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Europe - Page 13

  • Ukraine : la guerre des oligarques

     

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    Les événements des ces derniers jours à Kiev montrent les tendances à la désintégration du système politique. Mais, ces mêmes tendances sont, peut-être porteuses d’espoir en ce qui concerne le conflit que ce pays connaît depuis février 2014.

     

    La guerre des oligarques

     

    Le pouvoir à Kiev reste largement sous l’influence des oligarques. Le désordre institutionnel issu des événements de février 2014 a même plutôt renforcé leur influence. Ces derniers, unis dans leur opposition à l’ancien Président, M. Yanoukovitch, se sont répartis le pays et se déchirent à belles dents depuis un an. Il faut ainsi citer Rinat Ahkhmetov, dont la fortune était concentrée dans la sidérurgie, l’actuel Président, Poroshenko, dont la fortune venait de l’agro-alimentaire, Dmitro Firtash (actuellement en état d’arrestation à Vienne sur une affaire de corruption) et M. Igor Kolomoisky[1]. C’est Dmitro Firtash qui, depuis son domicile à Vienne, et alors qu’il était assigné à résidence, a réuni ces oligarques et les a convaincus d’agir contre M. Yanoukovitch, lui-même un autre oligarque, mais le Président régulièrement élu du pays.

     

    Ce « complot des oligarques » a joué un rôle important, à la fois parce qu’il a permis de faire dévier le mouvement de Maïdan qui, au départ, était anti-oligarchique et anti-corruption, mais aussi parce qu’il a joué un rôle important dans la séquence des événements qui ont poussé le Président Yanoukovitch à fuir Kiev. Pour autant, cette alliance n’a nullement mis fin aux oppositions féroces qui traversent les milieux oligarchiques. En un sens, ces dernières ont été aiguisées par la brutale contraction que l’économie connaît. Dans un pays où le PIB s’est contracté de -7% en 2014, en proie à une inflation brutale et où les paiements sont au mieux incertains, seul le contrôle sur des rentes, ou des revenus fournis par l’étranger (l’aide économique), est en mesure de satisfaire leurs appétits. Cela renforce les antagonismes anciens, un instant masqués par une commune opposition à Yanoukovitch.

     

    Cette opposition a pris un tour particulièrement spectaculaire avec l’éviction de M. Igor Kolomoisky mardi 24 mars au soir du poste de gouverneur de la région de Dnepropetrovsk. Mais l’enjeu de ce conflit va bien au-delà d’une simple révocation. Ce qui s’est joué entre le 22 et le 24 mars, avec la montée de la tension déjà perceptible depuis plusieurs semaines entre M. Poroshenko et M. Kolomoisky n’est pas seulement un nouvel épisode de la classique « guerre des oligarques »[2]. La personnalité de M. Kolomoisky dépasse en effet le seul domaine économique. Les positions politiques qu’il a prises depuis un an en font en effet un homme clef du pouvoir à Kiev.

     

    Qui est Igor Kolomoisky ?

     

    Kolomoisky était jusqu’à cette date le gouverneur de la région de Dnepropetrovsk et, à tous les égards, un des grands barons de cette Ukraine semi-féodale qui a émergé depuis les événements de la place Maïdan. Igor Kolomoisky est un homme très riche. Il a un passeport chypriote (et un passeport israélien), est résident suisse, tout cela sans avoir renoncé à sa nationalité ukrainienne. Il détient notamment PrivatBank, la première banque d’Ukraine, et la chaîne de télévision 1+1. Il possède aussi 43% des parts de la compagnie nationale de pétrole et de gaz UkrNafta et de sa filiale UkrTransNafta, qui gère plusieurs oléoducs. Dans les faits, il contrôle une large part de la circulation des carburants en Ukraine. Sa position stratégique s’est affirmée depuis le début de la crise. Il a consacré une partie de sa fortune, évaluée entre deux et trois milliards de dollars, à la mise sur pied de bataillons de volontaires. Aujourd’hui, ce sont 10 bataillons de la Garde Nationale qui sont directement financés par Igor Kolomoisky. Ces bataillons sont largement présents dans le sud de l’Ukraine, autour de Mariupol. Cette initiative s’est révélée cruciale alors que l’armée gouvernementale ne pouvait faire face seule aux séparatistes dans l’Est du pays. Le mécène a donc endossé un rôle politique en devenant gouverneur de Dnipropetrovsk, une province stratégique car voisine de celle de Donetsk. En l’espace de quelques mois, il s’est ainsi imposé comme un « rempart » contre la rébellion des provinces de l’Est de l’Ukraine, et il a passé pour ce faire des alliances étrange avec le groupe fascisant « Secteur Droit ».

     

    Ces bataillons de la Garde Nationale constituent cependant une « armée privée », dont même la logistique ainsi que l’armement échappent au contrôle réel de l’armée régulière. On peut comprendre que le Président nouvellement élu, M. Poroshenko, en ait pris ombrage et ait cherché à réduire le pouvoir de M. Kolomoiski. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les événements qui se sont produits ces derniers jours. Ils s’apparentent au scénario du roi cherchant à réduire le pouvoir d’un grand féodal. L’histoire de France est remplie de l’écho de ces conflits. Mais, ils se sont achevés il y a maintenant près de trois siècles. Le fait qu’ils se produisent aujourd’hui en Ukraine est un indicateur indiscutable du fait que ce pays n’est pas encore un État au sens moderne du terme.

     

    L’affaire Kolomoisky

     

    Le Président Poroshenko a donc décidé de limiter le pouvoir économique de son rival. Il a décidé de remplacer la direction de Ukrainafta. La réaction de Kolomoisky a été rapide et brutale. Le bâtiment de UkraiNafta a été occupé par des hommes armés, à l’évidence des hommes du bataillon Dnipro-1, financés et armés par Kolomoisky. La réaction de Poroshenko a été rapide, et il a démis Kolomoisky de ses fonctions de gouverneur de Dnepropetrovsk. Il a aussi fait arrêter, à l’issue du Conseil des Ministres, Sergey Bochkovsky et Vasily Stoyetsky, respectivement directeur et vice-directeur de l’agence des situations d’urgence. Ces deux hommes sont accusés de malversations financières diverses. Mais Igor Kolomoisky a répliqué en appelant à reconnaître les responsables des entités insurgées de Donetsk et de Lougansk, la DNR et la LNR. Les députés et responsables de Dnepropetrovsk ont alors commencés à évoquer les promesses de décentralisation non tenues par Kiev. On sait que le pouvoir de Kiev se refuse, pour l’instant, à toute idée de décentralisation et de fédéralisation. De fait, ces députés et ces responsables, dont nul ne peut ignorer la proximité avec Igor Kolomoisky, ont tenu des propos qui font écho aux déclarations des dirigeants de Lougansk et de Donetsk. A son tour, le dirigeant de la DNR Alexandre Zakhartchenko a suggéré au gouvernement de Kiev de créer une République de Dniepropetrovsk.

     

    Dans le même temps, Valentyn Nalyvaichenko, le responsable des services de sécurité ukrainiens, fidèle au Président Poroshenko, a mis en cause deux des gouverneurs adjoints de Dnepropetrovsk, MM. Gennady Korban and Svyatoslav Oliynyk, les accusant « d’appartenir à une organisation à vocation criminelle ». Ces deux personnes contestent bien entendu ces accusations, menaçant d’attaquer pour diffamation M. Valentyn Nalyvaichenko.

     

    Sur le fond, l’essentiel semble être tant la réduction du pouvoir économique de M. Kolomoisky, que l’intégration des bataillons de la Garde Nationale dans l’armée régulière ukrainienne. Or, les commandants de ces bataillons, s’ils déclarent ne pas être opposés à une telle intégration, déclarent qu’il s’agit pour eux d’une intégration en l’état et non d’intégrations individuelles. Ceci est évidemment refusé par le gouvernement de Kiev. A l’heure actuelle, il est clair que, des deux côtés, on cherche à éviter l’irréparable, mais qu’aucun accord de fond n’a été trouvé. Le risque de voir la baronnie de Kolomoisky faire sécession et s’allier à ceux-là même qu’elle combattait férocement hier ne peut donc pas être exclu.

