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Saint-cyrien, ancien directeur de l’École de Guerre française et aujourd’hui conférencier à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, le général Vincent Desportes n’a jamais eu sa langue de poche et s’est souvent fait taper sur les doigts par sa hiérarchie. Le 17 décembre 2014, il fut auditionné
par une commission du sénat français chargée de la défense et des affaires étrangères et, fidèle à ses habitudes, n’a pas mâché ses mots. Extraits.
« Un mot sur Daech, d’abord. […] Ne doutons pas de la réalité de la menace directe pour nos intérêts vitaux, dont notre territoire et notre population. Daech est le premier mouvement terroriste à contrôler un aussi vaste territoire (35% du territoire irakien, 20% du territoire syrien). Ce qui représente 200 000 km² (soit l’équivalent de l’Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes réunis) et une population de l’ordre de 10 millions de personnes. Ce territoire est imparfaitement mais réellement « administré » par un « ordre islamique », fait de barbarie et de rackets. Daech dispose d’un véritable « trésor de guerre » (2 milliards de dollars selon la CIA), de revenus massifs et autonomes, sans comparaison avec ceux dont disposait Al-Qaïda. Daech dispose d’équipements militaires nombreux, rustiques mais aussi lourds et sophistiqués. Plus que d’une mouvance terroriste, nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des militaires professionnels.
Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les Etats-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les Etats-Unis. Ce mouvement, à la très forte capacité d’attraction et de diffusion de violence, est en expansion. Il est puissant, même s’il est marqué de profondes vulnérabilités. Il est puissant mais il sera détruit. C’est sûr. Il n’a pas d’autre vocation que de disparaître.
Le point est de le faire disparaître avant que le mal soit irréversible, avant que ses braises dispersées n’aient fait de ce départ de feu un incendie universel. Il faut agir, de manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région. Il faut agir, mais qui doit agir ?
Avant d’aller plus loin dans mon raisonnement, je voudrais, comme vous l’avez souhaité, étudier quelques-uns des critères retenus comme fil guide de ces auditions. J’aborderai d’abord celui de la capacité « d’analyse exacte du contour spatio-temporel et financier d’un engagement ». Ce critère est en opposition profonde avec la nature même de la guerre.
Car, depuis que le monde est monde, personne n’a jamais pu « commander » à la guerre. Le rêve du politique, c’est l’intervention puissante, rapide, ponctuelle, qui sidère. C’est le mythe cent fois invalidé du « hit and transfer », du choc militaire qui conduirait directement au résultat stratégique et, dans un monde parfait, au passage de relais à quelques armées vassales immédiatement aptes et désireuses d’assumer elles-mêmes les responsabilités. Las ! Les calendriers idéaux (du genre « Cette opération va durer six mois ») sont toujours infirmés par ce que Clausewitz appelle la « vie propre » de la guerre. La guerre appartient à l’ordre du vivant, elle n’est pas un objet, elle est un sujet. Dès lors, n’espérons jamais « commander à la guerre » : c’est elle qui imposera son calendrier et ses évolutions. Cela a toujours été vrai : je relie mon propos à trois stratégistes qui inscrivent dans le temps éternel cette caractéristique incontournable de la guerre. 400 av. JC, évoquant la guerre du Péloponnèse, Thucydite indique que « La guerre ne se développe jamais selon un plan arrêté ». Au XVe siècle, Machiavel considère pour sa part que, si « on rentre dans la guerre quand on veut, on en sort quand on peut ». Il y a quelques années, un officier de cavalerie qui connaît la guerre mieux que personne pour en avoir souffert dans sa chair et l’avoir pratiquée à tous les niveaux, je veux parler de Winston Churchill, affirme dans ses mémoires, « Ne pensez jamais, jamais, jamais qu’une guerre peut être facile et sans surprise ; (…) l’homme d’Etat qui cède au démon de la guerre doit savoir que, dès que le signal est donné, il n’est plus le maître de la politique mais l’esclave d’événements imprévisibles et incontrôlables ».universel. Il faut agir, de manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région."
