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Dans ce 27e numéro de la Revue de la semaine, Jean-Luc Mélenchon explique pourquoi les législatives peuvent être l'occasion d'appliquer le programme «L'Avenir en commun» avant de donner les raisons de sa candidature à Marseille. Il apporte son soutien aux salarié.e.s de GM&S, en lutte à La Souterraine dans le département de la Creuse. Jean-Luc Mélenchon revient également sur l'absence de l'écologie dans le débat du second tour de l'élection présidentielle et invite chacun.e à être vigilant.e sur les questions liées au nucléaire ainsi qu'à la propriété des outils de production.
***SOMMAIRE*** 01:25 : Les législatives et les chances de la France insoumise 04:17 : Pourquoi être candidat aux législatives ? 05:58 : Pourquoi avoir choisi Marseille ? 08:28 : Ce que les législatives peuvent apporter au pays. 10:16 : Industrie et écologie 13:20 : La lutte des salarié.e.s de GM&S à La Souterraine, dans la Creuse 18:49 : Les stratégies américaines de prise de contrôle des entreprises françaises 22:00 : Technip, nouvelle entreprise menacée 23:26 : Appel à la vigilance sur les questions de propriété des moyens de production 25:25 : L'écologie, grande absente du second tour de l'élection présidentielle 26:16 : Les dangers du nucléaire : l'effondrement de la «poubelle nucléaire» américaine.
Parfois, la vie se charge de cimenter ce que vous tentez d’exprimer depuis des années. Sans subtilité. Avec violence et célérité. Pour avoir animé 3 débats autour de la lutte contre la négrophobie, le week-end dernier au Bozar de Bruxelles (1), je ne m’attendais pas à voir l’actu franco-belge supplanter à ce point la pertinence de nos échanges…
Bien sûr, pour « encourager » notre propos, il y avait eu la blanche Romanie Schotte et son étron virtuel négrophobe, anencéphale Miss Belgique, comprise et protégée par la plupart des médias, RTL-TVi en tête (2). Ou encore la noyade de ce réfugié gambien, Pathe Sabally, 22 ans, dans les eaux glacées de Venise sous les quolibets négrophobes d’une partie des badauds (3). La « polémique»belgo-belge et le « fait divers » italien, présentés comme « isolés » et sans « causes connues », ont soutenu notre débat intitulé «Lutte contre l’Afrophobie : où en est-on aujourd’hui en Europe ? » (4) . De même qu’en toile de fond, depuis 6 mois, l’hallucinante affaire Adama Traoré – ou comment les Autorités françaises s’évertuent à protéger 3 policiers qui ont asphyxié leur victime, l’ont laissé mourir allongée sur le sol, mains menottées dans le dos – nous a appris qu’il fallait trois autopsies successives pour établir les causes de la mort d’un jeune noir de 24 ans… lorsque celui-ci est étouffé par la police (5).
En cas de mémoire courte, l’attaque au couteau sur Naithy Nelson, jeune homme noir de 20 ans, par un chauffeur de bus de la Société De Lijn est venu rappeler aux Belges que la négrophobie ne se limite pas à Instagram et peut aboutir au crime (6). Le lendemain de cette agression, soit le 3 février 2017, en passant la frontière vers la banlieue parisienne, c’est Théo, 22 ans, qui se fait violer à la matraque et tabasser par 4 policiers d’Aulnay-sous-Bois. Le tout filmé par une trentaine de témoins. Résultat : opération urgente de l’anus déchiré sur 10 cm et 60 jours d’incapacité de travail pour Théo. Inculpations de «viol» pour l’un des pandores et de « violences volontaires » pour ses trois collègues (7).
Les points communs de ces « faits divers » sautent aux yeux des racisé-e-s tandis que nombre de blancs mobilisent leur privilège racial conjugué à leur mauvaise foi pour éviter de les voir. D’abord, à travers 3 pays (Belgique, France, Italie), la couleur de peau des victimes est la même : noire. Ensuite, dans l’un ou l’autre des cas, l’humiliation, l’agression ou le meurtre font partie intégrante des récits.
