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  • Cinq réflexions sur le Front National 3/5

     

    Cinq réflexions sur le Front National (suite)

     

    Troisième partie

    3- Le programme économique et social du FN.

    Nous avons souligné plus haut la double composante du FN. A la lumière de cette distinction, il devient simple d’analyser son discours, et l’ambiguïté de son programme.

    3.1 Le FN et l’Etat

    Dans sa dernière vitrine, le FN fait l’apologie d’« …un État fort et stratège qui aiguillonne notre pays vers l’innovation, la prospérité et assure son rayonnement …»

    Mais, camouflés derrière cette posture électoraliste, les dangers que représente le  programme du  FN pour une véritable République Sociale apparaissent clairement. Car il s’agit uniquement de renforcer les services de police et l’armée, de réduire le rôle de la justice à sa fonction répressive et de mettre les fonctionnaires aux ordres. Jamais le FN ne propose de solutions pour répondre aux besoins sociaux sauf quand il désigne – de façon obsessionnelle – l’étranger comme le responsable de tous nos maux. Dans une perspective républicaine et sociale, renforcer l’État n’a de sens que dans le cadre strict de la séparation des pouvoirs et au service de la démocratie citoyenne. Mais pour le FN c’est simplement l’occasion de neutraliser tous les contre-pouvoirs, notamment ceux qui se sont construits à travers la décentralisation. À cet égard les déclarations de Mme le Pen, contre « …la fuite en avant des collectivités locales …» sont significatives : elle ne cesse de fustiger leurs dépenses qu'elle juge excessives et déplore un nombre pléthorique de personnels.

    3.2 Le FN, la dette et l’euro.

    Concernant la dette publique de notre pays, le FN reprend aussi quelques revendications qui semblent partagées par l’électorat populaire : la restauration de la banque de France dans ses prérogatives monétaires et l’abrogation de la loi de 1973 qui interdit à l’État d’emprunter à cette même banque de France, ainsi que la sortie « concertée » de l’euro.

    Mais ces outils de politique nationale n’ont d’intérêt que s’ils sont mis au service du salariat des classes populaires. Et sur ce chapitre c’est le néant. Rien n’est dit sur la nécessité de l’annulation des plans d’austérité qui resteraient en place pour le plus grand profit des marchés financiers. Rien n’est dit sur le nécessaire défaut partiel de cette dette illégitime et sur sa restructuration. Rien n’est dit sur l’impérieuse nécessité de démanteler les marchés financiers, de supprimer le marché obligataire spéculatif et de procéder à la nationalisation du secteur bancaire. Il s’agit donc bien de faire miroiter des outils politiques mais en se gardant bien de menacer la moindre part des intérêts des classes dirigeantes appuyés sur l’ordre néo-libéral. La réalité est que le FN ne veut pas annuler la dette et qu’il souhaite rembourser les marchés financiers et les spéculateurs. En toute logique républicaine, la création monétaire de 100 milliards d’euros par an évoquée par le FN devrait être dévolue aux investissements d’avenir de la France : les logements, les écoles, les services publics, les infrastructures, la recherche et le développement . Or, Madame le Pen propose de les donner aux marchés financiers qui depuis plus de vingt ans spéculent et s’enrichissent sur l’endettement public !

    Concernant l’euro, on trouve la même ambiguïté dans le discours frontiste. Sur le site du FN on peut lire que  la sortie de l’euro « …doit se préparer avec nos partenaires européens. Le couple franco-allemand doit jouer ce rôle moteur dans cette concertation et cet arrêt programmé de l’expérience de l’euro. .. Bien préparée, concertée avec les autres nations européennes, la fin ordonnée de l’euro est la condition de la renaissance économique de la France »  On voit ici, dans cette présentation, que les cadres du FN mentent  aux Français en pariant que d’autres pays accepteront de sortir de l’euro à brève échéance. Aucun gouvernement en effet n’a émis et soutenu sérieusement cette éventualité et l’épisode de la crise grecque a démontré au contraire l’acharnement coupable avec lequel les institutions européennes ont défendu cette monnaie, n’hésitant pas pour cela à plonger tout un pays dans une crise économique en passe de se transformer en véritable crise humanitaire. Ici encore, derrière la vitrine d’une préoccupation sociale se cache le futur renoncement devant les intérêts oligarchiques. Car la seule perspective crédible pour redonner à la France sa souveraineté monétaire est le scénario d’une sortie - certes solidement préparée sur le plan technique et politique  pour éviter des peurs qui ne manqueront pas d’être entretenues par l’ordre dominant - mais une sortie  rapide et unilatérale.

    3.3 Le FN et la protection sociale

    En cette matière, Mme Le Pen attrape dans sa campagne tout ce qui peut lui ramener des électeurs ! Aussi elle a copié une grande partie des revendications syndicales ainsi que des éléments du programme du Front de Gauche ou d’une association comme ATTAC. Son programme est donc un vrai feu d’artifice dans lequel on augmente les salaires, les budgets de la défense et de la justice, mais aussi les retraites et les remboursements des soins…le tout devant être financé par des droits de douane et des économies sur l’immigration qu'elle chiffre à 60 milliards d’euros. Tout ceci n’est pas sérieux. Selon une étude réalisée par le ministère des affaires sociales en 2010, l’immigration est loin d’être une source de déficit pour les comptes publics. En 2009 les immigrés ont reçu de l’État environ 50 milliards d’euros (retraites, R.S.A., allocations sociales, santé…) et, dans le même temps, ont contribué aux ressources publiques (Impôt sur le revenu, impôts sur la consommation, cotisations sociales, etc.) pour environ 60 milliards d’euros. Le solde était donc positif de plus de 10 milliards d’euros.

    On a vu récemment Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, exprimer ses craintes en comparant le programme du F.N à celui de l’union de la gauche de 1981. Mais dans le même temps, il y avait une quarantaine de patrons sur la liste de Mlle Marechal-le Pen et le président du groupe Michelin s’entretenait paisiblement avec le premier de la liste FN de la région Auvergne-Rhône-Alpes… La réalité est que le FN, aujourd’hui comme hier, est un allié permanent du grand patronat et s’aligne sur ses positions. Ainsi le FN prône l’allégement des cotisations sociales et pour les retraites le renvoi de la prise en compte de la pénibilité à des négociations, branche par branche, qui ouvre la voie à de fortes inégalités entre secteurs d’activité. Le programme du FN c’est aussi la précarisation générale du travail, la privation de cantine scolaire pour les enfants de chômeurs, le refus de la construction de HLM et l’abolition de la loi SRU*, le refus de la hausse du smic, le refus de l’encadrement des loyers etc…Évidemment, de la part du FN, c’est le silence absolu sur l’explosion des profits spéculatifs et des dividendes qui sont la véritable cause des déficits de la Sécurité Sociale. Pour ceux qui auraient encore des illusions rappelons ici le commentaire de Mme le Pen lors du mouvement contre la réforme des retraites en 2010 : « …Les syndicats jettent la France dans le chaos… La tolérance zéro doit s’appliquer à tous ces émeutiers …».

    3.4 Le FN et les femmes

    Animé d’une subite préoccupation familiale, le FN veut  instituer un revenu parental à partir du 2ème enfant. Il ne s’agit évidemment pas d’une mesure protectrice pour le droit de femmes mais d’une incitation au retour au foyer pour les mères. Cette régression sociale est à mettre en parallèle avec d’autres mesures préconisées par le FN et qui rappellent les relents nauséabonds de l’esprit de Vichy « Travail – Famille - Patrie ». Ainsi le FN avant de se rétracter très récemment  par pur souci électoraliste, avait déclaré la guerre au planning familial, proposé de remettre en cause le droit à l’avortement et  fait du déremboursement de l’I.V.G. un axe de campagne.

     

    Note :  La loi SRU impose notamment aux communes un minimum de 20% de logements sociaux.

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  • Loi travail attention danger : un ordre juridique écrasant les travailleurs !

     www.initiative-communiste.fr

    Projet de  : en préambule, la réaction.

    > Le projet de loi El Khomri pour le patronat, c’est comme une boite de chocolats. Il y retrouve tous ses parfums préférées, qui ont tous la saveur du néo-libéralisme union-européiste otanisan. Licenciement économique assoupli, avec plafond des indemnités, dépassement du temps de travail à la carte, date et durée des congés annulable ad nutum, etc.

