié ainsi par Hersh) opéré par les États-Unis leur imposait également de contrôler l’argent ainsi que l’aide fournis aux rebelles sunnites et même de se fier aux Frères musulmans pour, d’après le Times, identifier les groupes qui les méritaient de ceux qui ne les méritaient pas.
Afin de contenir les chiites, les États-Unis ont donc apporté tout leur soutien aux Saoudiens ultra-sunnites et leur projet sanglant de guerre sectaire. Comme l’a déclaré le vice-président Joe Biden en octobre dernier à la Harvard Kennedy School, l’Arabie saoudite et les États du Golfe « étaient tellement déterminés à renverser Assad et essentiellement déclencher une guerre entre sunnites et chiites par sectes interposées, devinez ce qu’ils ont fait ? Ils ont versé des centaines de millions de dollars et fourni des milliers de tonnes d’armes militaires à quiconque combattrait Assad sauf que ceux qui les ont reçus étaient Al-Nosra et Al-Qaïda, et les composantes extrémistes de djihadistes issus d’autres coins du monde. »
En août 2012, une Agence du renseignement de la Défense a noté qu’Al-Qaïda, les Frères musulmans, et des groupes salafistes du même acabit constituaient « les principales forces motrices de l’insurrection en Syrie » ; que les puissances occidentales, les États du Golfe, et la Turquie soutenaient ce soulèvement sans réserve ; qu’Al-Qaïda cherchait à profiter du mouvement de révolte pour réunir tous les sunnites en un mouvement de djihad global anti-chiite ; que les guerriers de Dieu allaient probablement créer « une principauté salafiste à l’est de la Syrie, déclarée ou non », et que « cela reflétait exactement la volonté des puissances apportant leur soutien, afin d’isoler le régime syrien, considéré comme la profondeur stratégique de l’expansion du chiisme (Irak et Iran). »
Même si les conséquences pourraient être désastreuses pour les minorités chrétiennes, druzes et chiites alaouites de Syrie, les États-Unis ont poursuivi leur dessein, et la presse traditionnelle s’est chargée du travail combien important de dissimulation de ces informations.
Un pacte de non-agression
Le pacte de non-agression que le ministère de la Défense croyait avoir élaboré, avec difficulté, avec Al-Nosra constitue la dernière étape de cette stratégie. Tandis que l’administration Obama déclare se battre contre l’EI, son attitude à l’égard de ce groupe hyper-brutal est plus ambigüe qu’elle le prétend. Les États-Unis ont sonné l’alarme uniquement lorsque l’EI a envahi l’Irak en juin 2014 et commencé à menacer le gouvernement à Bagdad auquel ils apportent leur soutien.
Avant ça, les États-Unis se contentaient de regarder tranquillement l’EI mener la vie dure à Assad et aux baassistes à Damas. La Turquie déclare elle aussi s’opposer à l’EI même si elle a permis à Daech de transformer sa frontière de 885 kilomètres avec la Syrie en « une voie de libre circulation pour les djihadistes venant des quatre coins du monde. »
Après que l’EI ait bombardé un rassemblement de militants de gauche pro-Kurdes à la ville frontière de Suruç, faisant 32 morts et plus d’une centaine de blessés, Recep Tayyip Erdogan, le président de la Turquie, s’est engagé à faire preuve de fermeté. Mais au lieu de s’en prendre à l’EI, il sévit contre les Kurdes, en bombardant des cibles au nord de l’Irak et au sud-est de la Turquie associées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) alors même que le PKK, est, ainsi que sa branche syrienne, le Parti de l’union démocratique (PYD), l’une des rares forces à lutter de manière efficace contre l’EI sur le terrain. Comme l’a observé l’agence de presse Reuters, « les attaques de la Turquie contre le PKK ont été plus violentes que ses frappes contre l’EI, ce qui a alimenté les doutes selon lesquels son véritable plan est de contenir les ambitions politiques et territoriales des Kurdes. »
En effet, les motivations d’Erdogan sont peut-être plus alambiquées que ça étant donné que les attaques contre le PKK pourraient contribuer à l’ébranlement du Parti démocratique des peuples (HDP), pro-Kurde, qui, après avoir obtenu un score impressionnant aux élections de juin en recueillant 13 % des suffrages, représente un danger croissant pour son gouvernement. De plus, la Turquie ainsi que d’autres alliés des États-Unis dans la région ont concentré leurs attaques sur les forces anti-EI les plus efficaces dans l’objectif d’affaiblir l’EI de manière indirecte. La Turquie est curieusement persuadée que le meilleur moyen de vaincre l’EI est de vaincre les Kurdes.
L’Arabie saoudite prétend également que le meilleur moyen de vaincre l’EI est de renverser Assad étant donné que sa détermination à rester au pouvoir alimenterait la colère des sunnites, entraînant à son tour l’expansion de l’EI. Selon cette logique, même si l’Armée arabe syrienne d’Assad constitue l’un des rares remparts contre une victoire de l’EI, de la victoire sur Assad est censé découler d’une certaine manière la chute de l’EI.