Enfin, si le mot « racisme » apparaît timidement, ici ou là, le terme « négrophobie » est toujours aux abonnés absents du traitement médiatique. Les mécanismes structurels à l’origine de ces « tragédies» ne sont jamais épinglés. Le racisme d’Etat comme la négrophobie institutionnelle ou policière ne sont pas identifiés, questionnés et encore moins stigmatisés. Tout se déroule comme si personne, chez les journalistes, les intellectuels, les politiques, tous majoritairement blancs, n’était à même d’articuler ces agressions négrophobes qui se renouvellent en Europe sur des fréquences de plus en plus courtes. A l’évidence, la motivation fait défaut. Car la négrophobie, outil de la hiérarchisation et de la domination raciales, arrange les différentes Autorités comme elle indiffère les médias, tant que cités et ghettos ne brûlent pas. A l’image du taux élevé de chômage qui convient à nombre de politiciens et de patrons afin de déforcer sinon anéantir toute revendication sociale, toute mobilisation subversive entre ceux qui ont un travail et ceux qui en sont exclus.
Police partout, justice nulle part
A l’instar de la famille d’Adama Traoré, de celle de Naithy, la famille de Théo « appelle au calme », à ce que « justice soit faite » et autres lieux communs de circonstance. Le problème, c’est quelle justice ? En matière de violences policières, l’impunité judiciaire est la règle ; l’amnésie politicienne, une banalité ; la bienveillance médiatique envers les bourreaux, une habitude. Afin que demain, en toute arabo-négrophobie assumée, en toute continuité coloniale exaltée, de « pauvres policiers surmenés » puissent continuer à humilier, brutaliser, violer et tuer du noir et de l’arabe lorsqu’ils l’estiment « justifié » (8).
Quelle justice, en effet ? Dès le moment ou la jurisprudence des décisions ne plaide pas en faveur d’une impartialité mais de la défense d’un suprémacisme et corporatisme blancs qui, in fine, protège des brutes, des violeurs et des assassins sous prétexte qu’ils sont «dépositaires de l’autorité publique ».
«Théo et Adama te rappellent pourquoi Zyed et Bouna couraient…»
Circulant sur les réseaux sociaux, cette petite phrase résume bien une autre facette du problème. Et résonne dans le coeur de nombre de racisé-e-s un jour « contrôlé au faciès ». En 2005, si Zyed, Bouna et Muhitin tentaient d’échapper au contrôle de police, c’était bien pour échapper à l’humiliation et aux insultes racistes assurées, c’était bien pour échapper aux probables coups encaissés, c’était pour éviter « le pire »… sans savoir que, pour deux d’entre eux, ils allaient en mourir (9). Trois semaines de révoltes populaires à travers la France et dix années de procédure plus tard, le tribunal de Rennes a prononcé la relaxe des deux policiers poursuivis dans cette affaire pour non-assistance à personne en danger. Circulez, les familles endeuillées noires et arabes : la justice, c’est pas pour vous !
Le pire, la négation de son être intime, la torture ultime, Théo l’a subie. Sans que son casier judiciaire vierge ne le protège en quoi que ce soit. « Il était là au mauvais moment au mauvais endroit », diront les distraits, les aliénés et les privilégiés blancs. Non ! Théo est surtout « un noir de banlieue » ! Selon ces critères, il n’avait aucune chance face à ses bourreaux qui savent pertinemment qu’ils peuvent tout se permettre contre « ces gens-là». C’est l’une des conséquences de la négrophobie structurelle que la plupart des médias, politiciens et intellectuels s’efforcent d’escamoter ou d’invisibiliser par le silence… Au Canada, femmes et hommes politiques savent désormais que les silences ont des «conséquences » et vous rendent complices (10). En France comme en Belgique, ils continuent à l’ignorer, selon les modalités d’une vieille hypocrisie pestilentielle…
Aucune amélioration sociopolitique
En Europe, malgré une relative prise de conscience, la volonté politique d’identifier et de s’attaquer aux mécanismes structurels de la négrophobie fait défaut. De nombreuses propositions pour lutter contre ce racisme spécifique, via des rapports, des colloques, des conférences et autres « Assises de la diversité », sont restées lettre morte.
Depuis bientôt un an l’Union européenne prépare sa nouvelle Stratégie globale. La publication de ce document est annoncée pour le mois de juin. Un événement majeur pour la politique étrangère de l’Union européenne. La nouvelle stratégie fait l’objet d’une consultation (non publique) depuis octobre 2015. Une constante : des plaidoyers pour que la diplomatie économique soit incluse dans la politique étrangère de l’Union européenne. Cette stratégie est appliquée par Federica Mogherini, la haute représentante de l’UE. Les États membres agissent seuls, mais, si ça les dépasse, ils demandent que l’Union européenne les représente. De cette Europe bipolaire, les Pays-Bas sont un bel exemple. Ce pays assure la présidence de l’Union européenne pendant ce premier semestre 2016.
