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Europe - Page 11

  • Grèce : l'ultimatum des créanciers fait « pschitt »

     

    Alexis Tsipras a rejeté l'offre des créanciers, mais les discussions se poursuivent. L'ultimatum est donc déjà caduc. Mais le nœud gordien des négociations demeure : les retraites.

     

    La réunion entre le premier ministre grec Alexis Tsipras et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a donc échoué mercredi 3 juin (2015) au soir. Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe, convoqué pour retranscrire les termes d'un éventuel accord et convoquer dans la foulée une réunion des ministres des Finances de la zone euro, est donc reparti sans rien avoir à faire. Le blocage persiste, mais les discussions, affirme-t-on, vont continuer.

     

    L'échec de cette énième « rencontre de la dernière chance » et le fait même que les discussions continuent prouvent en tout cas que la manœuvre des créanciers consistant à proposer une « dernière offre » à Athènes qui serait « à prendre ou à laisser » a d'ores et déjà échoué. Cette forme dérivée d'ultimatum puisque la date limite n'était pas fixée officiellement, mais basée sur les échéances de remboursement de la Grèce n'a pas davantage été suivie d'effet que le précédent ultimatum de fin mars lorsque les créanciers avaient enjoints Athènes de présenter une « dernière » liste de réformes... avant d'en demander d'autres.

     

    Un plan en forme de provocation

     

    Ce plan soumis par les créanciers mercredi 3 juin au gouvernement grec était, il est vrai, inacceptable pour Alexis Tsipras et son gouvernement. Même le quotidien conservateur Ta Nea titre ce jeudi matin sur une « taxe de sang pour un accord. » Ce plan, fruit de pénibles discussions entre les représentants de la zone euro et du FMI, était une véritable provocation. Certes, il assouplit les objectifs d'excédents primaires (hors service de la dette) par rapport au plan de 2012 : 1 % du PIB en 2015 au lieu de 3 %, 2 % en 2016 au lieu de 4,5 %. Mais compte tenu de la dégradation de la conjoncture, ces objectifs signifiaient encore des coupes budgétaires massives.

     

    Les créanciers réclament aussi une modification du régime de la TVA, avec deux taux au lieu de trois. Un taux principal qui demeure à 23 % et un taux « unifié » à 11 % qui regroupe les deux taux réduits actuels de 13 % et 6,5 %. Ceci signifie que les produits de base et l'énergie verraient leur taux de TVA passer de 6,5 % à 11 %. Enfin, les créanciers réclament une suppression des exemptions pour les îles de l'Egée. En tout, la TVA sera alourdie de 1,8 milliard d'euros. Enfin, les créanciers exigent des coupes dans les retraites dès juillet, de 0,25 % à 0,5 % du PIB pour 2015 et 1 % du PIB en 2016. Et le report de la retraite complémentaire pour les pensionnés les plus faibles jusqu'en 2016.

     

    C'était imposer une nouvelle cure d'austérité à l'économie grecque et affaiblir encore les plus fragiles. Et c'était donc aussi chercher à provoquer l'aile gauche de Syriza et à obtenir sa dissidence par la volonté nette « d'enfoncer » les « lignes rouges » sur les retraites du gouvernement Tsipras. Le premier ministre le sait, il a donc rejeté immédiatement ce plan. Ce jeudi 4 juin au matin, le gouvernement grec a donc rejeté officiellement le plan des créanciers : « ce n'est pas une base sérieuse de discussion. » Dès mercredi soir, avant son départ pour Bruxelles, Alexis Tsipras avait assuré que « à la fin de la journée, la seule option réaliste restera le plan grec. » Ce dernier, soumis le lundi 1er juin aux créanciers, prévoit des excédents primaires de 0,8 % du PIB cette année et 1 % l'an prochain, une réforme « neutre » de la TVA et la suppression des schémas de départ en préretraites.

     

    Bluff de l'ultimatum

     

    Le premier ministre hellénique a donc fait preuve de sang-froid et a, de facto, rejeté « l'ultimatum. » Si cet ultimatum en était réellement un, il n'y aurait plus de discussions possibles. Or, ce n'est pas le cas. Alexis Tsipras a même fait preuve de bonne volonté en annonçant que la Grèce paiera son échéance de 300 millions d'euros environ au FMI vendredi 5 juin, ce qui permet de poursuivre les discussions. C'est clairement une volonté de ne pas « rompre » avec les créanciers, mais c'est aussi la preuve qu'on peut discuter la proposition des créanciers, ce qui est l'inverse de la définition d'un ultimatum. Mercredi, le porte-parole du groupe parlementaire de Syriza, Nikos Fillis, avait prévenu qu'il n'y aurait pas de paiement « sans perspective d'un accord. » Il faut donc considérer qu'il y a une telle perspective. Selon Dow Jones, le premier ministre grec pourrait faire une contre-proposition. Tout ceci signifie donc que cet ultimatum n'en était pas un. C'était un bluff destiné à forcer la décision des Grecs.

     

    Premières concessions des créanciers

     

    En réalité, les créanciers semblent de plus en plus désemparés par la fermeté grecque. Ils lancent des ultimatums, mais ne peuvent accepter de tirer les leçons d'un rejet de ces derniers, autrement dit provoquer le défaut grec. Peu à peu, leur position de faiblesse devient plus évidente. Et ils commencent à reculer. Selon le Wall Street Journal, les créanciers abandonneraient désormais leurs exigences de réductions d'effectif dans la fonction publique et de réformes du marché du travail. Ce dernier point était une des « lignes rouges » du gouvernement grec qui obtient ici une nette victoire. De plus, selon France 24, François Hollande et Angela Merkel auraient accepté, mercredi soir, dans une discussion téléphonique avec Alexis Tsipras, qu'il fallait abaisser les objectifs d'excédents primaires. Ce pourrait être une ouverture pour accepter les objectifs helléniques.

     

    Des concessions contre des coupes dans les pensions ?

     

    Qu'on ne s'y trompe pas cependant : ces concessions pourraient n'être qu'un moyen d'arracher l'acceptation par Athènes de ce qui apparaît comme le nœud gordien de ces discussions : la réforme des retraites et les coupes dans les pensions. Il devient progressivement de plus en plus évident que le camp qui cèdera sur ce point aura perdu la partie en termes de communication. L'obsession des créanciers pour la réduction des pensions en a fait un sujet clé. Or, socialement et politiquement, le gouvernement Tsipras ne peut accepter ces mesures. « La question des retraites est un sujet des plus symbolique non seulement pour les citoyens grecs, mais aussi pour un gouvernement qui se dit de gauche », affirme une source proche du gouvernement à Athènes qui ajoute : « pour le gouvernement, une nouvelle réduction des retraites est absolument exclue. » Le gouvernement grec ne semble donc pas prêt à « négocier » les retraites contre l'abandon des exigences concernant le marché du travail. Car si le système de retraite grec est difficilement tenable à long terme (mais les systèmes allemands et français le sont tout autant), si même dans le gouvernement grec, on convient à demi-mot qu'il faudra sans doute le réformer un jour, il est impossible d'y toucher aujourd'hui. Pour deux raisons.

     

    Pourquoi Alexis Tsipras ne peut céder sur les retraites

     

    La première est sociale. Tant que le chômage est élevé et que le taux d'indemnisation des chômeurs est faible (14 %), les retraites ont une fonction sociale centrale. Elles permettent de faire jouer la solidarité familiale. C'est un amortisseur incontournable. Baisser à nouveau les retraites ne frappera donc pas que les retraités, cela frappera toute la société et notamment les jeunes dont le taux de chômage, rappelons-le, est de 60 %. La réforme des retraites ne peut donc intervenir dans cette situation. Il faut d'abord recréer les conditions de la croissance et de la reprise de l'emploi. La seconde raison est politique. Baisser les pensions dès la première année pour un gouvernement de gauche, c'est faire ce qu'Antonis Samaras avait refusé. C'est donc abandonner symboliquement son positionnement de gauche. Nouvelle Démocratie et le Pasok auront beau jeu de prétendre qu'ils défendaient mieux les retraités et les chômeurs que Syriza. Ce serait aussi inévitablement conduire Syriza à la rupture, beaucoup au sein du parti estimant, non sans raison, qu'il s'agit là d'une trahison et que, dans les futures élections, il faudra s'être présenté comme un défenseur des retraités. Alexis Tsipras ne peut accepter ces deux conséquences. Il est donc peu vraisemblable qu'il cède sur ce point.