     

    Un indicateur en ce sens est l’appel que Kolomoisky vient de faire diffuser en Ukraine, où il se positionne en adversaire direct du Président, en défenseur de « l’esprit de Maïdan » (qui aura beaucoup servi…) et en défenseur de « l’esprit de dignité » face à un gouvernement d’incapables et de corrompus. Il s’inquiète aussi de la vague de morts suspects qui touche des anciens responsables du parti de Yanoukovitch, le « parti des Régions », et que le gouvernement actuel à Kiev lui qualifie de suicides[3].

     

    Traduction de la proclamation d’Igor Kolomoisky

     

    A-Kolomisky

     

    On sait effectivement ce que valent ce genre d’explication, depuis le suicide de Stavisky en 1934 en France…[4] Derrière les formules et les postures, il y a une réalité : une lutte féroce pour le pouvoir. Kolomoisky appelle ainsi à des manifestations dans tous le pays le samedi 28.

     

    Les évolutions possibles

     

    Cette crise est donc appelée à durer. Elle vient alors que les accords de Minsk sont en partie respectés (le cessez-le-feu, les échanges de prisonniers) mais restent sur le fond lettre morte car le gouvernement de Kiev se refuse toujours à négocier avec les insurgés et ne semble pas prêt à promouvoir une véritable loi de fédéralisation. Elle témoigne aussi de ce que l’Ukraine est dans une situation de très grave crise politique et institutionnelle. L’existence de baronnies autonomes, et susceptibles de devenir indépendantes, ne se limite pas au Sud-Est du pays.

     

    En réalité, les dynamiques potentielles qui sont aujourd’hui à l’œuvre en Ukraine peuvent soit conduire à une reprise des affrontements, par exemple si chacun des camps en présence se décide à jouer de la surenchère nationaliste, soit au contraire ouvrir la voie à la paix si cette crise conduit à prendre au sérieux la question de la fédéralisation du pays. Pour cela, il convient que cette crise débouche effectivement sur un traitement sérieux et ouvert de la question de la fédéralisation.

     

    Le meilleur moyen de mettre fin à la « guerre des oligarques » serait, en effet, d’aborder en pleine transparence et sans tergiverser la question institutionnelle et constitutionnelle en Ukraine. Cette démarche aurait dû être entreprise dès la fuite de M. Yanoukovitch. Cette fuite signifiait que l’ancien « pacte national » qui fondait l’État ukrainien n’était plus valide, ou alors il fallait reconnaître à M. Yanoukovitch le fait qu’il était le Président élu. On ne peut tout à la fois dire qu’il y a eu « révolution », ce qui implique suspension de l’ordre constitutionnel et prétendre en même temps que cet ordre constitutionnel continue d’exister.

     

    Cela n’implique nullement qu’il ne puisse y avoir de « pacte national » et que l’Ukraine ne puisse survivre, mais cela nécessite qu’il soit reformulé. Il est clair qu’un degré de fédéralisation, ou de confédération, s’imposera pour des raisons culturelles, religieuses et linguistiques. Le refus de reconnaître cette situation a conduit d’une part à la décision des habitants de la Crimée à se rattacher à la Russie et d’autre part à l’insurrection dans l’Est de l’Ukraine. Il faut ici souligner que la Russie s’est jusqu’à présent toujours refusée de reconnaître les républiques de Donetsk et de Lougansk. Il convient de reprendre aujourd’hui ce dossier. Il y a urgence. Faute de le faire, et de le faire vite et honnêtement, seule la guerre, et à terme le démantèlement de l’Ukraine, resteraient des options.

     

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    [1] http://www.rts.ch/info/monde/6651675-un-milliardaire-ukrainien-fait-trembler-kiev-et-berne.html

     

    [2] B. Jarabik, « Ukraine, the kingdom of the oligarchs », Carnegie foundation, http://carnegie.ru/eurasiaoutlook/?fa=59487

     

    [3] Parmi les personnes « suicidées » :

     

    1. Le 26 Janvier 2015 se suicide Nikolai Sergienko, 57 ans, l’ex chef adjoint des “Chemins de fer ukrainiens”, il s’ est tiré une balle avec un fusil de chasse.
    2. Le 29 Janvier à son domicile on trouve le corps de Alex Kolesnik, ancien président de l’administration régionale de Kharkov.
    3. Le 25 février est retrouvé pendu le maire de Melitopol, Sergei Walter, 57 ans.
    4. Le 26 février est retrouvé dans son garage le cops de l’adjoint-chef de la police de Melitopol, Alexander Bordyuga, 47 ans.
    5. Le 28 février, l’ancien vice-président du Parti des régions Mikhaïl Chechetov « saute » par la fenêtre de son appartement.
    6. Le 10 mars 10 se suicide l’ ex-député des Parti des Régions” Stanislav Miller.
    7. Le 12 mars se suicide l’ ancien président de l’administration régionale de Zaporozhye, Oleksandr Peklushenko.

     

    [4] Stavisky, qui avait corrompu (et avait été protégé par) une partie de la classe politique de l’époque était censé s’être suicidé en se tirant une balle dans la tête depuis une distance de 2m. Le Canard Enchainé avait pu titrer « ce que c’est que d’avoir le bras long… ».

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  • L’hypothèse d’un “GREXIT” : La Grèce et la sortie de l'Euro.

     

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    La possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone Euro, qu’elle soit voulue ou qu’elle soit subie, devient de plus en plus vraisemblable d’ici le début du mois de juillet prochain. Le fait que le gouvernement grec et l’Eurogroupe aient pu trouver un accord pour les quatre mois nous séparant de cette date ne change rien à l’affaire. Il faudra poser la question soit de l’annulation d’une partie de la dette, soit de sa transformation (en réalité un moratoire sur près de trente ans). Or, l’on sait que ces deux hypothèses sont également rejetées par l’Allemagne. Il convient donc de regarder un certain nombre de paramètres de la Grèce pour se faire une idée réelle de ce qu’un « GREXIT » signifierait.

     

    La question fiscale

     

    Le premier point concerne la question fiscale. On affirme que la Grèce a vécu « au dessus de ses moyens » et qu’elle doit « payer » pour ses errements passés. En réalité, quand on regarde les recettes publiques on constate d’une part que la situation de la Grèce n’était pas en 1995 différente de celles du Portugal et de l’Espagne, et qu’elle a fait un effort important de 1995 à 2000 arrivant au niveau des Pays-Bas.

     

    Graphique 1

     

     A - FiscaGr1

     

    Source : FMI

     

    Cet effort s’est relâché de 2000 à 2004, mais il a repris par la suite et aujourd’hui la Grèce se trouve avec un même niveau de recettes que l’Allemagne, et un niveau légèrement supérieur au Portugal et aux Pays-Bas, et même très nettement supérieur à celui de l’Espagne. Bien sur, elle reste en-deçà de pays comme l’Italie et la Finlande. Mais rien n’autorise à dire que l’effort fiscal des grecs ne fut pas important, même si on peut penser qu’il est mal réparti et que proportionnellement la partie la plus pauvre de la population paye le plus.

     

    Par contre, les dépenses publiques sont toujours restées très importantes, voire excessive. C’est en partie le problème des JO de 2004, mais pas seulement.

     

    Graphique 2

     

    A - FiscaGR2

     

    Source : FMI

     

    En fait, les dépenses publiques explosent de 2007 à 2009 sous l’influence de trois facteurs : d’une part des mesures anti-crises en 2008, mais aussi (et surtout) des libéralités du gouvernement (conservateur) pour gagner les élections de 2009 (ce qui fut politiquement un échec) et d’autre part la montée des taux d’intérêts qui commencent à créer un « effet Ponzi » de la dette. Alors que la croissance économique se ralentit et que la croissance nominale (croissance du PIB réelle x taux d’inflation) diminue, la hausse des taux, sur un volume élevé de dettes publiques, rend insupportable le poids des intérêts. En fait, ce mécanisme Ponzi (appelé ainsi car il évoque les pyramides financières où les intérêts des premiers déposants sont payés par de nouveaux souscripteurs) explique largement la montée régulière de la dette publique à partir de 2009, et une très large part de l’excès des dépenses publiques.

