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Le rôle de la dette dans l’établissement du protectorat français au Maroc n’est plus à démontrer. Guy de Maupassant y fait même allusion vingt ans plus tôt dans son roman Bel-Ami (1885) ! Du milieu du XIXe siècle à 1912, le Maroc affronte en effet des difficultés financières croissantes. L’engrenage infernal de la dette qui lui fut fatal ne commence toutefois qu’au début du XXe siècle, avec l’emprunt de 1904.
(Photo : Siège de la Banque marocaine pour le commerce et l’industrie (BMCI), filiale de BNP Paribas, à Casablanca. Milamber, 2008)
Les racines de l’endettement marocain vis-à-vis de la France menant à l’emprunt 1904 sont multiples. À long terme, la faiblesse des ressources de l’État sultanien réside dans la dichotomie entre l’espace où l’État exerce son autorité, le bled el-makhzen, et l’espace non soumis à l’autorité centrale, dissident, contestataire, le bled Siba. Ce véritable mode de régulation de l’empire chérifien1 entraîne un niveau élevé de dépenses militaires sans que la soumission des tribus ne soit définitivement acquise.
À moyen terme, le Maroc souffre d’un déficit commercial devenu structurel depuis la fin des années 1870. L’exportation massive de capitaux qui en découle nourrit une crise monétaire sans fin appelant sans cesse des flux de capitaux entrants. Ce déficit commercial est la conséquence directe de l’ouverture commerciale du Maroc, entamée dès 1856 par le traité commercial signé avec le Royaume-Uni. L’expansion du droit de protection — l’exemption de toute taxe — dont bénéficient les Européens vampirise par ailleurs les ressources fiscales du Maroc tout en minant l’autorité du sultan.
Enfin, un certain nombre d’événements politiques déclenchent la crise dans ce contexte d’affaiblissement structurel. En 1900, le régent Ahmed Ben Moussa dit Ba Ahmed décède et son neveu, le jeune Abdelaziz Ben Hassan (22 ans) accède au trône. Il devient alors le jouet d’influences étrangères. Ses dépenses somptuaires et extravagantes (chemin de fer dans son palais à Meknès, voitures, appareils photos en or massif…) encouragées par des missions européennes à sa cour creusent le déficit commercial, en plus d’accréditer les accusations d’impiété qui le visent. Plus grave encore, la réforme de l’impôt, le tertib, décidée en 1901 sous l’impulsion de l’envoyé britannique Arthur Nicholson désorganise le système fiscal : la suppression des anciens impôts islamiques et l’instauration d’un nouvel impôt basé sur la surface cultivée provoquent une levée de boucliers généralisée. Le sultan est dès lors brusquement dans l’impossibilité de percevoir tout impôt direct auprès de ses sujets.
Le contexte européen est également crucial pour comprendre la gestation de cet emprunt. En France, le ministère des affaires étrangères cherche à assurer progressivement la prépondérance française au Maroc, en évitant de froisser ses concurrents à une époque d’intenses rivalités impériales. La doctrine de « pénétration pacifique » du ministre Théophile Delcassé le mène à placer ses espoirs dans l’arme financière. Méfiant à l’égard de la Banque de Paris et des Pays-Bas (Paribas), qui incarne la haute finance internationalisée, il soutient d’abord la petite société Gautsch du groupe industriel Schneider. C’est elle qui émet l’emprunt marocain de 1902 de 7,5 millions de francs. Elle ne détient toutefois pas suffisamment de capitaux pour se montrer à la hauteur des ambitions du Quai d’Orsay. Il doit alors traiter avec la banque Paribas, avec laquelle il ne parvient pas à s’accorder. Ces divergences menacent l’avance prise par les Français : en 1903, des emprunts anglais et espagnols subviennent aux besoins immédiats du sultan. Ce n’est qu’après l’Entente cordiale d’avril 19042 entre la France et le Royaume-Uni que l’emprunt peut être conclu, en juin 1904.
L’emprunt n’améliore pas la situation financière du Maroc, bien au contraire. Sur les 62,5 millions de francs prêtés au Maroc, le sultan n’en perçoit que 10,5 millions, le reste servant à rembourser des dettes précédentes et à couvrir les frais d’émission. Le Makhzen se retrouve à nouveau à court de liquidités avant même la fin de l’année. L’emprunt 1904 inaugure ainsi une décennie de détresse financière durant laquelle l’empire chérifien ne peut que contracter de nouvelles dettes pour rembourser les précédentes. En 1910, un nouvel emprunt de consolidation s’élevant à 101 millions de francs parachève l’asphyxie financière du Maroc.