Une autre entité déclare vouloir voir l’EI se faire ratatiner : l’entité sioniste, sauf qu’à chaque fois qu’elle intervient dans la guerre civile en Syrie, elle finit par bombarder les forces armées d’Assad et leurs alliés chiites, dont le Hezbollah au Liban et des conseillers militaires iraniens.
Donc tout le monde déclare vouloir battre l’EI, cependant chacun bombarde ces mêmes forces qui essayent de freiner l’EI. Le plan le plus alambiqué est évidemment celui des États-Unis. L’administration Obama semble croire que vaincre l’EI est l’objectif numéro un, sauf lorsqu’elle affirme que renverser Assad est la priorité absolue.
Comme le Times le relate platement en parlant d’unités telles que la Division 30, « Le programme d’entraînement [de la Division 30 pour combattre l’EI] se trouve souvent en contradiction avec celui, secret, de la C.I.A. destiné aux combattants luttant contre les forces de sécurité syriennes. ¬À l’origine, l’objectif de la révolte syrienne était de renverser Assad, avant que l’État islamique émergeât de sa branche Islamiste la plus radicale. » (Cependant, l’EI est en réalité né de la résistance des sunnites à l’invasion et l’occupation américaine de l’Irak, et s’appelait originellement « Al-Qaïda en Irak » avant de rejoindre la guerre contre Assad et de devenir « l’État islamique en Irak et en Syrie » ou tout simplement « l’État islamique »).
Quelle est la priorité ?
Compte tenu des évènements récents, on pourrait se demander si la priorité d’hier qui était de renverser Assad est aujourd’hui remplacée par celle qui est de vaincre l’EI (ou bien est-ce l’inverse ?). Pendant ce temps, la stratégie des États-Unis consiste à bombarder l’EI à chaque fois que cela est possible sauf lorsqu’il attaque les forces armées syriennes du gouvernement, auquel cas la stratégie américaine consiste à différer ses bombardements.
Anne Bernard, journaliste au Times, a expliqué qu’ « en Syrie, une nouvelle situation délicate apparaît. Toutes les frappes aériennes contre les militants de l’État islamique à l’intérieur et autour de Palmyre profiteraient probablement aux forces armées du président Bachar Al Assad. Jusqu’à présent, les frappes aériennes américaines en Syrie ont été en grande partie concentrées dans des zones éloignées du contrôle du gouvernement, afin d’éviter de donner l’impression d’aider un chef d’État dont l’éviction a été demandée par le président Obama. »
En d’autres termes, les États-Unis bombardent l’EI sauf lorsque cela pourrait aider la plus puissante force armée luttant contre l’EI. Il arrive – parfois – que Washington soit également en guerre avec Al-Nosra. Par exemple, début juillet, une frappe aérienne américaine a fait sept morts parmi les membres d’Al-Nosra dans la province d’Idleb au nord de la Syrie. Mais les néoconservateurs américains désapprouvent de telles frappes car il se peut qu’elles profitent indirectement aux forces armées d’Al Assad.
Les néoconservateurs jubilaient de voir qu’une coalition sous le commandement d’Al-Nosra se soit emparée d’Idleb en avril avec l’aide de l’Armée syrienne libre, elle-même soutenue par les États-Unis, tandis que le gouvernement demeurait manifestement silencieux au sujet des nombreux missiles TOW de fabrication américaine (fournis quasi-certainement par l’Arabie saoudite) et qui ont procuré un avantage majeur à Al-Nosra. [Lire “Climbing into Bed with Al-Qaeda.”(« Fricoter avec Al-Qaïda ») publié sur Consortiumnews.com] Donc les États-Unis s’opposent à Al-Nosra sauf lorsqu’ils les soutiennent. En effet, presque tous les acteurs au Moyen-Orient sont occupés à jouer sur les deux tableaux, ce qui explique pourquoi l’État islamique et Al-Qaïda se portent si bien.
Comme l’a remarqué Karl Sharro, un architecte libanais devenu satiriste politique, « Obama est un fin stratège. Son plan consiste essentiellement à soutenir les factions Kurdes et en même temps la Turquie, qui attaque à présent les Kurdes, tandis qu’il soutient également l’Arabie Saoudite dans sa guerre au Yémen, ce qui contrarie l’Iran, avec lequel les forces américaines collaborent dans le cadre de leur combat contre l’EI en Irak, et cède en même temps à la pression exercée par ses alliés afin d’affaiblir Assad en Syrie, ce qui complique plus les choses avec l’Iran, qu’il apaise en signant l’accord sur le nucléaire, contrariant ainsi l’ami de longue date des États-Unis : l’entité sioniste, dont la colère est absorbée par des cargaisons d’armes de pointe, intensifiant la course aux armements dans la région. »
Exactement. Tout ceci serait assez drôle si les conséquences (220 000 personnes sont mortes en Syrie, des millions d’autres ont été déplacées, plus les destructions généralisées au Yémen où l’Arabie saoudite mène la nuit des raids aériens depuis maintenant six mois) n’étaient pas aussi tragiques.