     

    On sait que la Grèce a atteint un excédent budgétaire primaire (soit hors les remboursements de la dette). Cela veut dire que si la Grèce faisait défaut sur sa dette, estimant que les intérêts payés depuis 2009 ont éteint une grande partie de cette dernière, elle pourrait financer sur ses propres bases ses dépenses publiques. En d’autres termes, si la Grèce fait défaut, et si elle sort de l’Euro, elle n’a plus besoin d’emprunter pour boucler son budget. C’est un premier point qu’il faut avoir à l’esprit quand on parle d’un possible GREXIT. La Banque Centrale de Grèce n’aurait pas à monétiser des sommes importantes, ce qui exclut le risque d’hyperinflation qui est souvent avancé par les adversaires de la solution du Grexit.

     

    Epargne et investissement.

     

    Mais, dira-t-on, la Grèce a besoin d’emprunter pour investir. Elle ne peut se couper des marchés financiers, ce qui arriverait en cas de sortie de la zone Euro. En fait, la chute des investissements a été telle que, depuis 2013, l’épargne interne est supérieure à l’investissement.

     

    Graphique 3

     

    A - InvEpGR

     

    Source : FMI

     

    Si l’on part de l’idée que les recettes fiscales seront égales aux dépenses (et qu’il ne faudra pas emprunter pour couvrir un déficit budgétaire) ce point, bien montré dans le graphique 3 est important. En fait, jusqu’en 1994, l’écart entre les investissements et l’épargne est peu important. Cet écart devient par contre considérable à partir de 1999, très certainement à cause des investissements décidés dans le cadre de la préparation des JO de 2004, mais il continue à croître par la suite. En 2009, le flux d’épargne annule n’est que de 15 milliards alors que les investissements atteignent 37,5 milliards. Aujourd’hui, on est revenu à une situation ou la Grèce exporte son épargne. Ceci est lié à la contraction brutale de l’investissement mais cela signifie AUSSI que la Grèce peut parfaitement vivre « en circuit fermé » d’un point de vue financier. C’est un facteur important quand on cherche à évaluer la possibilité d’un GREXIT.

     

    La question de la balance courante.

     

    On rappelle ici que la balance courante confronte les importations et les exportations de biens et de services. On voit que la situation de la Grèce se caractérise par un léger déficit, le pays exportant environ 20-25% de son PIB. Par contre, par la suite, le déficit de la balance courante se creuse de manière astronomique, en particulier de 2004 à 2007, soit sous le gouvernement conservateur. Cette situation s’explique aussi par l’étouffement des exportations grecques du fait du renchérissement de l’Euro. La Grèce exporte à plus de 60% en dehors de la zone Euro. La hausse de l’Euro que l’on constate alors étrangle les industries et services exportant. La Grèce est, en 2013-2014, revenue à l’équilibre mais au prix d’une contraction dramatique des importations.

     

    Graphique 4

     

    A - BalComGR

     

    Source : FMI

     

    On voit ici qu’une dévaluation de 20% à 30%, rendue possible par une sortie de l’Euro aurait des effets extrêmement positifs sur l’économie[1]. L’effet d’accroissement sur le volume du PIB serait important. La Grèce pourrait donc accroître ses importations (en biens d’équipements notamment) sans compromettre l’équilibre de la balance courante.

     

     

     

    Ceci confirme donc une analyse intuitive. La Grèce est AUJOURD’HUI bien plus prête à une sortie de l’Euro qu’elle ne l’était en 2009 ou 2010. Une telle sortie, accompagnée d’un défaut sur la dette et d’une dévaluation de 20% à 30% aurait pour effet de dynamiser rapidement et profondément l’économie grecque. Ceci conduirait très certainement à des gains de productivité du travail importants, qui permettrait, dès 2016, des hausses de salaire importante sans compromettre la compétitivité retrouvée de l’économie grecque.

     

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    [1] Artus P., « Dévaluer en cas de besoin avait beaucoup d’avantages », NATIXIS, Flash-Economie, note n°365/2012, 29 mai 2012,

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  • Le mur meurtrier de la Méditerranée : L’assassinatde masse de l’Union européenne


    par Saïd Bouamama

     

     

     

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    3419 migrants sont morts en 2014 en tentant de traverser la Méditerranée selon l’agence de Nations-Unies pour les réfugiés(1). Ce chiffre macabre fait de la Méditerranée la frontière la plus meurtrière, le nombre total de décès pour le monde entier étant de 4272. Sur une durée plus longue se sont plus de 20 000 migrants qui ont perdu la vie depuis l’an 2000. La tendance est de surcroît à une hausse permanente, l’année 2014 ayant battu tous les records en laissant loin derrière le précédent pic qui était de 1500 décès en 2011. Les discours politiques et médiatiques construisent chaque nouveau drame comme des catastrophes imprévisibles sur lesquelles les gouvernements européens n’auraient aucune prise et aucune responsabilité. Le discours de la catastrophe cache un processus d’assassinat de masse de l’Union Européenne.

     


     

    Les angles morts sur les causes structurelles

     

    Le premier angle mort des discours politiques et médiatiques est celui des causes économiques poussant des dizaines de milliers d’Africains à risquer leurs vies dans des traversées qu’ils savent meurtrières. Depuis les indépendances politiques de la décennie 60, d’autres mécanismes que l’occupation militaire directe sont venus prendre le relais pour assurer la reproduction du « pacte colonial » c’est-à-dire la construction des économies africaines selon les besoins de l’Europe et non selon les besoins des peuples africains. Sans être exhaustif rappelons quelques-uns de ces mécanismes.

    Les accords de coopération économique, financière et monétaire que les différents pays européens imposent aux pays africains impliquent une vente des matières premières à des coûts inférieurs à celui du marché mondial et interdisent la taxation des produits importés d’Europe. Prenons l’exemple du dernier accord signé entre l’Union Européenne et les 15 États de l’Afrique de l’Ouest dit « Accord de partenariat économique » (APE). Cet accord interdit la taxation des 11, 9 milliards d’euros de produits importés par l’Union Européenne en 2013. Il met ainsi l’agriculture vivrière locale en concurrence avec l’agriculture industrielle européenne poussant à la misère des centaines de milliers de paysans. Les conséquences coulent de source :

    « Cet Accord renforcera une migration massive de populations privées d’avenir dans leur pays, dans une situation où la population d’Afrique de l’ouest fera plus que doubler d’ici 2050, atteignant 807 millions d’habitants (contre 526 millions pour l’UE à la même date), et dans un contexte de réchauffement climatique particulièrement accentué dans cette région.(2) »

    Le caractère exploiteur de ces accords est tel que le professeur Chukwuma Charles Soludo, déclare le 19 mars 2012 que l’APE d’Afrique de l’Ouest constitue un (AO) "second esclavage(3). Mais l’APE n’est que la systématisation à grande échelle de logiques de mises en dépendance antérieures comme « l’aide liée » imposant le recours aux entreprises françaises en échange d’un financement de projets d’aménagement, les Plans d’Ajustement Structurel imposant des réformes libérales en échange d’un crédit ou d’un report de remboursement d’une dette, ou pire encore l’institution du Franc CFA qui permet le contrôle des politiques monétaires de la zone franc. Ces causes directes de la paupérisation africaine et de la pression migratoire sont tues par le discours politique et médiatique dominant. Elles démentent l’idée d’une catastrophe imprévisible sur laquelle l’homme n’aurait aucune prise.

     

    Le discours médiatique de la catastrophe n’est qu’un processus de masquage des causes économiques structurelles.