    > Pour le prolétariat en revanche, ce serait plutôt un retour à la disette. Au pain sec et à l’eau. Aucune avancée, que des dispositions vides de tout contenu concret, comme le droit de se « déconnecter » (de ses courriels professionnels s’entend, lorsque l’on est en vacances – vaste avancée, alors que d’aucuns penserons naïvement que les vacances servaient à cela justement, à ‘déconnecter’…), ou celui à une « conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle », qui n’est d’ailleurs pas reconnu, le projet de Loi précisant seulement que cette « conciliation » est « recherchée » (cf. Titre I, Chapitre 1er, I. – Art. 8 du projet). Faudrait quand même pas brusquer nos chers patrons non plus…

    Mépris du monde du travail, sanctification de la dictature du Capital

    > Mais le mépris le plus infâme pour le monde du travail n’est pas même dans ces cadeaux pourtant délirants faits au patronat, et ces placébos servis comme contrepartie aux travailleurs. Au-delà, c’est bien toute la philosophie du droit du travail qui est remise en cause par ce projet scélérat. Les dispositions prévues pour devenir le futur Préambule du réformé, seront en effet, si le projet prospère, sans nul doute plus nocifs encore.

    > Qu’on en juge. Prenons tout d’abord le futur Art.1er de la Section 1 de ce futur Préambule :

    > « Art. 1er. – Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail.

    >    Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

    > On n’est même pas ravi d’apprendre que les droits et libertés fondamentaux de la personne sont garanties, car cette belle déclaration n’ajoute absolument rien à l’ordinaire actuel des travailleurs, alors que le droit à l’émancipation des travailleurs (ou la liberté de ne pas se faire exploiter, c’est selon mais c’est pareil) n’est pas garantie puisque la subordination de l’employé au patron demeure la pierre angulaire de toute relation de travail, et qu’elle pèse de tout son poids, mais sur les seules épaules de ceux qui triment.

    > Mais davantage encore. La subordination du travail au capital, sous couvert de belles incantations droit-de-l’hommistes, se trouve désormais décuplée puisque « les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise » viendraient à prévaloir sur les libertés fondamentales, c’est-à-dire nos droits de l’homme et du citoyen, rien moins, si le projet devient Loi.

    Les nécessités du fonctionnement de l’entreprise primeront sur les libertés et droits des travailleurs

    > Ouvriers, ouvrières, travailleurs salariés, travailleuses salariées, vos libertés et droits fondamentaux sont garantis, vous promet El Khomri !.. sauf s’il est nécessaire d’y faire entorse pour le bon fonctionnement de l’entreprise.

    > On est donc dans un vrai délire juridique, par ailleurs assez grossier il faut bien le dire, où les libertés fondamentales seraient susceptibles de s’effacer devant la bonne marche de l’entreprise, alors que depuis le 3 septembre 1953, ce qui fait lurette, c’est-à-dire depuis l’entrée en vigueur de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il est acquis que les libertés et droits fondamentaux prévalent sur toutes lois, règlements, ou décisions de justice contraire !.. sauf la loi El Khomri voulue par MM. et Hollande et applaudie par le .

    > Dans ce cas, la bonne marche de l’entreprise devient plus sacrée encore que le droit à la vie (Art. 2 de la CEDH), l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé (Art. 4), la liberté de pensée, de conscience (Art.9), etc. Une nouvelle religion en somme, le néo-libéralisme impérialiste.

    > Et alors, on peut décliner à l’envi (du patronat) : Droit au repos, oui !.. sauf la bonne marche de l’entreprise. Congés payés oui !… sauf bien sûr la bonne marche de l’entreprise. Droit à un salaire oui !… sauf si l’esclavagisme est nécessaire à la bonne marche de l’entreprise ?

    > Voilà le but recherché, l’objectif à atteindre. Travaillez plus, bêtes de somme, pour nous faire gagner plus, patrons, rentiers et gentilshommes.

    Diviser pour mieux régner et inverser la

    Blog militants et élus communistes de Clichy la Garenne

    > Et pour y parvenir, le projet de Loi se donne les moyens, ou plutôt le moyen, le moyen ultime. Diviser pour mieux régner. Casser la classe ouvrière encore. Tenter de la fracasser toujours.

    > Il faut ainsi se reporter à la section 7 du Préambule projeté : « Négociation collective et dialogue social », pour y trouver l’arme du crime que sont les projets d’articles 55, 56 et 57 :

    > « Art. 55. – La loi détermine les conditions et limites dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent prévoir des normes différentes de celles résultant des lois et règlements ainsi que des conventions de portée plus large. »

    > « Art. 56. – En cas de conflit de normes, la plus favorable s’applique aux salariés si la loi n’en dispose pas autrement. »

    > « Art. 57. – Les clauses d’une convention ou d’un accord collectif s’appliquent aux contrats de travail.

    >  Les stipulations plus favorables du contrat de travail prévalent si la loi n’en dispose pas autrement. »

    > Ces trois dispositions qui peuvent apparaître anodines à les lire trop vite, renversent pourtant tout le paradigme du droit du travail tel que nous le connaissons.

    > Jusqu’à présent, le droit c’était l’article L. 2251-1 du Code du travail qui voulait que la « convention et l’accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur », auquel l’article
    > L. 2254-12 venait compléter que « les clauses d’une convention ou d’un accord collectif de travail […] s’appliquent aux contrats de travail conclu avec lui, sauf dispositions plus favorables ».

    > C’est ainsi que la norme la plus favorable au salarié prévaut. Le contrat de travail imposé par le patron ne peut donc déroger en mal à un accord de branche, qui peut déroger en mieux pour le travailleur, à la Loi ou au règlement. C’est le droit du travail.

    > Désormais avec le projet El Khomri, puisque la loi « détermine » comment « les conventions et accords collectifs peuvent prévoir des normes différentes », peu importe qu’elles soient plus ou moins favorable au salarié par rapport aux « lois et règlements » mais aussi et surtout aux « conventions de portée plus large », c’est-à-dire aux accords de branche, alors il n’est plus de principe de faveur (norme la plus favorable) pour le salarié.

    > Car ce ne serait alors plus que « si la loi n’en dispose pas autrement » que les dispositions les plus favorables aux salariés pourraient encore prévaloir.

    > En d’autres termes, avec El Khomri, si la loi en dispose autrement, alors c’est l’accord d’entreprise (voulu par le patron et imposé à ses salariés au bénéfice de syndicats jaunes ou du fameux referendum d’entreprise), et quel qu’en soit les termes, qui prévaudra.

    > Et déjà en voici des exemples.

    > Durée hebdomadaire du travail ? Voici que le futur article L. 3121-23 du Code du travail prévoit qu’une « convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-quatre heures calculée sur une période de seize semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de quarante-six heures calculée sur une période de seize semaines ».

    > Temps de pause ? Le futur article L. 3121-18 du Code du travail permettra à qu’une « convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures. »

    > Repos quotidien ? Même formule, sous l’article L. 3131-2 permettant qu’une « convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévue à l’article L. 3131-1, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées. »

    > La liste est déjà longue dans le projet de Loi El Khomri où la Loi vient expressément disposer autrement que les accords de branche ou nationaux, faisant prévaloir les accords d’entreprise à venir. Et bien sûr l’idée – du MEDEF – n’est pas de s’arrêter là, mais bien de décliner le principe à tout le Code. Car ce faisant c’est la représentation de la classe ouvrière et des salariés que l’on atteint en faisant de l’entreprise, l’alpha et l’oméga du droit du travail.

    > Alors tant que les accords de branche, c’est-à-dire de classe, prévalent encore, il est temps de se mobiliser.

    C’est l’ampleur des manifestations puis s’il le faut, de la grève tous ensemble en même temps, qui sauvera le Code du travail.

    > MaxKo, avocat  communiste, pour www.initiative-communiste.fr

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  • Sri Lanka : les années Rajapaksa, entre triomphe et désastre


    Par Tamara Kunanayakam

    Le dernier ouvrage de Rajiva Wijesinha, « Triomphe et désastre : les années Rajapakska » est un remarquable document sur les premières années au pouvoir de Rajapakska qui constituèrent un tournant de l’histoire récente du Sri Lanka.


