Les luttes de libération africaines ont mené la révolution portugaise d’avril 1974
John Catalinotto revient sur la Révolution des Œillets qui a vu des soldats se dresser contre le gouvernement fasciste au Portugal en 1974. L’auteur explique comment la lutte des peuples opprimés dans les colonies portugaises a influencé la mobilisation dans la métropole. Il dresse également un lien avec le mouvement de protestation des soldats US durant la guerre du Vietnam. Et aujourd’hui?
C’était en avril 1974. Une chanson populaire servant comme signal secret pour les capitaines du mouvement des Forces armées portugaises (MFA) passait sur Radio Renascença à Lisbonne. Les unités de l’armée à l’intérieur et aux alentours de Lisbonne étaient prévues pour effectuer des manœuvres habituelles. Maintenant, tout a changé.
Stimulés par la croissante lassitude de leurs troupes à l’égard de la guerre, la croissante faiblesse de l’état policier fasciste, l’incapacité pour le Portugal de remporter la guerre contre les mouvements de libération au sein de leurs colonies africaines et l’isolement international croissant du Portugal, les capitaines sont passés à l’action.
Ils ont gardé leurs projets secrets vis-à-vis des soldats sous leurs ordres. Avec des troupes déjà embarquées dans leurs camions, ils ont énoncé les nouveaux ordres : s’emparer de la capitale, arrêter le gouvernement et chasser le gang fasciste qui dirige le Portugal. Les simples soldats, surpris mais admiratifs, ont exécuté les nouveaux ordres, espérant que cela mettrait fin à la guerre dans les colonies portugaises en Afrique.
Chaque coup donné par les combattants de la liberté en Afrique fragilisait le régime fasciste à Lisbonne. Chaque grève menée par les travailleurs portugais ou désertion de soldats portugais renforçait la révolution dans les colonies.
Au Portugal même, une révolte au sein des forces armées a facilité le renversement du régime. Le 25 avril 1974, le Mouvement des Forces Armées a rapidement mit fin à 48 ans de règne d’un Etat policier et fasciste. Encore sous l’influence des anciennes habitudes pour le respect du pouvoir, les capitaines portugais ont néanmoins courtoisement arrêté le président Marcelo Caetano et le reste des hauts dirigeants du gouvernement pour ensuite les exiler au Brésil.
Ils ont remplacé le gang de Caetano par une junte militaire dirigée par le Général António de Spínola. Cet officier avait des différends avec d’autres généraux fascistes seulement parce qu’il croyait que la guerre était sans issue.
Spínola a exhorté les dirigeants portugais à développer une relation néocoloniale avec les colonies africaines, tout comme la France en Afrique de l’ouest.
Malgré ce début de calme trompeur, le 25 avril n’a pas été facile pour le remplacement de la garde du palais. Encouragés par le coup d’Etat, des ouvriers sont descendus en masse dans les rues, applaudissaient les soldats et ont porté la révolution en avant durant les 18 mois qui ont suivi.
Les jours suivant le 25 avril, les informations télévisées montraient des groupes de travailleurs entourant et brutalisant quelques individus. Les travailleurs et les révolutionnaires ont reconnu leurs anciens tortionnaires de la célèbre PIDE, la police politique portugaise, et se rendaient justice.
Défiant les ordres de Spínola pour laisser les détenus à l’intérieur des prisons, les foules, avec le soutien des troupes, ont vidé les geôles des révolutionnaires et des antifascistes tandis qu’ils mettaient les voyous de la PIDE derrière les barreaux. Vers la mi-journée – six jours après- des centaines de membres du parti communiste portugais et d’autres groupes révolutionnaires sont sortis de prison ou sont revenus d’exil afin d’organiser le mouvement et de faire campagne dans les usines, les fermes et les rues du Portugal.