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MS21 - Page 7

  • La CIA contre l’Equateur

     

    Le livre « La CIA contre l’Amérique Latine, chapitre spécial Equateur » de Jaime Galarza et Francisco Herrera, révèle l’intervention et l’ingérence de cet organisme dans la région grâce au témoignage de Philip Agee, espion de la CIA de 1963 à 1968 qui a travaillé plusieurs années en Equateur.

     

    Le but de la CIA était la rupture des relations de l’Equateur avec Cuba et le renversement du président équatorien Carlos Arosemena. Ces deux objectifs furent atteints. « Dans les deux cas, la CIA a basé sa campagne sur l’anticommunisme et a utilisé un incroyable enchevêtrement de mensonges, de falsifications, de terrorisme, d’actes sanglants, d’achat et de vente de consciences, » raconte le livre. Dans la liste des collaborateurs et des informateurs de la CIA en Equateur de ces années-là, figuraient 200 hauts fonctionnaires parmi lesquels le sénateur Reinaldo Varea Donoso qui recevait 800 dollars par mois de l’agence.

    L’ex agent détaille les méthodes de travail des services spéciaux des Etats-Unis en Amérique Latine pour déstabiliser les Gouvernements de la région qui représentent un danger pour les « intérêts » de Washington. Parmi ces méthodes, il y a entre autres la manipulation de l’opinion publique, l’infiltration de partis politiques et d’organisations, la réalisation d’attentats terroristes faussement attribués à des mouvements de gauche, les pots-de-vin, l’espionnage de la correspondance.

     

    La CIA a plus de 70 bases militaires en Amérique Latine et entraîne à l’Ecole des Amériques (Institut de Sécurité et de Coopération de l’Hémisphère Occidental) 1 500 militaires par an en moyenne en provenance d’Amérique Latine et des Caraïbes, à l’exception du Nicaragua, du Venezuela, de la Bolivie, de l’Equateur, de l’Argentine et de Cuba. Elle finance également des ONG et des partis d’opposition contre les Gouvernements qu’elle considère comme « hostiles » aux intérêts des Etats-Unis.

     

    L’Equateur sans bases militaires étrangères

     

    Sur ordre du Président Rafael Correa en juillet 2009, les Etats-Unis ont retiré leur base de Manta (nord de l’Equateur) à l’expiration du bail de 10 ans accordé en 1999 par le président de l’époque Jamil Mahuad. La présence des troupes états-uniennes était condamnée par des organisations politiques et sociales qui dénonçaient des violations des Droits de l’Homme. La base militaire de Manta ou base militaire Eloy Alfaro, inaugurée par l’Armée de l’Air équatorienne le 28 octobre 1978, fonctionnait sur une zone accolée à l’aéroport international du même nom, dans la ville de Manta (Nord).

    Depuis 1999 et pendant 10 ans, grâce à un accord inter-gouvernemental, l’utilisation comme l’accès à la piste et une partie de la base de Manta ont été cédés à l’armée de l’air des Etats-Unis sous prétexte de lutter contre le trafic de drogues dans le nord-ouest de l’Amérique du Sud. Manta devait servir de base d’opérations pour le Plan Colombie, un accord signé entre la Colombie et les Etats-Unis présenté en 1998 par le président colombien Andrés Pastrana comme un programme de développement économique sans drogues dont la véritable intention était l’implantation des forces états-uniennes dans ce pays.

     

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  • Le scandale de corruption du Brésil devient international

     

     

    Comme un feu de brousse, les dossiers de la corruption au Brésil prolifèrent. Le scandale a commencé il y a deux ans et demi par des révélations de corruption concernant Petrobras, la société pétrolière brésilienne. Mais actuellement, c’est le groupe Odebrecht, la première entreprise de construction en Amérique latine, qui est au centre des attentions. Des révélations récentes mettent à nouveau en cause le président Temer et ses ministres. Odebrecht aurait versé des pots-de-vin dans une douzaine de pays, causant des polémiques de l’Equateur jusqu’au Royaume-Uni.