    L’ouvrage célèbre la victoire sur la terreur du LTTE des tigres tamouls, qui avait imprégné tous les aspects de la vie des Sri Lankais au cours du dernier quart de siècle. Il donne un aperçu exceptionnel du travail d’une institution de l’état qui a joué un rôle central, même lorsqu’il a dû s’adapter aux circonstances lorsque le LTTE des tigres tamouls a imposé un changement radical de tactiques, en déplaçant le terrain de confrontation de la table des négociations à un champ de bataille féroce où les civils furent transformés en chair à canon.

    C’est un récit personnel de grande qualité des événements tels qu’ils se déroulèrent de juin 2007, quand Rajiva Wijesinha fut nommé secrétaire général au secrétariat chargé de la coordination des pourparlers de paix et la fin de la guerre en mai 2009. En juin 2008, il fut aussi chargé du secrétariat au ministère des droits humains et de la gestion des catastrophes et son récit se trouve ainsi enrichi des expériences vécues au fil de cette période.

    En dehors du caractère fascinant du texte et de sa description colorée et vivante des caractères et des situations, des intrigues et des duplicités étayées par une abondante documentation, j’ai trouvé dans cet ouvrage les pièces du puzzle qui manquaient à l’image que je m’étais faite de ce morceau d’histoire à partir du confortable point de vue dont je bénéficiais à Genève.

    Quand je dis Genève, je n’évoque pas seulement l’année passée en tant que représentant permanent du Sri Lanka auprès des Nations-Unies, mais bien la part la plus importante de ma vie passée à Genève à étudier et travailler autour et alentour du système des Nation-Unies. Plus de dix années furent ainsi consacrées au service du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme. J’ai vu et vécu ce fonctionnement sous de nombreux angles : en tant qu’étudiant à l’Institut des Etudes Internationales à Genève qui formait les agents à ces fonctions, plus tard comme employée internationale et, plus récemment, comme représentante d’un état membre.

    A l’inverse des LTTE (Tigres Tamouls) hier, le lobby séparatiste d’aujourd’hui et ses soutiens occidentaux, la principale cause d’échec des gouvernements sri lankais successifs résulte d’une sous-estimation des dimensions internationales de ce conflit local. A mon avis, c’est cette appréhension de la situation qui a permis au LTTE alors et au lobby séparatiste aujourd’hui, de monopoliser l’attention à l’international, le tout facilité par l’absence du gouvernement à ce niveau. Mes commentaires porteront dès lors essentiellement sur les chapitres de l’ouvrage qui traitent de cet aspect des choses.

    Intervention internationale : le livre de Rajiva Wijesinha ne parle guère des opérations militaires mais plutôt d’un aspect de cette guerre moins spectaculaire mais sans doute plus important et plus dangereux car plus insidieux. Ce que Rajiva Wijesinha appelle « La bataille qu’il fallait mener pour empêcher le gouvernement d’entrer en fonction suite aux interventions internationales ». Cette bataille n’est pas encore terminée. C’est pourquoi ce livre doit être lu par tous ceux qui s’intéressent à l’installation d’une paix durable.

    Le récit de Rajiva Wijesinha corrobore la thèse soutenant l’idée que derrière les initiatives de Genève, il y a d’autres motivations que la défense des droits humains de la communauté Tamoule. Il démontre avec de nombreux exemples, documents et extraits de presse communiqués par le Secrétariat à la paix à l’appui, à quel point les gouvernements occidentaux, les groupes d’action nationaux et internationaux créés par leurs soins et les Nations-Unies, se sont abstenus de condamner les crimes, enlèvements et recours aux enfants soldats par le LTTE. Il montre comment, bien au contraire, en dépit d’informations de première main sur leur caractère totalitaire et leurs abus en tous genres, le LTTE a bénéficié, directement et indirectement, de leur aide.

    L’œuvre de Rajiva Wijesinha établit clairement que l’intervention extérieure visant à torpiller la souveraineté du Sri Lanka et le cours de son histoire n’a pas commencé pendant la dernière phase de la guerre bien que la campagne menée par l’occident se soit focalisée sur cette période. L’intervention occidentale avait commencé bien avant cela, en s’adaptant aux circonstances mais en gardant soigneusement en vue un objectif bien précis.

    Priorité au soutien à LTTE et au lobby interventionniste : au début, ils tentèrent d’asseoir leur influence par le biais de leur aide au LTTE. La présence de gouvernements UNP pro-occidentaux sous la présidence de CBK les rassurait aussi. Le livre de Rajiva Wijesinha fourmille de faits et de récits illustrant les relations de soutien mutuel existant en particulier entre le régime -CBK - Ranil Wickermasinghe- , le LTTE, les occidentaux, les départements des Nations-Unies et des ONG nationales et internationales interventionnistes.

    A cette époque, des millions de roupies de fonds étrangers ont servi au financement du LTTE avec l’accord du gouvernement de Rani Wickermasinghe, même après que le LTTE ait fait clairement savoir qu’il ne participerait pas aux négociations. Le financement du conglomérat des interventionnistes de même tendance, comme Rajiva Wijesinha décrit ces ONG, s’est poursuivi massivement pendant les années Rajapaksa quand ce « financement pour la paix » s’est reconverti en « critiques du gouvernement », ce qui est aussi le titre du chapitre 6 de l’ouvrage.

    Plusieurs chapitres du livre de Rajiva Wijesinha sont consacrés à des faits, des tableaux, des noms d’organisations et de personnes concernées par des transferts de montants qui tournent autour de plus de deux cent millions de roupies d’aide financière étrangère.

    Apparition de la notion de Responsabilité de Protéger (R to P) ou « Droit d’ingérence » encadrant le gouvernement Rajapaksa : dans la période suivant immédiatement l’élection de Rajapaksa à la présidence, l’opposition au Sri Lanka aussi bien que les gouvernements occidentaux ont eu tendance à sous-estimer l’homme. En 2007, ils prévoyaient toujours que son gouvernement serait renversé et que les pressions internationales en viendraient à bout.

    Ce sentiment a bien entendu évolué, notamment avec la défaite du LTTE dans la province de l’Est en juillet 2007. Il devint de plus en plus évident que le LTTE pourrait bien, après tout, ne pas sortir vainqueur de l’option militaire qu’il avait lui-même choisie.

    Rajiva Wijesinha nous raconte comment, au fil de cette période, la campagne anti-gouvernementale a grandi en force et virulence et à quel point les ONG interventionnistes, Human Rights Watch en particulier, ont lancé des attaques concertées contre le gouvernement sans que celui-ci juge opportun de les contrer.

    Il montre aussi à quel point cela coïncidait avec la préparation de la session de septembre 2007 du Conseil des droits de l’Homme au cours de laquelle les britanniques avaient eu l’intention de faire passer une motion qu’ils avaient déjà rédigée en 2006. Il y a eu trois tentatives de cette sorte en 2006, 2007 et mars 2009 afin de faire passer une résolution contre le Sri Lanka avec l’appui de la Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale.

    Il convient d’ailleurs de rappeler que de nombreux hauts responsables de Human Rights Watch sont issus du State Department et du National Endowment for Democracy. Le Comité Consultatif de sa division des Amériques a même le soutien d’un responsable officiel de la CIA nommé Miguel Diaz.

    Il est très vraisemblable que la perspective d’une défaite totale du LTTE et le renforcement du gouvernement Rajapaksa à Colombo ont incité Washington à se tourner vers la possibilité d’élaborer un projet de R to P ou « droit d’ingérence » contre le Sri Lanka comme moyen de restreindre la souveraineté de l’état et de légitimer une éventuelle intervention militaire pro active et préventive à une date ultérieure. Dans un autre pays, Washington aurait pu intervenir directement sous prétexte de combattre le terrorisme.

    L’administration Obama, tout comme l’administration Bush avant elle, restait sous l’influence des néoconservateurs qui plaidaient en faveur d’interventions unilatérales pour combattre ce qu’ils appelaient les « menaces globales », en ce compris le terrorisme.