La rédaction de la nouvelle Stratégie globale de l’Union européenne (SGUE) aura pris un an. La première pierre a été posée par Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. C’est elle qui depuis fin 2014 dirige le Service d’action extérieure européen (SAEE). Ce service coordonne la politique étrangère et de sécurité de l’UE, en collaboration avec la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker. Fin juin 2015, Mogherini a présenté son analyse du monde actuel devant le Conseil européen. Le Conseil l’a ensuite mandatée pour élaborer la nouvelle Stratégie globale.
En octobre 2015, Mogherini s’adressait à une audience de politiciens, d’analystes et à la « communauté sécuritaire » à l’Académie royale des sciences de Bruxelles. Elle y lança formellement une consultation sur la future politique extérieure de l’UE. Contrairement aux consultations de la Commission européenne, celle-ci n’est pas publique. Les mois suivants un éventail de décideurs et de chercheurs se penchaient donc sur un texte-martyr, qui resta secret pour le grand public.
Au travers de colloques, séminaires et autres débats, bon nombre de participants soulignaient que la future Stratégie globale ne pourrait pas se limiter à une diplomatie politique et une action sécuritaire au sens strict de ces notions. On peut le déduire des quelques documents publiés.
L’analyse de Mogherini
Parcourons d’abord l’aperçu de Mogherini de juin 2015. L’UE dit avoir besoin d’une nouvelle stratégie, puisque la précédente stratégie, intitulée Stratégie européenne de sécurité, date déjà de 2003. À cette époque « l’UE traversait le meilleur moment de son histoire récente », dit le texte, mais « entretemps le monde a changé radicalement ». [1] Ce monde serait plus « connecté, contesté et complexe » que jamais. L’UE est entourée d’un arc d’instabilité. De nouveaux conflits peuvent éclater du fait que le nombre d’états « fragiles » augmente, que des technologies nouvelles se répandent, que le climat se réchauffe et que les ressources naturelles se raréfient.
Dans ce monde « plus dangereux, plus divisé et plus désorienté », l’UE, quoiqu’affaiblie par la crise économique et financière, se donne « la responsabilité de protéger ses citoyens tout en promouvant ses intérêts et ses valeurs universelles ».
L’EU a également l’intention « d’affronter les défis et de saisir les opportunités », mais il faudra développer des synergies entre les politiques de sécurité interne et externe pour couvrir tous les champs de l’action externe de l’UE. [2]
Ce texte, souvent imprécis dans son vocabulaire, et qui ferait preuve d’un « esprit post-prospérité » [3], est forcément généraliste. Ce qui nous intéresse dans ce cadre c’est sa composante économique : est-elle présente dans les débats ? La réponse est affirmative.
Beaucoup de gens ont l’impression – savent- qu’ils ont été grugés, lors de guerres précédentes. Mais ils se disent, j’ai été grugé les fois précédentes, mais la fois prochaine on ne m’aura plus… (Anne Morelli, historienne, Propagande de guerre propagande de paix, documentaire Béatrice Pignède – 2004)
Le conflit syrien et son traitement médiatique en France
Une fois n’est pas coutume, le traitement journalistique de la guerre en Syrie –sur laquelle est actuellement focalisée l’attention politico-médiatique [1]- remet une nouvelle fois au cœur du débat la place de l’information et le rôle des médias dans les conflits modernes.
Faut-il rappeler une énième fois qu’à notre ère de la société de l’information, les médias dominants sont plus que jamais utilisés comme dispositifs d’influence géopolitique, servant à modeler et préparer les opinions publiques selon les objectifs stratégiques des grandes puissances ? [2]
Dans sa Une du 1er juin 2011, Le Figaro annonce « La France accuse Kadhafi d’avoir tué 10.000 libyens », une information qui sera démentie à la radio le jour même par le Ministre des affaires étrangères, Alain Juppé.
Si les médias internationaux des État (dont le but est de contribuer à former les opinions étrangères) s’inscrivent sans aucun doute parmi l’ensemble des instruments de « diplomatie publique » (terme inventé pour fournir une alternative à l’appellation négativement connotée de propagande) dont usent les gouvernements [3] [4], ils peuvent facilement compter sur le système médiatique dominant national [5] pour propager la mise en récit officielle à suivre, dûment accompagnée des éléments de langage adéquats et s’appuyant bien évidemment sur les mécanismes émotionnels habituels qui n’ont plus besoin de prouver leur efficacité.