     
       Raf Custers, @rafcusters
     

    En mars 2016, le chef de l’entreprise Marcelo Odebrecht (’Marcelo’) a été condamné à 19 ans et 4 mois de prison ferme, les preuves contre lui étant accablantes. Les analyses de quelques dix appareils téléphoniques de Marcelo avaient mis à nu un schéma de pratiques de corruption et de blanchiment d’argent importantes.

    Il s’avère que le groupe Odebrecht disposait en son sein d’un service dont la seule fonction était de payer des pots-de-vin. Ce Service d’Opérations Structurées gérait les transactions avec des ordinateurs équipés spécifiquement pour cette fraude. Le service organisait les paiements à travers une banque (achetée à cette fin par le groupe Odebrecht) dans l’Etat caribéen d’Antigua. Peu après la condamnation de Marcelo, la presse brésilienne a publié une liste codée des bénéficiaires de ces dessous de table. La Justice brésilienne a alors décidé d’entamer une nouvelle phase d’investigation, la 23e déjà, dans une enquête globale sur la corruption appelée « Opération Lava Jato ».

     

     

    Qu’Odebrecht et les autres grandes entreprises de construction du Brésil se soient associées en cartel  n’est qu’un des résultats de cette enquête. La création du cartel remonte aux environs de 2007, lorsque le Brésil s’est vu octroyer l’organisation de la Coupe du monde de football 2014. [1] Au sein de ce cartel, Odebrecht et ses « concurrents » déterminaient une stratégie à présenter lors des appels d’offre publics pour les travaux liés aux stades de football, afin de garantir que chaque membre du cartel ait sa part. De cette manière, Odebrecht a remporté les appels d’offre pour la rénovation prestigieuse du stade de Maracaña à Rio de Janeiro.

    Le système a été découvert lorsque le groupe de construction Andrade Gutierrez, membre du cartel, est passé aux aveux en échange de l’assurance d’un règlement à l’amiable. Le précédent gouverneur de Rio de Janeiro, Sergio Cabral (du PMDB – Partido do Movimento Democrático Brasileiro – le parti de l’actuel président Temer) a quant à lui été mis derrière les barreaux. Il aurait détourné l’équivalent de 64 millions de dollars du budget de rénovation du Maracaña.

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  • « 3000 nuits »: la résistance des femmes dans les prisons israéliennes

     

    En salle en France depuis le 4 janvier 2017, le nouveau film de la réalisatrice palestinienne Mai Masri 3000 Nuits porte avec force la voix des détenues palestiniennes.

    Nous avons pu le voir dans le cadre de la quatrième édition des rencontres internationales des cinémas arabes à l’initiative de l’association de promotion et de diffusion des cinémas arabes à Marseille et en Méditerranée (Aflam) au musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem).

    Une pluie battante qui tombe cinglante. Des prisonniers dans un fourgon menottés. Les images en fondu enchaîné se figent sur le visage ensanglanté de Layal Asfour. La jeune institutrice de Ramallah était là au mauvais moment. Elle est intervenue pour porter secours à un tout jeune Palestinien blessé. Il est poursuivi pour terrorisme. Elle le sera à son tour, mécaniquement. Descente aux enfers. Prison israélienne de haute sécurité. Le scénario se déroule dans les années 1980, lorsque les prisonniers politiques et de droit commun israéliens et palestiniens sont encore détenus ensemble.

     

    Cette captivante œuvre de fiction ancrée dans le réel est la dernière création de Mai Masri, que l’on connaît davantage pour son travail documentaire, souvent en coréalisation avec son compagnon Jean Chamoun. Tous deux archivent la résistance palestinienne et libanaise. Mai Masri a abondamment traité de la guerre et de la détention, et plus particulièrement de leurs conséquences sur la vie des femmes et des enfants. Cette première fiction lui a déjà valu d’être distinguée par une vingtaine de prix, dont sept en France, et une présentation aux Oscars, avant que le film, réalisé de manière indépendante (Nour Films, Orjouane Productions, Les Films d’ici) ne sorte en salle en janvier 2017.

