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Économie - Page 3

  • Le modèle néolibéral en Colombie: spoliation et accaparement des terres

    Acaparamiento de tierras

    Au cours des dernières décennies, l’accaparement des terres par les États, les entreprises privées et les particuliers a augmenté de manière exponentielle. Cette situation met en danger la souveraineté alimentaire des peuples ainsi que celle de millions de citoyens dans le monde.

    L’organisation GRAIN a rapporté dans une étude que, depuis 2006, environ 35 millions d’hectares de terre répartis dans 66 pays ont été achetés par des investisseurs étrangers pour la production de denrées alimentaires1. Un nombre important de ces appropriations se produit en Afrique, mais existe aussi en Amérique latine, en Asie et en Océanie.

    En Colombie, le processus d’accaparement des terres a ses particularités : à l’époque coloniale, la terre a été attribuée aux Espagnols et aux créoles de la classe oligarchique émergente de la Colombie et ces derniers ont accumulé de vastes étendues de terres qui, par la suite, ont été transférées à leurs héritiers.

    Au cours du siècle dernier, de nouveaux territoires ont été colonisés par des paysans pauvres. Ces mêmes territoires (Caqueta, Meta, Antioquia, par exemple) ont ensuite fait l’objet d’accaparement par d’anciens et de nouveaux grands propriétaires qui, dans la plupart des cas, ont utilisé des méthodes violentes. Les paysans alors déracinés ont entrepris de nouveaux processus de colonisation, ce qui engendra encore l’expansion de la frontière agricole.

    Depuis la fin de la seconde moitié du XXe siècle et jusqu’à présent, le processus d’occupation des terres a été exacerbé par l’émergence de l’économie de la drogue. La loi 160 de 1994 a cependant délimité une quantité importante de terres incultivables appartenant à la Nation.

    En Colombie, la terre a été liée au pouvoir car posséder de grandes étendues de terre donne le pouvoir politique et le statut social au possesseur. En outre, les terres en Colombie ont été un instrument : en termes marxistes classiques, la terre en Colombie ne joue pas un rôle majeur dans le capitalisme car elle ne génère pas de capital qui peut être réinvesti pour générer encore plus de capitaux. En effet, les terres en Colombie génèrent une accumulation de revenus et, jusqu’aux années 50 du siècle dernier, le système de production rural ressemblait plus à une exploitation féodale qu’à une production capitaliste.

    Les modèles de développement appliqués en Colombie ont généré une «ruralisation» des villes, c’est-à-dire une migration massive des paysans vers les villes. Causés par la pauvreté et non par un développement économique agricole, ces déplacements ont de fait augmenté la taille des bidonvilles. Au cours de la première moitié du siècle dernier, la proportion d’habitants en Colombie était d’environ 70% des personnes vivant dans les zones rurales et 30% vivant dans les zones urbaines, aujourd’hui, cette proportion s’est exactement inversée2.

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  • Adoracion Guaman : « le Traité transatlantique est anti-démocratique »

     

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    Au contexte social de plus en plus tendu partout en Europe, particulièrement en France et en Belgique, s’ajoutent les incertitudes et les peurs autour des négociations du Traité transatlantique. Plus connu sous le nom de TTIP ou TAFTA, il résonne dans la tête des négociateurs comme une avancée spectaculaire en termes économiques et de libéralisation du marché. Mais, pour le citoyen lambda, ce traité semble plutôt être un recul. La sécurité alimentaire, le principe de précaution, les appellations d’origine contrôlée, la protection des PME,… tout ceci semble être mis de côté dans ces négociations opaques. Pour Adoracion Guaman, professeur de droit du travail et auteure du livre «TTIP: l’assaut des multinationales à la démocratie », l’unique enjeu est de permettre une dé-régularisation violente qui amènerait plus de profits aux grandes entreprises et aux détenteurs des moyens de productions.

     

    En quoi les révélations de Green Peace ont-elles apporté quelque chose de nouveau dans le débat autour des négociations sur le TTIP ?