     

    Bien sûr de tels mécanismes ne sont possibles que par le recours direct ou indirect à la force allant de l’assassinat des opposants à ces politiques en passant par les coups d’Etats ou les guerres ouvertes. C’est la raison de la fréquence des interventions militaires européennes directes ou indirectes en Afrique. Si la France est la plus présente dans ces aventures guerrières en Afrique c’est sur la base d’une délégation européenne. Face à la montée des puissances émergentes, face à la concurrence économique états-unienne et chinoise, l’Europe mandate ainsi la France pour la défense des intérêts de l’ « Eurafrique » c’est-à-dire pour la consolidation d’un néocolonialisme socialisé à l’échelle de l’Union Européenne. Cette « Eurafrique » économique et militaire est un vieux projet de certaines fractions du capital financier européen. Elle a été freinée par les concurrences entre les différents pays européens qui tendent à être mises au second plan du fait de l’exacerbation de la concurrence liée à la mondialisation capitaliste. Voici comment Aimé Césaire alertait déjà en janvier 1954 sur l’Eurafrique en se trompant uniquement sur la nationalité du soldat :

    « Je le répète : le colonialisme n’est point mort. Il excelle, pour se survivre, à renouveler ses formes ; après les temps brutaux de la politique de domination, on a vu les temps plus hypocrites, mais non moins néfastes, de la politique dite d’Association ou d’Union. Maintenant, nous assistons à la politique dite d’intégration, celle qui se donne pour but la constitution de l’Eurafrique. Mais de quelque masque que s’affuble le colonialisme, il reste nocif. Pour ne parler que de sa dernière trouvaille, l’Eurafrique, il est clair que ce serait la substitution au vieux colonialisme national d’un nouveau colonialisme plus virulent encore, un colonialisme international, dont le soldat allemand serait le gendarme vigilant(4). »

    Ces guerres directes ou indirectes(5) sont la seconde cause de la pression migratoire. Ce n’est pas seulement pour survivre économiquement que des milliers d’africains risquent leurs vies en méditerranée mais pour fuir les guerres européennes et leurs conséquences en termes d’installation de régimes dictatoriaux ou pire encore le chaos comme en Lybie ou au Congo avec l’installation de « seigneurs de guerres » avec lesquels le commerce peut continuer. Le discours médiatique de la catastrophe masque également la responsabilité européenne vis-à-vis de cette cause des migrations contemporaines.


     

    Frontex ou la création des conditions d’un assassinat de masse

    Si les causes évoquées ci-dessus suffisent pour comprendre la hausse de la pression migratoire, elles ne suffisent pas à expliquer l’augmentation du nombre de décès au cours de la migration. Pour cela il faut orienter le regard vers les réponses de l’Union Européenne à cette pression migratoire. Ces réponses se concrétisent depuis 2005 par l’action de l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (FRONTEX). Le statut d’agence offre une autonomie importante qui a été encore renforcée le 10 octobre 2011 en l’autorisant à posséder désormais son propre matériel militaire. Les moyens financiers mis à disposition de FRONTEX sont en augmentation constante : 19 millions d’euros en 2006 et 88 millions d’euros en 2011(6).

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  • Le Parlement européen refuse l’ouverture d’une commission d’enquête sur les Luxleaks


    SOURCE : euractiv.fr

    Conference de presse sur l'enquête du Parlement européen sur les LuxLeaks  ©European Parliament
    Conference de presse sur l'enquête du Parlement européen sur les LuxLeaks ©European Parliament Conference de presse sur l'enquête du Parlement européen sur les LuxLeaks ©European Parliament

    Les trois grandes groupes de la coalition favorable à Jean-Claude Juncker se sont mis d'accord pour proposer la création d'une commission spéciale. Un dispositif qui donne moins de pouvoirs pour enquêter sur l'évasion fiscale des entreprises en Europe.

    La toute puissante conférence des présidents du Parlement européen a décidé jeudi 5 février qu’il n’y aurait pas de commission d’enquête sur le dossier des Luxleaks. Une décision surprenante alors que la demande d’ouverture de cette commission d’enquête sur les pratiques fiscales du Luxembourg avait été signée par suffisamment d'eurodéputés, soit 188 d’entre eux.

    L’indépendance des services du Parlement européen en question

    Les services juridiques du Parlement européen avaient recommandé, il y a 48 h, aux présidents de groupe, de refuser la création d’une telle commission en estimant que la proposition était mal ficelée.

    Les experts jugeaient que la proposition de création de commission d’enquête omettait de préciser l’objet de l’enquête, et ne fournissait pas suffisamment d’éléments pour identifier clairement les infractions et les cas de mauvaise administration allégués. Un argument qualifié d’argutie juridique par les Verts, qui estiment qu’un autre expert aurait pu dire l’inverse. « Avec de tels arguments, le service juridique pourrait interdire l’ouverture de toute commission d’enquête » regrette l'eurodéputé Vert belge Philippe Lamberts.

    L’argument juridique a permis au président du Parlement européen, Martin Schulz, d’éviter de présenter la proposition en session plénière. A la place, la conférence des présidents a proposé que la plénière se prononce sur la création d’une commission spéciale, une question qui devrait être soumise au vote la semaine prochaine.

    Quand les signataires se retirent

    La demande de création d’une commission d’enquête avait été lancée par le groupe des Verts, avant d’être soutenue par la gauche radicale et d’un certain nombre de députés européens de l'ensemble de tous bords politiques.  

    >>Lire : La coalition pro-Juncker tente d'éviter une commission d'enquête sur les Luxleaks

    Au total, 194 députés avaient initialement signé la demande d’ouverture de cette enquête. Mais certains élus ont ensuite retiré leur signature : de 192 début janvier, il ne restait plus que 188 signatures le 5 février.

    « Les membres du PPE ont été la proie de fortes pressions de la part de leur parti pour qu’ils retirent leur signature, et la plupart l’ont fait » constate une source au Parlement européen.

    Parmi eux, le député européen Jérôme Lavrilleux, qui reste membre du PPE mais n’est plus membre de l’UMP, ce qui le place dans une position délicate. D’autant que le Parlement européen doit se prononcer prochainement sur la demande de levée de son immunité parlementaire

    « La conférence des présidents a décidé à la majorité qu’une commission spéciale aurait plus de pouvoirs et serait plus adaptées à traiter le sujet » a de son côté expliqué Martin Schulz, le président du Parlement européen, lors d’un point presse, tout en rappelant que le Parlement avait l’expérience des deux types de commission et qu’aucune des deux ne posait problème.

    Des commissions d’enquête rarissimes

    Les commissions d’enquête sont en fait très rares, puisqu’il n’y en a eu que 3 depuis que le Parlement européen existe, dont celle sur la vache folle, alors que les commissions spéciales sont légion.

    En 1996, le Parlement européen avait déjà refusé la création d’une commission d’enquête à propos du scandale d’Echelon, un système d’interception des communications mis en place par les États-Unis et d’autres pays anglo-saxons.

    Compétences réduites mais un champ d’enquête élargi pour la commission spéciale

    Par rapport à une commission d’enquête, une commission spéciale a moins de pouvoir, mais peut se pencher sur des sujets plus larges ; notamment, elle se penchera sur les rescrits fiscaux conclus par les pays ciblés comme le Luxembourg, les Pays-Bas ou l’Irlande dans le passé et dans le présent.

    Mais les deux types de commission n’ont pas les mêmes droits d’accès aux documents nationaux : le commission d’enquête aurait eu accès à tous les documents nationaux, la commission spéciale n’aura accès qu’aux documents européens.

    « Je suis très optimiste sur le fait qu’une commission spéciale puisse apporter de vraies améliorations » a estimé le président du Parlement européen.

    Les Verts  furieux

    Les Verts et la gauche radicale se sont montrés très frustrés de cette décision, notamment le Vert belge Philippe Lamberts.

    « Nous nous sommes battus, ça a été une longue bataille, parce que la commission d’enquête est l’outil le plus fort contre les problèmes administratifs en UE » a expliqué Philippe Lamberts, estimant que les trois principaux groupes du Parlement européen se sont mis d’accord contre la minorité.