Le processus de négociations sur l’Ukraine, dont la visite à Moscou de Mme Merkel et de M. François Hollande le 6 février a été un épisode, est clairement appelé à continuer. Ces deux dirigeants ont prévu de se rencontrer, le mercredi 11 février, à Minsk avec le Président Poutine et le Président de l’Ukraine, M. Poroshenko1. Les responsables des Républiques de Donetsk et de Lougansk seront aussi de la partie. On peut donc s’attendre à une négociation enfin sérieuse. Mais que la route est longue qui va de Moscou à Munich et de Munich à Minsk. Cette route nous renvoie aux pires moments de la Guerre Froide, que l’on croyait défunte.
Un parfum de guerre froide ?
Car c’est dans une situation très dégradée que cette négociation va s’engager. Pourtant, il est bon qu’elle s’engage. L’urgence humanitaire dans le Donbass l’exige, et la situation désespérée des troupes de Kiev l’impose. Mais, rien ne dit qu’elle aboutisse. Pour cela, il faudra que le Président Poroshenko fasse des concessions substantielles, qui pourraient le mettre en difficulté dès son retour à Kiev. Et rien ne dit qu’il soit de l’intérêt des Etats-Unis que les combats s’arrêtent.
Le Président François Hollande a dit, samedi 7 février à Tulle, une chose juste : la seule alternative serait la guerre, ou plus exactement la poursuite de cette guerre civile que Kiev camoufle sous le nom « d’Opération Anti-Terroristes ». On ne peut qu’adhérer à ce constat. Le sommet sur la sécurité, qui s’est tenu lui aussi le samedi 7 février à Munich, a cependant bien montré à quel point nous en sommes arrivés. Très clairement, une partie des journalistes américains et britanniques présents ont tout cherché pour ressusciter un climat de guerre froide. Dans une atmosphère délétère, faite d’accusations insensées, on a plus cherché à mettre la Russie en accusation qu’à avancer vers un accord. Le « show » pathétique du Président ukrainien, M. Poroshenko, agitant des « passeports » russes, a participé de cette atmosphère délétère. Pourtant, dans son allocution, le Ministre Russe des Affaires Etrangères, M. Sergueï Lavrov, a dit des choses importantes, qu’il faut écouter et surtout entendre, même si l’on ne partage pas son point de vue2.
Autisme occidental
Un des points qui ressort de cette conférence est l’autisme des dirigeants occidentaux au discours tenus par les responsables russes depuis 2007. La presse occidentale peut évoquer un soi-disant autisme de Vladimir Poutine3. On sait bien qui, en réalité, se refuse à entendre l’autre. Vladimir Poutine s’est exprimé avec constance sur la désintégration du cadre de sécurité résultant de la politique américaine, telle qu’elle était menée depuis 1995-1996. Jamais on a pris ces propos au sérieux. La crise actuelle en résulte dans une large mesure.
La vision politique de l'environnement international du XXIème siècle qui caractérise Vladimir Poutine et ses conseillers est nettement plus pessimiste que celle de ses prédécesseurs4. Elle tire le bilan de l’intervention de l’OTAN au Kosovo et de l’intervention américaine en Irak en 20035. Si l’on reprend son discours de Munich, prononcé le 10 février 2007, et qui est un document fondateur de la politique étrangère russe, on remarque qu’il y fait le constat suivant :
« Le monde unipolaire proposé après la guerre froide ne s'est pas non plus réalisé. Certes, l'histoire de l'humanité a connu des périodes d'unipolarité et d'aspiration à la domination mondiale. L'histoire de l'humanité en a vu de toutes sortes. Qu'est ce qu'un monde unipolaire? Malgré toutes les tentatives d'embellir ce terme, il ne signifie en pratique qu'une seule chose: c'est un seul centre de pouvoir, un seul centre de force et un seul centre de décision. C'est le monde d'un unique maître, d'un unique souverain. En fin de compte, cela est fatal à tous ceux qui se trouvent au sein de ce système aussi bien qu'au souverain lui-même, qui se détruira de l'intérieur.