    Les documents de Green Peace nous ont confirmé tout ce qu’on redoutait déjà. Mais leur divulgation prouve aussi que les négociations ne sont pas très avancées car il y a beaucoup de barrières à franchir. On a pu observer dans les textes des postures très différentes des deux côtés (USA et UE) sur des sujets importants comme les marchés publics et les appellations d’origine contrôlée. Il apparaît donc que les USA et l’Europe ne peuvent pas se mettre d’accord aussi facilement que certains l’avaient cru. Et d’autre part le document nous a confirmé que les deux acteurs vont dans le même sens : celui de l’hyper-libéralisation.

     

    Qu’est-ce qui pose le plus gros problème entre les deux parties ?

    Ce qui constitue actuellement le plus gros souci pour l’avancement des négociations ce sont les marchés publics. Cela pose un problème pour les Européens car les Etats-Unis ne veulent pas changer leurs normes. Les USA ont des règles beaucoup plus strictes et encadrantes alors que le marché public de l’UE est très ouvert. L’Europe demande ainsi aux USA d’ouvrir leurs marchés publics mais pour l’instant ces derniers ne veulent pas changer leur position.

     

    Si les négociations semblent bloquées à ce niveau, pourquoi les documents de Green Peace ont-elles provoqué autant de remous dans l’opinion publique ?

    Dans les 16 documents, on retrouve des passages qui sont déjà ‘consolidés’. Enfin, ‘consolidés’ n’est peut-être pas le bon terme car il ne s’agit pas d’une version définitive mais il y a bel et bien des sujets sur lesquels les négociateurs ont émis une espèce d’accord préliminaire.

    Parmi ces accords préliminaires, on retrouve la question des importations et exportations de produits agricoles entre Etats-Unis et Union Européenne. Question pour laquelle les négociateurs ne semblent pas se soucier du principe de précaution, notamment en ce qui concerne les produits phytosanitaires (pesticides, insecticides,…). En revanche, il n’y a pas d’accord préliminaire concernant les taxes pour les véhicules.

    Ce qui nous désole, c’est de voir que les intérêts des négociateurs sont très éloignés des intérêts des consommateurs. L’agriculture semble ainsi passer après les voitures, alors qu’on estime que la nourriture est plus importante pour l’être humain que les transports.

    Ce point est d’ailleurs d’autant plus important que la Commission Européenne répète aux associations et aux ONG qu’elle ne va pas laisser tomber le principe de précaution. Or, quand on analyse le discours des négociateurs européens, on constate qu’ils disent très clairement : « il faut regarder objectivement les évidences scientifiques pour protéger les gens ».

    Le problème c’est que l’observation objective va à l’encontre du principe de précaution. Rien n’est dangereux tant qu’on n’a pas pu l’observer scientifiquement, c’est ainsi que raisonnent les négociateurs. Pourtant, cela fait des années qu’on utilise des produits phytosanitaires et c’est seulement aujourd’hui que l’on peut observer les dégâts sur les sols. Alors doit-on attendre les effets sur notre corps pour avoir une « évidence scientifique » de la toxicité de ces produits ?

     

    L’agriculture est donc le point le plus sensible selon vous ?

    L’agriculture est un point important mais ce n’est pas le seul. Il y a un passage dans les textes qui s’attarde sur les PME. Il prévoit divers mécanismes d’information mais il n’y a rien qui concerne leur protection dans un marché qui deviendrait encore plus concurrentiel. Il n’y a pas de système contraignant pour gérer les différences (entre USA et UE). En fait, de façon générale les négociations ne s’attardent que très peu sur le travail, l’environnement et les PME, bref tout ce qui concerne directement les « petits ». En ayant lu le CETA, on se doutait que le TTIP serait du même acabit. Et les documents de Green Peace ont confirmé que, oui, la libéralisation/dérégulation sera très considérable.