     

     

    Nour (lumière) dans la nuit

     

    Une fois incarcérée, Layal Asfour devient le matricule 735. Elle est d’abord mise en cellule avec des Israéliennes qui éructent leur haine des Arabes et de la langue arabe au premier regard. Un huis clos insoutenable. Puis elle rejoindra des Palestiniennes. Il y a là Jamilé, Ouma Ali, Sanaa, résistante libanaise qui a perdu un bras… : tous les visages et toutes les générations de femmes en lutte contre l’occupation. Layal Asfour découvre avec stupéfaction qu’elle est enceinte, puis que l’homme qu’elle aimait, son mari, ne va pas hésiter à l’abandonner, refusant de renoncer au visa qu’ils avaient demandé pour rejoindre le Canada. Contre son chantage à l’avortement et à la dénonciation, pour sauver la peau du jeune Palestinien qu’elle a aidé, elle n’hésite pas une seconde et lui tourne le dos et le cœur. Pour Mai Masri, il fallait aussi montrer cette facette de la réalité. Parler des femmes détenues, sur lesquelles il existe très peu de documentation, mais aussi de cet abandon par les hommes — un grand classique universel — tandis que les prisonniers sont toujours soutenus par les femmes et les familles.

    Lorsque la condamnation à huit ans de réclusion, soit trois mille nuits, tombe, Layal Asfour est sonnée. En prison, elle va devenir une autre. C’est d’abord l’arrivée de son fils, Nour, dont elle accouche menottée, qui change son rapport au monde et la relation avec ses codétenues. L’enfant devient pour elles une flamme de vie à protéger et faire grandir. Les images de Mai Masri et de son opérateur, Gilles Porte, sont d’une beauté rare, saisissant la vie et la joie comme des herbes folles surgies de ce monde de non-droit et de terreur parfaitement restitué par le travail sur les décors d’Hussein Baydoun.

     

    Le prix de l’insoumission

     

    Mai Masri creuse aussi jusqu’à l’os toutes les relations perverses et sadiques mises en place par les gardiennes, le chantage permanent à la dénonciation et à la collaboration, la complexité des relations entre détenues. Les Palestiniennes sont assignées au ménage et à la cuisine. Les scènes de rébellion sont quotidiennes et finissent parfois en batailles homériques de nourriture entre détenues israéliennes et palestiniennes. Mais ce qui va vraiment devenir l’insoumission absolue, c’est lorsque les nouvelles du massacre de Sabra et Chatila pénètrent à l’intérieur de la prison. Plus rien ne peut arrêter la rage et la grève de la faim des prisonnières qui vont s’étendre au bâtiment voisin où sont détenus les hommes. La répression est sauvage. « Je ne veux plus les entendre respirer », hurle une geôlière.

    Encerclement, gaz, coups. Layal Asfour va payer le prix fort pour sa révolte. Elle se verra arracher son fils qui a atteint ses deux ans et que seule la soumission aurait pu lui permettre de garder auprès d’elle un peu plus longtemps.

    Mai Masri a tourné ce film fort et dérangeant dans une prison jordanienne désaffectée, avec d’anciens détenus palestiniens qui ont interprété tous les rôles après un long travail de recueil de témoignages. L’interrogateur israélien est un Palestinien qui a été détenu durant cinq ans en Israël. L’une des actrices a rendu visite à son frère durant quinze ans et retrouvé en jouant la violence de cette histoire intime et collective. Layal Asfour est interprétée à fleur de peau par Maisa Abd Elhadi, actrice palestinienne qui crève l’écran et joue ici son premier rôle aussi politiquement engagé, inspiré de l’histoire vraie d’une jeune mère palestinienne, et qu’elle porte avec fierté.