     

    Blocage

     

    Bref, comme le signale la source athénienne déjà citée : « le gouvernement acceptera tout accord qui sera ressenti comme un progrès par rapport à la situation d'avant le 25 janvier. » Autrement dit, le gouvernement grec ne peut accepter d'accord avec des baisses dans les pensions. Mais, on l'a vu, les créanciers, n'ont désormais pour but principal que cette question des retraites. Le blocage semble donc total et les créanciers, eux, pourraient être tentés par un « report à plus tard » des discussions, mais pour cela, il faut trouver un moyen de financer les quelques 12 milliards d'euros que la Grèce doit payer d'ici à septembre prochain. Or, verser les fonds à Athènes sans accord serait aussi une défaite symbolique pour les créanciers...

     

    Biais idéologique

     

    En réalité, ce blocage n'est dû qu'à ce biais idéologique que portent les créanciers et qui centre la solution sur une vision comptable de l'économie. La solution au problème des retraites, comme aux autres maux de la Grèce, est pourtant ailleurs : il est dans la relance de l'économie grecque, dans sa reconstruction, dans la restructuration de sa dette publique et privée et dans la lutte active contre le chômage. Dès lors, une réforme des retraites deviendra possible. Mais la situation semble avoir échappé à toute logique. Et c'est bien pourquoi Alexis Tsipras estime que seul le plan grec est une base « réaliste » à la discussion

    Romaric Godin

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  • Les «indignés» remportent Barcelone, la droite dégringole

     

     
    Sources :

     

    http://www.mediapart.fr/journal/international/250515/les-indignes-remportent-barcelone-la-droite-degringole

    Par Ludovic Lamant

    Les candidatures citoyennes, héritières de l'esprit « indigné », sont les grandes gagnantes des municipales de dimanche, avec, en particulier, une victoire nette à Barcelone d'Ada Colau. La mairie de Madrid pourrait aussi basculer, à l'issue de négociations avec les socialistes. Ces succès vont relancer la dynamique Podemos d'ici aux législatives de la fin d'année.

     

     

    Barcelone va devenir, avec une poignée d'autres villes, le laboratoire d'une autre manière de faire de la politique en Espagne. Quatre ans après le surgissement des « indignés » sur les places du pays en mai 2011, la candidature citoyenne emmenée par l'activiste Ada Colau, mêlant acteurs des mouvements sociaux et membres de syndicats et de partis politiques de gauche, est arrivée en tête des municipales dimanche à Barcelone, avec plus de 25 % des voix.
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    > « Je veux devenir maire, pour qu'il n'y ait plus de citoyens de première et de seconde zone », a déclaré Colau dans la soirée, devant des centaines de personnes scandant « Si, se puede » (« C'est possible »), l'un des slogans du mouvement du 15-M (en référence au 15 mai 2011, date de l'occupation des places). « C'est une victoire collective », a rappelé celle qui vient de « sortir » le maire de Barcelone, Xavier Trias (CiU, nationalistes catalans de droite), qui obtient 22,7 %.

    La une du « Periodico de Catalunya » dimanche soir.

    Le succès de Barcelona en Comu, qui s'explique en partie par une forte mobilisation des quartiers populaires de la ville (progression de 6 % de la participation par rapport à 2011), n'est pas isolé. Dans la capitale, la candidature de Ahora Madrid, une autre de ces plateformes citoyennes, emmenée par la juge Manuela Carmena, longtemps donnée en tête pendant la soirée, décroche la deuxième place (31,9 %). Mais celle qui arrive première, l'ultra-droitière Esperanza Aguirre (34 %), au cœur de plusieurs scandales de corruption, est isolée et devrait avoir du mal à former une majorité absolue sur son nom.
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    > Si bien que Carmena, 71 ans, reste la mieux positionnée pour s'emparer de la mairie de Madrid, dans le sillage de Colau à Barcelone. Elle devrait aller chercher le soutien des socialistes du PSOE, arrivé troisième, ce qui lui suffirait pour devenir maire et barrer la route d'« Espe ». « Nous devons continuer à convaincre tous ces gens qui n'ont pas voté pour le changement, parce que le changement est nécessaire à Madrid », a réagi Manuela Carmena dans la soirée.

    Ailleurs dans le pays, d'autres plateformes citoyennes, en chantier depuis le début d'année, ont aussi réalisé de très bons scores. Par exemple à Saragosse, la capitale de l'Aragon (deuxième position de Zaragoza en Comun, à un cheveu du PP, et avec des chances de gouverner), à la Corogne (légère avance de la « marée Atlantique », devant le PP) ou encore à Santiago, en Galice (courte victoire devant le PP). « Il y a un nouvel acteur sur l'échiquier, qui s'appelle le peuple », s'est félicité Iñigo Errejon, numéro deux de Podemos, lors d'un acte à Madrid dans la soirée. « Les grandes villes ont démontré qu'elles étaient le moteur du changement. Félicitations, Barcelone, Madrid et toutes les autres », s'est enthousiasmé, de son côté, Pablo Iglesias.
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    > Podemos avait choisi de faire l'impasse sur les municipales. Mais la formation d'Iglesias a soutenu les campagnes de Colau et Carmena (avec des candidats Podemos présents sur les listes), et des actes communs ont été organisés en mai. À l'inverse, Podemos a choisi de se présenter sous sa propre « marque » pour les 13 scrutins régionaux, qui se tenaient également dimanche.
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    > La nouvelle maire de Barcelone, Ada Colau, est une activiste de 41 ans, dont l'engagement remonte aux mouvements anti-G8 à partir de la fin des années 90, puis aux luttes pour le droit au logement dans les années 2000. Elle s'est fait connaître du grand public après avoir cofondé la PAH, la plateforme anti-expulsion, dès 2009 en Catalogne, peu après l'éclatement de la bulle immobilière. Ce réseau militant, fort de son expertise juridique, a permis de bloquer des centaines d'expulsions sur tout le territoire.

    Ada Colau dimanche soir: « Les villes, espaces de rébellion démocratique »


    > « De cette crise, personne ne sortira comme avant. Ce qui nous attend, c'est, au choix, un horizon féodal, avec une augmentation brutale des inégalités, une concentration sans précédent des richesses, de nouvelles formes de précarité pour la majorité des citoyens, expliquait Ada Colau dans un entretien à Mediapart en 2014. Ou alors, une révolution démocratique, où des milliers de personnes s'engagent, pour changer la fin du film. Cette opportunité, certains, comme Podemos, l'ont saisie à l'échelle nationale. Nous, il nous a semblé que Barcelone était le cadre idéal pour lancer cette démocratisation. »
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    > Tout au long de sa campagne, Colau a su se tenir à distance des débats passionnés sur l'indépendance de la Catalogne (les élections régionales en Catalogne n'auront lieu qu'en septembre). On trouve, dans la plateforme de Barcelona en Comu, des défenseurs acharnés de l'indépendance comme le Proces Constituent, et des figures moins « nationalistes » (à commencer par Colau elle-même). À la gauche du parti socialiste, seule la gauche indépendantiste plus radicale, la CUP, avait refusé de participer à cette plateforme citoyenne, qui englobe les écolos d'ICV, Podemos, et nombre d'associations et de mouvements catalans (lire notre reportage avec Ada Colau en octobre 2014).

    Affiche de campagne pour Ahora Madrid.