    « Les trois grands groupes ne voulaient pas donner aux forces minoritaires ce qu’ils voulaient » a assuré Philippe Lamberts.

     « Je suis très déçu de ce résultat. Je suis furieux que le droit des minorités au sein d’un Parlement européen soit bafoué à ce point. C’est une agression envers la démocratie européenne ! » s’est exclamé Sven Giegold, élu dans le groupe des Verts en Allemagne.

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  • La Grèce et le piège des liquidités

    Par Jacques Sapir

    Les négociations en cours entre les autorités européennes, qu’il s’agisse de l’UE ou de l’Eurogroupe et le gouvernement grec se font tous les jours dans un climat de plus en plus délétère. Après « l’incident » de la vidéo de Varoufakis, largement diffusée depuis Bruxelles, dans laquelle il faisait un « doigt d’honneur » aux institutions, vidéo datant en réalité de 2013 et entièrement sortie de son contexte, il y a eu l’opposition de l’Eurogroupe aux lois anti-pauvreté que souhaite prendre le gouvernement grec. Cela démontre une volonté politique de la part des institutions européennes de « casser » un gouvernement nouvellement élu[1]. Voici qui en dit long sur le respect de la « démocratie » telle qu’on l’entend à Bruxelles. Tout ceci était néanmoins prévisible. Nous savons à quoi nous en tenir sur la « démocratie » de l’Union européenne. Mais, cela montre que le conflit est inévitable et a probablement atteint le point de non-retour[2]. Il faut alors examiner la situation de la Grèce dans ce contexte.

     

    La question des liquidités.

    Cette question est aujourd’hui centrale. Les banques grecques sont confrontées à une fuite de leurs dépôts. Les épargnants retirant l’argent soit pout le mettre à l’étranger, soit pour le thésauriser, soit enfin pour faire des achats spéculatifs. Les montants sont calculables par les demandes faites par la Banque Centrale de Grèce au système TARGET-2 qui gère les comptes à l’échelle de la zone Euro. Il semble que 27 milliards soient sortis en janvier 2015 (donc largement avant l’élection de SYRIZA), mais encore 15 milliards au mois de février. La Banque Centrale Européenne a réduit largement les moyens de refinancement des banques grecques et a plafonné l’aide à la liquidité d’urgence ou ELA. Ces mouvements de capitaux ont deux significations distinctes, mais la seconde pourrait peser dramatiquement sur l’économie grecque.

     

    1. Il y a tout d’abord une dimension « fuite des capitaux », spectaculaire mais qui ne constitue pas le problème principal. D’ores et déjà des sommes importantes ont été sorties de Grèce par la grande bourgeoisie et l’oligarchie locale. Ce comportement était à attendre. La dimension fiscale de ce comportement doit être prise en compte néanmoins, car ces sommes qui sortent ne peuvent plus être soumises à l’impôt.
    2. Il y a ensuite, et c’est de loin le plus important, un assèchement des liquidités disponibles dans l’économie. Cela perturbe fortement le fonctionnement des entreprises, qui ne peuvent ainsi plus emprunter pour faire face à des problèmes de trésorerie. Ceci risque de paralyser rapidement l’économie et d’aggraver de manière très spectaculaire la crise.

     

    En fait, le calcul des dirigeants européens consiste à penser que ce risque obligera le gouvernement Tsypras à venir à Canossa. Si les dirigeants de l’Eurogroupe ont fait un geste par rapport à la première dimension du problème, en évoquant la possibilité pour la Grèce d’introduire un contrôle des capitaux tout comme cela fut le cas à Chypre au printemps2013, il faut ici signaler que ce contrôle des changes ne résoudrait nullement le second problème auquel est confronté le gouvernement grec. Même si un contrôle des capitaux était introduit, cela ne réglerait pas l’assèchement des liquidités dans l’économie. En fait, la politique européenne vise à créer une dépendance de la Grèce aux mesures de la BCE afin de la faire plier politiquement.

     

    Que peut faire Tsipras ?

    Le Ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, a refusé l’option d’un contrôle des capitaux qu’a proposé le président de l’Eurogroupe. On comprend parfaitement pourquoi : il sait très bien que cela ne règlera pas le problème. Mais, ce faisant, il commet une erreur, peut-être parce qu’il continue de raisonner en spécialiste de théorie des jeux (ce qu’il est). En fait, nous ne sommes plus dans le cadre strict de la théorie des jeux mais dans celle des choix stratégiques. La question est alors de prendre des décisions qui permettront de faire face à la crise des liquidités sans fermer nécessairement toutes les portes possibles à la négociation. Ici, c’est la métaphore du Judo qui s’impose. Quand vous affrontez un adversaire plus gros et plus lourd que vous vous devez vous servir de son inertie pour le terrasser. Cela implique de faire deux choses :

     

    • (a). Accepter l’idée d’un contrôle sur les capitaux de court terme, puisque cette idée est « offerte » par le Président de l’Eurogroupe.
    • (b) Mais, dans le même temps, lier cette décision avec une réquisition de la Banque Centrale de Grèce, la mettant temporairement aux ordres du gouvernement pour qu’elle puisse alors alimenter en liquidités les banques grecques et réinjecter de la monnaie dans l’économie.

     

    Il faut à cet égard faire bien attention à deux choses. La première est que le système de la BCE n’a nullement supprimé les Banques Centrales nationales. En faits, une partie des mesures prises par la BCE est exécutée par ces Banques Centrales. Ces dernières peuvent parfaitement faire des prêts en Euro aux banques commerciales, voir ouvrir des comptes spéciaux pour prêter directement aux entreprises. La seconde est que les traités garantissant l’indépendance des Banques Centrales comme préalable à l’Union Economique et Monétaire, traités qui ont été inscrits dans la loi de chaque pays membre de l’UEM, font partie de l’ensemble des traités européens pris depuis le Traité de Rome de 1957. Or, ces traités admettent des mesures d’urgence temporaire. Ainsi, une réquisition pour une période donnée (6 mois par exemple) ne remettrait pas la loi ni le traité en cause. Cette réquisition peut être prise par décret (donc sans vote au Parlement). Elle implique la nomination d’un administrateur provisoire, qui fera fonction de gouverneur de la Banque Centrale durant la période de réquisition.

     

    Quelles conséquences ?

    Il est clair que si le gouvernement grec annonçait à ses partenaires qu’il accepte le contrôle des capitaux mais qu’il le double d’une réquisition de la Banque Centrale pour faire face à la pénurie de liquidités, cela provoquerait un choc politique majeur. Légalement, la Grèce pourrait faire valoir qu’elle se situe toujours dans le cadre de l’UEM et que seule une situation « de force majeure » l’a contrainte à cette mesure conservatoire. C’est d’ailleurs l’argumentaire juridique dont l’Eurogroupe a usé en 2013 quand il a imposé à Chypre un contrôle des capitaux. Le contrôle des capitaux est normalement interdit dans le cadre de l’UEM, mais l’Eurogroupe avait considéré qu’il y avait là un « cas de force majeure » qui conduisait, de manière temporaire, à passer outre aux règles de l’UEM. Cet argument serait alors réutilisé par la gouvernement grec contre l’Eurogroupe, mais en se basant sur la jurisprudence établie par l’Eurogroupe. C’est cela le judo monétaire (et juridique) !

     

    Dès lors la balle serait dans le camp de l’Eurogroupe.

     

    Soit ce dernier décide d’exclure de fait la Grèce de la zone Euro, en interdisant la circulation des « Euro grecs » dans le reste de la zone Euro. Mais alors, le gouvernement grec serait parfaitement habilité à faire défaut sur sa dette. Or, dans ce cas, il se retrouve dans une situation où il bénéficie d’un excédent budgétaire (hors paiements de la dette), d’un solde de la balance commercial équilibré, et il n’a donc plus besoin des financements de la zone Euro. De plus, dans cette situation, et compte tenu de la dépréciation d’environ 20% de la nouvelle monnaie grecque à laquelle il faut s’attendre, les investissements étrangers (en particulier les investissements directs) serait rapidement importants, en provenance des BRICS mais aussi des pays du Golfe voire des Etats-Unis. La Grèce n’a donc rien à craindre de cette situation.