Rôle central des agences de presse, concentrations et uniformisation des médias [6], ’circulation circulaire de l’information’[7], cloisonnement idéologique souvent inconscient de la part de la grande majorité des acteurs médiatiques, déplorable absence de rigueur et de professionnalisme journalistique, influence du politique dans le traitement de l’information, suivisme quasi-aveugle du discours officiel, impératifs de rentabilité et prépondérance de la recherche du profit maximal, guerre pour les parts de marché (revente du « temps de cerveau disponible »), intérêts croisés entre certains groupes médiatiques et le complexe militaro-industriel français [8]… nombreuses sont les tares qui expliquent la ’situation médiatique’ que nous vivons.
Le constat n’en est pas moins affligeant.
Avec le traitement médiatique du conflit syrien et sa couverture schizophrène, amnésique, orwellienne et hypocrite, nous avons atteint de nouveaux sommets dans l’art de la désinformation, la manipulation et la propagande.[9] Difficile de trouver d’autres mots tant les faits sont accablants.
En effet, une simplification manichéenne à outrance a voulu ramener l’analyse médiatique d’une guerre diablement complexe (au vue de la quantité d’acteurs tant internes qu’externes participant au conflit) à une lutte du bien (« les rebelles modérés ») contre le mal (le « régime du dictateur Bachar el-Assad »), et ceci dans un contexte plus global de nouvelle guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie. [10] Autant dire une dangereuse partie d’échec géostratégique dans laquelle la France sert grossièrement de fou (ou servilement de pion) aux intérêts hégémoniques de la première puissance mondiale, dont le bras armé -l’OTAN- se montre chaque fois plus agressif [11].
Le peuple palestinien souffre de l’occupation israélienne depuis 50 ans. Cette situation a complètement désorganisé le marché du travail. Des représentants de syndicats palestiniens ont récemment participé à un séminaire à Bruxelles. L’objectif : renforcer la collaboration entre les syndicats européens et palestiniens.
Une centaine de syndicalistes de Palestine, Belgique, France, Espagne, Angleterre, Norvège et Irlande ont pris part au premier séminaire coorganisé par la Centrale Générale – FGTB. 29 syndicats qui représentent plus de 3 millions de travailleurs soutiennent cette initiative.
Ghada Ghalyoun du syndicat palestinien PGFTU, partenaire de notre centrale, a témoigné des conditions de travail en Palestine. Ces dernières années, le chômage a encore très fortement augmenté. Dans la Bande de Gaza, 42% de la population est sans emploi.
Chercher un emploi en Israël
« Les provocations s’empirent. Les infrastructures sont détruites, les colonies illégales continuent de proliférer, les terres et les ressources sont pillées, et puis il y a ce mur qui isole encore plus les gens. »
De plus en plus de palestiniens sont obligés de chercher un emploi en Israël ou dans les colonies. « C’est chaque jour un véritable calvaire pour se rendre au travail, avec une longue attente aux checkpoints. Le mur a encore compliqué les choses » déclare Ghada. De plus, une personne sur trois n’a pas d’autorisation légale. « Elles doivent franchir la frontière illégalement et ne disposent pas de protection en tant que travailleur ».
Emplois dangereux
En théorie, les travailleurs palestiniens jouissent des mêmes droits que les israéliens. Mais dans la pratique, ils sont exploités et discriminés. Ils sont souvent utilisés pour les emplois dangereux et insalubres.
Ils se trouvent donc dans une situation particulièrement précaire, dont on hésite pas à profiter. Wehbe Badarbeg de Arab Workers Union a dénoncé un tract des syndicats israéliens, qui exhortait les travailleurs à ne pas prendre part à une manifestation. Dans un autre cas, les travailleurs palestiniens ayant participé à une manifestation ont été licenciés.
Pression sur l’Europe
« Nous devons exiger que l’UE mette en œuvre sa propre politique et cesse de soutenir Israël. » soutient le journaliste David Cronin qui suit de près la politique européenne autour de la Palestine. « Le seul espoir de changement réside chez les citoyens ordinaires, dont les membres des syndicats. Ils peuvent faire pression sur l’Europe. »
Les échanges ont permis de tirer les leçons des campagnes de chacun. Ainsi, le gouvernement portugais s’est retiré du projet Law Train, un projet de collaboration avec la police israélienne concernant les techniques d’interrogatoire de la criminalité internationale. Il a fallu une intense campagne pour y parvenir.