    Si la victoire de Colau face à Xavier Trias n'est pas une véritable surprise pour les observateurs (Colau était partie en campagne très tôt, en juin 2014, et sa campagne « prenait » depuis longtemps), le très bon résultat de Manuela Carmena, à Madrid, paraissait il y a encore un mois totalement hors de portée. Cette juge de 71 ans, connue pour ses combats pour les droits de l'homme, de la fin du franquisme jusqu'à la crise d'aujourd'hui, n'avait pas prévu de se lancer en politique, après avoir pris sa retraite. Mais elle s'est prêtée au jeu, inventant une forme de campagne inédite, faites de conversations à travers lesquelles elle a cassé un à un les codes de la « vieille politique » (lire notre reportage avec Manuela Carmena en mai 2015). Son score est d'autant plus remarquable qu'elle était aussi confrontée à une candidature d'une partie des écolo-communistes d'IU (4,1 %), désireux de conserver quelques sièges pour les barons locaux.

    Au-delà de ces succès « indignés », quelles leçons tirer de ces scrutins ? Le Parti populaire (le PP de Mariano Rajoy, chef du gouvernement) perd beaucoup de terrain (en recul de dix points par rapport aux municipales de 2011), sans s'effondrer tout à fait (il reste le premier parti, avec 27 % des voix). Il essuie de sévères revers dans des territoires clés, notamment Valence, où il devrait perdre la mairie, et aura du mal à conserver la communauté autonome. Il pourrait aussi perdre l'Aragon, si le PSOE, Podemos et Ciudadanos s'entendent. Tout comme la mairie de Madrid. Il se maintient plutôt en Castille-La Manche, la région de sa secrétaire générale, Maria Dolores de Cospedal, mais le jeu des pactes pourrait, là encore, l'écarter du pouvoir.
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    La « Une » de notre partenaire InfoLibre, sur la « débâcle » du PP.

    Le PSOE de Pedro Sanchez, lui, limite la casse face au surgissement des nouveaux partis, Podemos mais aussi Ciudadanos. Il obtient 25 % du total des votes aux municipales, contre 28 % environ lors du scrutin de 2011. Malgré ses échecs cinglants aux municipales à Madrid ou Barcelone, il reste devant Podemos dans les 13 communautés autonomes – un bon point qui devrait conforter l'autorité de Sanchez, un temps contestée, au sein du PSOE.
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    > Quant à Ciudadanos, le parti centriste d'Albert Rivera, il confirme son ancrage dans le paysage (6,4 % des voix pour les municipales, avec de bons scores à Madrid ou Barcelone, par exemple). Mais il jouera un rôle moins décisif que prévu dans la formation des exécutifs régionaux parce que, dans bien des cas, le PP a chuté plus qu'attendu, et qu'une alliance PP-Ciudadanos ne suffira pas à trouver une majorité.

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  • La lutte contre l’UE doit être de tous les instants par Bernard Friot

     

    « La lutte contre l’UE, inamendable syndicat du capital contre les peuples, doit être de tous les instants »

    Entretien avec Bernard Friot : Salaires, cotisations sociales   

    site du PRCF : www.initiative-communiste.fr

    > Le 8 avril dernier, Bernard Friot accordait un entretien à propos de son ouvrage Emanciper le travail au journal Etincelles du PRCF. Abonnez vous à Etincelles ! www.initiative-communiste.fr vous propose en avant première cet entretien à retrouver en intégralité en achetant (et en vous abonnant) à la presse du PRCF  ! Achetez, soutenir les médias du PRCF c’est indispensable !
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    > Initiative Communiste : tu insistes à juste titre sur l’importance de la lutte pour le salaire dans la construction des rapports de forces entre classes sociales. Peux-tu en dire plus à nos lecteurs ?

    > De 1920 à 1980, période que j’ai étudiée dans Puissances du salariat[1], la lutte de classes en France a été victorieuse pour les travailleurs parce qu’elle a porté en priorité sur le salaire, auquel elle a commencé à donner une signification anticapitaliste sous trois angles principaux.

    > Premièrement, avec le statut de la fonction publique conquis en 1946 après 40 ans de lutte et mis en place par Maurice Thorez, ou dans un moindre mesure avec celui des électriciens-gaziers mis en place par Marcel Paul, le salaire à vie commence à s’instituer contre le salaire du marché du travail : s’il n’y a pas de chômage chez les fonctionnaires, c’est parce que leur salaire est un attribut de leur personne à travers leur grade. Même sans poste, même à la fin de leur service quand ils sont en retraite, ils sont payés pour leur grade. La pension est la « poursuite du traitement » chez les fonctionnaires (poursuite donc du meilleur salaire, celui de fin de carrière), c’est le « salaire d’inactivité » à l’EDF. Du coup, les fonctionnaires d’Etat n’ont pas d’employeur, au sens où un propriétaire peut dire à un travailleur nu, sans salaire parce que sans poste de travail, « aujourd’hui je t’embauche sur un poste dont je suis le propriétaire, avec le droit donc d’embaucher qui je veux quand je veux, je paie ton poste (je ne te pais pas toi, évidemment) et demain je te licencie de ce poste et tu te retrouves nu ». Quand on sait combien le fait d’attacher le salaire au poste de travail et non à la personne est au cœur de l’exploitation capitaliste, combien la peur de perdre son poste ou d’être changé autoritairement de poste est décisive dans la domination des propriétaires, une telle bataille, gagnée, pour le salaire à vie des fonctionnaires et des salariés à statut est le tremplin de conquêtes ultérieures que la bourgeoisie combat sans cesse et qui ne pourra être préservé que si une bataille est engagée pour que le salaire à vie soit généralisé à tous : il faut supprimer le marché du travail et la fonction d’employeur en faisant du salaire un droit politique attribué automatiquement et de façon irrévocable à 18 ans à tout le monde au premier niveau de qualification (par exemple à 1500 euros nets mensuels), avec ouverture d’une carrière salariale permettant de monter en qualification par exemple jusqu’à un maximum de 6000 euros, si, comme le préconise la CGT, il y a quatre niveaux de qualification.

    > Deuxièmement, les conventions collectives ont été au centre de la mobilisation syndicale dans le privé à partir de 1950. Outre des éléments portant sur les conditions de travail ou les droits des représentants des travailleurs, les conventions collectives sont d’abord des grilles de salaire qui font correspondre à chaque poste de travail un niveau de qualification (OP2, etc…) et un niveau de salaire. Ce fondement du salaire sur la qualification est aussi une importante victoire sur la logique du capital, même si elle est moins décisive que celle du salaire à vie parce qu’elle continue à lier le salaire au poste de travail et non pas à la personne. Fonder le salaire sur la qualification, c’est commencer à sortir du déni de qualification dont sont victimes les travailleurs réduits à des forces de travail dans le capitalisme. Le capitalisme réserve la définition de la valeur économique et la maîtrise de sa production aux propriétaires (et aux prêteurs qui se partagent avec eux, de plus en plus d’ailleurs avec la globalisation financière du capital, le profit). L’exploitation du travail des non propriétaires passe par leur réduction à des forces de travail demandeuses d’un poste de travail sur un marché où les propriétaires les achètent pour leur prix, c’est-à-dire pour la satisfaction des besoins nécessaires à leur reproduction. La violence capitaliste réduit les travailleurs à des êtres de besoin à qui il suffit de concéder du pouvoir d’achat, elle s’exprime dans le déni que ces travailleurs produisent la valeur et doivent être reconnus en tant que producteurs et non pas en tant que consommateurs. Récuser que le salaire soit du pouvoir d’achat et imposer la qualification (et donc la contribution à la production de valeur) comme fondement du salaire en qualifiant les postes, c’est sortir de ce déni. C’est faire du salaire non plus cette institution centrale du capitalisme qu’est le prix de la force de travail, c’est-à-dire le revenu d’un être de besoin, mais la reconnaissance d’une production (on voit, par parenthèse, que la revendication de « hausse du pouvoir d’achat » est totalement aliénée et tourne le dos à la bataille pour la qualification). Certes cette subversion du salaire capitaliste n’est pas aussi accomplie que dans le salaire à vie puisque c’est le poste qui est qualifié par la convention collective, mais cette qualification, bien qu’elle maintienne le marché du travail, a rencontré une hostilité constante du patronat. Pour la contrer, le patronat déploie aujourd’hui deux stratégies que j’ai décrites dans L’enjeu du salaire[2].