    Ronald Rumsfeld, ancien secrétaire à la défense, décrivait ces nouvelles menaces comme « inconnues inconnues » ou encore « ces choses dont nous ignorons que nous ne savons rien » et qui parce qu’elles sont invisibles, justifient le recours à la force, unilatéralement, pro activement, préventivement, en tous lieux et à tout moment.

    Même en l’absence de preuves puisque, selon Rumsfeld, l’absence de preuves n’est pas la preuve de leur absence. Pour des motifs évidents, Washington ne pouvait d’ailleurs pas prétendre que le Sri Lanka était incapable ou peu désireux de combattre le terrorisme.

    Rajiva Wijesinha livre un compte rendu fascinant vu de l’intérieur des premières manifestations du « R to P » ou Droit d’Ingérence, et sur comment le Sri Lanka a été encadré avec l’appui des ONG du conglomérat interventionniste qui a été construit avec l’aide des fonds étrangers sous les régimes précédents.

    De manière non surprenante, le concept de droit d’ingérence avait été avancé à un moment où le LTTE essuyait une défaite à l’Est comme en juillet 2007 et par un pionnier du concept qui n’était autre que l’ancien ministre des affaires étrangères australien Gareth Evans.

    Evans avait été l’invité du Centre International des Etudes Ethniques pour y donner la conférence du « Neelan Tiruchelvam Memorial » intitulée : « Les limites de la souveraineté nationale : la responsabilité de protéger au 21° siècle ». A cette époque, Evans était président et CEO de « L’international Crisis Group » et co-président du « Global Center for the Responsibility to Protect ».

    Rajiva Wijesinha révèle l’existence d’une véritable conspiration d’un groupe étroitement soudé, composé du sous-secrétaire général des Nations-Unies, Radhika Coomaraswamy, du directeur exécutif de l’ICES, Rama Mani, à qui était promis un énorme montant de financements étrangers, de Gareth Evans du Centre Global pour la Responsabilité de Protéger ainsi que d’Angela Bogdan, à l’époque Haute Commissaire canadienne.

    Des allégations furent alors échafaudées pour pouvoir accuser l’état de génocide, nettoyage ethnique, crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou toute autre forme de crimes de masse.

    Ainsi commença petit à petit le montage d’un dossier qui aboutit au fameux rapport Darusman puis dans les rapports du Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme. Qu’il y ait eu une stratégie pour épingler le Sri Lanka devint évident des années plus tard en 2013, quand le Sri Lanka fut retenu comme un des six pays susceptibles d’être retenus pour la mise en application de la R to P ( Droit d’Ingérence ) par le groupe de travail US sur « The United States and R to P : des paroles à l’action » qui était co-présidé par l’ancienne secrétaire d’état US, Madeleine Albright et l’envoyé spécial du président US au Soudan, Richard Williamson. Gareth Evans participait aussi à ce groupe.

    Juillet 2007– entre en scène le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme : c’est dans ce contexte politique et militaire qui caractérisait la mi-2007 que le Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations-Unies, Louise Arbour à l’époque, rendit également visite au pays. Elle arriva en juillet 2007, accompagnée par Rory Mungoven. Rajiva Wijesinha décrit avec beaucoup de détails le rôle insidieux joué par Rory Mungoven, connu comme interventionniste et devenu une constante dans les affaires du Sri Lanka depuis son affectation comme conseiller des Nations-Unies aux Droits de l’Homme suite à l’accord de cesser le feu (CFA) en 2002.

    Avant de rejoindre l’OHCHR, Mungoven avait été directeur de la communication à Human Rights Watch et chef du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Il revint avec Louise Arbour pour défendre la mise sur pied d’une mission de surveillance sous la forme d’un bureau de campagne qui s’était discrédité en tant qu’instrument d’intervention occidentale. Mungoven revint encore récemment accompagné du tout nouveau Haut -Commissaire, Zeid Ra’ad Al Hussein, pour discuter de la mise en application de la résolution controversée 2015 du Conseil des Droits de l’Homme. Dans le dernier numéro du 8 février de « The Island », j’ai écrit au sujet du rôle insidieux que jouait et continuait à jouer le OHCHR.

    Défaite du LTTE : répercussions des changements sur le champ de bataille à Genève : On aurait pu s’attendre à un reflux de ces positions virulentes lorsque le pouvoir au Sri Lanka parvint à venir à bout d’une puissante structure terroriste, seul et sans aucune assistance extérieure. N’importe où ailleurs, un tel succès aurait été applaudi par les mêmes pouvoirs occidentaux ; après tout, combattre le terrorisme était devenu leur nouveau cri de ralliement.

    Mais cela ne s’est pas produit et la malveillance resurgit avec un désir de vengeance en plus. Les occidentaux tentèrent en mai 2009 de mettre sur pied une session spéciale pour empêcher une victoire totale sur le LTTE mais ne parvinrent pas à mobiliser tous les soutiens dont ils avaient besoin. Rajiva Wijesinha rappelle à quel point les occidentaux envisagèrent alors sérieusement la mise sur pied d’un Tribunal pour Crimes de Guerre.

    Les occidentaux parvinrent néanmoins à obtenir la convocation de la session spéciale qu’ils souhaitaient quelques jours après la fin de cette guerre mais elle ne put se réunir. Rajiva Wijesinha explique comment la stratégie adoptée par le tout nouveau représentant permanent à l’ONU, Dayan Jayatilleke, s’avéra efficace pour isoler l’adversaire.

    Cette victoire a montré l’absolue nécessité d’élaborer des moyens de défense solides pour parvenir à contrer les attaques. Si la mission en poste à Genève était restée passive, l’échec aurait été au rendez-vous par le biais d’une résolution déjà préparée par la Grande Bretagne. La stratégie de Dayan consista à empêcher par tous les moyens la prise en considération du projet de résolution et la seule façon de procéder consistait à refuser de débattre de ce texte et de persuader un nombre suffisant de membres de faire savoir qu’ils refuseraient toute tentative de placer le Sri Lanka à l’agenda de la réunion.

    Rajiva Wijesinha explique à quel point l’étroite coordination entre le représentant permanent et le Secrétariat pour la Paix avec leur connaissance de première main du terrain s’avéra essentielle. Cette connaissance, associée à une bonne compréhension des motivations et des contradictions internes de l’adversaire ainsi que l’aptitude à percevoir les points d’intérêt communs avec la communauté des pays en développement a permis à l’équipe de répondre rapidement et de manière offensive à des attaques dénuées de tous fondements et d’étaler au grand jour la duplicité des occidentaux, les plaçant ainsi sur la défensive en fragilisant leur position.

    En septembre 2011, une nouvelle tentative de placer le Sri Lanka à l’agenda fut le fait du Canada, agissant en lieu et place de Washington qui n’était pas à ce moment membre du Conseil des Droits de L’Homme. J’étais alors représentant permanent du Sri Lanka à Genève et me trouvai face à un ambassadeur US particulièrement furieux, Eileen Danahoe qui s’écria : « Nous vous aurons la prochaine fois ! ». Six mois plus tard, les US, à nouveau devenus membre, prirent l’initiative et deux résolutions suivirent en 2012 et 2013 entraînant la fameuse résolution 2015 adoptée sans vote suite à son soutien par le nouveau gouvernement pro-Washington à Colombo.

    Avec cette dernière résolution qui constitue une réelle menace pour la souveraineté du Sri Lanka le livre de Rajiva Wijesinha arrive à point nommé. Image faussée de la réalité Tamoule – la tragédie du Sri Lanka : un volet essentiel de l’ouvrage de Rajiva Wijesinha consiste à analyser la définition persistante et irresponsable par les politiciens Sri Lankais des tamouls comme groupe homogène et non comme communauté hétérogène avec ses différences de classes, de castes et d’origines géographiques que reflète la diversité de ses forces sociales et politiques. L’ouvrage regorge d’exemples de la diversité des populations tamoules du Sri Lanka et livre un catalogue des abus perpétrés par le LTTE contre des tamouls qui deviennent ainsi les premières victimes de cette terreur.