Malgré cet engrenage, l’étendue de l’endettement marocain calculé au regard des critères standards apparait étonnamment faible. La dette, mesurée selon l’indicateur le plus courant (dette publique/PIB, voir encadré) n’est que de 10 % en 1904, et s’élève à 35 % en 1912. La faiblesse de cet endettement révèle sa nature. Si le Maroc dans sa totalité produit suffisamment de richesses pour que le poids de la dette n’apparaisse pas écrasant, le pouvoir central n’y a en réalité pas accès. L’expansion européenne a de fait brisé le lien fiscal qui unit le Makhzen à sa population. À la suite de la désastreuse réforme fiscale de 1901, le sultan Abdelaziz accusé d’être à la solde des Européens affronte de surcroît une révolte généralisée. Il est finalement destitué en 1907 au profit de son frère Moulay Abdelhafid Al Hassan, qui ne pourra plus infléchir la situation. Entre 1903 et 1912, la dette représente en effet entre 10 et 16 années de recettes fiscales, tandis qu’en moyenne 40 % de ces recettes sont absorbées par le service de la dette chaque année.
Mais la force de la dette en tant qu’instrument de conquête coloniale ne réside pas seulement dans sa nature financière. Car la dette est politique : elle implique la création d’institutions nécessaires à sa gestion qui empiètent nécessairement sur les fonctions étatiques. Dès la signature du contrat de l’emprunt 1904, une administration du contrôle de la dette est créée pour prélever les revenus douaniers nécessaires à son service. À la suite de celui de 1910, cette administration collecte la totalité des douanes et des taxes urbaines de Casablanca, en plus d’organiser la police et la sécurité à l’intérieur même du pays.
Le contrat de l’emprunt 1904 prévoyait également une Banque d’État du Maroc (BEM) qui ne sera créée qu’en 1907, après la conférence d’Algésiras3 (1906). Si la BEM est gérée par les puissances occidentales signataires d’Algésiras, elle détient néanmoins les clés du système monétaire marocain : elle obtient le monopole d’émission de la monnaie, le statut de trésorier-payeur et un droit préférentiel pour l’émission des emprunts futurs.
En 1912, un acteur économique est en position de force dans le Maroc nouvellement conquis : Paribas. La banque a de fait pris la tête du consortium bancaire émetteur des emprunts 1904 et 1910. À ce titre, Paribas dirige la BEM : son président à sa création, Léopold Renouard, n’est autre que le vice-président de Paribas. Dès 1912, Paribas est soucieuse de développer son activité au Maroc : à travers le consortium bancaire qu’elle pilote, elle fonde la Compagnie générale du Maroc (Génaroc), vaste conglomérat présent dans tous les domaines de l’économie marocaine. Un président de la BEM, Edmond Spitzer, résumait : « La Banque de Paris et des Pays-Bas est le chef de file indiscuté de tous les groupes intervenant au Maroc : en fait, elle contrôle la plupart des secteurs importants de l’économie en liaison avec notre Banque d’État, la Compagnie générale du Maroc et l’Omnium nord-africain »4.
La dette, en tant qu’elle implique des transferts financiers réguliers, à long terme et formalisés par de nouvelles institutions, modifie durablement l’équilibre des pouvoirs au sein d’une économie. Le fait qu’elle ait joué un rôle majeur dans la colonisation du Maroc -– comme en Égypte ou en Tunisie -– a façonné l’économie du pays pendant sa période coloniale. Ainsi, si l’importance de Paribas dans l’économie coloniale marocaine est considérable, il est important de noter que le marché marocain est négligeable pour Paribas, qui opère dans le monde entier. L’intensité de cette asymétrie synthétise le déséquilibre de la relation coloniale.
1L’opposition entre le bled el-makhzen et le bled Siba ne doit pas être exagérée ni comprise comme dysfonctionnelle. La reconnaissance par le Makhzen d’un espace de dissidence en son sein est au contraire un fait structurant de la sociologie politique du Maroc au XIXe siècle. Voir Ben Mlih, Structures politiques du Maroc colonial (1990).
2NDLR. Le Royaume-Uni et la France signent le 8 avril 1904 une série d’accords bilatéraux couramment désignée sous le nom d’« Entente cordiale » pour résoudre plusieurs différends coloniaux, notamment la reconnaissance de la domination britannique sur l’Égypte et du protectorat français sur le Maroc.
3NDLR. La conférence d’Algésiras est une conférence internationale sur le Maroc qui se tient du 16 janvier au 7 avril 1906 sous l’égide des États-Unis, réunissant l’empire allemand et ses alliés, l’Autriche-Hongrie et le royaume d’Italie ; la France, son allié l’empire russe, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande ; le royaume d’Espagne, celui du Portugal, ainsi que la Belgique, les Pays-Bas et la Suède. Ses conclusions placent le Maroc sous observation de ces grandes puissances, sous couvert de réforme, de modernité et d’internationalisation de l’économie marocaine.
Nous, les Latino-américains de bonne foi, ne pouvons cesser de ressentir comme une gifle sur notre propre joue la sous-estimation raciste de ceux qui élèvent des murs sur l’immense frontière qui sépare le Mexique de son voisin du nord.
Etre avec le Mexique en ces heures difficiles est notre nouvel engagement dans la plus parfaite tradition « martienne ». (1) Exilé au Mexique, José María Heredia (2) disait avec fierté « nous, les Américains ». Il faisait allusion à l’univers qui s’étend au sud du Río Bravo et va jusqu’à l’arc des Antilles. « Si près des Etats-Unis et si loin de Dieu » ont coutume de dire les Mexicains. Plus récemment, Fidel disait qu’à la différence de ce qui est arrivé sur d’autres continents, les affrontements armés entre nos pays ont été relativement rares.