     

    Un miroir aux yeux du monde

     

    Depuis 1948, plus de 700 000 Palestiniens ont été détenus dans les geôles israéliennes. Ils sont aujourd’hui près de 7 000, hommes, femmes et enfants à y croupir. Pourquoi inscrire le film dans les années 1980 alors que la situation perdure ? Pour la documentariste, ces années étaient particulièrement éclairantes et rendent compte d’un parcours de lutte politique avec des avancées et des reculs.

    Aujourd’hui les détenus politiques et de droit commun, israéliens et palestiniens, sont séparés. Les moyens de déjouer les interdictions de communiquer sont devenus plus difficiles à contourner. La détention frappe toutes les familles. Entre août 2015 et avril 2016, le nombre d’enfants emprisonnés a triplé. Les prisonniers restent donc un enjeu emblématique et déterminant de la lutte pour l’autodétermination, et l’obtention de leur libération s’inscrit dans l’histoire nationale.

    Comme lors de cet échange, en 1983, — auquel le film fait référence —, de six Israéliens détenus par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) contre 4 700 prisonniers palestiniens et libanais. Un événement marquant que Mai Masri fait jouer et qu’elle redouble d’images d’archives, tout comme pour l’évocation de Sabra et Chatila. Cela participe aussi à donner à la fiction son ancrage et son souffle. Ici l’on sait que tout est vrai. Les histoires se mélangent et se télescopent, mais elles ont toutes été vécues. Et elles perdurent.

    Le film a été projeté dans plusieurs pays arabe, primé à Carthage, et aussi diffusé en Israël, en Cisjordanie et à Gaza. Un miroir brandi aux yeux du monde.

     

    Source: Orient XXI

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  • Négrophobie: la prochaine fois, le feu !

     

     

    Parfois, la vie se charge de cimenter ce que vous tentez d’exprimer depuis des années. Sans subtilité. Avec violence et célérité. Pour avoir animé 3 débats autour de la lutte contre la négrophobie, le week-end dernier au Bozar de Bruxelles (1), je ne m’attendais pas à voir l’actu franco-belge supplanter à ce point la pertinence de nos échanges…

     
    Bien sûr, pour « encourager » notre propos, il y avait eu la blanche Romanie Schotte et son étron virtuel négrophobe, anencéphale Miss Belgique, comprise et protégée par la plupart des médias, RTL-TVi en tête (2). Ou encore la noyade de ce réfugié gambien, Pathe Sabally, 22 ans, dans les eaux glacées de Venise sous les quolibets négrophobes d’une partie des badauds (3). La « polémique»belgo-belge et le « fait divers » italien, présentés comme « isolés » et sans « causes connues », ont soutenu notre débat intitulé «Lutte contre l’Afrophobie : où en est-on aujourd’hui en Europe ? » (4) . De même qu’en toile de fond, depuis 6 mois, l’hallucinante affaire Adama Traoré – ou comment les Autorités françaises s’évertuent à protéger 3 policiers qui ont asphyxié leur victime, l’ont laissé mourir allongée sur le sol, mains menottées dans le dos – nous a appris qu’il fallait trois autopsies successives pour établir les causes de la mort d’un jeune noir de 24 ans… lorsque celui-ci est étouffé par la police (5).
     
    En cas de mémoire courte, l’attaque au couteau sur Naithy Nelson, jeune homme noir de 20 ans, par un chauffeur de bus de la Société De Lijn est venu rappeler aux Belges que la négrophobie ne se limite pas à Instagram et peut aboutir au crime (6). Le lendemain de cette agression, soit le 3 février 2017, en passant la frontière vers la banlieue parisienne, c’est Théo, 22 ans, qui se fait violer à la matraque et tabasser par 4 policiers d’Aulnay-sous-Bois. Le tout filmé par une trentaine de témoins. Résultat : opération urgente de l’anus déchiré sur 10 cm et 60 jours d’incapacité de travail pour Théo. Inculpations de «viol » pour l’un des pandores et de « violences volontaires » pour ses trois collègues (7).
     