    En dépit des évidences, tous les protagonistes de la tragédie Sri Lankaise - Le LTTE, les gouvernements Sri Lankais successifs et les pouvoirs occidentaux- , ont tous souscrit à cette vision distordue de la réalité tamoule. Le récit de Rajiva Wijesinha montre à quel point cette façon de voir a servi à justifier les politiques des gouvernements successifs sous les présidences de J.R Jayewardene, Premadasa et CBK avec pour résultat la reconnaissance du LTTE comme seul interlocuteur représentatif du peuple Tamoul au détriment d’autres forces politiques et sociales qui auraient pu représenter une alternative démocratique. Premadasa avait même soutenu activement le LTTE contre d’autres forces tamoules qui s’étaient manifestées sur la scène politique dans la foulée des accords Indo-Lankan de 1987.

    L’accord de cessez-le-feu de 2002 signé par le gouvernement de Ranil Wickermasinghe sous la présidence de CBK allait jusqu’à reconnaître le LTTE comme seul représentant des tamouls, empêchant ainsi les autres forces tamoules de se plaindre des abus du LTTE. Comme le gouvernement n’enregistrait pas ces plaintes non plus, il n’existe aucun relevé exhaustif des horreurs infligées par le LTTE aux populations qu’il était censé représenter.

    A cette époque, des millions de roupies furent versées au LTTE par le canal de l’ONU et avec l’accord du gouvernement de Ranil Wickermasinghe. En dépit de multiples preuves de ce que le LTTE se réarmait et étendait ses opérations à d’autres parties du territoire, le gouvernement Wickermasinghe continua d’affirmer que les accords de cesser le feu étaient respectés.

    CBK agissait de même. Elle se montrait prête à négocier avec le LTTE sur base de prétentions contestables en vue d’un gouvernement autonome auquel l’autorité accordée aurait octroyé des pouvoirs totalitaires. Elle signa alors les accords P-TOMS dont certaines clauses s’avérèrent anticonstitutionnelles après avis de la cour suprême. En privilégiant le LTTE, CBK négligeait de dialoguer avec les forces tamoules modérées avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’elle ne propose un compromis qui s’ouvre aux forces modérées, Neelan Tiruchelvam avait été assassinée et le LTTE avait étendu son emprise sur le nord du pays et ses politiciens. Pire encore, l’UNP brûlait littéralement ce document au siège du parlement.

    En présentant les Tamouls comme un groupe homogène, nos politiques ont consciemment ou inconsciemment conféré une légitimité au LTTE en tant que seul représentant du peuple tamoul, légitimant ainsi ses exigences d’un état à part. L’œuvre de Rajiva Wijesinha aide à comprendre comment la propagation d’idées fausses a aidé à monter un dossier de R to P ou droit d’ingérence contre le Sri Lanka, livrant à Washington le précédent dont il avait besoin aux Nations-Unies pour légitimer une intervention controversée fondée sur ce troisième pilier du "Droit d’Ingérence".

    Les références réitérées des gouvernements Sri Lankais successifs à l’existence d’une soi-disant diaspora tamoule, de manière positive ou négative d’ailleurs, n’ont fait que renforcer cette idée fausse. A moins que nous ne tirions un jour les leçons de l’histoire, nous resterons un peuple divisé.

    A mes yeux, la perception erronée du peuple tamoul en tant que communauté homogène a été et continuera d’être l’obstacle majeur à l’établissement d’une paix durable et à la construction d’une identité Sri Lankaise commune qui soit basée sur la justice et l’égalité. La fiction que la source du conflit se trouve entre une majorité Sinhala et une minorité Tamoule peut convenir à des politiciens avides d’obtenir une parcelle de pouvoir au Sri Lanka, également à des puissances occidentales désireuses de pouvoir intervenir dans les affaires intérieures du pays mais cela ne sert absolument pas les intérêts du peuple Sri Lankais ni ses aspirations à une société où ils puisse décider de son destin.

    Un défi pour nous réapproprier notre histoire : on n’insistera jamais assez sur l’absolue nécessité d’entretenir notre mémoire. Si nous ne le faisons pas, d’autres la réécriront pour nous. Le livre de Rajiva Wijesinha est un défi qu’il nous lance et une pièce maîtresse de notre histoire contemporaine, Une œuvre que chacun et tous doivent lire.

    Référence du livre de Rajiva Wijesinh : S. Godage & Brothers (Pvt) Ltd, 661/665/675, P. de S. Kularatne Mawatha, Colombo, Sri Lanka, 2015, 279 pp. IBSN 978-955-30-6539-1.

    Traduit de l’anglais par Oscar GROSJEAN pour Investig’Action

    Source : Thupappi.wordpresse.com

    Si cet article vous a intéressé, nous vous proposons de découvrir l’ouvrage de Tamara Kunanayakam : Quel développement ? Quelle coopération internationale ? publié par les Editions du CETIM. 

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  • Bourrage de crâne : Jean-Michel Aphatie est il un chien ? a propos de la censure du film Merci Patron

    www.initiative-communiste.fr

    A propos de la censure du film , retour sur l’affrontement de classe Ruffin – classe des travailleurs vs Lagardère Europe 1 classe capitaliste

    Jean-Michel Aphatie est-il un chien ?

    par Denis Souchon, Henri Maler, mercredi 9 mars 2016

    À l’évidence, Jean-Michel Aphatie n’est pas un chien ! C’est un grand professionnel qui, quand il le croit nécessaire, remplit sa fonction… à la façon d’un chien de garde. Un chien de garde indigné par cette métaphore qui, à défaut d’être poétique, ne manque pas de réalisme, comme l’a montré, une fois de plus, son récent entretien avec François Ruffin.

    I. Où il est question d’un os qui ne passe pas

    Le 25 février 2016, Jean-Michel Aphatie publie sur son blog un article dans lequel il s’interroge doctement « Chiens de garde, la laisse et l’os : pourquoi des métaphores canines pour parler du journalisme ? ». Et le savant homme de s’insurger.

    Admirons son talent, puisqu’il réussit le tour de force, surprenant pour un individu si cultivé, de ne parler à aucun moment du livre de Paul Nizan (Les , 1932), de celui de Serge Halimi (Les Nouveaux Chiens de garde, paru en 1997 et actualisé en 2005) et du documentaire Les Nouveaux Chiens de garde (sorti en 2012, réalisé par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat).

    Célébrons sa probité, puisque la métaphore qui le chagrine, contrairement à ce qu’il affirme, ne vise pas le journalisme, ni les journalistes, mais quelques gardiens du temple médiatique (et de l’ordre social).

    Et saluons sa finesse quand il écrit : « Il faut d’ailleurs noter, et ceci n’étonnera pas grand monde, que de tels qualificatifs sont employés aussi bien par ceux qui affirment se situer à la gauche de la gauche, individus autoproclamés de la “vraie” gauche par opposition à la “fausse” qui gouverne, que par des militants souverainistes ou d’extrême droite. Nul étonnement en effet tant les points de croisement sont nombreux entre ces deux mondes en apparence éloignés. » Si peu éloignés qu’Aphatie annonce le métissage de ces « deux mondes », ne laissant à la critique de la médiacratie que le choix d’être ou bien d’extrême droite, ou bien d’extrême droite.
    Mais quel est donc cet os qui lui est resté en travers de la gorge ? Un cadeau que lui a offert François Ruffin, la veille de la publication du billet, au terme d’une brève saga médiatique.

      Premier épisode. Le vendredi 19 février à 12h03, Europe 1 confirme par mail une invitation (faite trois semaines auparavant) à François Ruffin pour l’enregistrement le lundi 22 février et une diffusion le mardi 23 février dans « Europe 1 social club » d’une interview consacrée à Merci patron !. 4 minutes et 42 secondes plus tard, François Ruffin reçoit un nouveau mail d’Europe 1 lui annonçant que « l’interview était annulée » [1].

      Deuxième épisode. Le jour même, les réactions de solidarité se multiplient face à une censure qui semble s’expliquer par l’identité du héros du film : Bernard Arnault, milliardaire et première fortune de France, patron de LVMH, propriétaire des Échos ou du Parisien et l’« un des principaux annonceurs publicitaires, en particulier de la presse magazine et des titres détenus par Arnaud Lagardère » (le propriétaire d’Europe 1) [2].