Bien entendu, cela n'a rien à voir avec la démocratie, car la démocratie, c'est, comme on le sait, le pouvoir de la majorité qui prend en considération les intérêts et les opinions de la minorité. A propos, on donne constamment des leçons de démocratie à la Russie. Mais ceux qui le font ne veulent pas, on ne sait pourquoi, eux-mêmes apprendre. J'estime que le modèle unipolaire n'est pas seulement inadmissible pour le monde contemporain, mais qu'il est même tout à fait impossible. Non seulement parce que, dans les conditions d'un leader unique, le monde contemporain (je tiens à le souligner: contemporain) manquera de ressources militaro-politiques et économiques. Mais, et c'est encore plus important, ce modèle est inefficace, car il ne peut en aucun cas reposer sur la base morale et éthique de la civilisation contemporaine »6.
Ce pessimisme incite donc le pouvoir russe à prendre ses précautions et à se prémunir contre ce qu’il appelle « l’aventurisme » des Etats-Unis. Cela le conduit aussi à souhaiter une réhabilitation rapide des capacités technologiques et industrielles du secteur des industries à fort contenu technologique et de l'armement. En fait, de là date la priorité dont bénéficient ces secteurs. La politique économique devient alors pour une part déterminée par l’analyse de la situation internationale. Comme pour la Chine on peut constater ici aussi que les décisions économiques sont dictées par une analyse politique. En Russie aussi, depuis 2000, la politique est au poste de commandes. Il faudra bien un jour se résoudre à l’admettre.
L’urgence d’un réel cessez-le-feu
Mais, pour l’instant, les esprits sont focalisés sur la négociation en cours. Il faut donc en comprendre les blocages, qu’ils soient immédiats ou de plus long terme. Le premier porte sur les conditions d’un cessez-le-feu dont l’urgence s’impose. L’idée de revenir aux accords de Minsk, si elle peut se comprendre d’un strict point de vue diplomatique, est absurde sur le terrain. Ces accords n’ont jamais été appliqués et ne pouvaient l’être. Les positions des forces insurgées comme celles de l’armée de Kiev étaient trop imbriquées pour qu’il puisse en résulter un cessez-le-feu vérifiable. Les déclarations du Président Poroshenko à ce sujet cachent mal sa volonté de voir effacer sur la table de négociations la défaite militaire que ses forces ont subie. Il ne peut en être ainsi.
Aujourd’hui, avec l’élimination progressive des « poches » contrôlées par l’armée de Kiev, un cessez-le-feu sur la ligne actuelle des combats est beaucoup plus logique. Il faut ici dire cette triste vérité. Il aura fallu une nouvelle défaite militaire des forces de Kiev pour rendre peut-être possible un cessez-le-feu. Telle était la constatation que je faisais il y a déjà plusieurs jours7.
Kiev ne peut plus aujourd’hui se masquer la réalité : il n’y aura pas d’issue militaire dans ce conflit, point qu’a d’ailleurs rappelé la Chancelière Angela Merkel à Munich. Il est donc urgent que des négociations s’ouvrent entre Kiev et les insurgés, et que ces négociations soient garanties tant par l’Union Européenne, la Russie que les Etats-Unis. A cet égard, vouloir inclure la Russie et non les insurgés n’a aucun sens. C’est faire fi de l’indépendance acquise par les gens de Donetsk et de Lougansk. C’est ne pas comprendre que Poutine ne peut exercer une pression trop forte sur eux, sous peine de se voir rejeté par une large majorité de la société russe qui soutient les insurgés.