     

    Le document de Green Peace est « vieux » d’après plusieurs eurocrates. Ils ont souligné que beaucoup de choses avaient déjà été modifiées depuis. Peut-on dès lors s’y fier ?

    Les documents ne sont pas si vieux qu’ils veulent bien le laisser sous-entendre. La révision juridique du texte et les dernières modifications ont vraisemblablement été faites fin 2015. C’est vrai que les choses peuvent toujours être modifiées mais, je le répète, ce qui est important à ce niveau des négociations, et le document de Green Peace nous le confirme, c’est la tendance ! Une tendance ultra-libérale dont on connaît les dérives.

     

    Mais est-ce que le TTIP est réellement faisable ? L’Europe n’arrive déjà pas à s’harmoniser au niveau social et fiscal entre les 28. Est-il imaginable que l’Europe tout entière s’harmonise avec les Etats-Unis ?

    C’est vrai que l’harmonisation sociale et fiscale n’est pas au point en Europe mais, pour ce qui concerne les services et la circulation des marchandises, tout est encadré. Il y a des normes de concurrences, de sécurité alimentaire, etc.

    Le problème avec le TTIP n’est pas l’harmonisation en soi, c’est plus dangereux que ça. Les eurocrates parlent d’harmonisation mais on ne va pas arriver à cela. C’est en effet beaucoup trop compliqué d’arriver à une harmonisation. Ils vont donc certainement passer par le principe de reconnaissance mutuelle. Cela signifie que l’on va reconnaître comme valide la norme de l’autre, pour éviter la complexité d’une harmonisation. C’est encore plus dangereux car du coup on ne peut même pas discuter.

    Ils vont essayer d’utiliser des mécanismes de coopération pour ce qui ressort du domaine technique comme la construction des voitures. Pour ce genre de sujets, ils vont donc arriver à des accords, mais pour des sujets complexes où il y aurait trop de lois à modifier, ils vont passer par le principe de reconnaissance mutuelle.

     

    Dans ce cas de figure, à qui serait-ce le plus profitable ? Aux Etats-Unis ou à l’Union européenne ?

    On ne peut pas parler d’un intérêt des EU contre les UE car ce n’est pas ça. C’est la classe populaire contre ceux qui ont les moyens de production, les plus grosses entreprises et ceux qui ont le plus d’argent. Ce sont les grandes multinationales qui profiteront vraiment de l’ouverture du marché transatlantique, pas les petites et moyennes entreprises.

     

    À vous entendre, le seul but du TTIP est de libéraliser encore plus et de donner plus d’argent à ceux qui en ont déjà. C’est ça ?

    Il ne s’agit pas vraiment de libéraliser, bien que le sens de ce mot soit parfois tronqué, mais de dé-régulariser. Mais le plus gros ennui avec ce TTIP c’est qu’il est avant tout anti-démocratique. Il éloigne encore plus la population du pouvoir de décision, laissant les questions importantes de la vie de tous les jours (qualité de l’alimentation, sécurité des produits,…) hors de notre portée. On voit déjà, rien qu’en Europe, que les détenteurs de moyens de production et les grandes entreprises ont énormément de poids à travers le lobbying qu’ils exercent aux plus hauts niveaux des pouvoirs décisionnels. Si l’Europe dé-régularise et met fin à ses normes sur les OGM par exemple, pourrons-nous faire marche arrière ?

    Les ONG anti-TTIP veulent en réalité poser un cadre dans lequel on (le peuple) garde un minimum de pouvoir, notamment sur le principe de sécurité qui permet de garantir une certaine protection pour notre santé.

    D’autant qu’aujourd’hui, et de plus en plus, on réduit les dépenses publiques tout en offrant des facilités pour soutenir les investissements privés. Cela déséquilibre d’avantage la balance qui est pourtant déjà largement favorable aux puissants.