     Troisième épisode. Le samedi 20 février, après avoir tenté d’expliquer l’acte de censure par la nécessité de trouver un contradicteur pour évoquer un film « polémique », Europe 1 fait volte-face et invite François Ruffin pour le soumettre à un interrogatoire en direct, confié à Jean-Michel Aphatie, le mercredi 24 février [3]. Ce faisant, Europe 1 remplace in extremis un animateur d’entretien – Frédéric Taddéi – par un contradicteur : Jean-Michel Aphatie, chargé de mission.

      Quatrième épisode. Le mardi 23 février, François Ruffin adresse une « Lettre ouverte à Jean-Michel Aphatie » dans laquelle il défie « le porte-parole de l’homme le plus riche de France [Bernard Arnault] » et lui annonce : « Tel un kamikaze des ondes, je viens pour commettre un attentat radiophonique » [4]. Cette annonce provocatrice n’était pas sans risques, face à un chargé de mission aguerri et prêt à toutes les parades.

      Enfin Jean-Michel Apathie parut. Le 24 février 2016, à 12h45, dans « Europe Midi » sur Europe 1, à l’occasion de la sortie en salles de Merci patron !, Jean-Michel Aphatie reçoit François Ruffin, le réalisateur de ce film. Et l’entretien s’achèvera par l’offrande, par l’interviewé, d’un os en plastique à l’intervieweur.

    Comme on le voit, « l’entretien » avait déjà commencé avant l’entretien lui-même. Il met face à face non un journaliste et son invité, mais les protagonistes d’un affrontement qui est loin d’être dénué de toute signification sociale. Au cours de cet affrontement, Jean-Michel Aphatie (qui sait être dégoulinant de sollicitude quand il a affaire à des interlocuteurs qu’il juge dignes de lui) a fait usage de toutes les ficelles du métier – disons de… garde-barrière, pour ne pas l’offenser… – afin de neutraliser son invité, qui a l’outrecuidance de critiquer l’oligarchie dont fait partie le patron de… Jean-Michel Aphatie. Un garde-barrière revêtu d’un uniforme de cuisinier.

    II. Où il est question de la cuisine d’un chef

    Cet entretien, en effet, expose involontairement les recettes et tours de main qui font la réputation d’un grand cuisinier passé maître dans l’art d’étouffer dans l’œuf tout début de contestation de l’ordre établi.
    Recette n°1 : Neutraliser en déformant
    Jean-Michel Aphatie commence l’interview en n’évoquant aucune des péripéties, gênantes pour la réputation de son employeur, dont elle est l’aboutissement. Seul l’intéresse le film, du moins dans l’interprétation d’emblée tronquée, voire mensongère, qu’il juge utile d’en retenir !

    « [Merci patron !] qui met en scène un couple d’ouvriers du Nord au chômage, ils ont travaillé pour une filiale de LVMH, ils sont au chômage depuis 4 ans. Et avec vous, François Ruffin, ils contactent la direction de LVMH, ils veulent en quelque sorte un dédommagement pour ce que LVMH leur a fait subir, et LVMH à la surprise générale, peut-être à la vôtre, peut-être pas, va leur verser 40 000 euros. J’imagine que quand vous avez monté tout ce scénario et quand vous l’avez filmé, parce que c’est la vraie vie, vous en avez été un peu surpris. »

    Comme si le couple de chômeurs avait bénéficié, après une simple prise de contact, d’un geste de charité désintéressé ! Comme si le versement de 40 000 euros n’avait pas été effectué sous condition de silence de ses bénéficiaires et au terme d’une lutte qui est l’objet même du film !
    Recette n°2 : Neutraliser en plaisantant
    François Ruffin, plutôt que de répondre à la suggestive suggestion de Jean-Michel Aphatie, préfère lui remettre un fromage du Nord (un maroilles) en lui demandant de le donner à Arnaud Lagardère, propriétaire d’Europe 1, afin de le remercier « pour le plan com’ » suscité par la censure du passage dans l’émission de Frédéric Taddéi et l’« élan de solidarité » que cette censure a provoqué. Jean-Michel Aphatie, en professionnel chevronné, tente de désamorcer la critique. D’abord avec bonhomie : « C’est très bon le maroilles j’en ai déjà mangé. J’ai été rubricard à La Voix du Nord dans l’Aisne, donc je connais le maroilles et j’en ai mangé. » Puis en faisant mine de remercier François Ruffin pour ses remerciements : « C’est très gentil […] Écoutez, ces remerciements lui [Arnaud Lagardère] iront droit au cœur. »
    Recette n°3 : Neutraliser en recentrant
    Mais comme François Ruffin insiste sur la solidarité d’oligarques entre Arnaud Lagardère et Bernard Arnault, Jean-Michel Aphatie tente d’esquiver cette mise en cause, en feignant la sollicitude pour son invité et en lui rappelant qu’il est supposé parler de son film, baptisé « documentaire » :

    « Et je pense, je pense que vous avez conscience que le temps de parole que vous prenez là pour remercier Arnaud Lagardère, à qui je ferai passer le maroilles, c’est du temps de parole que vous n’aurez pas pour parler de votre documentaire. Et d’ajouter, pour revenir à son (étrange…) question initiale : « Est-ce que vous avez été surpris de la somme qu’ont récupérée les époux… »

    Marquons une pause. Jean-Michel Aphatie prétend parler du film en réduisant son sens et son enjeu à la somme perçue par les époux Klur. François Ruffin prétend qu’il s’agit d’un film qui met en cause l’oligarchie. C’est très exactement ce dont Jean-Michel Aphatie a décidé qu’il ne fallait pas parler. Les recettes suivantes en découlent aussitôt. Et d’abord :
    Recette n°4 : Neutraliser en coupant la parole
    Dans sa « Lettre ouverte à Jean-Michel Aphatie » évoquée plus haut, François Ruffin mentionnait la vidéo d’un entretien daté du 7 novembre entre Jean-Michel Aphatie et Bernard Arnault. Et il relevait cette répartition du temps de parole : « 1’36’’ de temps de parole pour vous, présentation comprise, et le reste, 5’46’’ pour votre interlocuteur – soit 21,7% pour vous, et 78,3% pour lui ». Et il précisait : « Bref, vous ne l’interrompez pas trop et il peut dérouler tranquillement son argumentaire. Nul doute que vous me réserverez le même traitement. »

    Le « traitement » réservé à François Ruffin ? Jean-Michel Aphatie s’octroie plus de 40 % de temps de parole, soit deux fois plus qu’avec le patron de LVMH, et interrompt plus de 25 fois François Ruffin alors qu’il n’avait osé « interrompre » (avec déférence)… qu’une seule fois le milliardaire. Selon que vous serez Ruffin ou Arnault…
    Recette n°5 : Neutraliser en simulant un contrat tacite
    Pour parvenir à déjouer la tentative d’« attentat radiophonique » (imprudemment) annoncée par François Ruffin et pour tenter de juguler son expression, Jean-Michel Aphatie n’a eu de cesse de lui rappeler le contrat implicite (qui lie l’interviewer et l’interviewé). Ce contrat qu’ont en tête presque tous les auditeurs (et cela alors que la plupart d’entre eux ignorent l’affrontement dont l’entretien n’est que le dernier épisode) dans la version qu’en propose Jean-Michel Aphatie est le suivant : la conversation doit porter sur le film et non sur le sens qu’entend donner François Ruffin à ce film et donc à cette conversation – celui d’un « combat contre l’oligarchie » que représente Bernard Arnault, mais aussi Arnaud Lagardère, propriétaire d’Europe 1. Rien de plus simple alors pour Jean-Michel Aphatie que d’endosser le rôle de celui qui respecte et veut faire respecter à François Ruffin les règles de la bienséance, quitte à l’interrompre fréquemment pour lui rappeler le thème de l’interview.

    Ce qui donne lieu à des interventions qui alternent les rappels à l’ordre (« Alors de quoi on parle ? » ; « On parle de votre documentaire ou on en parle pas ? ») et la simulation de la liberté d’expression concédée à l’interlocuteur : « Ah bon d’accord. Bah parlez de ce que vous voulez alors. »

    Avec cette touche finale qui signe le triomphe du critique de cinéma : « Bon vous ne voulez pas parler de votre documentaire. Libération dit : au fond, ce que vous avez filmé ne montre pas grand-chose, c’est une fable bien faite, mais on reste un peu sceptique sur le message qui est le vôtre. » [5]

    Jean-Michel Aphatie : « On reste un peu sceptique… »

    Recette n°6 : Neutraliser en tournant en dérision

    Il suffit pour cela de discréditer les visées subversives de l’invité par l’appel au réalisme des auditeurs et en lui parlant comme à un enfant que l’on essaie de raisonner.