Daniel Lazare est l’auteur de plusieurs ouvrage dont The Frozen Republic : How the Constitution Is Paralyzing Democracy [La République figée : comment la constitution paralyse la démocratie] (aux éditions Hartcourt Brace).
Source originale : Consortium News
Traduit de l’anglais par SK pour Investig’Action
Source : Investig’Action -
Obama envisage un conflit mondial (7/8)
Pourquoi tant de guerres ? Et pourquoi Obama craint-il qu’elles provoquent un conflit mondial ? Qui veut la paix, doit comprendre les causes profondes du phénomène de la guerre.
7. « It’s the economy, stupid ! »*
Résumons son important discours du 5 août : Obama craint qu’une guerre avec l’Iran aggrave les tensions avec Moscou et Pékin, voire l’Europe : « Nous aurions à couper des pays comme la Chine du système financier américain. Et puisqu’elle se trouve être parmi les principaux acheteurs de notre dette, de telles actions pourraient déclencher de graves perturbations dans notre propre économie et soulever au plan international des questions sur le rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale ». Bref, un conflit mondial. Car la montée en puissance de la Chine menace en effet trois instruments essentiels de la suprématie des USA : 1. Les aventures militaires. 2. Le contrôle sur la Banque mondiale. 3. Le dollar comme monnaie centrale du commerce et de la finance.
Ce qui cause les guerres, ce n’est pas le caractère de tel ou tel président des Etats-Unis, - ce sont juste des employés des multinationales - mais bien l’économie : les intérêts de ces multinationales. Après la période 1945 – 1965 (exceptionnelle, pour trois raisons : 1. Il fallait beaucoup reconstruire. 2. Les travailleurs avaient conquis la Sécu, donc du pouvoir d’achat. 3. L’URSS offrait un contrepoids à l’Occident capitaliste), après 1965 donc, les taux de profit de l’économie occidentale ont dégringolé, la crise et la concurrence accrue ont alors augmenté l’exploitation des travailleurs, creusant l’écart riches – pauvres. L’URSS disparue, le néolibéralisme put entamer sa croisade de destruction des conquêtes sociales concédées. Résultat : aujourd’hui, les Rolls Royce se vendent à merveille mais les travailleurs qui produisent s’appauvrissent et consomment beaucoup moins. L’économie capitaliste est un serpent qui se mord la queue : à qui vendre quand on écrase les salaires et augmente le chômage ? Paradoxalement le néolibéralisme a donc été victime de son succès.
Alors, comment les multinationales s’en sortent-elles ? En rétablissant le pouvoir d’achat de leurs travailleurs ? Non, la loi de la concurrence les en empêche. Seule solution : conquérir à l’extérieur de nouveaux débouchés pour tous leurs capitaux ne trouvant pas où s’investir. Mais toutes les colonies ayant été distribuées ou étant devenues indépendantes, la guerre est donc le seul moyen d’en reconquérir. Pour gagner, et même juste pour survivre, il faut absolument contrôler matières premières, marchés et main d’œuvre bon marché. Et surtout en priver les rivaux.
Et quand la crise s’aggrave, toutes les échappatoires, bulles et autres spéculations n’ayant fait que creuser davantage le trou, alors la guerre devient la seule issue pour les multinationales. Autre avantage : en déchaînant le chauvinisme, on peut détourner le mécontentement. Alors que des mouvements sociaux se préparent en Europe et aux USA, tout devient « la faute aux Arabes, aux Russes, aux Chinois, aux réfugiés… ». Jamais au système. Vers 1900, le milliardaire britannique Cecil Rhodes conseillait : « Si vous voulez éviter une guerre civile (il voulait dire : une révolution), il vous faut devenir impérialistes. »
Les guerres sont toujours économiques : quelles multinationales contrôleront les ressources des colonies ? Et les guerres mondiales ont toujours le même enjeu : quelle superpuissance dominera le monde ? La grande crise de 1900 provoqua la Première Guerre mondiale qui permit aux grandes puissances de se « repartager » l’acier, le charbon, les colonies d’Afrique, les routes stratégiques des Balkans, le pétrole.(21) La grande crise de 1929 provoqua la Seconde Guerre mondiale (le capital allemand finançant Hitler pour la « revanche ») Aujourd’hui, aux USA, certains pensent que seule la guerre peut empêcher la chute de l’Empire que provoquerait la formation d’une alliance Pékin – Moscou - Berlin. Et Obama dit, à sa manière, qu’un nouveau conflit mondial nous menace.
Deux possibilités. Soit faire l’autruche et traiter Obama, lui aussi, de « complotiste ». Soit réfléchir avec tous les citoyens conscients : comment recréer un mouvement pouvant défendre la paix mondiale ?