    > D’une part, il fait du SMIC – un salaire spécifiquement capitaliste puisqu’il nie la qualification et est construit à partir d’un « panier de consommation » – le salaire de référence d’une part de plus en plus grande des salariés (et là encore, la revendication isolée de « hausse du SMIC » manifeste l’abandon de la bataille pour la qualification). D’autre part, le Medef et ses partenaires emmenés par la CFDT (CFTC, CGC, UNSA et sauf exception FO) négocient depuis une vingtaine d’années le remplacement de la qualification du poste par la sécurisation des parcours professionnels : le salaire ne serait plus lié à la qualification, et en contrepartie les salariés seraient dotés d’une série de comptes liés à leur personne au prorata de leur temps d’emploi (compte temps, compte formation, compte pénibilité, compte retraite complémentaire, compte maladie complémentaire), des comptes portables, c’est-à-dire que les employeurs successifs doivent alimenter (et honorer s’il s’agit par exemple d’utiliser un compte de formation). Cette entreprise extrêmement nocive de changement capitaliste du salaire, par suppression de la qualification du poste et attachement à la personne de comptes qui se substituent au salaire socialisé des cotisations de sécurité sociale, ne peut pas être contrée par le retour à la qualification du poste, pour la raison sur laquelle j’ai insisté qu’elle maintient le marché du travail. Il s’agit de mener campagne pour l’on passe bien d’un salaire lié au poste à un salaire lié à la personne, mais pas par les dangereux comptes qui portent sur tout sauf sur la qualification et qui enchaînent encore davantage des salariés au marché du travail : encore une fois, il s’agit de sortir de la logique d’emploi par l’attribution de la qualification elle-même à la personne du salarié. La qualification doit devenir personnelle, et donc le salaire doit être attaché au salarié. On retrouve la revendication centrale de la généralisation du salaire à vie.

    > Initiative Communiste : statut de la fonction publique, qualification dans les conventions collectives, nous supposons que la troisième dimension de la bataille pour le salaire a été la cotisation sociale ?

    > Effectivement, la période que j’ai étudiée est celle de l’invention et de la montée en puissance spectaculaire de la partie socialisée du salaire dans la cotisation sociale. La cotisation interprofessionnelle s’impose, après l’échec de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes de 1910, avec les assurances sociales de 1930 et les allocations familiales qui les suivent de peu. Les cartes sont rebattues en 1945 dans la sécurité sociale que met en place Ambroise Croizat. A la fin des années soixante-dix, la cotisation sociale, partie de zéro cinquante ans plus tôt, représente plus de 60% du salaire brut, un taux qui n’a hélas pratiquement pas augmenté depuis 35 ans, et qui n’est conservé que pour les salaires les plus élevés. Car d’une part le taux de cotisation est gelé depuis le début des années 1980 alors qu’il avait doublé entre 1945 et la fin des années 1970. D’autre part, aux exonérations Aubry-Fillon sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic se sont ajoutés depuis Ayraud des remboursements de cotisation (à hauteur de 6% de la masse salariale) sous forme de crédit d’impôt jusqu’à 2,5 Smic. Et le pacte de responsabilité ajoute encore une couche : lorsqu’il sera arrivé à maturité, les employeurs ne paieront plus de cotisations sociales sur le Smic et des exonération/remboursements supplémentaires concerneront les salaires jusqu’à 3,5 Smic. Quand on sait que le salaire moyen est d’à peine 2 Smic, on voit que l’attaque contre la cotisation est généralisée. L’incapacité à s’y opposer n’est pas due seulement à la force de nos adversaires, elle est aussi un témoignage supplémentaire, avec les reculs du salaire à vie de la fonction publique et de la qualification comme fondement du salaire, des échecs auxquels a conduit l’abandon du centrage de l’action syndicale et politique sur le salaire.

    > Qu’est-ce qu’ont de révolutionnaire les cotisations sociales ? Attention, toutes les cotisations ne sont pas révolutionnaires, et il faut ici bien prendre garde à opposer cotisations capitalistes et cotisations anticapitalistes, comme je le fais dans Emanciper le travail[3]. La cotisation-prévoyance du salaire différé, ou l’impôt-solidarité de l’assistance, sont des institutions capitalistes combattues par le mouvement ouvrier révolutionnaire qui a, contre elles, promu la cotisation-salaire dans une lutte acharnée contre le pouvoir, le patronat et ses partenaires.

    > La cotisation-prévoyance, c’est l’AGIRC-ARRCO : mes cotisations sont consignées dans un compte qui sera la mesure de ma pension viagère quand je le liquiderai. Le patronat et ses partenaires tentent en permanence d’étendre cette logique du salaire différé à toute les prestations dites contributives, comme en témoignent les récentes conventions UNEDIC édictant qu’un jour cotisé = un jour presté, ou le projet d’alignement du régime général des retraites sur l’Arrco, ou l’obligation de complémentaires-santé dont les prestations sont fonction des cotisations choisies dans un menu. Le salaire différé correspond ainsi à la définition capitaliste de la valeur : je ne produits que lorsque je suis soumis à un employeur pour mettre en valeur du capital, et pour assurer mes besoins (encore eux) lorsque je suis chômeur, malade ou retraité, je diffère la partie de mon salaire que je n’ai pas consommée quand j’étais occupé.

    > Quant à l’impôt-solidarité, c’est la CSG et ses avatars : les besoins (toujours eux !) des personnes dont le temps d’emploi ou le niveau de salaire ne permettent pas qu’elles aient des droits contributifs suffisants sont couverts par une solidarité fiscale qui assure un « panier de soins »[4] ou un « minimum vieillesse », qui « lutte contre la pauvreté » des familles, qui favorise « l’insertion dans l’emploi » des chômeurs.

    > Contre cette rhétorique et ces institutions du capital que sont la cotisation-prévoyance et l’impôt-solidarité, le mouvement ouvrier révolutionnaire a combattu pour une cotisation-salaire, c’est-à-dire une cotisation qui finance un salaire à la qualification pour les travailleurs sans marché du travail et sans actionnaires que sont les retraités, les soignants (de la fonction publique hospitalière ou libéraux conventionnés), les parents et les chômeurs. Il est essentiel de bien voir que, comme les combats menés sur les deux autres terrains déjà analysés du salaire à vie et de la qualification, la cotisation-salaire, loin d’être du pouvoir d’achat couvrant des besoins des retraités, des malades, des parents et des chômeurs, subvertit le salaire capitaliste en payant des travailleurs qui produisent une autre valeur économique que la valeur d’échange capitaliste : retraités, parents, chômeurs et soignants produisent de la valeur sans emploi, sans employeur, sans actionnaires. Ce salaire attaché à la personne institue, comme dans la fonction publique, la qualification personnelle comme matrice du travail productif, contre l’emploi qui remplit cette fonction dans la pratique capitaliste de la valeur.

    > Poursuivre l’œuvre victorieuse de nos anciens, poursuivre cette mutation du salaire par sa socialisation, c’est mener un combat immédiat et un combat de moyen terme. Dans l’immédiat, revendiquer qu’à 55 ans[5] tous les salariés aient une pension de 100% de leur meilleur salaire brut quelle que soit la durée de leur carrière, que le chômage soit indemnisé sans limite de temps à 100% du salaire net de l’emploi perdu, que les parents puissent prendre du temps pour éduquer leurs enfants en conservant leur salaire à temps plein. A moyen terme, que la cotisation-salaire concerne aussi les salaires directs : le salaire à vie suppose que les entreprises ne paient plus leurs salariés mais cotisent à une caisse qui assurera non seulement la part des salaires qu’assure aujourd’hui la sécurité sociale, mais aussi les actuels salaires nets. La suppression des employeurs suppose que plus personne ne paie « ses » salariés. Aujourd’hui, sur 100 de valeur ajoutée par ses salariés, le propriétaire de l’entreprise en affecte 40 au profit (y compris le remboursement des prêteurs), 35 aux salaires directs et 25 aux cotisations : poursuivons en revendiquant qu’il en affecte 60 à une cotisation salaire qui ira à des caisses qui paieront les salaires à vie[6]. Les 40% restants iront pour partie à l’autofinancement décidé par les salariés copropriétaires, et le reste à une cotisation économique versée à des caisses qui subventionneront le reste de l’investissement (y compris par création monétaire, s’agissant de l’investissement net) et les dépenses courantes des services publics.