    Trois des quatre policiers soulèvent et traînent Théo par ses vêtements tandis que celui-ci semble inanimé et paralysé par la douleur…
     
    Les points communs de ces « faits divers » sautent aux yeux des racisé-e-s tandis que nombre de blancs mobilisent leur privilège racial conjugué à leur mauvaise foi pour éviter de les voir. D’abord, à travers 3 pays (Belgique, France, Italie), la couleur de peau des victimes est la même : noire. Ensuite, dans l’un ou l’autre des cas, l’humiliation, l’agression ou le meurtre font partie intégrante des récits.
     
    Enfin, si le mot « racisme » apparaît timidement, ici ou là, le terme « négrophobie » est toujours aux abonnés absents du traitement médiatique. Les mécanismes structurels à l’origine de ces « tragédies » ne sont jamais épinglés. Le racisme d’Etat comme la négrophobie institutionnelle ou policière ne sont pas identifiés, questionnés et encore moins stigmatisés. Tout se déroule comme si personne, chez les journalistes, les intellectuels, les politiques, tous majoritairement blancs, n’était à même d’articuler ces agressions négrophobes qui se renouvellent en Europe sur des fréquences de plus en plus courtes. A l’évidence, la motivation fait défaut. Car la négrophobie, outil de la hiérarchisation et de la domination raciales, arrange les différentes Autorités comme elle indiffère les médias, tant que cités et ghettos ne brûlent pas. A l’image du taux élevé de chômage qui convient à nombre de politiciens et de patrons afin de déforcer sinon anéantir toute revendication sociale, toute mobilisation subversive entre ceux qui ont un travail et ceux qui en sont exclus.
     

    Police partout, justice nulle part

     
    A l’instar de la famille d’Adama Traoré, de celle de Naithy, la famille de Théo « appelle au calme », à ce que « justice soit faite » et autres lieux communs de circonstance. Le problème, c’est quelle justice ? En matière de violences policières, l’impunité judiciaire est la règle ; l’amnésie politicienne, une banalité ; la bienveillance médiatique envers les bourreaux, une habitude. Afin que demain, en toute arabo-négrophobie assumée, en toute continuité coloniale exaltée, de « pauvres policiers surmenés » puissent continuer à humilier, brutaliser, violer et tuer du noir et de l’arabe lorsqu’ils l’estiment « justifié » (8).
     

    Avant la mort par asphyxie d’Adama Traoré et le viol et tabassage en réunion de Théo, il y a eu d’autres victimes de cette violence policière négrophobe. Faut-il préciser que les noms reposant sur ces marches ne constituent pas une liste exhaustive des citoyens noirs tués par la police française ?
     
    Quelle justice, en effet ? Dès le moment ou la jurisprudence des décisions ne plaide pas en faveur d’une impartialité mais de la défense d’un suprémacisme et corporatisme blancs qui, in fine, protège des brutes, des violeurs et des assassins sous prétexte qu’ils sont «dépositaires de l’autorité publique ».
     

    «Théo et Adama te rappellent pourquoi Zyed et Bouna couraient…»

     
    Circulant sur les réseaux sociaux, cette petite phrase résume bien une autre facette du problème. Et résonne dans le coeur de nombre de racisé-e-s un jour « contrôlé au faciès ». En 2005, si Zyed, Bouna et Muhitin tentaient d’échapper au contrôle de police, c’était bien pour échapper à l’humiliation et aux insultes racistes assurées, c’était bien pour échapper aux probables coups encaissés, c’était pour éviter « le pire »… sans savoir que, pour deux d’entre eux, ils allaient en mourir (9). Trois semaines de révoltes populaires à travers la France et dix années de procédure plus tard, le tribunal de Rennes a prononcé la relaxe des deux policiers poursuivis dans cette affaire pour non-assistance à personne en danger. Circulez, les familles endeuillées noires et arabes : la justice, c’est pas pour vous !
     