POUR SUIVRE : Que fera le prochain président ?
* Célèbre mot d’ordre de la campagne électorale victorieuse de Clinton contre Bush père en 2001.
21) Vidéo Investig’Action http://www.michelcollon.info/14-18-On-croit-mourir-pour-la.html
Source Investig’ActionDERNIER ÉPISODE JEUDI PROCHAIN
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Protection et gestion de l'environnement
L’ENCYCLIQUE « LAUDATO SI » (2015)
LA DECLARATION DE COCOYOC (1974)
MÊME CONSTAT, MÊME COMBAT.
Le MS21 se réclame de l'expérience des pays d'Amérique latine (Équateur, Bolivie, Venezuela) dans leur lutte contre le néo-libéralisme, la finance, la technocratie, contre l'explosion des inégalités, contre la dégradation environnementale et sociale qui prend à présent une dimension planétaire. L'un des meilleurs ambassadeurs actuels du discours anticapitaliste, écouté par les médias dominants, se trouve être aujourd'hui le chef de l’Église catholique, premier pape non européen depuis 13 siècles, issu de cette Amérique latine qui l'a vu naître.
Le Vatican a un statut d’Etat observateur à l’ONU depuis 1964. C’est à ce titre que le Pape lors de l'Assemblée générale des Nations Unies (ONU), à l'occasion du lancement des Objectifs du millénaire pour le développement, plaidera le 25 septembre très probablement pour une écologie intégrale, liant l'humain et l'environnement. L'encyclique du Pape François sur l'écologie, Laudato Si, appelle à un autre système économique, celui que nous connaissons se révèle délétère pour l'homme et la planète. Voici donc un pape qui s’adresse à tous, croyants et non croyants, qui assure qu'un autre monde est possible, ici-bas et maintenant. « Tout est lié » souligne-t-il : la pauvreté et l'exclusion, la dictature du court-terme, le productivisme et le consumérisme, la culture du déchet, le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité, l'eau potable, droit humain primordial, transformée en marchandise soumise aux lois du marché.
Quarante et un ans séparent l’intervention du Pape aux Nations Unies de l’un des textes les plus fondamentaux traitant de ce sujet. Il s'agit de la Déclaration de Cocoyoc, texte enterré délibérément par les gouvernements des pays riches de l'époque et qui fait partie des documents rayés de l’histoire officielle des Nations-Unies. Le MS21 tient à faire reconnaître l’actualité de ce texte essentiel qui fait partie de ses fondamentaux.
La Déclaration de Cocoyoc du 23 octobre 1974 est un texte radical sur le développement et la nécessité de protéger l’environnement. Il a été rédigé dans la suite de la Conférence mondiale sur l'environnement de Stockholm de 1972 et résulte des travaux d'un colloque qui s'est tenu à Cocoyoc au Mexique portant sur « l’utilisation des ressources, de l’environnement et des stratégies de développement ». La similitude des réflexions à 40 ans de distance est frappante.
La Déclaration de Cocoyoc porte la voix des pays en développement et des pauvres et aspire à un nouvel ordre économique mondial. La déclaration finale est un réquisitoire contre les politiques occidentales en général et des États-Unis en particulier. Voici quelques points clés de cette Déclaration :
Pauvreté : « les affamés, les « sans-abri » et les illettrés sont plus nombreux aujourd’hui que lorsque les Nations Unies ont été créées »
Ordre colonial : les rapports de force de « cinq siècles de contrôle colonial qui a massivement concentré le pouvoir économique entre les mains d’un petit groupe de nations » n’ont pas été modifiés.
Richesses : le problème n’est pas lié à un manque de richesses produites, mais à une « mauvaise répartition et un mauvais usage ».
Croissance : « un processus de croissance qui bénéficie seulement à une très petite minorité et qui maintient ou accroît les disparités entre pays et à l’intérieur des pays n’est pas du développement, c’est de l’exploitation ». « Par conséquent, nous rejetons l’idée de la croissance d’abord et d’une juste répartition des richesses ensuite ».
Economie de marché : « les solutions à ces problèmes ne peuvent provenir de l'auto-régulation par les mécanismes de marché »
Pauvreté et dégradation de l’environnement : ce n’est pas la pauvreté qui est désignée comme responsable de la dégradation de l’environnement, mais les relations économiques inéquitables et le prix dérisoire des matières premières sur les marchés, c’est à dire une pauvreté organisée par les classes dirigeantes.
Gestion environnementale des biens communs : permettre l’autonomie des nations sans tomber dans l’autarcie. Nul besoin d’une « aide » des pays riches, mais le paiement au juste prix des matières premières.
La Déclaration de Cocoyoc impressionne autant par la justesse de l’analyse que par les perspectives politiques qu’elle dessine. La radicalité du texte fut analysée par les pays occidentaux comme une véritable provocation. Deux points furent jugés inacceptables : la critique du mode de vie occidental et le refus d’un monde centré sur les pays développés. Les États-Unis, par l’intermédiaire d’un long télégramme adressé par le Secrétaire d’État Henry Kissinger au Secrétaire général des Nations Unies, rejeta l’intégralité du texte.