    François Ruffin tente de présenter le film comme un film de combat contre l’oligarchie et s’attire sarcasmes et ricanements de Jean-Michel Aphatie : « Sauf à vous méprendre sur votre propre pouvoir, vous n’êtes pas prêt à renverser l’oligarchie […]. À moins que vous ne pensiez que ce renversement-là est tout proche dans les minutes qui viennent et qu’à partir de ce studio […] l’appel au coup d’État que vous avez lancé peut trouver quelque écho, à moins que vous ne pensiez cela… »

    François Ruffin s’étant risqué à affirmer que le film enfonce un coin dans la domination de l’oligarchie, Jean-Michel Aphatie riposte : « Vous ne vous accordez pas trop de pouvoir ? »

    Le pouvoir de Jean-Michel Aphatie, en revanche, n’est pas contestable.
    Recette n°7 : Neutraliser en montrant ses crocs

    Jean-Michel Aphatie, en effet, se comporte alors avec François Ruffin comme un châtelain avec un de ses domestiques, ainsi que le montrent les deux extraits ci-dessous.

     
    – François Ruffin : « J’ai cinq minutes de temps de parole… »
    – Jean-Michel Aphatie le coupe : « Ah je sais pas si vous avez cinq minutes, ça c’est pas vous qui décidez du temps de parole »
    – François Ruffin : « … sur toute l’année, et vraisemblablement c’est mon dernier passage à Europe 1… »
    – Jean-Michel Aphatie (le coupe) : « Mais peut-être pas, non non. »
    – François Ruffin : « Peut-être pas. Peut-être qu’Europe 1 sera renationalisée ou qu’on peut espérer quelque chose comme ça et que je serai à nouveau invité… »
    – Jean-Michel Aphatie le coupe : « On vous reçoit avec plaisir vous savez, on vous reçoit avec sympathie vous savez, voilà, avec tranquillité. »

    Ayant complètement occulté l’histoire conflictuelle à l’origine de cette interview, Jean-Michel Aphatie tente de faire croire aux auditeurs que François Ruffin ne doit sa présence au micro d’Europe 1 qu’au bon vouloir de sa seigneurie Aphatie, tout en condescendance :

     
    – François Ruffin : « […] je ne suis pas là parce que vous m’avez accordé ce temps de parole … »
    – Jean-Michel Aphatie (le coupe) : « Vous êtes là, vous savez pourquoi vous êtes là ? »
    – François Ruffin : « Bah dites-moi. »
    – Jean-Michel Aphatie : « Parce qu’on vous a invité »
    – François Ruffin : « Non … »
    – Jean-Michel Aphatie : « Sinon vous ne seriez pas là. »
    – François Ruffin : « Non, non, vous êtes là parce qu’il fallait éteindre… »

    François Ruffin voulait sans doute soutenir qu’Europe 1 avait été obligé de l’inviter pour répliquer à la mobilisation contre la censure. Il ne pourra pas achever sa phrase : Jean-Michel Aphatie, non sans arrogance et contre toute vraisemblance, défend la libéralité de sa station.


    – François Ruffin : « Non, non, vous êtes là parce qu’il fallait éteindre… »
    – Jean-Michel Aphatie : « Si on ne vous avait pas invité Monsieur Ruffin, vous ne seriez pas là »
    – François Ruffin : « Alors c’est toujours vous qui tendez l’os, c’est toujours vous qui tendez l’os ? Vous croyez ça ? »
    – Jean-Michel Aphatie : « Et on vous a invité, vous savez pourquoi on vous a invité ? Parce qu’on avait envie de vous inviter, voilà. »

    François Ruffin fait alors couiner un os en plastique puis le remet à Jean-Michel Aphatie
    – Jean-Michel Aphatie : « Voilà donc ça c’est un os, voilà… »
    – François Ruffin : « C’est un os que je vous remets… »
    – Jean-Michel Aphatie (le coupe) : « Et monsieur Ruffin se lève et il va quitter le studio mais nous vous remercions d’avoir accepté l’invitation d’Europe Midi, et nous vous ré-inviterons pour votre prochain documentaire. Merci Patron !, ça sort en salle aujourd’hui ! »

    La fin de l’interview résume l’affrontement et, en particulier, le combat livré par Jean-Michel Aphatie. En s’efforçant de rester courtois (non sans laisser échapper des répliques et quelques intonations d’une suave agressivité) et en donnant l’impression d’être centré uniquement sur son travail d’intervieweur, Jean-Michel Aphatie a tenté de faire passer François Ruffin pour un malotru mal élevé qui refuse la discussion.

    * * *
    Quoi que l’on pense de la prestation de François Ruffin (qui n’a pas toujours convaincu celles et ceux qui l’ont soutenu face à Europe 1), force est de constater qu’il a eu affaire à un grand professionnel et qu’il est décidément malaisé de déjouer et de contester dans les médias dominants la domination qu’ils exercent. Il faut en effet compter avec la force d’un dispositif incarné/intégré par un intervieweur parfaitement affûté et entraîné à user de tous les moyens de neutralisation d’une parole qui va à contre-courant du prêt-à-opiner dominant [6].

    Jean-Michel Aphatie et ses semblables ne sont pas seulement des rouages : ce sont aussi des agents (très actifs) d’une domination multiforme qu’ils exercent sur leur propre terrain et à leurs propres conditions.

    L’entretien de François Ruffin avec Jean-Michel Aphatie confirme la leçon de Spinoza (un adhérent récent d’Acrimed…) : « Il n’y a pas de force intrinsèque de l’idée vraie. » Tout ne peut pas être dit, n’importe où et devant n’importe qui. Nombreux sont les contestataires – nous-mêmes y compris – qui l’ont appris et l’apprendront à leurs dépens : les rapports de forces nécessaires (pour pouvoir réellement s’exprimer dans un entretien) ne se construisent pas prioritairement devant les micros. Et devant les micros, des conditions sont requises pour pouvoir exposer des « idées vraies » (ou du moins peu admises) de manière recevable pour des auditeurs non préparés à les entendre, et cela face à des intervieweurs qui se comportent en chiens de garde, garde-barrières ou chefs cuisiniers : au choix !
    Henri Maler et Denis Souchon (grâce à la transcription réalisée par Martin Coutellier)

    N.B. – Passer dans les médias ? Avec quel objectif ? Dans quelles conditions ? Avec quelle stratégie compte-tenu de l’objectif fixé et des probables conditions d’intervention ? Avec quelles chances de pouvoir réellement s’exprimer ? Sans prétendre au rôle (peu recommandable) de conseiller en communication, nous reviendrons sur ces questions qu’il nous est déjà arrivé d’aborder [7].

    Le film Merci patron ! censuré au Parisien

    Communiqué des syndicats SNJ, FO, SNJ-CGT et de la SDJ du Parisien (Acrimed).

    Les syndicats SNJ, SNJ-CGT et FO ainsi que la SDJ ont été reçus lundi à leur demande par le directeur de la rédaction à propos du film Merci patron ! dont notre journal n’a pas parlé sur décision « assumée » de Stéphane Albouy.

    Ce film auquel le journal Le Monde a consacré deux pages et Le Canard Enchaîné une demi page met en scène le groupe LVMH. Bien que diffusé dans moins de 10 salles parisiennes et une trentaine en province, il a attiré 80 000 spectateurs – ce qui est un très gros succès pour un film hors des grands circuits de diffusion – et fait l’objet d’un énorme buzz sur les réseaux sociaux.

    Pourtant, ordre a été donné aux confrères du service culture-spectacle qui avaient visionné le long métrage de ne pas le chroniquer, fut-ce en 10 lignes. De même a été repoussée plus tard une proposition de sujet du service politique sur le buzz suscité à gauche par le film sous prétexte qu’il s’agissait « d’un sujet militant », « et qu’il y avait d’autres sujets prioritaires ce jour là ». L’argument est étonnant car s’il ne faut plus parler dans nos colonnes des actes militants, la rubrique politique a-t-elle encore une raison d’être ?