     

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  • Évasion fiscale : « On a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées »

    www.initiative-communiste.fr

    www.initiative-communiste.fr vous propose de lire l’entretien donné par les Pinçon Charlot suite à leur enquête sur l’évasion fiscale au site The Dissident. Une enquête qui confirme que l’ est bien une construction organisée pour permettre l’évasion fiscale légale, le dumping social et pour ravager les conquêtes sociales et démocratiques.

    > A lire également :

    Évasion fiscale : « On a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées »

    > Par

    >

    Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon – DR

    > Ne vous fiez pas à l’apparence inoffensive de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Dans leur dernier ouvrage « Tentative d’évasion (fiscale) », les deux sociologues égratignent une fois de plus nos puissants. Et racontent comment, de Bercy à Genève, la fraude fiscale est désormais un système au service de l’oligarchie. Signe du destin, The Dissident les a rencontrés à Paris, à la station… !

    > The Dissident : Au début de votre essai, on comprend que les affaires Cahuzac et Liliane Bettencourt ont été le déclencheur du livre.

    > Monique Pincon-Charlot : Dans Le président des riches (Zones, 2010) il y a déjà des choses sur les paradis fiscaux. Dans Les ghettos du gotha, il y a l’histoire de la famille Mulliez, propriétaire du groupe Auchan, et de son emménagement à Estaimpuis, en Belgique, à 300 mètres de la frontière française. C’est un sujet sur lequel on se documente depuis le début de notre travail. On a eu des lectures très nombreuses… et très rasoir ! Le sujet n’est pas drôle du tout. Et il y a un an pile, on est partis en Suisse pour ce livre.

    > Qu’y apprend t-on ?

    > Il n’y a aucun scoop : les membres de la noblesse et de la bourgeoisie qui sont cités sont déjà dans la presse. L’intérêt de notre livre, c’est de montrer une classe sociale mobilisée au-dessus de tous les États pour ne pas contribuer à la solidarité nationale.

    > À l’époque des Ghettos du gotha, vous avez eu accès à des cercles très fermés. Aujourd’hui, est-ce plus compliqué d’avoir accès aux informations ?

    > Michel Pinçon : C’est difficile de travailler sur la fraude fiscale ! Dans nos travaux antérieurs, on a eu des informations par des gens de ce milieu. Mais c’est carrément tabou de leur demander comment ils gèrent leur patrimoine, de fraude fiscale, de paradis fiscaux. On a obtenu des informations diverses et variées, souvent de militants. Au Luxembourg et en Suisse, des groupes de résistance dénoncent la connivence de leurs États avec cette fraude fiscale.

    > Le Luxembourg est un des lieux privilégiés de la fraude fiscale. Amazon y a construit son siège social sur une presqu’île, dans la vieille ville de Luxembourg. Il y a juste de quoi loger une cinquantaine de salariés ! Ce n’est pas là où se font réellement les choses. Cela permet tout simplement d’y inscrire les bénéfices d’Amazon et d’être très peu taxé. Le président de la a été Premier Ministre du Luxembourg. On a la tête de l’ un individu qui un est complice évident de la fraude fiscale. C’est d’un cynisme… Ils sont tous complices : Juncker, Obama, le pourfendeur de la finance que se prétendait Hollande quand il cherchait des voix.

    > Monique Pinçon-Charlot : En 2010, le lanceur d’alerte Antoine Deltour a dévoilé le nom de tous les rescrits fiscaux1 qu’il a pu recopier avant son départ de l’un des big four, c’est-à-dire l’un des quatre plus grands cabinets d’audit financiers, le cabinet PWC. À l’époque, Juncker était ministre des Finances du Luxembourg. Il ne pouvait pas ne pas être au courant. En récompense, l’oligarchie l’a coopté comme président de la Commission européenne. Tandis qu’Antoine Deltour est poursuivi pour violation du secret des affaires et encourt cinq ans d’emprisonnement. Son procès aura lieu en janvier au Luxembourg.