La coopération est nécessaire
Pour Patricia McKeow du Irish Congress of Trade Unions (ICTU), de telles campagnes ne sont pas toujours faciles à mettre en place. Les syndicats irlandais ont notamment été impliqués dans le processus de paix en Colombie : « Le soutien est venu de très nombreux pays. C’était incroyable. Mais si nous mettons le processus de paix palestinien à l’agenda, c’est assez différent. Il y a peu de gouvernements qui veulent vraiment se bouger. Et se taire, c’est finalement marquer son accord avec ce qui se passe en Palestine : un régime d’apartheid, l’humiliation et la violation des droits de l’homme. »
Le séminaire de Bruxelles est une première étape pour construire un réseau efficace de syndicats et militants pour mettre un terme à la complicité de l’Europe à la violation des droits internationaux.
John Catalinotto revient sur la Révolution des Œillets qui a vu des soldats se dresser contre le gouvernement fasciste au Portugal en 1974. L’auteur explique comment la lutte des peuples opprimés dans les colonies portugaises a influencé la mobilisation dans la métropole. Il dresse également un lien avec le mouvement de protestation des soldats US durant la guerre du Vietnam. Et aujourd’hui?
C’était en avril 1974. Une chanson populaire servant comme signal secret pour les capitaines du mouvement des Forces armées portugaises (MFA) passait sur Radio Renascença à Lisbonne. Les unités de l’armée à l’intérieur et aux alentours de Lisbonne étaient prévues pour effectuer des manœuvres habituelles. Maintenant, tout a changé.
Stimulés par la croissante lassitude de leurs troupes à l’égard de la guerre, la croissante faiblesse de l’état policier fasciste, l’incapacité pour le Portugal de remporter la guerre contre les mouvements de libération au sein de leurs colonies africaines et l’isolement international croissant du Portugal, les capitaines sont passés à l’action.
Ils ont gardé leurs projets secrets vis-à-vis des soldats sous leurs ordres. Avec des troupes déjà embarquées dans leurs camions, ils ont énoncé les nouveaux ordres : s’emparer de la capitale, arrêter le gouvernement et chasser le gang fasciste qui dirige le Portugal. Les simples soldats, surpris mais admiratifs, ont exécuté les nouveaux ordres, espérant que cela mettrait fin à la guerre dans les colonies portugaises en Afrique.
Chaque coup donné par les combattants de la liberté en Afrique fragilisait le régime fasciste à Lisbonne. Chaque grève menée par les travailleurs portugais ou désertion de soldats portugais renforçait la révolution dans les colonies.
Au Portugal même, une révolte au sein des forces armées a facilité le renversement du régime. Le 25 avril 1974, le Mouvement des Forces Armées a rapidement mit fin à 48 ans de règne d’un Etat policier et fasciste. Encore sous l’influence des anciennes habitudes pour le respect du pouvoir, les capitaines portugais ont néanmoins courtoisement arrêté le président Marcelo Caetano et le reste des hauts dirigeants du gouvernement pour ensuite les exiler au Brésil.
Ils ont remplacé le gang de Caetano par une junte militaire dirigée par le Général António de Spínola. Cet officier avait des différends avec d’autres généraux fascistes seulement parce qu’il croyait que la guerre était sans issue.
Spínola a exhorté les dirigeants portugais à développer une relation néocoloniale avec les colonies africaines, tout comme la France en Afrique de l’ouest.
Malgré ce début de calme trompeur, le 25 avril n’a pas été facile pour le remplacement de la garde du palais. Encouragés par le coup d’Etat, des ouvriers sont descendus en masse dans les rues, applaudissaient les soldats et ont porté la révolution en avant durant les 18 mois qui ont suivi.
Les jours suivant le 25 avril, les informations télévisées montraient des groupes de travailleurs entourant et brutalisant quelques individus. Les travailleurs et les révolutionnaires ont reconnu leurs anciens tortionnaires de la célèbre PIDE, la police politique portugaise, et se rendaient justice.
Défiant les ordres de Spínola pour laisser les détenus à l’intérieur des prisons, les foules, avec le soutien des troupes, ont vidé les geôles des révolutionnaires et des antifascistes tandis qu’ils mettaient les voyous de la PIDE derrière les barreaux. Vers la mi-journée – six jours après- des centaines de membres du parti communiste portugais et d’autres groupes révolutionnaires sont sortis de prison ou sont revenus d’exil afin d’organiser le mouvement et de faire campagne dans les usines, les fermes et les rues du Portugal.