L’essence commune de notre histoire, à partir de la conquête espagnole, a des points de contacts qui favorisent une certaine proximité malgré des différences culturelles qui ne peuvent pas être éludées. Pour de nombreuses raisons géographiques et historiques, le Mexique nous est particulièrement proche.
Je dois reconnaître que, dans mon petit cœur, je garde un endroit particulier pour « la douce patrie. » Cela s’est fait par des amitiés, des lectures et des voyages. A cause de cela, je rougis de colère et de honte quand je vois les politiques xénophobes qui réaffirment la sous-estimation de ce que nous sommes et de l’oeuvre accomplie par les peuples originaires de ce monde. Ne nous y trompons pas. Le racisme comprend, au-delà de la couleur de la peau, tous ceux qui ont été qualifiés de latinos.
Comme Heredia, Martí a eu des amis au Mexique qui ont profondément pénétré sa pensée. Sur cette terre est tombé Julio Antonio Mella. Les membres de l’expédition du Granma ont trouvé là une aide inestimable.
Les échanges entre nos pays ont commencé dès le départ d’ Hernán Cortés pour le Mexique, ont continué avec l’accueil d’exilés de gauche et de droite dans les 2 pays. Ils ont été plus intenses à partir de la révolution mexicaine qui, avec ses revendications agraires et nationalistes, a secoué toute l’Amérique Latine. Pour les intellectuels, les mesures prises par José Vasconcelos sont devenues des exemples d’un modèle à suivre. Le muralisme (3) a eu une répercussion universelle. Quelque chose de similaire s’est produit avec la stimulation de la lecture et la publication de livres.
Dans le milieu populaire, le dialogue avec le Mexique a eu encore plus de portée. Nous avons appris à chanter « Si Adelita est partie avec un autre. » Pancho Villa y Emiliano Zapata sont devenus des symboles comme ailleurs les « mariachis ». L’expansion du cinéma a renforcé cette relation encouragée par les images de Jorge Negrete (4) ( très apprécié à La Havane dans les années 40 du siècle dernier) et de María Bonita. (5)
Sur le plan de la lutte anti-coloniale, l’image de Lázaro Cárdenas (6) est devenue celle d’un géant avec la nationalisation du pétrole, le soutien à l’Espagne républicaine et l’accueil d’un exil dont la culture mexicaine tirerait d’importants bénéfices. Mes contemporains des années 50 ont commencé une critique des erreurs du PRI, de la prison arbitraire à Lecumberri et des syndicats de mèche avec les patrons.
Il ne me revient pas de faire, dans cet article, une analyse de la politique du pays voisin. Nous ne pouvons pas oublier, cependant, que les membres de l’expédition du Granma se sont entraînés là et que le Mexique, fidèle à ses principes, n ‘a jamais rompu les relations avec la Cuba harcelée.
Nous, les Latino-américains de bonne foi, ne pouvons cesser de ressentir comme une gifle sur notre propre joue la sous-estimation raciste de ceux qui élèvent des murs sur l’immense frontière qui sépare le Mexique de son voisin du nord, qui qualifient de « délinquants » et de « parasites sociaux » les représentants d’un peuple qui a été amené par la misère à ramasser les fruits en Californie et contribue à faire la richesse de ceux qui les méprisent.
L’arrogance des riches est basée sur une ignorance pathétique. Les habitants du Mexique pré-hispanique ont donné au monde une culture d’une richesse infinie. Le musée d’anthropologie de Mexico n’a rien à envier au Louvre ou au Prado.
En arrivant à Tenochtitlán, les conquistadors ont été éblouis par les merveilles et par l’étendue de cette ville construite sur une lagune, qui dépasse de beaucoup la petite et malodorante Madrid de l’époque. A l’occasion de ma première visite au DF, le musée d’anthropologie avait une surface limitée au Zócalo. J’y suis allée souvent, toujours attirée par la calendrier aztèque.
Chez nos peuples originaires, l’étude du firmament dépassait dans beaucoup de ses aspects le savoir que nous en avions de l’autre côté de l’Atlantique. L’erreur tragique a consisté à ne pas avoir d’armes à feu. Mais il faut se demander, à une époque où la survie de l’espèce est menacée, si dans ce désintérêt ne se niche pas une leçon de sagesse. Les mains de nos peuples continuent à semer le maïs. Ils ont édifié des villes qui se caractérisent par le splendide style baroque des Indes.
L’heure de la modernité est venue, ils ont laissé dans les arts visuels, dans la musique, dans la littérature et au cinéma, les preuves d’un travail de création qui a fini par imposer sa présence de l’autre côté de l’Atlantique. S’obstinant à défendre leur identité, et manquant encore d’un haut niveau d’instruction, les « chicanos » (7) sans papiers, soumis à de très dures conditions de travail, sont restés fidèles à l’engagement de témoigner d’une culture qui, elle-même, s’exprime dans un artisanat admirable.