     

    Soit l’Eurogroupe accepte les mesures de la Grèce, qui peut donc émettre des euros librement, pour une période de 6 mois, dans le cadre de la zone Euro. Cela laisse du temps pour renouer les fils de la négociation.

     

    Penser politique.

    Il est important que le gouvernement grec adopte dans ce conflit avec l’Eurogroupe une pensée politique. Il doit très explicitement faire sentir à l’Eurogroupe toutes les conséquences politiques d’une attitude intransigeante. Une Grèce expulsée de force de l’UEM serait une Grèce qui se rapprocherait très vite de la Russie. De plus, au niveau interne, elle affirmerait sa souveraineté dans le cadre d’une action « exceptionnelle ».

    LA SUITE ICI

    Source et notes ici

     

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  • l’Euro, l’Europe et la paix

     

    Par

    L’un des arguments les plus utilisés pour critiquer tout ce qui touche de près ou de loin à une dissolution de l’Euro (qu’il s’agisse du GREXIT ou d’autres hypothèses) est que ceci affaiblirait considérablement l’Union Européenne, voire provoquerait sa dissolution. En disant cela, les personnes qui défendent cet argument glissent d’un constat analytique (une crise de l’Euro ou plus précisément de l’UEM/Union Economique et Monétaire/parfois désignée sous ses initiales en anglais ou EMU) provoquerait un crise de l’UE) à un argument prescriptif : l’UE étant un « bonne chose », il faut défendre l’Euro car ce dernier est l’ultime défense de l’UE. En fait, cet argument doit être déconstruit. Il faut regarder les liens tant juridiques que fonctionnels qui existent entre l’UE et l’Euro (l’EMU/UEM), puis discuter des arguments qui concernent directement l’UE.

     

     

    Zone Euro et Europe.

     

    L’Union Economie et Monétaire (la « zone Euro ») n’est pas l’UE. C’est une évidence, mais il convient de le rappeler. Un certain nombre de pays n’ont pas voulu ou pas pu adhérer à l’EMU. Certains sont des « membres historiques » de l’Union Européenne. Ainsi, le Danemark, qui a voté non au traité de Maastricht, a obtenu quatre dérogations dont l’une sur la monnaie unique. Ce pays a refusé l’Euro par référendum en septembre 2000. La Suède a, quant à elle, aussi refusé l’adoption de l’Euro par référendum en septembre 2003. Enfin, le Royaume-Uni possède une dérogation permanente qui lui permet de ne pas adhérer à la zone euro. Par ailleurs, parmi les nouveaux membres de l’UE, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque et la Pologne n’ont pas communiqué de date butoir ou éventuelle quant à leur adhésion à la zone euro. La Hongrie quant à elle espère rejoindre la zone euro au plus tôt en 2020 et la Roumanie en 2018. On peut donc parfaitement être membre de l’UE sans l’être de la zone Euro. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi une sortie individuelle de l’Euro ou une dissolution de la zone Euro, remettraient en cause l’Union Européenne.

     

    Il est cependant vrai que l’UEM a été conçu par certains comme une institution fédérale devant s’imposer progressivement à tous les pays de l’UE. En fait, deux conceptions se sont affrontées dès la constitution de l’UEM. Une conception, défendue par des économistes français (Pisani-Ferry[1] ou Aglietta[2]), voulait que cette « Union » s’accompagne rapidement d’une union fiscale et d’une union sociale. Telle était bien la vision de Jacques Delors. Une autre conception a cependant prévalu, celle d’un pacte de stabilité avec une surveillance multilatérale assez faible, reposant sur l’idée que la tache de gérer ses finances publiques et son économie devait revenir à chacun des gouvernements[3]. En réalité, les gouvernements se sont opposés à la conception intégratrice de Delors pour diverses raisons. Le gouvernement allemand parce qu’il comprenait bien que si l’UEM lui apportait des avantages considérables, en le mettant à l’abri des dévaluations de ses partenaires et en garantissant un taux de change plus faible que celui du Deutschemark, il ne voulait nullement entre dans la logique d’une Union de Transferts. On sait que pour qu’une zone monétaire puisse fonctionner correctement en dépit de la forte hétérogénéité des pays membres, il faut que des transferts financiers importants aient lieu. Les autres pays, comme la France et l’Italie, se sont aussi opposés à cette vision intégratrice pour des raisons essentiellement politiques.

     

    La crise que nous connaissons depuis 2008 a provoqué un durcissement de ces positions. L’Allemagne est, plus que jamais opposée à une Union de Transferts, mais elle a réussi à imposer sa propre logique de gestion par les divers « pactes » de solidarité qui ont été signés depuis 2011[4]. C’est ce que l’on appelle le « six pack ». Ceci a été consolidé dans le TSCG signé en 2012[5], et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Ces traités ne font que renforcer les mécanismes d’austérité que enserrent les économies européennes. De ce point de vue, il faut considérer que seule une sortie de l’UEM, parce qu’elle invaliderait les différents traités, est susceptible de sortir un pays de l’ensemble des traités signés depuis l’origine. Mais, une sortie généralisée (ou une dissolution de l’UEM) mettrait fin aux règles décidant de la politique économique dans les principaux pays de l’UE.

     

    On peut donc considérer que si l’Euro n’est pas l’UE, ce que l’on appelle actuellement « l’euro-austérité », soit l’ensemble des politiques mises en place dans les différents pays, est directement lié à l’Euro. La remise en cause de ce dernier entraînera nécessairement une remise à plat de ces politiques.

     

    Dissoudre l’Euro, dissoudre l’Europe ?

     

    Il n’en reste pas moins qu’une interrogation hante les esprits des anciens européistes : si l’on dissout l’Euro ne risque-t-on pas de dissoudre l’Union européenne ? On peut comprendre d’où vient l’idée. Ces ex-européistes, ou « euro-réalistes » comme ils se nomment parfois, reconnaissent les erreurs qui ont été commises, que ce soit dans la conception de l’Euro que dans sa mise en œuvre. Mais ils ajoutent que le remède évident risquerait d’être pire que le mal, en ceci qu’une dissolution de l’Euro risquerait d’entrainer celle de l’UE. En fait, on peut leur retourner la question.

     

    De nombreuses voix, qu’il s’agisse d’économistes ou de sociologues, disent aujourd’hui que c’est l’existence même de l’Euro qui met en péril l’Union européenne. Il y a eu des textes techniques, comme celui de Stefan Kawalec and Ernest Pytlarczyk[6], ou encore celui de Brigitte Granville et H-O Henkel[7], ou encore celui de Flassbeck et Lapavitsas[8]. Plus récemment c’est Stefano Fassina, économiste du Parti Démocrate Italien (dont Renzi est issu), et ancien vice-ministre à l’Économie et aux Finances dans le gouvernement Letta, qui a franchi Rubicon[9]. De même Wolfgang Streeck, un sociologue et économiste a publié dans Le Monde une longue tribune pour indiquer que l’Europe doit abandonner la monnaie unique[10]. Ce dernier montre bien que quand Mme Merkel dit « Si l’Euro échoue, l’Europe échoue », elle ne fait pas que défendre la position de l’Allemagne. Elle exprime aussi la crainte des élites allemandes d’être à nouveau accusées de « casser l’Europe » comme ce fut le cas en 1914 et en 1939.

     

    On lit souvent des formules intellectuellement affligeantes telles que « l’Euro c’est paix sur le continent européen » ou encore « l’Euro, c’est l’Europe ». Ce sont des injures à l’intelligence qui montrent un mépris de l’histoire et de ses réalités. La paix sur le continent européen tout d’abord n’est que partielle. On l’a vu dans les Balkans. Mais, si la paix est par contre bien établie en Europe occidentale, on le doit à la combinaison de deux faits, la dissuasion nucléaire et la réconciliation franco-allemande, elle-même fruit du travail que les Allemands ont réalisé sur leur propre histoire. Rien de tout cela n’est lié, de près ou de loin, à l’Euro. Par ailleurs, n’oublions pas que sur les 27 pays de l’Union européenne seule une partie d’entre eux d’entre eux font partie de la zone Euro. Une fois litière faite de ces contrevérités, on peut tenter une analyse dépassionnée de la question de la coopération et du conflit.