     
    Le pire, la négation de son être intime, la torture ultime, Théo l’a subie. Sans que son casier judiciaire vierge ne le protège en quoi que ce soit. « Il était là au mauvais moment au mauvais endroit », diront les distraits, les aliénés et les privilégiés blancs. Non ! Théo est surtout « un noir de banlieue » ! Selon ces critères, il n’avait aucune chance face à ses bourreaux qui savent pertinemment qu’ils peuvent tout se permettre contre « ces gens-là». C’est l’une des conséquences de la négrophobie structurelle que la plupart des médias, politiciens et intellectuels s’efforcent d’escamoter ou d’invisibiliser par le silence… Au Canada, femmes et hommes politiques savent désormais que les silences ont des «conséquences » et vous rendent complices (10). En France comme en Belgique, ils continuent à l’ignorer, selon les modalités d’une vieille hypocrisie pestilentielle…

     

    Aucune amélioration sociopolitique

     
    En Europe, malgré une relative prise de conscience, la volonté politique d’identifier et de s’attaquer aux mécanismes structurels de la négrophobie fait défaut. De nombreuses propositions pour lutter contre ce racisme spécifique, via des rapports, des colloques, des conférences et autres « Assises de la diversité », sont restées lettre morte.

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  • Quand la politique étrangère européenne devient commerciale

     

     

    Depuis bientôt un an l’Union européenne prépare sa nouvelle Stratégie globale. La publication de ce document est annoncée pour le mois de juin. Un événement majeur pour la politique étrangère de l’Union européenne. La nouvelle stratégie fait l’objet d’une consultation (non publique) depuis octobre 2015. Une constante : des plaidoyers pour que la diplomatie économique soit incluse dans la politique étrangère de l’Union européenne. Cette stratégie est appliquée par Federica Mogherini, la haute représentante de l’UE. Les États membres agissent seuls, mais, si ça les dépasse, ils demandent que l’Union européenne les représente. De cette Europe bipolaire, les Pays-Bas sont un bel exemple. Ce pays assure la présidence de l’Union européenne pendant ce premier semestre 2016.


    La rédaction de la nouvelle Stratégie globale de l’Union européenne (SGUE) aura pris un an. La première pierre a été posée par Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. C’est elle qui depuis fin 2014 dirige le Service d’action extérieure européen (SAEE). Ce service coordonne la politique étrangère et de sécurité de l’UE, en collaboration avec la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker. Fin juin 2015, Mogherini a présenté son analyse du monde actuel devant le Conseil européen. Le Conseil l’a ensuite mandatée pour élaborer la nouvelle Stratégie globale.

    En octobre 2015, Mogherini s’adressait à une audience de politiciens, d’analystes et à la « communauté sécuritaire » à l’Académie royale des sciences de Bruxelles. Elle y lança formellement une consultation sur la future politique extérieure de l’UE. Contrairement aux consultations de la Commission européenne, celle-ci n’est pas publique. Les mois suivants un éventail de décideurs et de chercheurs se penchaient donc sur un texte-martyr, qui resta secret pour le grand public.

    Au travers de colloques, séminaires et autres débats, bon nombre de participants soulignaient que la future Stratégie globale ne pourrait pas se limiter à une diplomatie politique et une action sécuritaire au sens strict de ces notions. On peut le déduire des quelques documents publiés.

    L’analyse de Mogherini

    Parcourons d’abord l’aperçu de Mogherini de juin 2015. L’UE dit avoir besoin d’une nouvelle stratégie, puisque la précédente stratégie, intitulée Stratégie européenne de sécurité, date déjà de 2003. À cette époque « l’UE traversait le meilleur moment de son histoire récente », dit le texte, mais « entretemps le monde a changé radicalement ». [1] Ce monde serait plus « connecté, contesté et complexe » que jamais. L’UE est entourée d’un arc d’instabilité. De nouveaux conflits peuvent éclater du fait que le nombre d’états « fragiles » augmente, que des technologies nouvelles se répandent, que le climat se réchauffe et que les ressources naturelles se raréfient.