Cependant, nous avons vu de loin les crimes commis contre les femmes à Ciudad Juárez, les innombrables morts lors des tentatives pour passer la frontière illégalement, la fracture des familles à cause de l’expulsion de parents dont les enfants sont nés aux Etats-Unis, l’exploitation inique des usines de sous-traitance, le cancer générateur de corruption du trafic de drogue et l’inaction face à l’assassinat de jeunes gens qui n’avaient d’autre désir que de propager l’enseignement dans leurs communautés.
Pour justifier tant de crimes, on continue à imposer des stéréotypes. Pour les Latino-américains, nous sommes tous aussi des Mexicains. Etre avec le Mexique en ces heures difficiles est notre nouvel engagement dans la plus parfaite tradition martienne…
Traduction de l’espagnol par Françoise Lopez pour Bolivar Infos
Relu par Benoît Courcey pour Investig’Action
NOTES de la traductrice:
1 ) De José Marti
2 ) Poète cubain, cousin du poète français du même nom, né à Santiago de Cuba le 31 décembre 1803 et décédé à Toluca (Mexique) le 7 mai 1839.
3 ) Le muralisme mexicain est un mouvement artistique qui s’est développé au Mexique au début du xxe siècle. dans la suite de la révolution mexicaine de 1910. Il a prétendu donner une vision de l’Histoire à toutes les composantes du peuple mexicain, par le biais d’un art naïf accessible à tous les types d’observateurs, y compris les analphabètes. Ces peintures, illustrant la gloire de la révolution mexicaine et des classes sociales qui lui sont associées (prolétaires, paysans), ont été réalisées dans des lieux publics tels que le Palais national de Mexico. https://fr.wikipedia.org/wiki/Muralisme_mexicain
4 ) Jorge Alberto Negrete Moreno (30 novembre 1911 – 5 décembre 1953) est considéré comme l’un des chanteurs et acteurs mexicains les plus populaires. Son enregistrement de la chanson « México Lindo y Querido » (Beau et cher Mexique), l’hymne non officiel du Mexique, en reste la version la plus connue. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jorge_Negrete)
5 ) Maria Bonita était le surnom de Maria Déia, membre d’une bande de Cangaço, maraudeurs et hors-la-loi qui ont terrorisé le nord-est brésilien dans les années 1920 et 1930. La relation entre Maria Bonita et Lampião est fermement ancrée dans l’histoire folklorique brésilienne, avec une notoriété «romanesque et violente» similaire à celle de Bonnie et Clyde aux Etats-Unis. Elle a fait l’objet d’innombrables histoires folkloriques, de livres, de bandes dessinées, de brochures populaires ( littérature de cordel ), de chansons, de films et de plusieurs feuilletons télévisés . (https://translate.google.fr/translatehl=fr&sl=en&u=https://en.wikipedia.org/wiki/Maria_Bonita_(bandit)&prev=search)
6 ) Très populaire auprès des communautés indigènes et des paysans, il est élu en 1934 Président du Mexique pour un mandat de six ans. Cárdenas poursuit un programme de répartition des terres, modernise l’industrie, nationalise les entreprises pétrolières – créant ainsi Pemex (Petróleos Mexicanos) – et réforme profondément le système éducatif tout en le dotant de moyens financiers importants. Il permettra en 1936 à Léon Trotsky et à de nombreux militants politiques persécutés de trouver refuge au Mexique, comme il le fera pour les réfugiés républicains de la guerre d’Espagne. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lázaro_Cárdenas)
7 ) Mexicains émigrés aux Etats-Unis
Source : http://www.granma.cu/cuba/2017-02-19/mexico-lindo-y-querido-19-02-2017-21-02-05
Inconnu il y a peu encore, Emmanuel Macron est sans nul doute une figure importante de la présidentielle 2017. Il est celui que les médias présentent comme l’homme de la situation. Ses meetings sont retransmis par les grandes chaînes d’information en temps réel. Bien que son bilan de Ministre de l’économie et des finances ne plaide pas en sa faveur (600 000 chômeurs de plus), ses partisans voient en lui un modèle d’efficacité.
Dès ses premiers pas dans le monde politique il a essayé de se présenter comme un leader “anti-système”, alors qu’il est un pur produit du sérail. Il plébiscite la réforme des institutions qui, selon lui, sont un frein à la modernité. Il est en France le chef de file d’une doctrine économique qui prône la déréglementation pour les entreprises transnationales. Il est le grand responsable du « scandale d’Etat Alsthom « . Pour rappel, Alsthom Energie fut cédée en 2014 pour une bouchée de pain à l’entreprise américaine General Electric. Bref, Emmanuel Macron est l’incarnation du Traité constitutionnel (libéral) qu’une majorité de français ont rejeté au soir du 29 mai 2005.
Pourtant, à en croire les instituts de sondage, Emmanuel Macron est la personnalité politique préférée des Français. Ces derniers sont-ils devenus amnésiques au point d’oublier la caste de banquiers dont il est issu ?… ou plus simplement bénéficie-t-il d’une répétition de messages favorables dans les médias ?
Aussi, pour appréhender au mieux le “phénomène Macron”, plusieurs questions doivent trouver réponse. Par exemple : Quels sont les réseaux qui le soutiennent ? Qui le finance ? Au-delà des apparences, que dit-il vraiment ? Son discours se tient-il ? Est-il comme on nous le présente un véritable “fer de lance” ?