     

    Coopération ou coordination ?

     

    L’union monétaire est présentée comme une avancée dans la voie de la coopération entre États européens, ce qu’elle est indiscutablement. Mais elle n’est pas viable dans sa forme actuelle. Les pays de la zone Euro sont très loin de constituer une « zone monétaire optimale » et ce quelque soit le sens que l’on donne à cette notion. Les divergences structurelles entre les économies qui la composent, qui étaient déjà importantes au départ, se sont en fait accrues depuis 2002-2003. Il faudrait un effort budgétaire considérable de la part des plus riches pour harmoniser cette zone. Le maintien dans l’Euro est une politique qui porte en elle les ingrédients pour un renouveau du conflit franco-allemand mais aussi des divers conflits intra-européens. Au contraire, une sortie de l’Euro, qu’il s’agisse de la France ou de l’Allemagne ou des relations entre l’Allemagne et les autres pays (Grèce, Italie), permettrait de dédramatiser ces relations

     

    On tend souvent à la confondre avec la coopération. Or, il s’agit bien de deux concepts distincts. Le premier indique une volonté consciente des deux parties à obtenir un résultat commun. Le second indique que les effets de la politique menée séparément par chaque acteur peuvent aboutir à ce résultat commun. La coopération, si elle touche à des questions fondamentales, implique une mise en phase des cycles politiques dans un grand nombre de pays, une occurrence fort rare. Elle n’est réellement possible que pour un petit nombre de pays et implique un niveau d’homogénéité élevé. La coordination repose, quant à elle, sur des présupposés beaucoup plus réduits. Elle suppose qu’un pays réagisse à l’action d’un autre et que, d’action en réaction, à travers des mécanismes largement implicites, puisse se dégager un but commun.

     

    Retrouver la coordination impose de cesser de rêver à une impossible coopération. La volonté seule de coopérer ne suffit pas. Encore faut-il que les circonstances et que le rapport de forces s’y prête. Or, un pays – l’Allemagne – bénéficie trop de la situation actuelle pour vouloir en changer. Mais la volonté de coopérer fait aussi écran à l’établissement, possible et immédiat, de politiques de coopération.

     

     

     

    Notes

     

    En réalité, l’obsession de défendre l’Euro est en train de faire éclater l’Union européenne. Ce processus avait été décrit il y a près de 3 ans dans le livre Faut-il sortir de l’Euro ?[11] Il faut prendre la mesure de ce que cela implique. Plus longtemps nous resterons prisonniers de l’Euro et plus violents seront effectivement les soubresauts qui accompagneront la sortie de l’Euro. Le risque d’un nouveau conflit européen devient chaque mois qui passe de plus en plus évident. Si nous voulons préserver la paix en Europe il nous faut dissoudre l’Euro.

     

     

     

    [1] Jean Pisani-Ferry, Le réveil des démons (La crise de l’euro et comment nous en sortir), Fayard, 2011

     

    [2] Michel Aglietta, Zone Euro (éclatement ou fédération), Michalon, 2012

     

    [3] Jérôme Vignon, « Trois visions pour un gouvernement économique de l’Europe », La Croix, 23 février 2010

     

    [4] Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro du 25 mars 2010

     

    (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/113564.pdf ); Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, 11 juillet 2011, http://www.eurozone.europa.eu/media/582863/06-tesm2.fr12.pdf

     

    [5] Voir « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire », http://www.senat.fr/cra/s20121011/s20121011_mono.html

     

    [6] Kawalec S., et Pytlarczyk E., « How to Contain Risks Throughout the Process of the Eurozone Dismantlementand Rebuild Confidence in the Future of the European Union », mai 2013, texte pour la 10th EUROFRAME Conference on Economic Policy Issues in the European Union

     

    [7] Granville, B., H.‐O. Henkel and S. Kawalec, ‘Save Europe: Split the Euro’, Bloomberg View, 15 mai 2013. http://www.bloomberg.com/news/2013‐05‐14/save‐europe‐split‐the‐euro.html

     

    [8] Flassbec H, Lapavitsas C., « THE SYSTEMIC CRISIS OF THE EURO –TRUE CAUSES AND EFFECTIVE THERAPIES », Rosa Luxemburg Stiftung, mai 2013.

     

    [9] http://www.lastampa.it/2015/02/24/multimedia/italia/fassina-pdla-grecia-esca-dalleuro-q93wq2qG2AlhCuZLRC5FkM/pagi et

     

    http://ideecontroluce.it/liceberg-e-sempre-piu-vicino/

     

    [10] Streeck W., « L’Europe doit abandonner la monnaie unique », Le Monde, mardi 3 mars 2015, p. 16.

     

    [11] Sapir J., Faut-il sortir de l’Euro, La Seuil, Paris, 2012.

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  • L’intérêt d’une sortie de l’Euro

     

    Par Jacques Sapir

     

    On sait que dans un système de monnaie unique (une Union Monétaire) comme la zone Euro, les pays membres ne peuvent dévaluer les uns par rapport aux autres. Une dépréciation (ou une appréciation) de la monnaie ne peut survenir qu’entre l’ensemble de la zone et le « reste du monde ».

     

    Dans cette Union Monétaire, un problème majeur est celui de l’évolution de la compétitivité des pays membres. Les pays ne peuvent désormais plus corriger des écarts de compétitivité par des dépréciations monétaires. Cette compétitivité peut se calculer par rapport à l’économie dominante de l’Union Monétaire, dans le cas de l’Euro l’Allemagne. Si l’on veut mesurer l’effet de l’Union Monétaire sur l’économie des pays considérés, il faut regarder comment cette compétitivité a pu évoluer depuis la date d’entrée en vigueur de l’Union Monétaire.

     

    La question de la compétitivité.

     

    Dans le cas de la Zone Euro, ce problème de la compétitivité relative des pays est aujourd’hui un problème majeur. La compétitivité relative évolue alors, depuis la date d’entrée en vigueur de l’UEM (1999), en fonction :

     

    1. Des différences dans les rythmes d’inflation.
    2. Des différences dans les gains de productivité.
    3. Des différences dans la pression fiscale pesant sur les entreprises, sauf si une Union Fiscale a été décrétée.
    4. Des différences dans les taux de salaires directs et indirects (incluant les prestations sociales) sauf si une Union Sociale a été décrétée.
    5. De la montée en gamme de l’ensemble de la production du pays considéré par rapport à l’économie dominante.

     

    On peut noter qu’un seul de ces facteurs s’apparente à une compétitivité « hors coût ». En fait, l’ensemble des études disponibles sur la zone Euro tend à montrer que la compétitivité « hors coût » a un rôle relativement faible, de 10% à 30% suivant les pays. Il faut aussi signaler que, en absence d’une Union Fiscale et d’une Union Sociale, les gouvernements vont être tentés de mettre en œuvre des politiques de dévaluation interne (faire baisser le salaire soit de manière relative soit de manière absolue) ou d’alléger le fardeau fiscal pesant sur les entreprises. Dans le premier cas, cela comprime fortement la demande intérieure, et peut conduire à une récession importante si la demande extérieure ne peut se substituer à la demande défaillante. Dans le deuxième cas, cela peut conduire à des politiques fiscales qui soit vont se traduire par une dette publique croissante, soit vont avoir pour effet une forte réduction des dépenses publiques, ce qui aura à terme des effets négatifs sur la santé et l’éducation de la population, et entrainera une chute des gains de productivité.