La Déclaration de Cocoyoc est un texte fondateur à redécouvrir pour la protection et la gestion de l’environnement. Il est le seul texte international sur l’environnement à vouloir rompre avec l’ordre économique mondial dominant. Il résonne à trois mois de la Conférence Climat de Paris (COP21) où déjà le Président François Hollande, dans sa conférence de presse du 7 septembre, fait mine de s'interroger sur les risques d'échec de cette conférence alors que tout indique qu'il n'en sortira rien ou si peu de choses, ni engagement concret et contraignant pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ni financement ferme pour l'aide aux pays pauvres alors qu'un engagement de 100 milliards de dollars par an avait été pris lors de la Conférence de Copenhague en 2007.
La solution à la crise écologique ne peut se trouver auprès des dirigeants politiques inféodés à un système économique destructeur. Il s'agit de rompre avec une économie où les questions de l'éthique, du bien commun sont exclues par la fiction de la « main invisible » censée réguler le marché et ses conséquences environnementales et sociales. La solution politique se trouve au niveau des peuples et non plus des élites égarées par la logique d'un système qui conduit à terme à un effondrement de nos sociétés.
Repenser nos sociétés conduit donc à reformuler les bases de leur fonctionnement : la remise en cause d'une économie basée uniquement sur les lois de la concurrence, la libre circulation des capitaux, le libre-échange commercial, la nécessité de retrouver une souveraineté monétaire, la possibilité de faire des choix, ce qui pose la question de la démocratie et du respect de la souveraineté nationale et populaire. Cette souveraineté est à présent ouvertement désavouée et bafouée. Comme le souligne Roland Gori, initiateur de l'Appel des appels, « la crise grecque met en lumière jusqu'à l'obscénité la mise sous curatelle technico-financière des peuples et des nations », se référant ainsi au propos laconique et terrible de J.Cl. Juncker, Président de la Commission européenne « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Retrouver la démocratie demande de se réapproprier des espaces de parole, de débats et de discussion, en finir avec les formes dégénérées que sont la démocratie du spectacle et la démocratie de l'expertise. C'est donc bien tout l'édifice institutionnel et politique de l'Union européenne qui doit être remis en cause pour se libérer du jeu des économies financiarisées. Celle-ci s'est construite autour des seules idées de concurrence, de compétitivité, de libre-échange qui ont pour vocation de supprimer la souveraineté des peuples. La crise grecque confirme ce que nombre d'économistes, de militants et de citoyens répètent depuis des années, l'Union européenne n'est pas réformable de l'intérieur, la seule option qui reste est d'en sortir.
Pour en savoir plus :
A. Bernier 2012 Comment la mondialisation a tué l'écologie. Ed. Mille et Une Nuits. [Dans cet ouvrage le lecteur peut retrouver l’intégralité de la Déclaration de Cocoyoc en version française].
J.M. Dumay 2015 Le pape contre le « fumier du diable ». Le Monde Diplomatique, septembre 2015
R. Gori 2015 « Il faut redonner au politique toute sa place désertée » , entretien dans L'Humanité du 4,5 et 6 septembre 2015 et L'individu ingouvernable. Ed. Les Liens qui libèrent
Pape François 2015. Loué sois-tu (Laudato Si). Lettre encyclique sur la maison commune, disponible chez plusieurs éditeurs (Bayard, Cerf, Artège, Salvator), téléchargeable sur Internet (www.vatican.va)
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Jeremy Corbyn : in socialiste pur et dur en Grande bretagne
Pour lire l'article, vous pouvez le télécharger ici
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L’histoire mal connue des exportations militaires israéliennes vers le Sud-Soudan
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Depuis l’indépendance du Sud-Soudan, les Israéliens n’ont pas cessé de lui vendre leurs armes, de la formation militaire, de la sécurité intérieure et de la technologie de surveillance. Le problème ? Tout cela est utilisé pour commettre de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Nous savons aujourd’hui qu’Israël a vendu des armes au Rwanda dans les années 1990 alors qu’un génocide était perpétré dans tout le pays. Les détails concernant ces accords sont encore gardés secrets et une demande pour les rendre publiques est actuellement examinée par la Haute Court de Justice. Il semble qu’aucune leçon n’ait été apprise de cette affaire.
Durant les derniers 18 mois, une sanglante guerre civile a fait rage dans un autre pays africain, au Sud du Soudan, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité documentés ont été commis. Les médias internationaux couvrent quotidiennement cette guerre. Les médias israéliens ont couvert cette guerre les quelques premiers mois mais depuis, sont restés silencieux, même si des atrocités sont encore perpétrées.
Ce silence a probablement une bonne raison : des hauts responsables du gouvernement et de l’industrie sécuritaire vendent des armes, la formation militaire, la sécurité intérieure et la technologie de surveillance à des factions du Sud-Soudan. Toute publication concernant ces activités pourrait sérieusement les gêner.