    > Initiative Communiste : ainsi, selon toi, il faut non seulement remplacer les salaires directs par la cotisation, mais aussi créer une cotisation pour financer l’investissement ?

    > Oui, car la cotisation a une autre vertu révolutionnaire que la possibilité de supprimer les employeurs : elle rend possible la suppression de la propriété lucrative de l’outil de travail et instaure un financement non capitaliste de l’investissement. Les centaines de milliards d’euros mobilisés dans les caisses ont permis de financer la production de santé sans appel au marché des capitaux, y compris l’investissement hospitalier, avant que le gel du taux de cotisation-maladie ne conduise à la désastreuse création par Juppé de la CADES en 1997, qui emprunte des capitaux et a fait des hôpitaux des débiteurs insolvables. Avant ce désastre, le subventionnement de l’investissement hospitalier par des caisses de maladie alimentées par une cotisation dont le taux augmentait régulièrement pour assumer la production croissante de santé a fait la preuve que c’est en mutualisant une partie du PIB dans des caisses d’investissement que nous allons pouvoir subventionner l’investissement en supprimant les prêteurs. Le constat est le même pour le financement par subvention des équipements collectifs grâce à la croissance de l’impôt. Les malheureux 400 milliards investis chaque année ne sont prêtés que parce qu’ils ont été au préalables ponctionnés : notre travail produit 2000 milliards, les propriétaires lucratifs en ponctionnent 700, dont ils affectent 300 à la spéculation et aux dépenses somptuaires et 400 seulement à l’investissement… que nous devons leur rembourser avec en plus un retour sur investissement de 15% alors que la production n’augmente que d’un ou deux pour cent. Or on peut en finir avec cette rapine et financer l’investissement sans crédit, comme je viens de le montrer avec la subvention des équipements publics par l’impôt ou la cotisation.

    > Au lieu de nous laisser dépouiller de 700 milliards par des propriétaires lucratifs qui ensuite nous imposent de leur rembourser la part de leur ponction sur notre travail qu’ils décident d’investir à notre place, affectons 600 milliards de ce que nous produisons à l’investissement : par exemple la moitié par l’affectation de 15% de la valeur ajoutée à un autofinancement décidé par les salariés copropriétaires de l’entreprise, et les 300 autres milliards par une cotisation investissement de 15% : les caisses d’investissement, gérées par les travailleurs, subventionneront les projets présentés par les entreprises, y compris par création monétaire pour les projets intéressants excédant leur encaisse. L’investissement doit devenir le fait du salaire socialisé.

    > Il en est de même pour les dépenses courantes des services publics. Actuellement déjà, la cotisation-maladie finance les dépenses courantes des producteurs de santé comme l’hôpital. Nous pouvons généraliser cette modalité de financement à toutes les dépenses courantes des services gratuits, qui doivent être étendus au logement, aux transports de proximité et aux premières consommations d’eau et d’électricité. Ainsi, les salaires des services publics seraient assurés, comme tous les salaires, par les caisses de salaires ; leur investissements par les caisses d’investissement ; et leur dépenses courantes par des caisses de fonctionnement percevant les 10% restant de la valeur ajoutée.

    > Tout le PIB irait ainsi à la socialisation salariale de la valeur pour financer, par des caisses gérées par les salariés, les salaires (60%), l’investissement (30%) et la gratuité (10%). On le voit, en finir avec la propriété lucrative, le marché du travail et le crédit, bref avec la production capitaliste, devient possible si on assume toute la portée révolutionnaire du changement du salaire qu’institue 1945 et si on le poursuit résolument.

    > Initiative Communiste : pourquoi selon toi la taxation des revenus financiers, type Tobin/Attac, est-elle une fausse piste dangereuse ?

    > La taxe Tobin est une plaisanterie et n’est pas, fort heureusement, le cœur de la mobilisation des groupes Attac même si elle a été l’occasion de leur constitution (mais pas la raison de leur impact) il y a près de vingt ans.

    > Ce qui est beaucoup plus préoccupant, c’est l’audience de propositions de taxation du capital, dont témoigne le consensus autour d’un auteur comme Piketty ou le succès à gauche des mots d’ordre de « révolution fiscale ». Je viens de montrer que la cotisation-salaire, cette invention prodigieuse du mouvement ouvrier révolutionnaire, ne taxe pas le capital, elle le remplace dans le financement de la production d’une part aujourd’hui considérable du PIB. Contre cette dynamique, taxer le capital, c’est renoncer à le supprimer. C’est même le légitimer : si le mal du profit finance le bien de la sécu, il n’est plus tout à fait un mal, en tout cas il devient un mal nécessaire. Il ne s’agit plus de remplacer la classe capitaliste dans la production de la valeur, mais de changer le partage d’une valeur dont les capitalistes restent les maîtres, certes dénoncés pour leur excessive rémunération à combattre par une fiscalité davantage redistributive, mais non contestés comme dirigeants de la production.

    > Or les attaques contre la sécurité sociale n’ont ni comme but ni comme résultat premiers d’augmenter la prédation des capitalistes et de baisser le pouvoir d’achat de ceux qu’ils exploitent. La lutte de classes n’est pas d’abord une lutte pour le partage de la valeur, mais une lutte pour la maîtrise de sa définition et de sa production. Si les attaques contre la fonction publique et la cotisation-salaire sont si déterminées depuis 30 ans, ce n’est pas d’abord à cause de la baisse du taux de profit, ni parce qu’un prétendu « néolibéralisme » assoiffé d’or et de finance aurait remplacé un capitalisme plus raisonnable et industriel, c’est parce que la classe capitaliste entend réoccuper le terrain conquis par la pratique salariale de la valeur, réaffirmer que seules produisent des forces de travail mettant en valeur du capital, et qu’il importe pour ce faire d’intensifier la soumission des populations au chantage de l’emploi et de la dette. La lecture de la réforme dans les termes fumeux du « tournant néolibéral » Reagan-Thatcher ou dans les termes économicistes d’une crise du capital confronté à la baisse du taux de profit (crise au demeurant incontestable) fait l’impasse sur la lutte de classes et sur la dimension d’abord politique de l’économie : l’économie est d’abord une affaire de pouvoir sur la valeur, et la classe dirigeante a l’œil rivé non pas d’abord sur son porte monnaie mais sur sa souveraineté sur la production. La lutte pour un partage moins injuste de la valeur grâce à une fiscalité juste, qui est toujours une faute stratégique, devient une impasse dramatique quand la classe capitaliste est à l’offensive pour reconquérir des terrains perdus en termes de pratique de la valeur. Les opposants aux réformateurs sont condamnés à continuer de perdre si leur contre-offensive n’est pas menée sur le terrain du salaire à vie contre le marché du travail, de la copropriété d’usage de l’outil de travail contre la propriété lucrative, de la cotisation investissement contre le crédit, de la mesure de la valeur par la qualification du producteur contre sa mesure par le temps de travail.

    > On voit que placer les revendications sur le terrain de la fiscalité n’est pas la seule des « conduites d’évitement » que j’analyse dans Emanciper le travail. J’entends par conduites d’évitement des mots d’ordre qui évitent de mener la lutte de classes parce qu’ils se situent sur le terrain du partage d’une valeur capitaliste qui, elle, n’est pas combattue, au lieu de se situer sur le terrain de l’affirmation d’une autre production de valeur que la valeur capitaliste. J’insiste dans l’ouvrage sur l’évitement de la lutte de classes qu’il y a à revendiquer le plein emploi (et donc plein d’employeurs), un pôle public du crédit (et donc la légitimité du crédit) ou une allocation d’autonomie pour la jeunesse (qui continue à réduire le droit au salaire à la présence sur le marché du travail).

    > Initiative Communiste : Quelles revendications formuler pour contrer les attaques contre les diverses branches de la Sécu ?