    À nos yeux, et malgré les dénégations de la direction, c’est un acte de censure qui a été posé. Ou plus précisément d’auto censure. Demain sera-t-il impossible de parler d’une marque appartenant à LVMH ou de Bernard Arnault autrement qu’en termes laudateurs ? Aura-t-on le choix entre louange bien dosée ou silence honteux ? En l’espèce, c’est le silence qui a été choisi et cela nous semble encore plus préjudiciable à l’image et l’intégrité de la rédaction vis-à-vis de ses lecteurs comme des observateurs.

    Stéphane Albouy a justifié sa décision en la banalisant : « C’est mon choix, un arbitrage comme j’en fait des dizaines d’autres ». Sauf que si l’arbitrage est banal, le sujet lui est loin de l’être. « Il fallait voir le film. Ce que j’ai fait » a-t-il dit. Il ajoute n’avoir pas voulu « même en 10 lignes, faire la promotion d’un procédé déloyal, malhonnête qui a instrumentalisé les Klure » (un couple licencié par une filiale de LVMH, menacé d’expulsion de sa maison, auquel le groupe de Arnault, sous la menace du réalisateur, donne 40 000 euros et un CDI au mari chez Carrefour en exigeant en retour le secret absolu). Faudra-t-il donc désormais passer sous silence toutes les enquêtes menées en caméra cachée ou sous couvert d’anonymat de type « Cash Investigation » ? Si le procédé est à condamner, Le Parisien doit avoir la liberté de le dire et d’interroger ce fait.

    Ainsi, par exemple, la critique du film aurait pu être assortie d’un édito, ou d’un billet, sous la plume du directeur de la rédaction, pour poser clairement un certain nombre de reproches quant aux procédés du film, mais en garantissant ainsi l’indépendance de la rédaction.

    Stéphane assure qu’il n’y a eu aucune pression ni consigne venue d’en haut. Nous le croyons volontiers. C’est justement le principe de l’autocensure que de rendre inutile les pressions, en anticipant la conduite supposément attendue.

    Se pose alors la question de la confiance dans la direction de la rédaction à garantir notre liberté éditoriale et notre capacité à faire notre métier de journaliste, au risque de déplaire à notre puissant actionnaire. Nous étions attendus sur ce premier virage, comme nous l’étions par le passé pour parler des accidents sur le Paris-Dakar ou du dopage sur le Tour de France, propriétés du groupe Amaury. Il n’y avait qu’une bonne option : faire notre travail normalement et librement.

    Au final, le choix retenu est toxique : le silence pour lequel a opté le directeur de la rédaction est un message dangereux envoyé à l’actionnaire LVMH.

    Les syndicats SNJ, FO, SNJ-CGT et la SDJ du Parisien

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  • À propos des « bruits de chiottes » de Madame Najat Vallaud-Belkacem …

     

    Quand Madame Najat Vallaud-Belkacem veut faire "peuple"... A propos de « Bruits de chiottes » 
    d’après Claire Polin

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    A propos de « Bruits de chiottes »

    Chère amie, cher ami,

    Si quelque chose mobilise toute l’attention et une grande partie du temps de la ministre, c’est son équipe de communicants. De l’avis même de François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem est « le top de l’accro aux médias ». Croyez-le bien, chacun de ses gestes, le moindre de ses éléments de langage, est minutieusement scruté par ses conseillers avant son passage aux informations.

     

    C’est dire que lorsque la ministre de l’Éducation a répondu, mardi dernier sur France Info, au sujet d’un dîner qu’elle aurait eu à Matignon, qu’elle n’entendait pas commenter des « bruits de chiottes », cela n’avait rien d’un incident de conversation. Bien au contraire. Il s’agissait probablement d’une expression tout à fait choisie, pour se présenter comme moderne, proche de la jeunesse et de sa manière supposée de parler.

     

    On ne saurait lui faire de meilleure réponse que cette enseignante, dont le courrier m’a été transmis ce matin par un de ses collègues, membre de SOS Éducation.

     

    Lisez plutôt :

    « Madame la ministre,

    Mes élèves à moi apprennent à dire "wesh", "nique", "encule", "salope" dès le primaire.
    > Mes élèves à moi grandissent très souvent dans des familles où les parents ne parlent pas français, et où le summum de la réussite consiste à passer manager chez KFC.
    > Mes élèves à moi n’écoutent pas Boris Vian et Desproges, ignorent l’existence de Bach et Mahler. Mes élèves à moi n’ont droit qu’à Booba, La Fouine, Orelsan et Gradur.
    > Mes élèves à moi doivent passer dix minutes sur chaque vers de Du Bellay pour espérer comprendre quelque chose. Parce que leur référentiel principal, c’est Nabila et Touche pas à mon poste.
    > Mes élèves à moi poussent dans un environnement où les filles doivent dès la 6eme s’habiller et se comporter en bonhommes, ou se voiler, si elles veulent avoir la paix. Mes élèves à moi découvrent le porno bien avant d’avoir la chance de rencontrer Balzac
    .

     

    Nos élèves, madame la ministre, comprennent que s’ils veulent s’en sortir, accéder aux postes que leurs talents et un travail acharné leur feraient mériter, ils doivent d’abord se défaire de leur codes vestimentaires et langagiers, découvrir les pronoms relatifs, atteindre le pluriel et le passé simple, se reposer sur le subjonctif. Ils savent, croyez-moi, madame, que si je m’escrime à leur faire répéter dix fois une phrase avec la bonne syntaxe et le ton juste, c’est parce que je refuse que nos lâchetés et nos faiblesses fassent d’eux ce que la société imagine et entretient : des racailles, des jeunes privés d’avenir car privés d’exigences, de langue, de style, de beauté, de sens, enfin.

     

    Nous luttons quotidiennement au milieu de nos gosses de REP et REP+ contre les "salope !", "sale chien !", "tu m’fous les seum !". Nous luttons pour leur donner une noble vision d’eux-mêmes quand tout pousse au contraire à faire d’eux des êtres hagards, décérébrés, violents. Nous tentons de leur transmettre le Verbe, dans un monde qui ne leur offre qu’Hanouna et Ribéry. Nous ne passons pas nos journées à jouer les thuriféraires de la pensée unique, rue de Grenelle, nous. Nous ne nous faisons pas de courbettes entre deux numéros de cirque à l’Assemblée Nationale. Nous avons les pieds dans la boue, une boue qui nous donne quelquefois la nausée, tant nous sommes seuls, et isolés, et décriés, tant notre tâche paraît ridicule et vaine.

     

    Quand donc, à la radio, madame la ministre, vous lâchez votre "bruit de chiottes", en bonne petite bourge qui ne voudrait pas avoir trop l’air d’être loin du petit peuple, qui ne voudrait surtout pas faire le jeu de cet abominable élitisme dont tout le monde sait que notre société crève, n’est-ce pas, quand donc vous vous soulagez verbalement, ce n’est pas tant votre fonction que vous abîmez : c’est notre travail auprès des élèves, nos mois d’épuisement et leur espoir, nos années de travail et leurs efforts, nos séances passées à essayer de leur dire que ce n’est pas parce que ce monde-ci est laid qu’il faut lui ressembler.

     

    Vous avez réussi, en quelques mois, à démontrer avec éclat votre conformisme, votre arrogance, votre paresse intellectuelle. Nous n’ignorions rien de tout cela. Désormais, nous savons que vous êtes aussi vulgaire. On ne vous mettra pas de 0/20, puisque vous avez aussi décidé que l’évaluation, c’était mal, péché, Sheitan, vilainpasbeau. Vous aurez simplement gagné le mépris absolu de milliers d’enseignants qui bien souvent, eux aussi, quand ils sont un peu à bout, aimeraient en lâcher une bonne grosse bien vulgaire, en classe, mais se retiennent, par souci d’exemplarité. »

     

    Je crois que l’on ne saurait mieux dire... n’hésitez pas à faire suivre ce message à vos amis !

     
     

    Claire Polin
    Présidente de SOS Éducation

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