     

    En fait, la question des gains relatifs en inflation et en productivité permet de déterminer l’ampleur nécessaire de la dévaluation interne et des transferts de charges au profit des entreprises et au détriment des ménages qu’il faut réaliser si l’on veut maintenir le niveau initial de compétitivité. On peut en déduire le freinage de l’activité qui en résulte. De fait, cette question de la compétitivité se transforme pour la plupart des pays d’une Union Monétaire en un biais dépressif important, ce qui avait été noté dès 2007 par Jorg Bibow[1].

     

    C’est pour estimer cet effet, et le coût potentiel sur la croissance qui en résulte que l’on va considérer l’évolution de deux facteurs de la productivité, sur les pays de l’Europe du Sud. On présente donc ici l’évolution de l’inflation et de la productivité dans 4 pays (Espagne, Grèce, Italie et Portugal) pour chercher à estimer l’ampleur des autres ajustements nécessaires si ces pays veulent rester en Union Monétaire avec l’Allemagne.

     

    La question de l’Inflation.

     

    On considère que les taux d’inflation sont un bon indicateur de la hausse des prix pour l’ensemble de l’économie, ce qui est bien entendu une approximation. Pour être très précis il faudrait distinguer les secteurs exportateurs, les secteurs exposés à la concurrence sur le marché intérieur et les secteurs fonctionnant dans des conditions de protection relative par rapport à la concurrence étrangère. On a donc utilisé dans cette étude les taux d’inflation figurant sur la base de donnée du FMI. Dans le cas de la zone Euro, nous obtenons pour les 4 pays choisis les chiffres suivants, en comparaison avec les taux d’inflation en Allemagne.

     

    Tableau 1

     

    Inflation

    Ecarts avec le taux d’inflation cumulé de l’Allemagne

     

    Grèce

    Italie

    Portugal

    Espagne

    1999

    0

    0

    0

    0

    2000

    2,00%

    1,03%

    1,54%

    1,61%

    2001

    3,81%

    2,22%

    2,98%

    3,74%

    2002

    5,44%

    2,70%

    5,67%

    4,79%

    2003

    8,01%

    4,09%

    8,30%

    7,30%

    2004

    10,94%

    6,09%

    10,93%

    9,71%

    2005

    12,43%

    6,73%

    11,96%

    11,35%

    2006

    14,63%

    7,19%

    12,44%

    13,32%

    2007

    16,66%

    7,83%

    14,21%

    15,75%

    2008

    17,83%

    7,71%

    14,71%

    16,83%

    2009

    20,19%

    8,86%

    15,00%

    19,13%

    2010

    21,60%

    9,56%

    13,53%

    18,53%

    2011

    26,83%

    10,29%

    13,99%

    19,96%

    2012

    28,72%

    11,07%

    15,76%

    21,23%

    2013

    28,38%

    12,88%

    16,99%

    22,13%

    2014

    24,95%

    12,64%

    15,61%

    22,37%

     

    Source : Base de donnée du FMI.

     

    On voit que l’inflation est à peu de choses près la même pour la Grèce, l’Espagne et le Portugal de 1999 à 2007. L’écart s’ouvre largement avec l’Allemagne. Puis, l’inflation tend à ralentir au Portugal qui stabilise sa position par rapport à l’Allemagne, tandis qu’elle continue d’augmenter, par rapport aux rythmes allemands, pour l’Espagne et la Grèce et ce jusqu’en 2010. Ce n’est qu’à partir de cette date que l’on note une divergence dans l’écart d’inflation avec l’Allemagne. Il tend à se stabiliser en Espagne alors qu’il augment très brutalement (2011 et 2012) en Grèce, avant de diminuer en 2013 et 2014.

     

    Graphique 1

     

     

    A-InflaCompar.jpg

     

    Source : base de données du FMI

     

    Il est cependant clair que les dynamiques inflationnistes ont été relativement similaires entre l’Espagne, la Grèce et le Portugal jusqu’en 2007. Après, l’application de programmes d’austérité a eu des effets différents, provoquant une baisse rapide de la croissance de l’écart en Espagne, et au contraire une poussée d’inflation en Grèce, avant que la brutalité des politiques préconisées par la « Troïka » ne provoque une réduction de cet écart sur les deux dernières années.

     

    Le cas de l’Italie est assez différents des trois autres pays, mais n’est pas non plus sans poser problèmes. L’écart du taux d’inflation avec l’Allemagne est régulièrement en hausse de 1999 à 2013. Certes, les rythmes sont moins rapides que pour les trois autres pays, mais l’Italie voit son écart d’inflation avec l’Allemagne augmenter de plus de 12% au total en 2013 ce qui, sans l’EMU, aurait conduit à une dépréciation monétaire du même ordre.

     

    Un problème se pose : l’écart entre les dynamiques inflationnistes est important (de 25%pour la Grèce à 12,5% pour l’Italie) et durable. Or, ces pays sont censés avoir la même politique monétaire que l’Allemagne puisque la politique monétaire est le fait de la BCE et non plus des institutions monétaires nationales. Même si l’on accepte l’idée d’une « mémoire » dans les anticipations d’inflation[2], on aurait dû connaître vers 2004/2005 un alignement des rythmes d’inflation sur l’Allemagne, entraînant des courbes (graphique 1) a peu près plates. Or, ce n’est pas le cas. Ceci constitue à la fois un argument pour montrer que l’inflation peut avoir une composante non-monétaire[3], mais aussi pour montrer la folie qu’il y avait de vouloir réaliser l’Euro (l’EMU) avec des pays dont les structures économiques étaient si différentes[4].

     

    La question de la productivité.

     

    Néanmoins, l’écart entre les rythmes d’inflation entre les 4 pays et l’Allemagne aurait pu être compensé si les gains de productivité du travail avaient été plus rapides dans ces pays qu’en Allemagne. Aussi, on regarde maintenant l’évolution de l’écart des gains de productivités, à partir des statistiques de l’OCDE. Ici encore, il y a des imprécisions statistiques, qui portent sur le calcul précis des heures ouvrées. Mais, l’utilisation des données de l’OCDE nous a semblé une meilleure garantie d’homogénéité des données entre les différents pays que le calcul à partir des données nationales.

     

    Tableau 2

     

    Productivité

    Ecarts avec la croissance cumulée de la productivité en Allemagne

     

    Grèce

    Italie

    Portugal

    Espagne

    1999

    0

    0

    0

    0

    2000

    1,84%

    0,80%

    0,74%

    -0,73%

    2001

    3,29%

    -1,51%

    -1,26%

    -2,11%

    2002

    3,72%

    -3,43%

    -1,57%

    -2,20%

    2003

    9,02%

    -5,11%

    -2,30%

    -2,59%

    2004

    11,37%

    -4,53%

    -0,75%

    -3,42%

    2005

    8,33%

    -5,08%

    -0,55%

    -4,76%

    2006

    9,37%

    -8,28%

    -2,71%

    -7,82%

    2007

    9,88%

    -9,81%

    -1,78%

    -8,84%

    2008

    8,49%

    -10,48%

    -1,46%

    -6,99%

    2009

    10,24%

    -8,11%

    4,31%

    2,42%

    2010

    3,28%

    -9,60%

    4,33%

    1,08%

    2011

    -2,98%

    -11,79%

    1,54%

    0,01%

    2012

    -0,41%

    -13,22%

    3,18%

    3,04%

    2013

    0,11%

    -12,79%

    5,27%

    5,44%

    2014

    -0,12%

    -13,67%

    3,18%

    4,84%

     

    Source :

     

    OECD Economic Outlook, Volume 2014 Issue 2 – © OECD 2014

     

    Annexe : Table 12.   Labour productivity in the total economy

     

    Note: Productivité du travail mesurée par unité du PIB par personne employée.

     

    On constate ici des évolutions très divergentes. L’écart dans le domaine des gains de productivité avec l’Allemagne apparaît très important pour l’Italie et l’Espagne. Par contre, la Grèce améliore sa position de 1999 à 2004 (apportant ainsi un démenti cinglant à tous ceux qui, outre Rhin ont qualifié les travailleurs grecs de « cueilleurs d’olives »), tandis que le Portugal a une croissance de la productivité comparable à celle de l’Allemagne.

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