Depuis les années soixante, Israël se bat dans une guerre secrète dans le sud du Soudan en soutenant les rebelles qui luttent contre la tyrannie de Khartoum pour obtenir leur liberté. Ce soutien offert par Israël ne reflète nullement ses valeurs humanitaires ni une quelconque solidarité avec un combat juste et légitime pour la liberté, il s’agit plutôt d’intérêts stratégiques divers dans la région.
En 2011, un référendum a eu lieu dans le sud du Soudan suite à une très forte pression de la communauté internationale. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des résidents ont voté en faveur d’une séparation de Khartoum et c’est seulement à la date du 9 Juillet de la même année que le Sud-Soudan est devenu un pays indépendant.
Israël a été parmi les premiers à reconnaître le nouvel État et en 2011 Salva Kiir Mayardit, le président du Sud-Soudan y a effectué une visite officielle. Pour les israéliens, un Sud-Soudan indépendant était une opportunité en or pour poursuivre leurs intérêts sécuritaires et économiques dans la région ; par conséquent, ils y ont effectué de lourds investissements dans les infrastructures civiles et militaires. Les relations entre les deux pays sont exceptionnelles, comparativement aux autres pays africains proches des israéliens, elles montrent des signes de parrainage.
Cette relation spéciale est à comprendre également dans le contexte des luttes régionales pour le pouvoir. Le conflit local entre le Soudan et le Sud-Soudan est sponsorisé par l’Iran et Israël, respectivement. Comme l’Iran a renforcé ses liens avec les musulmans du Soudan, Israël en a fait de même avec les chrétiens du Sud-Soudan qui lui fournit également du pétrole.
Il y a deux ans et demi, Israël aurait bombardé une usine d’armes iranienne à Khartoum ; une année auparavant, l’IDF a intercepté un bateau qui transportait des munitions du Soudan vers Gaza ; et il y a juste un mois, un drone israélien a été abattu au Soudan. Il est évident qu’Israël et l’Iran se font une guerre par procuration par le biais de leurs alliés africains.
La question posée est de savoir si cette stratégie semi-impériale peut, d’une quelconque manière, justifier l’aide apportée aux forces du Sud-Soudan qui ont perpétré des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Aucun intérêt stratégique réel ou imaginaire ne pourrait exonérer Israël quant à sa responsabilité morale et légale pour empêcher la vente d’armes pouvant servir à de telles fins.
La célébration de l’indépendance du Sud-Soudan s’est tristement transformée en une des pires tragédies de notre époque. Depuis mi-décembre 2013, une guerre civile fait rage dans le Sud du Soudan entre des ethnies et des groupes politiques opposés ; il s’agit de la continuation d’une guerre civile sanglante qui a conduit à l’indépendance du pays après 22 ans. Les derniers rapports mentionnent un nombre de 50000 personnes tuées, 2 millions déplacées et 2.5 millions qui risquent la famine à cause de la guerre.
Les organisations humanitaires des droits de l’Homme et les Nations Unies estiment que 12000 enfants soldats combattent dans le Sud-Soudan. Toutes les parties impliquées dans les combats, et particulièrement le gouvernement et ses milices, sont aussi impliquées dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de sévères violations des droits de l’Homme.
Aucune des parties n’est en mesure de mettre fin à la guerre, et il n’y a aucune évidence de majorité ethnique dans le pays. La tribu des Dinka, qui contrôle actuellement le gouvernement représente seulement 35 % de la population. Quelques combattants de l’opposition sont d’anciens membres des forces de sécurité qui ont fait défection au parti adverse, ils utilisent leurs armes et s’entraînent militairement avec eux ce qui rend leur défaite par le gouvernement difficile.
Pour ces raisons, le gouvernement a décidé une stratégie alternative : meurtres de masse, viols systématiques des autres groupes ethniques et violences contre les citoyens identifiés comme faisant partie de l’opposition. Tant que les armes continuent de circuler dans le pays, le gouvernement n’a aucun intérêt à trouver un compromis, et il continue de s’accrocher à l’espoir de vaincre ses ennemis sur le terrain.
Cette situation a conduit les pays européens à déclarer un embargo sur les armes du Sud-Soudan et la suspension de l’aide militaire des USA. Il y eut également des tentatives d’embargo similaires par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Jusqu’à présent, ces tentatives ont été sans succès à cause des conflits et des disputes entre les membres du Conseil mais aussi à cause de la peur que les rebelles réussissent à vaincre les forces du gouvernement.
Malgré les difficultés politiques pour trouver un accord sur une résolution d’embargo, la gravité de la situation dans le Sud-Soudan est évidente pour tous. Le 3 Mars de cette année, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2206 sponsorisée par les USA donnant aux deux parties un ultimatum concernant l’embargo sur les armes et autres sanction si le combat ne s’arrêtait pas.