    Dans ce monde « plus dangereux, plus divisé et plus désorienté », l’UE, quoiqu’affaiblie par la crise économique et financière, se donne « la responsabilité de protéger ses citoyens tout en promouvant ses intérêts et ses valeurs universelles ».

    L’EU a également l’intention « d’affronter les défis et de saisir les opportunités », mais il faudra développer des synergies entre les politiques de sécurité interne et externe pour couvrir tous les champs de l’action externe de l’UE. [2]

    Ce texte, souvent imprécis dans son vocabulaire, et qui ferait preuve d’un « esprit post-prospérité » [3], est forcément généraliste. Ce qui nous intéresse dans ce cadre c’est sa composante économique : est-elle présente dans les débats ? La réponse est affirmative.

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  • Qui fournit l’information ?

     

     

    Le point culminant de la couverture médiatique occidentale des guerres en Irak et en Syrie a été le siège d’Alep-est, qui a commencé sérieusement en juillet et s’est terminé en décembre, lorsque les forces gouvernementales syriennes ont pris le contrôle des dernières zones tenues par les rebelles et plus de 100 000 civils ont été évacués. Pendant les bombardements, les chaînes de télévision et de nombreux journaux semblaient désintéressés de savoir si tel ou tel reportage était vrai ou faux, et ont même rivalisé pour publier l’histoire d’atrocité la plus spectaculaire, même lorsqu’il n’y avait que peu de preuves qu’elle avait réellement eu lieu.

    Les chaîne NBC a rapporté que plus de quarante civils avaient été brûlés vivants par les troupes gouvernementales, en citant comme source de vagues « médias arabes ». Une autre histoire largement médiatisée – qui a fait les manchettes partout, du Daily Express au New York Times – fit celle de vingt femmes qui s’étaient suicidées le matin même pour éviter d’être violées par les soldats qui arrivaient, la source étant un insurgé bien connu, Abdullah Othman, dans une citation d’une seule phrase accordée à the Daily Beast.

    L’histoire la plus crédible sur des atrocités fut diffusée dans le monde entier par Rupert Colville, porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, qui a déclaré que son agence avait reçu des informations fiables selon lesquelles 82 civils, dont 11 femmes et 13 enfants, avaient été tués par des forces pro-gouvernementales dans plusieurs endroits nommés dans Alep-est. Il fut précisé que les noms des morts étaient connus. D’autres enquêtes du HCR en janvier ont porté le nombre de morts à 85 sur une période de plusieurs jours. Colville a dit que les auteurs ne sont pas l’armée syrienne, mais deux groupes de milices pro-gouvernementales – al-Nujabah d’Irak et un groupe palestinien syrien appelé Liwa al-Quds – dont les motifs étaient « l’inimitié personnelle et des disputes entre familles ». Interrogé s’il y avait d’autres rapports de civils exécutés au cours des dernières semaines du siège, Colville a dit qu’il y avait des rapports sur des membres de l’opposition armée tirant sur des personnes qui tentaient de fuir l’enclave rebelle. L’assassinat de 85 civils confirmés par de multiples sources et le meurtre d’un nombre inconnu de personnes avec des bombes et des obus étaient certainement des atrocités. Mais il est exagéré de comparer les événements d’Alep-est – comme les journalistes et les politiciens des deux côtés de l’Atlantique l’ont fait en décembre – avec l’assassinat massif de 800 000 personnes au Rwanda en 1994 ou plus de 7000 à Srebrenica en 1995.

    Toutes les guerres produisent toujours de fausses histoires d’atrocités – ainsi que de véritables atrocités. Mais dans le cas syrien, les nouvelles fabriquées et les reportages unilatéraux ont dominé les informations à un degré probablement jamais vu depuis la Première Guerre mondiale. La facilité avec laquelle la propagande peut désormais être diffusée est souvent attribuée à la technologie de l’information moderne : YouTube, smartphones, Facebook, Twitter. Mais il ne faut pas s’étonner que dans une guerre civile, chaque partie utilise tous les moyens possible pour faire connaître et exagérer les crimes de l’ennemi, tout en niant ou dissimulant des actions similaires dans son propre camp. La véritable raison pour laquelle les reportages sur le conflit syrien ont été si mauvais est que les médias occidentaux se sont presque entièrement fié aux rebelles.