    > Comment remonter le fil de ces évasions fiscales ?
    >

    > Michel Pinçon : Nos sociétés dites démocratiques fonctionnent avec énormément d’interdits, de secrets. En particulier le secret fiscal. En France, on peut consulter les revenus d’une personne auprès de l’administration fiscale. Au bureau des impôts, vous pouvez demander à voir les déclarations fiscales des gens qui habitent votre quartier. Mais on surveille que vous ne preniez pas de notes. Si vous révélez les sommes que gagne telle personne, vous êtes automatiquement condamné à une amende correspondant au montant de ce que vous avez révélé. Si vous dites que Monsieur Untel a déclaré 2 millions de revenus l’année précédente, vous êtes imposé de la même somme. Ça refroidit les tentatives de révélation ! Pour les fraudes fiscales, ce sont des documents secrets auxquels même les employés des impôts n’ont pas accès. C’est le secteur bancaire qui garde ces documents à l’abri.

    > Monique Pinçon-Charlot : Il y a une multiplication des secrets : secret fiscal, secret bancaire, secret des affaires. Dès qu’on touche aux problèmes de la défense, c’est le secret défense. Le travail d’investigation peut toujours tomber sous le coup du secret des affaires. Être lanceur d’alerte relève de l’exploit. S’est mis en route un système de protection des lanceurs d’alerte, qui n’est pas encore parfait. Ce sont des grains de sable dans la machine oligarchique de ceux qui dorment dans les beaux quartiers.

    > Et le rôle des services fiscaux contre les fraudes ?

    > Monique Pinçon-Charlot : Tous les grands procès en cours – UBS France, HSBC France ou le Crédit mutuel – ne sont jamais le résultat de la traque des services fiscaux de Tracfin. Ces informations peuvent venir d’un conflit familial : les 80 millions d’euros de Liliane Bettencourt non déclarés en Suisse ont été révélés par le procès initié par sa fille. Elles peuvent aussi venir de lanceurs d’alerte comme Stéphanie Gibaud, Nicolas Forissier, ou Olivier Forgues à UBS France.

    > Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, il y a une machine de guerre très sophistiquée. Dans le reportage sur le Crédit Mutuel2, les spectateurs ont vu le système des poupées gigognes. On part d’un compte numéroté pour construire des sociétés écran, on fait des fiducies en utilisant des noms d’écrivains comme pseudonyme. Seul le chargé de clientèle connaît le véritable nom du client. Ça, ce n’est pas informatisé ! UBS France a démarché sur le sol français des Français pour rapatrier leurs avoirs en Suisse. Ils avaient des « carnets du lait ». C’est-à-dire une double comptabilité.

    > Dans votre livre, vous expliquez comment un directeur de la Direction nationale d’enquête fiscale (DNEF) a été placardisé pour avoir voulu traiter le cas Falciani (ancien salarié de HSBC, qui a livré des informations sur 130 000 comptes appartenant à des exilés fiscaux présumés).
    >

    > Monique Pinçon-Charlot : On a pu interviewer de façon anonyme six inspecteurs des impôts qui témoignent du fait qu’ils ne peuvent plus vraiment faire leur travail. Dès qu’il s’agit d’une personnalité, tout est cloisonné. Ils n’ont pas accès à l’ensemble des informations. Il y a toute une machine, qu’on décrit dans le chapitre sur Bercy, faite pour préserver les intérêts des plus riches.

    > On apprend aussi que les paradis fiscaux ne sont pas toujours là où on le croit…

    >

    Ed. Zones, 2015

    > Michel Pinçon : Les entreprises se réfugient dans des îles où elles ne font rien à part engranger des bénéfices sans payer d’impôts. Les îles Vierges britanniques, les Bermudes… une dizaine d’îles au total. Mais c’est trompeur. L’un des paradis fiscaux les plus importants est le Delaware, ce petit État américain entre New-York et Washington. Il y a plus de sociétés que d’habitants. C’est un paradis fiscal sous la houlette du gouvernement américain. C’est un secret de polichinelle. Dans une des éditions du Bottin mondain, il y avait une publicité pour les facilités fiscales qu’offre le Delaware aux Français. Il y avait même une adresse à Paris ! Depuis qu’on l’a signalé, elle a été fermée. Mais ça continue de fonctionner sous une autre bannière. C’est étonnant, puisqu’Obama se veut pourfendeur des inégalités… Mais il ne parle jamais du Delaware !