Les conditions de la viabilité d’un cessez-le-feu
Mais, un cessez-le-feu ne vaut que s’il est respecté, et en particulier si cessent les bombardements meurtriers sur les civils dont les forces de Kiev se rendent coupables. Il faut ici redire que le comportement sur le terrain de certaines des forces de Kiev relève du crime de guerre. Ces bombardements ont été trop systématiques pour qu’il s’agisse d’erreurs de tir. Rappelons que les forces de Kiev utilisent des bombes et des obus au phosphore, des bombes à fragmentation8, pour des attaques contre la population civile. Des missiles tactiques de type « OTR-21 Totchka-U » ont même été utilisés9. C’est dire l’urgence qu’il y a à aboutir à un cessez-le-feu qui soit réellement respecté.
Pour cela, il faut impérativement une force d’interposition. Cette force sera chargée de vérifier qu’il n’y a aucune arme lourde d’un côté et de l’autre à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres de la ligne de cessez-le-feu. Cette force ne peut à l’évidence inclure ni l’armée de Kiev, ni aucun des pays de l’OTAN, car cette organisation est désormais partie prenante du conflit, ni la Russie.
Cela fait près de 6 mois que je dis et j’écris que seule une force de Casques Bleus des Nations Unies peut avoir l’autorité pour imposer un cessez-le-feu10. Il faudra bien un jour en convenir. On peut imaginer quelle en serait la composition, sans doute des pays des BRICS, mais ayant de bonnes relations avec les Etats-Unis. Cela désigne deux pays : l’Inde et la République d’Afrique du Sud. On doit donc faire pression sur les Etats-Unis et sur le gouvernement de Kiev pour qu’ils acceptent une telle solution. Aujourd’hui, seule l’organisation des Nations Unies a la légitimité pour imposer une solution mettant fin au conflit armé. Le plus vite cela sera reconnu le mieux cela vaudra pour tout le monde. C’est aussi l’une des leçons que l’on peut tirer des dix dernières années. A chaque fois que les Etats-Unis ont imposé que l’on contourne les Nations-Unies, des désastres sont survenus. Il faut, ici encore, se souvenir des termes utilisés en 2007 par le Président Poutine à Munich :
« Quel en est le résultat [ d’une action hors du cadre des Nations Unies]? Les actions unilatérales, souvent illégitimes, n'ont réglé aucun problème. Bien plus, elles ont entraîné de nouvelles tragédies humaines et de nouveaux foyers de tension. Jugez par vous-mêmes: les guerres, les conflits locaux et régionaux n'ont pas diminué. (…)Nous sommes témoins d'un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Bien plus, certaines normes et, en fait, presque tout le système du droit d'un seul Etat, avant tout, bien entendu, des Etats-Unis, a débordé de ses frontières nationales dans tous les domaines: dans l'économie, la politique et dans la sphère humanitaire, et est imposé à d'autres Etats. A qui cela peut-il convenir? »11.
Quelles solutions politiques ?
Il faudra, ensuite mais ensuite seulement, aborder l’épineuse question de l’issue politique de cette crise. La solution d’un fédéralisme « simple », qui eut été possible en mars ou bien en avril 2014 est aujourd’hui morte. La violence des forces de Kiev et les milliers de morts de Donetsk et Lougansk l’ont rendue impossible. Il faut ici méditer sur ce fait : ce qui aurait été possible au début du conflit, sans l’usage disproportionné de la violence dont les forces de Kiev se sont rendues coupable ne l’est plus désormais. On peut alors penser à une solution du type de celle qui a été adoptée en Irak pour les régions kurdes : une république autonome dans le cadre de l’Ukraine. Cette solution, même si elle ne correspond pas à ce que souhaitent les dirigeants de Donetsk ou de Lougansk, est bien meilleure qu’une « indépendance » sans reconnaissance internationale. Mais il faut aussi penser au statut de l’Ukraine elle-même.