Malgré la réaction mondiale, la guerre secrète israélienne au Sud-Soudan continue selon les rapports et les informations fournis par les militants des droits de l’Homme qui étaient ou sont encore dans le Sud-Soudan. Depuis l’indépendance du pays, Israël n’a pas cessé d’envoyer ses armes, de former les forces du gouvernement et de fournir différentes expertises technologiques liées à la sécurité. Il existe également une collaboration entre les services secrets des deux pays, et des entités israéliennes ont établi un contrôle interne et un système de surveillance dans le Sud-Soudan qu’ils maintiennent toujours.
L’implication israélienne actuelle dans le Sud-Soudan est exceptionnelle dans l’histoire de ses exportations militaires. Cela dépasse l’entendement. Israël se bat actuellement pour la viabilité d’un projet pour lequel, il a tellement investi et ce, depuis des année ; un projet dont l’échec pourrait porter atteinte à sa crédibilité aux yeux des autres dictateurs et régimes qui reçoivent son aide militaire.
Une publication officielle du Ministère de la Défense datant de Novembre 2014 (presque un an après le début de la guerre civile dans le Sud-Soudan) vante les succès des exportations du Département de la défense lors de l’exposition sur la cyber-sécurité, visitée par 70 délégations provenant de plusieurs régions du monde, y compris le Sud-Soudan.
Des témoignages signalent que les militaires du Sud-Soudan utilisent les fusils Galil ACE. Dix-huit mois avant le déclenchement de la guerre civile, un journal soudanais a rapporté que des roquettes et des équipements militaires étaient fournis par le biais d’un pont aérien reliant Israël au Sud-Soudan, allant jusqu’à permettre de ramener des mercenaires africains (après entraînement). Les provisions continuent de circuler. Une délégation sud-soudanaise visitera une exposition israélienne sur l’armement qui aura lieu la semaine prochaine à Tel Aviv.
Réfléchissez-y une minute : un pays où des crimes contre l’humanité sont perpétrés en ce moment même, utilise des armes étrangères tout en étant sous embargo européen et étasunien et envoie des délégations pour une acquisition militaire vers Israël, lesquelles délégations sont accueillies les bras ouverts.
Aussi bien la loi internationale que la morale fondamentale humaine interdisent la vente d’armes ou tout autre aide militaire pouvant servir dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Par le passé, à cause des conflits politiques liés à la Guerre Froide, la communauté internationale n’a pas pu remplir ses obligations, mais depuis les années 1990 les choses ont changé et on a vu la mise en place d’une loi décisive aux USA et en Europe, mais aussi dans les conventions et les institutions internationales telles que l’ONU et les tribunaux internationaux.
Israël n’a aucun moyen tangible pour s’assurer que les armes vendues au Sud-Soudan ne sont pas utilisées pour massacrer des civiles ou menacer les femmes que violent les soldats ou les milices combattantes. De plus, il n’y a aucun moyen pour s’assurer que la technologie fournie n’est pas utilisée pour persécuter les citoyens pour leurs appartenances politiques ou ethniques – sans oublier l’aide aux horribles crimes de guerre et crimes contre l’humanité – à moins de stopper toute exportation sécuritaire et militaire à ce pays.
Il est important d’expliquer que la loi internationale interdit également la vente des technologies et dispositifs qui ne « tirent pas » s’ils peuvent être utilisés pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Le 12 mars de cette année, Adv. Itai Mack a réalisé un entretien sur les exportations militaires vers le Sud-Soudan pour l’émission radio en hébreu « Selon les Médias Étrangers » diffusée sur la station de radio (47:50) « Tous Pour la Paix ». Mack a révélé plus de détails concernant l’implication d’Israël dans l’approvisionnement en armes et les formations militaires apportés aux forces du Sud-Soudan. A la suite de ces découvertes, Adv. Mack a fait appel au Ministère de la Défense pour stopper l’exportation militaire vers le Sud-Soudan. L’appel, sans surprise, a été rejeté.
MK Tamar Zandberg (Meretz) essaie actuellement de rompre le silence en demandant que le Ministère de la Défense cesse immédiatement toutes les exportations militaires vers le Sud-Soudan. La demande a été accompagnée par une expertise préparée par Adv. Mack, elle détaille les aspects factuels et légaux de la question.
Les Israéliens doivent se joindre à cette requête. Et ils doivent le faire de suite.
* Idan Landau est un universitaire israélien de l’université Ben-Gurion. Cet article était publié à l’origine en hébreu sur le blog d’Idan « don’t Die a Fool » ( Ne meurs pas idiot). Il a été posté de nouveau avec l’autorisation de l’auteur.
Traduit de l’anglais par Info-Palestine
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Obama envisage un conflit mondial (6/8)
Qu’Obama craigne un conflit avec la Chine ou la Russie, ne surprendra pas. Mais avec l’Europe aussi ? Cette amitié, « fondée sur des valeurs » nous dit-on, ne serait pas éternelle ?