Groupes de pression & réseaux du patronat
En avril 2016 le journal Mediapart écrivait dans l’une de ses rubriques : « En annonçant la création de son mouvement « En marche! », le Ministre de l’économie a omis de préciser que l’adresse légale de son association était le domicile privé du directeur de l’un des principaux clubs patronaux, l’Institut Montaigne ».
Véritable officine au service de l’organisation patronale (MEDEF), l’objectif de l’Institut Montaigne est de promouvoir des idées néo-libérales telles que la mise du gaz de schiste au service de la compétitivité, la privatisation de l’assurance maladie, l’augmentation du temps de travail, ou encore le départ à la retraite à 63 ans avec une durée de cotisation de 43 ans. Il convient aussi de noter que le président de l’Institut Montaigne Henri de Castries fut président-directeur-général du groupe d’assurance Axa de mai 2000 à août 2016, où il s’est vu accorder un salaire annuel (hors revenus du capital) oscillant entre 2,8 millions et 3,2 millions d’euros. Quant à sa retraite (dorée), elle atteint un confortable revenu annuel de 1 056 000 euros.
En 1994, Henri de Castries était nommé à la French-American Foundation, institution connue pour être un Cheval de Troie du libéralisme américain dans la société française, qui compte parmi ses anciens disciples communément appelés « Young Leaders », une ribambelle de journalistes et de personnages politiques français. En septembre 2016, sur le site de la French-American Foundation nous pouvions lire « Breakfast avec Emmanuel Macron, ministre de l’Economie« .
Rappelons aussi que Henri de Castries a pris en 2012 la présidence du comité de direction du très opaque groupe Bilderberg, où l’on discute uniquement entre pairs, et qu’il a fini par rejoindre l’équipe de campagne de François Fillon,
De son côté, le directeur général de “Terra Nova” Thierry Pech, un think tank proche du PS, réfute les informations concernant sa participation active au mouvement d’Emmanuel Macron « En Marche ». Ceci-étant, dans Libération Thierry Pech ne cache pas sa «proximité intellectuelle» avec Emmanuel Macron. Une proximité confirmée par le grand nombre de membres et de contributeurs réguliers de “Terra Nova” qui apportent un soutien sans faille à Emmanuel Macron. En particulier, les économistes Philippe Aghion, Élie Cohen, Gilbert Cette, le Libéral-libertaire Daniel Cohn-Bendit, l’homme d’affaires Henry Hermand, Jacques Attali, le dirigeant d’entreprise Louis Gallois, et le sénateur socialiste Gérard Collomb.
Homme de réseaux, Gérard Collomb soutient ouvertement le mouvement « En Marche! » depuis sa création. Pour preuve, ce dernier déclara par voie de presse « Les 23 et 24 septembre 2016, nous organiserons à Lyon un colloque des réformistes européens et mondiaux avec l’Institut Montaigne, les think tanks “Les Gracques” (un autre groupe de pression) et “Terra Nova”. Il y aura aussi des think tanks italiens, allemands, anglais et des membres de l’équipe d’Hillary Clinton ». Cependant, “Terra Nova”, toujours très proche du parti socialiste, décidera de se retirer de l’événement.
Roger Lenglet et Olivier Vilain, tous deux auteurs d’“Un pouvoir sous influence, quand les think tanks confisquent la démocratie » nous démontrent que ces think tanks ont pour point commun d’être soutenus par des groupes industriels cotés en bourse et favorables à la déréglementation économique. Leur enquête comprend une étude qui mesure le nombre de fois où les think tanks sont cités publiquement par les parlementaires et dans les médias. Roger Lenglet nous résume ici “qu’avec l’auréole de l’expertise, on voit depuis les années 2010 se multiplier l’influence des think tanks« . Lenglet et Vilain, dans leur travail de décryptage, reviennent sur l’influence libérale des think tanks tels que Terra Nova , l’Institut Montaigne ou la Fondation Jean-Jaurès.
L’Institut Montaigne est financé entre autres par des entreprises du CAC 40 telles que Veolia, Sanofi, Rothschild & Cie, Michelin, Microsoft, Groupama, Bank of America, Merrill Lynch, BNP Paribas, Bolloré, Bouygues.
Selon le journal en ligne Rue89, en 2013, Terra Nova était financée à 80 % par le mécénat d’entreprise et 20% par la cotisation des adhérents. Parmi les mécènes: Areva, EDF, Caisse des Dépôts, Microsoft, Sanofi, Vivendi, Google, etc. En somme du déjà-vu plus haut, et il n’est pas difficile de comprendre que comme l’Institut Montaigne, Terra Nova est plus un lobby au service du capital qu’un cercle de réflexion.
Quant à la Fondation Jean-Jaurès, si l’on en croit son dernier rapport, elle perçoit des subventions du Premier ministre (31%), des subventions publiques sur projet (28%), des fonds issus de partenariats européens (17%), du Mécénat (14%), ses ressources propres (publications, dons…) ne représentant que 10% de ses revenus.