Là, nous avons une contradiction entre le principe de souveraineté, que nul ne veut remettre en cause, et la réalité géopolitique. On comprend qu’une Ukraine militairement hostile à la Russie est une menace directe pour cette dernière. Mais, l’Ukraine ne peut fonctionner économiquement sans la Russie. Et là se trouve sans doute la solution. L’Ukraine doit volontairement accepter un statut de neutralité, que ce soit par rapport à une alliance militaire (comme l’OTAN) ou dans des relations économiques (tant par rapport à l’UE qu’à l’Union Eurasienne). Cette décision doit alors s’accompagner de la déclaration par la Russie du renouvellement des contrats gaziers et pétroliers ainsi que de celle des Etats-Unis s’engageant à ne pas conclure une quelconque alliance militaire avec l’Ukraine. Il est donc essentiel d’impliquer directement les Etats-Unis dans cet accord. On peut comprendre que la Russie ne se contente pas de l’engagement de l’Allemagne et de la France à ne pas admettre l’Ukraine dans l’OTAN. Cet engagement pourrait être tourné par un traité bilatéral entre l’Ukraine et les États-Unis.
Quel futur pour l’OTAN ?
Enfin, cela pose la question des institutions de sécurité en Europe. Très clairement l’OTAN, qui n’a su ni voulu s’adapter à la nouvelle configuration géostratégique datant de la fin de l’URSS a donné ses preuves de nocivité. Cette organisation, datant de 1949, avait à sa fondation trois objectifs : garantir les pays membres contre une agression soviétique, garantir ces mêmes pays contre une résurgence du militarisme allemand, et garantir la présence en Europe des Etats-Unis. Ces trois raisons sont à l’évidence caduques. Cette organisation doit donc soit évoluer, et admettre la Russie en son sein, soit disparaître, et être remplacée par une nouvelle organisation de sécurité cette fois réellement européenne.
Voir la déclaration du président Russe lors de la conférence sur la sécurité qui s’est tenue à Munich le 10 février 2007 et dont le texte a été traduit dans La Lettre Sentinel, n°43, mars 2007. [↩]
Voir, La Lettre Sentinel, n°43, mars 2007 ou Putin, Vladimir, Speech and the following Discussion at the Munich Conference on Security Policy (Official Website of President of Russia, http://president.kremlin.ru/eng/ sdocs/speeches.shtml). [↩]
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( ou les africains aident les français à survivre dans cette crise……)
Résumé.
Les pays occidentaux ont été contraints de donner l’indépendance aux pays africains dans les années 1960, mais grâce au libéralisme, toutes les avancées favorables au bien-être des populations et à un développement des pays africains ont été stoppées par la nécessité de rembourser plusieurs fois la dette que les États avaient contactée dans les années 1970. Les institutions internationales se sont fait les mandataires des anciennes puissances coloniales et de leurs multinationales pour remettre l’Afrique sous leur dépendance. Comme les Occidentaux, les pays émergents qui interviennent en Afrique y défendent les intérêts de leurs entreprises, mais ils semblent plus respectueux des souverainetés nationales. L’Afrique dont les atouts ne sont pas négligeables décollera en exploitant les contradictions entre les capitalistes des pays occidentaux et ceux des pays émergents, elle doit s’appuyer également sur les mouvements d’émancipation des pays développés.
Introduction
Chaque pays doit se spécialiser dans ce qu’il sait mieux faire, disait l’économiste libéral David Ricardo (1772-1823)[1]. C’est ce qu’a fait le Ghana, premier producteur du monde de cacao, après 1957, date de son indépendance, mais dans les années 1980, le prix du cacao a été divisé par deux. Le FMI appelé à l’aide a tout de suite trouvé la solution : un plan d’ajustement structurel. Il faut privatiser, a dit le FMI. Et exporter, mais les pays voisins ayant eu la même ordonnance, le Nigeria, le Cameroun, et surtout la Côte d’Ivoire, le prix du cacao a encore été divisé par deux. La dette publique a alors augmenté. Alors que le Ghana produisait autrefois son propre riz, il est maintenant obligé de l’acheter aux Etats-Unis[2].