6. L’Europe suivra-elle les USA jusqu’en enfer ?
Obama avertit les néocons opposés à l’accord nucléaire avec l’Iran : « Nos plus proches alliés en Europe (n’acceptent plus) les sanctions. Une guerre renforcerait l’Iran et isolerait les Etats-Unis »(1) Un haut diplomate à Washington confirme : « Si le Congrès US rejette l’accord, ce serait un cauchemar et une catastrophe. »(2) Bien sûr ! Immédiatement après l’accord les firmes allemandes se sont ruées à Téhéran pour signer des contrats bloqués par Washington depuis des années ! En fait, le principe « Les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts » s’applique aussi aux alliances : une « amitié » éternelle peut vite se transformer en conflit aigu.
Pour contrôler l’Eurasie, Brzezinzki proposait en 1997 de bien contrôler l’Europe : « Le problème central pour l’Amérique est de bâtir une Europe fondée sur les relations franco-allemandes, viable, liée aux Etats-Unis et qui élargisse le système international de coopération démocratique dont dépend l’exercice de l’hégémonie globale de l’Amérique. »(3)
« Démocratique » signifiant « soumis aux USA », Brzezinski emploie l’UE pour empêcher une alliance Berlin - Moscou. La Russie étant un partenaire géographiquement « naturel » des sociétés allemandes, la politique US sèmera donc la zizanie. L’Ukraine a servi à cela. Quand l’UE obtint à Kiev un accord entre toutes les parties pour des élections anticipées, Washington organisa le lendemain un coup d’Etat en s’appuyant sur des groupes néonazis ! L’envoyée spéciale US Nuland le résumant avec classe : « Fuck the EU ! » (Baisez l’UE !)
Nouveau ? Non, dès 1997, Brzezinski annonçait : « L’Europe doit être un tremplin pour poursuivre la percée de la démocratie en Eurasie. Entre 2005 et 2010, l’Ukraine doit être prête à des discussions sérieuses avec l’OTAN. » Brzezinski voulait centrer l’Europe sur un axe Paris – Berlin – Varsovie – Kiev. Contre Moscou. Il craignait que l’unification européenne échoue (on y vient ?), et que Berlin se tourne vers l’Est. « Les trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre les vassaux (sic) et les maintenir dans l’état de dépendance (…), cultiver la docilité (sic) des sujets protégés ; empêcher les barbares (sic) de former des coalitions offensives ».(4)
Stratégie dépassée ? Non. Récemment, l’influent analyste US Georges Friedmann, à qui on demandait « Daesh est-il une menace pour les Etats-Unis ? », a répondu de façon ahurissante : « Ce n’est pas une menace existentielle. On doit s’en occuper de manière convenable, mais nous avons d’autres intérêts en politique internationale. L’intérêt principal (…), c’est la relation entre Allemagne et Russie, car unis, ils pourraient nous menacer. Notre but principal est de nous assurer que cela n’arrivera jamais. »(5) Pour empêcher les multinationales européennes de se tourner vers la Nouvelle Route de la Soie proposée par Pékin, la clé est d’empêcher toute entente entre Berlin et Moscou. Et détourner l’UE de l’énergie russe. Bref, derrière les sourires officiels à la télé, les « amis » occidentaux ne s’aiment pas du tout. L’espionnage NSA l’a confirmé : il n’y a pas d’amis dans le business.
La relation USA – UE a deux aspects : unité et rivalité. Les multinationales européennes ont besoin du gendarme US pour intimider le tiers monde et en tenir la Chine à distance. Mais les multinationales US profitent de chaque guerre pour voler des parts de marché à leurs rivales européennes. Et Washington est très forte pour faire payer par ses « amis » des guerres qui servent ses intérêts au détriment des « amis ».
En fait, derrière l’ennemi direct et déclaré, chaque guerre possède un second niveau de conflit. En 91, Bush attaque l’Irak aussi pour saper les contrats français et russes. En Yougoslavie, Clinton veut neutraliser la France et surtout empêcher la formation d’une Euro-armée. En Libye, Obama (avec Sarkozy) sape les contrats allemands et italiens signés avec Kadhafi. En Syrie, Obama (avec Hollande) travaille encore contre l’Allemagne. En Ukraine, idem. Et toutes ces guerres US créent des chaos qui rejaillissent sur l’Europe « amie » (crise migratoire, attentats terroristes, perte de partenaires économiques).
A terme, l’Otan est pour l’Europe un suicide. Suivra-t-elle les USA jusqu’en enfer ? L’avenir du monde en dépend.
POUR SUIVRE : « It’s the economy, stupid ! »
1) www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2015/08/05
2) Politico,com 6 août 2015.
3) Le Grand Echiquier, p. 103, 107, 108.
4) Le Grand Echiquier, p. 68.
5) Conférence au Chicago Council, 4 février, traduction Arrêt sur info, https://youtu.be/u1a0FD6iiek à 2’.
Source : Investig’Action