Un communiqué de presse publié par le Département du Trésor des Etats Unis informe que le Bureau du Control des Actifs Etrangers accuse le Vice-président de la République Bolivarienne du Venezuela, Tareck El Aissami, d’être « conciliant » en matière de transport et trafic de drogue et cela depuis 2008. Ma première réaction à la lecture de ce communiqué a été de penser qu’il avait été écrit par un master troll de la CIA. Ne doit-on pas s’attendre à ce que ce genre d’accusation émane d’un service de renseignements et non d’un Bureau qui a en charge le Trésor Public des Etats Unis ?
Au cours du programme : « 15 y Ultimo » on s’est posé cette même question et voici la réponse :
« Jamais aucun des gouvernements des Etats Unis, depuis celui de George Washington et jusqu’à ce jour, n’a pris au sérieux cette fable de la neutralité des banques centrales et de la monnaie, même s’ils imposent l’idée au reste du monde » ; ils utilisent ces instances comme armes pour « tordre le bras » des nations.
« Au cœur de l’idéologie nord-américaine, les outils de coercition économique et financière sont tout autant sinon plus valables que les armes conventionnelles pour résoudre les conflits qui portent atteinte à leur hégémonie ». Nous parlons par conséquent de guerre financière.
La soit disant « association » de El Aissami avec des cartels de la drogue est bien plus éclairée par les projecteurs d’une mise en scène que par les lumières intellectuelles de ses inventeurs. Voyons les faits :
L’entrepreneur Samark Lopez a été accusé par le Département du Trésor d’agir en tant que prête-nom de El Aissami. CNN a fait référence à une source non identifiée du Département du Trésor pour expliquer ce que le communiqué de presse de la OFAC a laissé en suspens : l’entrepreneur censément, se chargeait d’ouvrir des comptes aux Etats Unis et de créer des sociétés écrans pour virer l’argent du vice-président El Aissami depuis les Etats Unis jusqu’en Europe. Samark Lopez a publié un communiqué qui n’a eu droit qu’à une couverture médiatique marginale. Nous en donnons les points essentiels :
Ironie du sort, ce même jour, un porte-parole du Kremlin demandait que l’on ne fît pas confiance aux sources non confirmées de CNN et du New York Times.
L’actuel Vice-président a été Ministre de l’Intérieur et de la Justice du Venezuela durant la législature de Hugo Chavez, de 2008 à 2012. Durant ces années où il a été en fonction, 102 caïds de la drogue ont été arrêtés et déférés aux tribunaux. Il a également coordonné l’extradition de 21 narcotrafiquants à la demande des Etats Unis.
Au cours de ces années – pas si lointaines – Washington adressa des communiqués de félicitations à El Aissami, communiqués dûment enregistrés dans les archives du Gouvernement du Venezuela. Parmi les câbles et courriers divulgués par Wikileaks et publiés par La Tabla :
« Un rapport, rédigé en 2010 par Roberta Jacobson, à l’époque, sous-secrétaire aux Affaires de l’Hémisphère du Département d’Etat des Etats Unis, recommandait de « ne pas féliciter » le gouvernement du Venezuela pour l’arrestation et l’extradition de chefs du narcotrafic colombien qui étaient requis par la justice des Etats Unis »
Ils accusent le vice-président El Aissami de liens avec le Cartel Los Zetas au Mexique. Ils signalent des « alliances » avec le narcotrafiquant colombo-vénézuélien Hermagoras Gonzalez Polanco et avec le caïd colombien Daniel Barrera Barrera par l’entremise de Walid Makled. Jugeons de la vraisemblance des faits classés par ordre chronologique :
Hermagoras Gonzalez Polanco était un leader du dénommé Cartel La Guajira en lien avec les Unités d’Autodéfense de Colombie. Il a été accusé d’avoir trafiqué 9 tonnes de cocaïne en collaboration avec Salomon Camacho Mora. Gonzalez Polanco a été arrêté lors d’une opération effectuée en 2008 sous la gestion de Ramon Rodriguez Chacin en tant que Ministre de l’Intérieur et de la Justice du Venezuela. Et pourtant, Camacho Mora a été arrêté 2 ans plus tard lorsque les organes de la sécurité d’Etat du Venezuela étaient sous l’autorité de Tareck El Aissami. Il a été extradé aux Etats Unis le 2 février 2010.
Gonzalez Polanco, de nationalité vénézuélienne, n’a pas été extradé. A l’issue de son procès, il a été condamné à 15 ans et 6 mois de réclusion. Son complice, aux Etats Unis, a écopé d’une peine moindre, soit 11 années de réclusion.
Depuis qu’il a fui du pays, en 2010, Walid Makled, alias « le Turc », faisait partie des délinquants les plus recherchés au niveau international. L’année suivante, Makled a été arrêté en Colombie et son extradition a été demandée par le Venezuela. Il a été jugé à Caracas et condamné pour blanchiment de capitaux, corruption et association de malfaiteurs.