Le monde occidental et spécialement l’Europe manquent de matières premières. Sans elles, le capitalisme n’aurait pas pu se développer. L’Afrique est donc habituée aux exportations. Les colonisateurs avaient installé des infrastructures non pour développer leurs colonies, mais pour en tirer le maximum, c'est à dire s’accaparer ou vendre les richesses que leur terre produisait. Le FMI et la Banque mondiale contraignent les pays africains à avoir un budget en équilibre, mais cela ne les change pas beaucoup de l’époque coloniale. Les deux puissances coloniales qu’étaient la France et le Grande Bretagne se refusaient à des plans de développement qui auraient obligé à puiser dans les fonds métropolitains[3].
Nous avons résumé l’histoire du Ghana depuis l’indépendance. Est-elle particulière à un pays ou est-ce le lot commun de tous les pays africains au sud du Sahara ?
En 1960, la France a accepté la solution de l’indépendance, parce qu’en conservant ses colonies dans l’Union française, elle aurait été obligée d’accepter l’égalité des avantages sociaux avec la France. La Grande Bretagne avait fait le calcul que les colonies lui coûtaient plus qu’elles lui rapportaient. Par ailleurs, la seule existence de l’Union soviétique et des pays socialistes refreinait les velléités de ceux qui auraient voulu employer la force.
La différence avec l’époque coloniale est que les Occidentaux n’administrent plus les pays directement. Ils laissent des gouvernements formés de locaux s’en occuper, ce qui n’empêche pas « la communauté internationale », c'est à dire l’Occident de se mêler des affaires des pays africains si les décisions qu’ils prennent ne sont pas conformes à ses intérêts. Laurent Gbagbo est en prison à Scheveningen pour s’être opposé à la France, il est intéressant de noter que huit enquêtes sont en cours, concernant l’Ouganda, le RD Congo, le Centrafrique, le Soudan, le Kenya, la Libye, la Côte d’Ivoire et le Mali mais que le procureur n’a pas ouvert d’enquête ni en Afghanistan, ni en Colombie, ni en Géorgie ni au Honduras, bien qu’il en ait examiné la situation[4].
En fait la décolonisation a apporté un plus aux pays colonisateurs puisqu’ils n’ont plus de frais à engager. Quant à la gestion, elle est étroitement contrôlée par le FMI et la Banque Mondiale. Ce n’est plus un pays qui gère sa colonie mais les transnationales du monde entier qui gèrent l’Afrique. Les grands pays émergents ont même réussi à se tailler une part, mais nous verrons que leurs méthodes diffèrent de celles des anciennes puissances colonisatrices.
A l’époque de l’indépendance, certains hommes politiques africains ont pu croire que l’indépendance serait réelle, mais ils ont été rapidement éliminés, Lumumba au Congo ex-belge après deux mois, Sylvanus Olympio en 1963 lors d’un putsch après un an de présidence du Togo, Kwamé N’krumah au Ghana en 1966, Modibo Kéita au Mali est renversé par un putsch en 1968 et meurt en détention en 1977, Sekou Touré en Guinée meurt de maladie en 1984, mais il s’était déjà rapproché des idées libérales. Plus près de nous, Thomas Sankara est assassiné lors d’un putsch après avoir été pendant quatre ans président du Burkina Faso. Il reste un modèle pour beaucoup d’Africains car il avait lutté avec succès contre les maux qui rongent l’Afrique, contre la corruption, l’éducation et la santé pour tous, l’émancipation des femmes[5]. Son projet de développement autocentré a peut-être été la cause de son assassinat, car le refus du libre-échange allait à l’encontre des intérêts des multinationales, c’est grâce à lui qu’ils bâtissent des fortunes colossales en Afrique et ailleurs aussi.