    Depuis au moins 2013, il est trop dangereux pour les journalistes de visiter les zones tenues par les rebelles en raison de craintes bien fondées d’êtres enlevés et détenus pour un rançon, ou assassinés, habituellement par décapitation. Les journalistes qui ont pris le risque ont payé un lourd tribut : James Foley a été enlevé en novembre 2012 et exécuté par l’Etat islamique en août 2014. Steven Sotloff a été enlevé à Alep en août 2013 et décapité peu de temps après Foley. Mais il y a une forte demande du public pour savoir ce qui se passe là-bas, et les médias, presque sans exception, ont répondu en déléguant leurs reportages aux médias locaux et aux militants politiques, qui apparaissent régulièrement sur les écrans de télévision à travers le monde. Dans les régions contrôlées par des gens si dangereux qu’aucun journaliste étranger n’ose y mettre les pieds, l’idée que des citoyens locaux non affiliés puissent s’exprimer librement n’a jamais été crédible.

     

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  • Le bouclier des entreprises transnationales : le régime de commerce et d’investissement

     

     

    L’un des aspects les plus préoccupants de la dynamique qui caractérise la globalisation néolibérale actuelle est, sans doute, le démantèlement des droits du travail, de l’environnement, ainsi que des droits sociaux et humains, tant au Sud qu’au Nord. C’est une dynamique qui remet en question le droit des peuples à leur autodétermination et la souveraineté des États. Cette situation est le résultat de la conception d’un nouveau système économique et d’une nouvelle logique corporative, mises en place et entretenues par les élites socio-économiques des pays occidentaux et des institutions économiques et financières internationales, avec la complicité des oligarchies des pays du Sud, notamment à partir des années 1980. Parallèlement, les droits commerciaux des entreprises transnationales, les principaux agents de cet actuel système capitaliste prédateur, se sont renforcés.

    Comment en sommes-nous arrivés là ? Grâce à quels instruments ces entités ont-elles conçu cette nouvelle architecture juridico-économique ? Comment les peuples, les organisations et les mouvements qui luttent pour la justice sociale peuvent-ils contrecarrer cette dynamique systémique réactionnaire et antipopulaire ?

     

    Contexte économique : l’ascension du néolibéralisme

    A partir des années 70, dans le cadre de la métamorphose du système capitaliste keynésien en néolibéralisme, les entreprises transnationales se sont hissées au rang de « moteurs du développement ».

    Et ceci, spécialement à partir de l’imposition des Programmes d’Ajustement Structurel (PAE) aux pays du Sud, dans le cadre de la crise de la dette. C’est ainsi qu’a commencé la période des privatisations de grandes entreprises publiques, la dérégulation systématique des appareils économico-industriels nationaux et des droits sociaux et environnementaux. Les entreprises transnationales se sont imposées dans les secteurs stratégiques de l’économie des pays endettés et « malades ». [1]

    Face à la « maladie » de la dette, on avait besoin de « docteurs » pour trouver les médicaments adéquats. C’est à ce moment-là que sont entrées en jeu les institutions économiques et financières internationales, tels que le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC, entre autres. En réalité, les prétendus « docteurs » se trouvaient à l’origine de la maladie. Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui contribuent au maintien des pays du Sud dans un état de maladie chronique.

    Les conditions imposées par ces entités aux pays du Sud (et, dans le cadre de l’actuelle crise économique, à quelques pays du Nord) ont obligé les économies à s’ouvrir aux entreprises transnationales. Le médicament était servi. La tâche était simple : ouvrir, libéraliser le commerce et accepter la position dominante des grandes entreprises transnationales. Dès le début, l’activité de ces entreprises a été associée à d’énormes violations des droits et des règles intérieurs des pays.

     

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