    > Et si nous arrêtions de « formuler des revendications » ? Revendiquer, c’est reconnaître la légitimité des capitalistes, c’est accepter notre position de demandeurs, certes dans l’espoir de conquérir des droits nouveaux, mais sans mise en cause fondamentale de la règle du jeu. Or la classe dirigeante n’a strictement plus rien à négocier dans les pays anciennement capitalistes où elle est décidée à réduire les droits salariaux en jouant sur la disparité des droits populaires à l’échelle mondiale. La seule réponse à cette offensive est de partir des tremplins conquis par une lutte de classes anticapitaliste riche de deux siècles pour nous passer des capitalistes et produire autrement. En poussant plus loin le « déjà-là » anticapitaliste d’une production de valeur libérée de la propriété lucrative, du marché du travail, du crédit, de la mesure de la valeur par le temps de travail, comme c’est déjà le cas pour le tiers du PIB, mais un tiers fort malmené ou perverti tant qu’il n’est pas généralisé.

    > Notre temps militant se perd beaucoup trop en parlotes avec des patrons, des élus et des responsables d’administrations qui sont des adversaires à disqualifier et non des interlocuteurs à qui présenter des revendications. Nos seuls interlocuteurs sont les travailleurs, et le temps militant, qu’il soit syndical, politique ou associatif, doit être consacré pour l’essentiel à leur auto-organisation. Généraliser le salaire à vie et la copropriété d’usage de l’outil de travail par les salariés – et donc maîtriser l’investissement, cela suppose un combat constant pour disqualifier le marché du travail et les employeurs, les propriétaires lucratifs et les prêteurs, pour rendre populaires la responsabilité exclusive des travailleurs sur ce qui est produit, l’élection des directions, l’affectation de la valeur ajoutée aux cotisations pour payer les salaires à vie et subventionner l’investissement. Le temps n’est plus aux revendications mais à la popularisation de mots d’ordre d’auto-organisation, et leur réalisation partout où c’est possible. J’en ai déjà évoqué quelques-uns mais je prends des exemples supplémentaires.

    > Reprise des entreprises par les salariés : la situation se présente des milliers de fois chaque année, et il faut que se multiplient les preuves que des entreprises marchandes peuvent fonctionner sans employeur, sans actionnaire et sans prêteur. Cela suppose que les entreprises récupérées soient effectivement gérées par les salariés, tous associés aux décisions de l’amont à l’aval de la production et à la désignation de la hiérarchie, qu’elles fonctionnent en réseau et mutualisent leur valeur ajoutée pour financer salaires et investissements, qu’elles mobilisent parmi leurs salariés des retraités qui ne demandent qu’à participer au bien commun autrement que par le bénévolat associatif et qu’elles n’auront pas à payer, puisqu’ils le sont par leur pension. Cela suppose aussi, comme le préconise Pierre Rimbert à propos du financement de la presse d’information générale[7], que soit popularisé un mot d’ordre de cotisation sur la valeur ajoutée de toutes les entreprises pour soutenir l’activité des entreprises autogérées.

    > Gestion par les salariés, réseau de mutualisation de la valeur ajoutée, cotisation universelle, mobilisation des retraités : ce que je viens de dire à propos de la reprise des entreprises par les salariés vaut aussi pour toutes les coopératives et les initiatives de production alternative qui se multiplient et qui ne pourront tenir face au capital que si elles s’inscrivent dans une logique macroéconomique de mutualisation de la valeur.

    > Autre pratique à porter : l’exclusivité des marchés publics aux entreprises autogérées et sans propriété lucrative. La mutualisation de la valeur qu’opère l’impôt pour la construction d’une piscine municipale ou du réseau ferré et qu’opère la cotisation pour la production des médicaments va à des groupes capitalistes qui n’existent que par les marchés publics. Le scandale que provoquent ces profits doit être saisi pour populariser, au contraire, une mutualisation de la valeur au seul service de la généralisation de la copropriété d’usage des entreprises.

    > Le mot d’ordre, absolument urgent, de hausse massive des taux de cotisation, porté pendant des décennies par la classe ouvrière (le taux de cotisation a plus que doublé de 1945 au début des années 1980), et abandonné depuis plus de trente ans alors que les réformateurs mènent contre la cotisation-salaire une bataille acharnée qui est la cause unique des difficultés des régimes de sécurité sociale, ne peut redevenir central que si nous montrons que la cotisation-salaire reconnaît la production, et non pas la dépense, des soignants, des retraités. Et c’est la même chose pour l’impôt qui paie les fonctionnaires ou les salariés des associations de service public. Ces derniers produisent la valeur correspondant à la subvention qu’ils reçoivent, ils ne dépensent pas de l’argent produit par d’autres. Le mot d’ordre de gestion du Trésor public et des caisses de sécurité sociale par les seuls salariés, avec élection des directions par les administrateurs salariés –comme c’était le cas avant l’étatisation antidémocratique du dispositif- doit être accompagné d’un déplacement de la pratique syndicale dans les services publics et la sécurité sociale, et plus généralement partout où il n’y a pas de propriétaire lucratif, vers l’auto-organisation des salariés, la délibération par les intéressés de l’objet et des moyens du travail. Que les fonctionnaires soient à la hauteur des libertés que leur offre leur statut et en conquièrent collectivement d’autres est la condition pour rendre attractives des entreprises sans actionnaires et sans employeurs.

    > Je voudrais insister sur un point rarement abordé, la convergence à construire avec les travailleurs indépendants, qu’ils soient protégés du capital par les règles des professions libérales que le gouvernement actuel est décidé à faire sauter, comme en témoigne la loi Macron pour les professions judiciaires, ou qu’ils soient livrés à lui sans défense, comme les paysans ou les artisans et commerçants. Ces travailleurs ont une expérience de la maîtrise de l’outil de travail et se battent de fait contre le capital pour ne pas être dépossédés de toute la chaîne de production d’un bien ou service. Qu’ils aient en général une idéologie de droite n’est pas un obstacle insurmontable si nous savons mettre les mots sur leur expérience de fait de la nocivité du capital et si nous déplaçons l’objet de notre action syndicale vers la maîtrise de l’outil de travail.

    > Oui, c’est là un vrai déplacement de l’activité militante, et je renvoie aux développements que je consacre aux mots d’ordre immédiats possibles dans Emanciper le travail.

    > Initiative Communiste : nous nous doutons bien à IC que les attaques contre la Sécu et les autres acquis de 45-47 ne changeraient pas de nature si la France sortait de l’UE et de l’euro, mais nous pensons que la construction supranationale euro-atlantique, éventuellement coiffée par une Union transatlantique couplée à l’O.T.A.N., est une arme sociopolitique (et potentiellement, militaire) de premier plan contre les travailleurs et les peuples souverains. Qu’en penses-tu de ton côté ?

    > La lutte contre l’UE, inamendable syndicat du capital contre les peuples, doit être de tous les instants. Sur le fait que l’UE et l’euro sont des outils capitalistes contre l’émancipation des travailleurs, je ne saurais trop recommander la lecture des remarquables travaux à la fois historiques et lexicométriques de Corinne Gobin, une collègue spécialiste de sciences politiques de l’Université libre de Bruxelles. Elle a d’ailleurs écrit une importante contribution à l’ouvrage collectif que j’ai édité avec Bernadette Clasquin[8] sur les effets destructeurs en matière de droits salariaux des politiques de l’emploi impulsées par l’UE depuis les années 1990. Quant au côté potentiellement militaire, pour reprendre vos termes, de l’arme contre les peuples souverains que sont l’UE et l’OTAN, il a une telle évidence aujourd’hui, joint à la militarisation de notre quotidien et à la criminalisation de l’action militante sous prétexte de lutte contre le terrorisme, qu’il est clair que la classe dirigeante est en train de mettre en selle l’extrême-droite et de construire l’arsenal de sa riposte violente aux mobilisations populaires que son échec économique suscite.