En 2011, la police scientifique du Venezuela, dépendante du ministère dirigé par El Aissami, a arrêté Gloria Inès Rojas Valencia, une citoyenne colombienne qui opérait au nom du Cartel Los Zetas. Elle a été extradée aux Etats Unis ainsi que son conjoint également impliqué dans des faits délictueux sous le pseudo de El Negro Tello. Plus précisément : il était le second dans l’organisation criminelle dirigée par Daniel Barrera.
Daniel Barrera Barrera, alias El Loco (Le Fou), a été arrêté au Venezuela en septembre 2012, sous le ministère de Tareck El Aissami. L’opération fut pilotée par la Police Nationale de Colombie – depuis Washington – et avec l’aide des gouvernements du Venezuela et de la Grande Bretagne.
Tout au long de votre discussion passionnée avec Noam Chomsky, vous faites un inventaire des faits relatifs au récent interventionnisme impérialiste en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Pourquoi l’idée de mettre en lumière les actions de l’Occident au lieu de celles des supposés ennemis de l’Occident ?
Depuis plusieurs siècles, l’Occident pille le monde militairement et économiquement. Pour pouvoir “légitimer” ses crimes, il a également conçu un système de propagande extrêmement complexe et efficace, imposant sa “logique” et ses dogmes culturels au reste du monde. Cela a été fait avec tant de persistance et de talent que pratiquement tous les autres récits ont disparu.
C’est en réalité une immense tragédie car plusieurs cultures conquises étaient clairement supérieures et beaucoup plus humanistes que la culture de l’Occident. Le résultat est le suivant : le développement logique et naturel du monde s’est enrayé, et a même été écrasé. Seuls les dogmes occidentaux ont prévalu, entraînant du déséquilibre, de la confusion, de la colère, et de la frustration à travers le monde.
Comme Noam Chomsky, vous êtes également un auteur très prolifique. Comment décririez-vous votre travail et celui de Chomsky ? Que retenez-vous de votre expérience passée à travailler sur ce livre ?
Noam et moi possédons différentes approches pour lutter contre cette situation détestable. Noam est un linguiste, un grand penseur théorique et un activiste. Il analyse la situation dans ses écrits non-romanesques qui sont en réalité ses grands travaux philosophiques. Il s’exprime en public également, potentiellement sur tous les continents.
Je vais directement aux sources puisque, pour l’essentiel, je ne crois plus que ce que je vois ou touche. J’essaie de recycler le moins possible. Je me rends sur des zones de guerre et dans les bidonvilles les plus dangereux ; je rencontre la crème des intellectuels mais aussi des gens plus pauvres que pauvres.
Je m’appuie sur un réseau extrêmement complexe de sources dans beaucoup de pays. Puis, je rédige des essais qui se transforment ensuite en des chapitres de mes ouvrages non-romanesques. Ou alors, j’écris des romans, qui sont toujours soit un minimum politiques soit essentiellement politiques. Ou bien je réalise des documentaires, pour des chaînes de télévision comme Telesur ou Al-Mayadeen.
Mon dernier livre, qui dévoile la propagande occidentale à travers le monde, fait plus de 800 pages et porte un titre qui parle de lui-même : “Exposing Lies of The Empire” [“Les mensonges de l’Empire révélés”, inédit en français, NdT]. Mon dernier roman sur l’impérialisme culturel occidental est intitulé “Aurora”.
Avec Noam, on se complimente. Et on aime être ensemble. Lorsque nous travaillons ensemble, on ne se force à rien. On n’est pas toujours d’accord à 100% sur tout, mais il est très rare que nous soyons en total désaccord sur des sujets politiques importants.
Noam Chomsky & André Vltchek. Caricature réalisée par Marina Wiedemann
Que pensez-vous de l’évolution du contexte terroriste ainsi que du retour des discours relatifs à la “guerre contre le terrorisme” portés par les dirigeants européens et leurs alliés ?
Le terrorisme est essentiellement ce que les empires occidentaux autrefois et ce que l’empire étatsunien aujourd’hui utilisent contre le reste du monde.
Regardez le monde musulman : historiquement, l’islam est très progressiste et tourné vers la société, c’est même une religion “socialiste”. La première université publique, les premiers hôpitaux publics, tout cela était dans le monde musulman.
Même après la Seconde Guerre mondiale, les pays musulmans penchaient vers le socialisme. En conséquence, il fallait que l’Occident enraye, ruine et “radicalise” ces pays !
L’Occident a quasiment ruiné trois des plus importants pays socialistes musulmans : l’Iran, l’Égypte et l’Indonésie. Ensuite, il a utilisé l’Afghanistan et le Pakistan comme des armées de substitution dans sa guerre contre l’Union soviétique, massacrant quasiment ces deux pays également.
Donc vous souhaitez vraiment que vos lecteurs s’intéressent au passé colonial afin de pouvoir comprendre le néocolonialisme de nos jours…
Absolument. J’avance dans plusieurs de mes essais, ainsi que dans “Exposing Lies Of the Empire”, que l’Occident, pour des raisons compréhensibles, fabrique directement le “terrorisme musulman”. En conséquence, on ne devrait même pas utiliser le terme “terrorisme musulman”.