    > Monique Pinçon-Charlot : Il n’a toujours pas signé l’accord historique du 29 octobre 2014 à Berlin, dans lequel quatre-vingt-dix pays ont ratifié l’échange automatique d’information entre administrations fiscales. Mais pas les États-Unis. La fameuse loi TAFTA élaborée sur recommandation de Barack Obama est à sens unique. Sous peine de ne plus avoir d’activités aux États-Unis, tous les pays du monde doivent déclarer les citoyens américains qui ouvrent des comptes non déclarés. Par contre, le Delaware n’est pas tenu à une réciprocité. Il y a une guerre fiscale. Et les États-Unis veulent détourner l’argent de l’évasion fiscale à leur profit.

    > Quelle morale peut-on tirer de tout ça?

    > Michel Pinçon : Une conclusion de notre livre, c’est qu’on a affaire à des oligarchies nationales complètement vérolées. C’est le Monopoly ! Ce sont des gens qui n’ont plus aucun sens du bien commun, comme il y en avait encore sous la IIIème ou IVème République. Enrichissons-nous ! C’est vraiment la morale des politiques d’aujourd’hui.

    > Monique Pinçon-Charlot : La violence des riches est opaque. Tandis que l’histoire de la chemise du DRH d’Air France, ça c’est visible ! Ça permet de criminaliser le salarié. On traite de voyous les travailleurs d’Air France. Pour gagner des millions d’euros, le PDG de Wolkswagen a fait une énorme fraude, avec des conséquences terribles pour le réchauffement climatique. Le Figaro a parlé de « tricherie ». Vous voyez la différence : voyou d’un côté, tricheur pour les grands de ce monde.

    > Qu’est-ce qui vous donne malgré tout des raisons d’espérer?

    > Michel Pinçon : Il y a des initiatives citoyennes, des rassemblements de magistrats, de fonctionnaires des impôts, avec des associations. Une plate-forme sur les paradis fiscaux regroupe une vingtaine d’associations comme Attac. Le mouvement Solidarité en Suisse nous a bien surpris. Quand on est sortis de la gare de Genève, pendant notre enquête, la première chose qu’on a vu ce sont des affiches : « À bas les forfaits fiscaux, les riches doivent payer leurs impôts. » Avec nos valises à roulette, on s’est dit : « Tiens c’est bizarre, on est attendu s! » On n’avait pourtant rien dit à personne. En fait, Solidarité en Suisse avait fait une votation [pour demander l’abolition] des forfaits fiscaux, qui font que les étrangers – contrairement aux Suisses – peuvent ne pas payer d’impôt sur leur patrimoine en Suisse.

    > Notes :

    > 1 Un rescrit fiscal peut faire prévaloir la sécurité juridique du contribuable et lui permettre d’obtenir un régime fiscal particulier. Le « Lux Leaks » révélé en 2014 met en cause une liste d’accords fiscaux entre l’administration luxembourgeoise et des entreprises pratiquant l’évasion fiscale.

    > 2 Initialement programmé sur Canal +, ce documentaire a été censuré par Vincent Bolloré, proche du patron du Crédit Mutuel, Michel Lucas. Il a finalement été diffusé par France 3 dans le magazine Pièces à conviction.

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  • La loi Travail est imposée par la Commission européenne.

     

    Pourquoi la réforme du code du travail

    Qui est à l'origine de la Loi Travail ?

    Cette loi est imposée par la Commission européenne, sinon une amende de 10 milliards d'euros sera demandée à la France !