    > Bref, l’enjeu de la lutte de classes est devenu aujourd’hui si lourd qu’il est essentiel de se souvenir qu’on ne construit pas une classe révolutionnaire par une lutte contre, mais par une lutte pour. Les épreuves, les souffrances qu’entraînera l’affrontement au capital à la hauteur où il doit être maintenant mené ne pourront être acceptées que si le projet est enthousiasmant et mobilise pour construire l’alternative et non pas simplement pour en finir avec des élites abhorrées. Le programme du CNR s’appelle « Les jours heureux », pas « Mort au nazisme » (même si une partie est consacrée à cette nécessaire dimension de la bataille). Et donc la nécessaire bataille contre l’UE et l’euro comme monnaie unique (et contre l’illusion de leur possible démocratisation hélas répandue dans la gauche de gauche sous l’invocation d’une « autre Europe ») n’est qu’une composante d’une bataille pour la maîtrise populaire de la valeur, y compris à l’international, dans toutes les dimensions que j’ai développées. Autrement dit, la lutte contre l’UE n’a de sens qu’au service de la mobilisation pour le salaire à vie ou la copropriété d’usage de tous les outils de travail. Par exemple, pour la crédibilité même d’un projet qui conduira le premier peuple qui le mettra en œuvre à sortir de la zone euro et fort vraisemblablement de l’UE (sauf contagion révolutionnaire permettant une rapide reconstruction), il faut dès maintenant montrer comment nous allons recréer le franc et l’articuler à l’euro comme monnaie commune, comment nous allons récuser les directives de la Commission et la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, pour m’en tenir à ces seuls exemples. Mais ces démonstrations concrètes doivent être en permanence rapportées à un projet de salaire à vie ou de subvention de l’investissement qui n’est aujourd’hui pas popularisé alors qu’il doit devenir le cœur de notre action militante.

    > [1] Bernard Friot, Puissances du salariat, nouvelle édition augmentée, Paris, La Dispute, 2012 (première édition 1998)

    > [2] Bernard Friot, L’enjeu du salaire, Paris, La Dispute, 2012

    > [3] Bernard Friot, Emanciper le travail, entretiens avec Patrick Zech, Paris, La Dispute, 2014, second entretien

    > [4] Pour éviter la stigmatisation de ses bénéficiaires, le panier de soins peut être universel. Mais cette universalité ne change rien au fond du projet des réformateurs : les régimes complémentaires de salaire différé doivent voir leur place augmenter au détriment d’un régime général maladie fiscalisé.

    > [5] Quel congrès de la CGT a décidé de renoncer à la retraite à 55 ans pour la retraite à 60 ans ? Je n’en trouve pas.

    > [6] Pour financer aux 50 millions de résidents de plus de 18 ans un salaire à vie moyen net de 25000 euros par an, il faut 1250 milliards, soit les montants déjà consacrés à la rémunération du travail.

    > [7] Pierre Rimbert, Le Monde diplomatique, décembre 2014

    > [8] Bernadette Clasquin et Bernard Friot, dir, The Wage under Attack : Employment Policies in Europe, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014. Cet ouvrage reprend les résultats d’une équipe de chercheurs de 7 pays de l’ouest-européen.

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  • Comment remplacer de employés français par des polonais sous payés !

     

    Par MS21 Nord

    Voici ce qu'une entreprise polonaise  propose à une association d'aide à domicile (320 salariés en Sambre-Avesnois-Thiérache - 59), qui n'a pas donné suite à cette proposition.

    Elle préfère travailler avec des français, mais que nous ne sommes pas du tout raciste. Une entreprise privée, aurait fait travailler ces personnes afin de faire des bénéfices

    plus importants.

    Nous pensons que c'est un très bon état d'esprit.

     

    Bonjour Madame, Monsieur,

    Je me permets de vous transmettre des informations consernant notre service  de l' Agence de travail- Uniapol.

    Nous sommes une agence de travail temporaire : AP UNIAPOL DEVELOPMENT située en Pologne, avec la siège à Poznan et les agences à Cracovie et à Wroclaw.

     

    Nous avons la base des candidats qualifiés, experimentés qui sont interessés et motivés pour travailler en France.

     

     

    ENTREPRISE DE TRAVAIL TEMPORAIRE POLONAISE

     

     

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    Faites confiance à la compétence polonaise !!!

     

    AP UNIAPOL DEVELOPMENT, entreprise de travail temporaire polonaise met à disposition son savoir-faire en matière de détachement de personnel intérimaire et de recrutement de travailleurs polonais dans tous les secteurs du BTP et de l’industrie.

    Nous opérons sur le territoire français depuis 2006. Nous sommes adhérents et un des principaux partenaires de la Chambre de Commerce et d’Industrie Polonaise en France.

     

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    §     Performance et réactivité grâce à une équipe de recruteurs expérimentés et bilingues,

    §     Mise à disposition de personnel qualifié et motivé,

    §  Rémunération garantie au minimum du smic conventionnel et paiement des congés payés (établissement de la fiche de paie)

    §       Maintien au régime de sécurité sociale polonais (assurance maladie, retraite, chômage)

    §      Réalisation de la formation sécurité avant le départ (selon code du travail polonais)

    §      Mise à disposition des équipements de sécurité standards

    §      Prise en charge des frais de visite médicale

    §     Prise en charge des frais de transport Pologne/France

    §     Respect des dispositions législatives et règlementaires françaises, polonaises, européennes (sur le territoire français c’est la réglementation du travail française qui s’applique en terme d’égalité de traitement –garantie de rémunération minimum, prime, temps du travail, congé payes... dispositions du nouveau Règlement européen 883/2004 et de la directive 96/71/CE)

    §      Suivi administratif et juridique tout au long de la mission

    §     Aucune formalité à votre charge!

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    Renata WOJTKOWIAK

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  • RAPPEL : UKRAINE / RUSSIE, conférence à Nice le 9 JUIN

    RAPPEL

    L’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR » travaille depuis septembre 2014 sur la guerre en Ukraine. Notre objectif est de faire connaître à nos concitoyens d’autres aspects de ce conflit.

    Nous avons également pensé qu’il fallait témoigner à la Russie la reconnaissance qui lui est due, suite à sa contribution essentielle pour terrasser le nazisme.   Il faut quand même rappeler que ce pays a permis d’abattre la peste brune en Europe en sacrifiant plus de 25 millions de Soviétiques dans cette guerre à mort.

    La délégation de notre association composée de Résistants et d’enfants de Résistants, prend ainsi une valeur symbolique importante.

    Nous avons accueilli le 29 janvier à Nice une délégation d’Ukrainiens d’Odessa. Ces personnes ont expliqué le conflit en cours et elles ont parlé également du massacre du 2 mai 2014. Ce jour-là plus de quarante personnes sont mortes, brûlées vives dans la maison des syndicats. Une des personnes de la délégation a perdu dans ce drame son fils de 27 ans, achevé sauvagement par des barbares après avoir essayé d’échapper aux flammes en se jetant par la fenêtre.

    Suite à cette rencontre nous avons été invités par les responsables de la manifestation du 9 mai à Moscou. Une délégation de l’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR » est allée à Moscou pour assister à la parade pour le 70ème anniversaire de la victoire sur le nazisme.

    Notre délégation est de retour. Dans le lien ci-dessous vous trouverez le message complet comportant des témoignages et des photos prises sur place : http://lucien-pons.over-blog.com/2015/05/la-delegation-francaise-du-comite-pour-une-nouvelle-resistance-cnr-le-9-mai-2015-a-moscou-jour-de-la-grande-parade-en-souvenir-du-70

    L’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR » organise une

    conférence le mardi 9 juin 2015 au CLAJ* à Nice

    de 17h 30 à 22h pour rendre compte de la participation officielle de notre association à cet évènement. Les membres de la délégation donneront des informations à ce sujet, un film a été préparé également. Ce sera l’occasion de poursuivre le travail de notre association pour la paix en Ukraine et en Europe.

     

    par Lucien PONS.  

    Président de l’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR »

     

      *Le CLAJ  26, avenue Scudéri – 06100 NICE

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  • LE TRAITE CONSTITUTIONNEL EUROPEEN (TCE) SOUMIS A REFERENDUM EN 2005

     

    Ce qu'ils nous avaient promis

     

    Ce qu'il en est 10 ans plus tard

     

    La construction de l'Union européenne prend toute sa réelle signification au fil du temps. Elle est le résultat de l’application d'une idéologie néo-libérale au seul service de l'économie de marché : elle exclue toute ambition sociale et organise de manière délibérée le recul systématique de la démocratie et elle fait en faisant obstacle à tout respect de la souveraineté nationale et populaire de ses Etats-membres. Ce n'est pas une Europe qui protège comme on nous l'a si souvent dit, mais c'est une Europe qui menace et déstructure nos sociétés.