J’ai assisté à ce processus en Turquie, en Syrie, au Liban, en Indonésie, et ailleurs. Ce qui se passe est honteux mais c’est logique étant donné l’essence machiavélique de l’impérialisme occidental : l’Occident a réussi à détruire l’Union soviétique, il a affaibli le combat/processus anticolonialiste -en tuant ou en renversant des personnes comme Lumumba, Mossadegh, Sukarno ou Allende- et s’est retrouvé sans “ennemi majeur”.
Comme nous le savons tous, l’Occident ne peut pas exister sans “ennemi majeur”. Et il en a donc créé un, puissant, sorti de nulle part, et ce processus a royalement dupé tous les pays musulmans. Récemment à Téhéran, deux philosophes iraniens de renom m’ont déclaré que c’est en fait l’Occident qui a créé, à de nombreux endroits du monde, une religion totalement nouvelle, qui n’a rien de commun avec l’islam.
Les visions du tiers-monde sur les relations Nord-Sud sont attaquées et délégitimées régulièrement par des penseurs néo-conservateurs qui considèrent que l’analyse politique centrée sur l’économie est “obsolète et démodée”. Pourrait-on dire que les tenants du soi-disant “choc des civilisations” ont atteint leur but ? Quels sont les réels intérêts derrière leurs prises de positions?
Oui, c’est en train d’arriver. Mais les coupables ne sont pas seulement les néo-conservateurs. Je viens juste de quitter Bandung en Indonésie, qui avait accueilli en 1955 la fameuse “Conférence Asie-Afrique” (berceau du mouvement des non-alignés). Quand vous regardez les photos de cette conférence, vous avez envie de pleurer…ou de crier !
L’attrait du monde non-occidental pour l’indépendance et pour la vraie liberté était si fort à l’époque, mais la brutalité de l’Occident a brisé le courage et la détermination de tous ces pays, exceptés une poignée d’entre eux. La volonté de résistance contre l’impérialisme occidental a été annihilée pendant des décennies. C’est aujourd’hui seulement que l’on voit ressurgir ces idéologies, ces buts et ces rêves.
Bien-sûr, il y a et il y aura un énorme choc des civilisations, mais cela se passera sous des bannières et selon des logiques différentes de celles promues par les idéologues occidentaux.
Un “choc des civilisations” plus réel sera très simple et positif : il prendra la forme d’un combat de résistance du monde oppressé contre la terreur occidentale qui brutalise notre planète depuis des siècles.
Vous avez fréquemment visité et vécu dans des pays latino-américains, arabes, et asiatiques pendant de nombreuses années. À votre avis, comment les forces progressistes devraient-elles relever les défis posés par les conflits liés à l’identité culturelle et à l’ethnicité au XXIe siècle ? La vision eurocentrée est-elle un grand piège pour ceux qui essaient de comprendre et de changer le monde ?
Oui tout à fait, et il est essentiel de comprendre cela ! Les forces progressistes de l’Occident devraient, je crois, prendre du recul et faire preuve de plus d’humilité. Au lieu de constamment faire la morale à tous les gouvernements de gauche d’Amérique latine ou d’Asie et de montrer de la haine envers eux, ils devraient apprendre un peu le respect ainsi que se renseigner sur la culture chinoise ou latino-américaine. Ils devraient essayer de comprendre comment les choses ont historiquement été réalisées dans ces pays.
La gauche occidentale a franchement et clairement perdu. L’espoir se trouve désormais en Amérique latine et en Asie ainsi que dans quelques rares pays africains. La gauche occidentale devrait, je pense, cesser d’être “puriste” et soutenir ce qui nous reste dans ce monde, au lieu de définir “qui est un vrai Marxiste et qui ne l’est pas”, etc.
Le principale combat maintenant devrait être le combat contre l’impérialisme occidental. Je connais le monde, et je suis convaincu que si l’impérialisme occidental était défait, le reste du monde trouverait un moyen de coexister pacifiquement et de bâtir un monde humain, plus doux et plus compatissant. Ensuite, et ensuite seulement, on pourra s’occuper des détails. En attendant, sauver notre planète de ce qui la ruine depuis des siècles devrait être notre unique objectif.
Andre Vltchek est philosophe, romancier, cinéaste, et journaliste d’investigation. Il a couvert des guerres et des conflits dans des dizaines de pays. Trois de ses récents ouvrages sont un roman révolutionnaire intitulé “Aurora”, et deux travaux à succès de politique non-romanesque appelé “Exposing Lies of The Empire” pour l’un et, “Fighting Against Western Imperialism” [Lutter contre l’impérialisme occidental, inédit en français, NdT] pour l’autre. Ses autres livres sont disponibles ici. Andre produit également des documentaires pour teleSUR et Al-Mayadeen. Visionner Rwanda Gambit, sont documentaire avant-gardiste sur le Rwanda et la République Démocratique du Congo. Après avoir vécu en Amérique latine, en Afrique et en Océanie, Vltchek réside habite désormais en Asie de l’est et au Moyen-Orient et continue de travailler partout dans le monde. On peut le contacter sur son site internet ou sur Twitter.
Traduit de l’anglais par Rémi Gromelle pour Investig’Action
Source: Investig’Action