     

    1- Les fausses raisons. Réformer le marché du travail, c'est pour Manuel Valls et son gouvernement « relancer le dialogue social au plus près de l'entreprise, aider les femmes, les précaires et les jeunes à rentrer sur le marché du travail » (France 2) , « c'est favoriser l'embauche en CDI » (TF1) n'hésite pas à ajouter la ministre du travail El Khomri. Qui peut croire de telles affirmations ? Aux députés socialistes, le gouvernement explique qu'il faut faire comme nos voisins européens. Là, on s'approche sans doute un peu plus de la vérité.

     

    2- La discipline budgétaire européenne. Quand un pays de L'Union européenne (UE) ne respecte pas les critères de Maastricht, notamment un déficit inférieur à 3% du PIB, il peut avoir à payer une amende. C'est le cas actuellement de la France et de cinq autres pays (Portugal, Italie, Bulgarie et Croatie)[1], , on appelle cela la "procédure pour déficit excessif". Le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG), adopté par Nicolas Sarkozy, confirmé par François Hollande au lendemain de son élection impose aux pays de la zone euro une discipline budgétaire drastique. C'est la « règle d’or » qui impose aux États un déficit structurel de 0,5% (et non plus de 3%) et autorise un endettement public au maximum 60% du PIB.

     

    3- Les institutions qui portent la Loi Travail. La procédure pour déficit excessif met la France sous surveillance par la Commission européenne qui formule des recommandations (obligations) à suivre[2]. Ne pas suivre ces recommandations expose l’État à des sanctions financières entre 0,2 et 0.5% du PIB. Pour la France, cela ferait 10 milliards d'euros. Le Pacte de responsabilité et la loi Macron ont été les premières réponses aux recommandations de la Commission européenne. La réforme du marché du travail s 'inscrit dans cette logique. On peut le vérifier : les grandes lignes de la loi Travail suivent en tous points les recommandations de Bruxelles. Celles-ci encouragent avec enthousiasme les liquidateurs du droit social français : « Les réformes récentes (qui) ont commencé à s’attaquer aux rigidités de la procédure de licenciement pour les contrats à durée indéterminée et à en réduire la complexité et les incertitudes ».

     

    4- Le recul sociétal. Pour l’Union européenne, les salariés en France gagnent trop bien leur vie : « La récente modération salariale, dans un contexte de chômage élevé, demeure insuffisante compte tenu du ralentissement de la croissance de la productivité ». Comment se fait-il que ce soit mot pour mot ce que répètent le gouvernement et le MEDEF… La Loi Travail en est une déclinaison stricte et parfaite des injonctions décidées par la Commission européenne.

     

    Refuser la Loi Khomri n'est pas suffisant.

    Il est nécessaire d'aller au-delà : refuser les Traités européens et la logique néo-libérale de l'Union européenne.

    Cette exigence s'adresse aux responsables syndicaux et politiques engagés contre la Loi Travail.

    Il est indispensable de retrouver une souveraineté nationale et populaire pour contrecarrer ces politiques destructrices du tissu social au seul profit d'une oligarchie financière.

    Entre la démocratie et l'Union européenne, il faut choisir. Celle-ci n'est pas réformable de l'intérieur.

     

     

    [1] http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-334_fr.htm

    [2] http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/csr2015/csr2015_france_fr.pdf

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  • L’indécence et l’impudence de la tribune de Martine Aubry

     