     

    Le ver était dans le fruit dès 1957.

     

    Présenté comme un instrument au service de la paix et de la coopération entre les peuples, le Traité de Rome de 1957 gravait dans le marbre le socle originel de la future Union européenne, en garantissant la concurrence libre et non faussée, et la liberté de circulation des hommes, des marchandises et des capitaux. Pierre Mendes-France s'opposait à la ratification d'un tel traité en mettant déjà en garde sur sa dérive anti-démocratique : « le projet du marché commun, tel qu'il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XXe siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d'une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ».

     

    Un printemps démocratique en 2005

     

    Un Traité constitutionnel européen (TCE) était proposé en 2005 à l'ensemble des pays de l'Union pour codifier le Traité de Rome et les autres traités européens. Ce texte fut soumis à referendum par le Président Jacques Chirac et ce fut, contre toute attente, le premier moment où la construction européenne fit réellement débat au sein de la société française. Les tenants du OUI avançaient 5 arguments qui résonnent singulièrement 10 ans plus tard : une Europe sociale au service de l'emploi, une Europe plus démocratique, une Europe plus forte au service de la paix, une Europe plus protectrice, une Europe plus efficace. Les tenants du NON avaient une toute autre lecture ; ils refusaient une Europe qui donnait à la concurrence et au marché une priorité sur toute autre considération, comme la coopération, la solidarité, la justice sociale. Ils reprochaient au TCE de reprendre l'ensemble des traités antérieurs conduisant à un recul systématique de la démocratie en Europe et à y faire disparaître toute ambition sociale. Le 29 mai, le peuple français tranchait et rejetait par plus de 54 % des voix le Traité constitutionnel européen (TCE). A ce moment, il n'était pas question de rejeter l'Union européenne mais de rejeter cette Europe-là et d'appeler à faire repartir l'Union européenne sur de nouvelles bases. 

     

    Une forfaiture en 2007

     

    L'Union Européenne et la participation populaire ne font pas bon ménage. A la suite du rejet du TCE par les référendums français et néerlandais en 2005, un nouveau texte est élaboré qui deviendra le Traité de Lisbonne. Les deux textes sont des clones et comme le soulignait Valéry Giscard d'Estaing, fin connaisseur des institutions européennes « les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boite à outils » (Le Monde, 27 octobre 2007). Pour éviter tout risque de désaveu populaire, Nicolas Sarkozy, nouveau Président de la République, refuse de redonner la parole au peuple et fait ratifier le Traité de Lisbonne par voie parlementaire en convoquant le Congrès à Versailles. Le texte est adopté à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés grâce au boycott des parlementaires socialistes décidé par François Hollande en tant que Premier secrétaire du PS. Jean-Luc Mélenchon parle alors de forfaiture pour dénoncer cette manœuvre politicienne qui élargit la fracture entre les citoyens et l'appareil institutionnel européen.

     

    Une fuite en avant dont il faut sortir en 2015.

     

    Plus aucun frein démocratique ne s'oppose à la poursuite et à l'amplification des politiques néo-libérales de l'Union européenne. La crise financière de 2008 met en obligation les États de sauver le système bancaire et  la dette des États qui en résulte, contractées auprès des marchés financiers, impose des politiques d'austérité à l'ensemble des pays de l'Union, notamment en Irlande, en Espagne et au Portugal. Le cas le plus dramatique est celui de la Grèce qui conduit à une crise humanitaire pour une frange importante de la population de ce pays de la zone euro. L'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) confirmée par le Traité de Lisbonne  conduit à ce que les gouvernements des pays de la zone euro n'ont plus aucun pouvoir sur leur monnaie. Mais cela ne suffit pas. Le Traité européen (TSCG) adopté en 2013 installe le principe de la règle d’or qui donne pouvoir à la Commission européenne de surveiller les budgets nationaux de tous les pays de la zone euro et d'imposer des politiques d'austérité. Une mise sous tutelle est imposée aux pays membres de la zone euro par la Commission européenne. Les conséquences se font à présent sentir dans tous les secteurs de la vie publique : restrictions budgétaires des politiques publiques et des collectivités territoriales en matière de santé, d'éducation, de culture, de recherche, de protection sociale, de services auprès des personnes âgées et de la petite enfance. La situation tragique imposée par la troïka (FMI, BCE, Commission européenne) à la Grèce suscite en janvier dernier un rejet démocratique contre les politiques d'austérité. La coalition Syriza emporte les élections démocratiques, forme un nouveau gouvernement et se déclare prête à négocier sur la base du message envoyé par le peuple grec. La réponse de l'Union européenne est exprimée par le nouveau Président de la Commission européenne E. Juncker « dire que tout va changer parce qu'il y un nouveau gouvernement à Athènes, c'est prendre ses désirs pour des réalités. Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

     

    Tout est dit à présent. Les mises en garde de Pierre Mendès-France au moment de la ratification du Traité de Rome, le maintien d'une idéologie néo-libérale malgré le rejet par les peuples français et néerlandais du Traité constitutionnelle européen (TCE), la connivence des soi-disant partis de gouvernement (droite et PS confondus) confirment la dérive anti-démocratique de l'Union européenne (UE). Il ne peut plus être question de vouloir une autre UE comme en 2005, la question qui se pose à présent est de trouver les conditions de sortir de cette UE-là qui empêche le fonctionnement démocratique, et entrave toute politique au service de la  justice sociale, de la  fraternité et de la paix.

     

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  • L’UE n’a pas d’argent pour la Grèce, mais a 11 milliards d’euros pour un pays non membre, l’Ukraine.

     

    Et sans que le Parlement de cette Europe capitaliste ne s'en émeuve. Ci-dessous, une photo de nos glorieux parlementaires défendant le capitalisme libre et non faussée en Ukraine

     

     
    L’UE n’a pas d’argent pour la Grèce, mais a 11 milliards d’euros pour un pays non membre, l’Ukraine.
     
     
    Par contre, pour la Grèce, état de l'UE et de la zone euro, pas de fric!
    Oui, la Commission européenne vient de rendre public son  « Paquet de soutien pour l’Ukraine »: 11 milliards d'euros accordés à l'Ukraine, pas pris dans les poches des hors-sol qui dirigent l'UE ou dans celles du patronat européen, non par tous les contribuables européens qui sont soumis à l'austérité. Pire, l'UE nous pique du pognon pour un gouvernement avec des néo-nazis dans ses rangs. Voici les détails :
    • 3 milliards du budget de l’UE, soit 1,6 milliards en prêts d’aide macro financière (MFA) et un programme d’aide de subventions de € 1,4 milliards ;
    • Jusqu’à 8 milliards de la Banque européenne d’investissement et de la Banque européenne pour la Reconstruction et le développement ;
    • 3,5 milliards potentiels par le biais de la Facilité d’Investissement de Voisinage(sic) ;
    • Mise en place d’une plate-forme de coordination des donateurs ;
    • Application à titre provisoire de la Zone de Libre-échange Complète et Approfondie à la signature de l’accord d’Association et, si besoin, par le pré-approvisionnement autonome des mesures commerciales ;
    • Organisation d’un Forum/groupe d’investissement de haut niveau ;
    • Modernisation du système de Transit du gaz en Ukraine et travail sur les flux inverses, notamment par le biais de Slovaquie ;
    • Accélération du Plan d’Action de libéralisation des Visas dans le cadre établi ;
    • Offre d’un partenariat pour la mobilité ;
    • Assistance technique sur un certain nombre de domaines, des réformes constitutionnelles aux réformes judiciaires et les préparations d’élections.
    Et si on ne devait que s'en tenir aux réformes ukrainiennes(sic), des dispositions ont été prises pour éradiquer la culture et la langue russe –provoquant naturellement la colère des plus de 8 millions de russophones qui composent la population – mais qui se considéraient également ukrainiens.
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