La France, sponsor des terroristes ? Le Qatar et le plan des Frères musulmans (4/10)
Dans l’entreprise de remodelage du Grand Moyen-Orient, le Qatar joue un rôle de premier plan. Profitant du vide laissé par le déclin des nationalistes, le Qatar ambitionne de se positionner à l’avant-garde du monde arabe en s’appuyant notamment sur les Frères musulmans. Avec ses croyances dans un libéralisme économique débridé, le mouvement apparaît comme un partenaire utile tant pour l’impérialisme occidental que pour son parrain qatari. Comment l’émirat utilise-t-il la confrérie ? Quel rôle joue sa chaîne télévisée Al-Jazeera ? Comment définir les relations entre la France et le Qatar ? Pourquoi l’émirat a-t-il rejoint l’Organisation Internationale de la Francophonie ?
Alain Chouet révèle que l’Arabie Saoudite et le Qatar arment et financent les mouvements salafistes jihadistes (dont Al-Qaïda[1]) pour faire triompher l’idéologie wahhabite, et pour appuyer le projet d’installation de l’islam politique dans le monde arabo-musulman. C’est l’objet du projet politique qatari[2] qui exporte tous azimuts le modèle idéologique des Frères Musulmans, à grand renfort de gazodollars. Un modèle qui s’accommode très bien de la version la plus débridée du capitalisme néolibéral prôné par Washington.
Les pétro/gazo-monarchies wahhabites sont aidées dans ce projet par les néo-conservateurs états-uniens, qui voient d’un bon œil le remodelage du Moyen-Orient sur des bases confessionnelles. Pour ce faire, pas besoin de chercher très loin. Autant utiliser la stratégie la plus efficace de l’histoire des conflits et des conquêtes de territoires, une stratégie qui date au moins de l’Empire romain : divide ut regnes, ou divide et impera (« diviser pour régner »). Pas d’états d’âme pour les puissants et les va-t-en guerre, seulement des intérêts, des rêves de conquêtes et de domination.
L’enjeu géopolitique central est le même depuis le XIXè siècle : contrôler l’Eurasie, carrefour géostratégique entre trois continents où réside une grande part des richesses mondiales. Selon l’influent stratège états-unien Zbigniew Brzezinski (conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter), le pays ou le groupe de pays qui parviendrait à contrôler l’Eurasie, contrôlerait le monde. C’est la thèse qu’il expose dans son livre Le Grand échiquier, L’Amérique et le reste du monde, paru en 1997. Il y a près de vingt ans, il exposait déjà une doctrine claire, adoptée depuis par les administrations états-uniennes toutes tendances confondues : « l’Amérique est désormais la seule superpuissance mondiale, et l’Eurasie la scène centrale de la planète. De ce fait, la redistribution des pouvoirs sur le continent eurasien revêtira une importance capitale pour la suprématie américaine dans le monde et l’histoire future des États-Unis. […] L’Amérique joue désormais le rôle d’arbitre en Eurasie, et aucun problème d’importance ne saurait trouver de solution sans sa participation ou d’issue contraire à ses intérêts. La longévité et la stabilité de la suprématie américaine sur le monde dépendront entièrement de la façon dont ils manipuleront ou sauront satisfaire les principaux acteurs géostratégiques présents sur l’échiquier eurasien et dont ils parviendront à gérer les pivots géopolitiques clés de cette région[3] ». Brzezinski ne s’en cache aucunement, l’objectif de la politique extérieure des États-Unis consiste bel et bien à instaurer un « nouvel ordre international sous tutelle américaine[4] ».
Quelques années après la publication du Grand échiquier, les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone offrirent à l’administration états-unienne le prétexte tant attendu pour imposer le USA Patriot Act et une surveillance massive des citoyens états-uniens. Les attentats du 11 septembre 2001 furent un casus belli opportun, qui permirent aux États-Unis d’intervenir en Afghanistan (2001) et en Irak (2003), puis d’entamer une guerre internationale contre le terrorisme. Un rêve pour le complexe militaro-industriel mondial, qui se frotte les mains et se remplit les poches avec cette manne céleste accordée à perpétuité.