    Ainsi donc, Martine Aubry et quelques autres ont publié une tribune dans le journal Le Monde daté du 25 février, tribune qui agite le microcosme parisien. On y retrouve des personnalités du monde politique, qu’elles soient socialistes ou non, ainsi que des universitaires. Le titre même de cette tribune est éclairant : « Sortir de l’impasse ». Ah certes, que voilà un beau programme. Mais qui donc nous y a fait entrer dans cette impasse ? N’est-ce point le tournant européen, religion dans laquelle communient tout autant les auteurs de cette tribune que les personnes qu’ils attaquent ? Et quand ils écrivent : « Ce n’est plus simplement l’échec du quinquennat qui se profile, mais un affaiblissement durable de la France qui se prépare, et bien évidemment de la gauche, s’il n’est pas mis un coup d’arrêt à la chute dans laquelle nous sommes entraînés », on aimerait plus de cohérence et de logique. Car, la situation actuelle, du CICE et du « pacte de responsabilité » à la « Loi Travail » de Mme El-Khomri, ne tombe pas du ciel. On voit bien ce qui pousse le gouvernement à vouloir défaire le droit du travail, en faisant sauter les garanties légales qui pesaient en cas de licenciements, à réduire l’assurance chômage (pourtant excédentaire dans son strict périmètre d’exercice) : c’est l’idée que seul un gain de compétitivité important peut arrêter l’hémorragie de l’emploi. Mais, ce faisant, la France va accroître les facteurs de récession et de déflation tant sur son territoire qu’au niveau de l’Europe toute entière. Tant que notre pays ne pourra retrouver la flexibilité du taux de change, il sera obligé de chercher ailleurs d’autres flexibilités, et en particulier sur les salaires et les différents revenus sociaux. Et l’on sait bien que par temps de crise, la fameuse « flexsécurité » dont on parle tant se réduit à n’être qu’une flexibilité, toujours demandée aux plus faibles et aux plus démunis sans aucune sécurité.

    « Trop, c’est trop » dit encore le texte de cette tribune…Comme si les signataires avaient dormi depuis 2012 et ne se réveillaient que maintenant. Car, les mesures les plus critiquables prises par le gouvernement Valls étaient inscrites dans le TSCG que François Hollande fit ratifier. Oui, il y a une certaine indécence à s’offusquer aujourd’hui de mesures qui ne sont que la suite logique de décisions prises au début même du mandat de François Hollande et ce alors qu’il s’était engagé à faire le contraire. C’était à ce moment là qu’il fallait protester. Il n’en fut rien. Et c’est la raison pour laquelle cette tribune sonne faux. Comment croire que ses signataires sont légitimement indignés alors qu’ils ont accepté les mesures initiales ? Cette indignation se veut vertueuse, mais elle cache en réalité des rancœurs politiques cuites et recuites. Elle masque des projets politiques contradictoires aussi. Quand Mme Aubry se déclare pour des primaires à gauche, M. Cohn-Bendit lui nous annonce qu’il votera pour Alain Juppé. Après tout, c’est son droit le plus strict. Mais cette tribune est une galère dans laquelle quiconque se sentant véritablement de gauche n’a rien à faire. Et, le soutien que ses signataires apportent à la calamiteuse réforme de l’éducation nationale devrait achever de nous en convaincre.

    La question fondamentale que pose cette tribune est celle de l’honnêteté politique. Or, on se souvient que du temps ou elle dirigeait le Parti « socialiste » Mme Aubry avait laissé se développer des situations scandaleuses, en particulier dans les Bouches du Rhône. De cela, aucun bilan public n’a été tiré. Comment croire, alors, aux postures moralisatrices que contient cette tribune ? Il y a une impudence certaine à agir de la sorte en pensant que les français ne s’en souviendraient pas. Cette combinaison d’indécence et d’impudence est cependant un signe caractéristique de la décomposition des élites. De ce point de vue, on peut dire que cette tribune n’a pas été inutile, même s’il est plus que douteux que ses signataires n’ont pas mesuré la portée de leur geste. Ils viennent, par cette tribune, de confirmer la mort de cette « deuxième gauche » qui s’est révélée, depuis près de trente ans, n’être qu’une des formes de la droite.

    Il reste un point cependant qu’il convient de mettre en avant. Alors que les signataires de cette tribune rédigeaient leur pensum, une pétition circulait sur Internet contre le projet de loi proposé par Mme El-Khomri. Cette pétition a dépassé largement les 500 000 signatures en quelques jours et elle continue de progresser au rythme de plus de 6000 signatures par heure. Il y a là une réaction bien plus radicale que dans toutes les tribunes du monde…

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