Pourtant avec d’autres leaders même plus accommodants avec l’ancien colonisateur, l’Afrique aurait pu se développer. Mais la « communauté internationale » a trouvé une méthode imparable, la dette publique pour domestiquer les dirigeants des anciennes colonies dont l’indépendance est très formelle.
L’Afrique est-elle sortie maintenant de cette spirale infernale qui a débuté dans les années 1970 ? C’est ce que nous allons étudier. Nous examinerons aussi si après la traite négrière et la colonisation, l’Afrique est condamnée éternellement au sous-développement ou s’il existe des possibilités d’une renaissance africaine.
1. La dette publique
Le citoyen occidental pense que le Nord est bien généreux, avec les programmes d’aide et de développement. Mals c’est le contraire qui se passe en réalité ! C’est le Sud qui enrichit les classes dominantes du Nord : la dette qu’il rembourse est 10 fois plus élevée que l’aide reçue, à cause des taux d’intérêt abusifs, 5 ou 7 fois plus forts que sur le marché financier, au motif que ce sont des prêts «risqués». En 2003, l’aide publique au développement fournie par les pays industriels du Nord aux 122 pays du tiers-monde s’est élevée à 54 milliards de dollars. Durant la même année, ces derniers ont transféré aux banques du Nord 436 milliards de dollars au titre du service de la dette.
Ainsi donc, la Chancelière Angela Merkel a lâché le morceau. Une sortie de l’Euro par la Grèce, à la suite de l’élection à venir du 25 janvier, n’est plus inenvisageable. Cette déclaration est rapportée par le site de l’hebdomadaire « Der Spiegel » le samedi 3 janvier. C’est une déclaration importante, que l’on peut analyser de deux manières différentes, mais qui ne sont nullement opposée.
La première est que Madame Merkel, dans une subtilité toute germanique, a décidé de faire pression sur l’électeur grec. Oui, si vous « votez mal », une sortie de l’Euro de votre pays est envisageable. Donc, tenez-vous à carreau ! A défaut de subtilité, c’est certainement plus efficace que l’appel de (Ser)Pierre Moscovici, ci-devant commissaire européen, aux électeurs de voter pour la poursuite des réformes. Il est des gens qui n’ont aucune honte. Comme si les Grecs avaient encore le moindre doute sur ce que signifient ces réformes qui ont mis leur pays à genoux et qui ont provoqué une forte hausse de la mortalité. En réalité, ces réformes n’ont pas eu le résultat escompté, ce qui est tout à fait normal au regard des réalités de l’économie. La faible croissance enregistrée par la Grèce (+0,7% après une chute vertigineuse les années précédentes) ne s’explique que par une bonne saison touristique[1]. Les exportations ont continué de décliner en 2014, un processus accéléré par l’embargo décrété par la Russie sur les produits agricoles à la suite des sanctions décidées par l’Union européenne. Mais, Madame Merkel pourrait aussi commettre une « gröss » erreur en supposant que la population grecque est toujours attachée à l’Euro. En fait, un sondage réalisé par Gallup International et datant de décembre 2014 donne des résultats intéressants, et nullement surprenant :
Il n’est donc absolument pas prouvé que la « menace » agité par Mme Merkel, qui incidemment démontre sa « haute » conception de la démocratie, ait l’effet espéré sur l’électeur grec.
Une seconde manière d’analyser cette déclaration consiste à y voir la rupture d’un tabou absolu : on ne sort pas de la zone Euro ! Que n’a-t-on pas dit à ce sujet et quelles imbécillités n’ont été proférées en diverses occasions. A défaut d’un florilège exhaustif nous avons eu droit à « une sortie de l’Euro doublerait le poids de la dette française » (Nicolas Sakozy qui visiblement, tout avocat qu’il est, ignore le droit international et le fait qu’un titre émis en France est remboursable dans la monnaie de la France) ou encore « une dévaluation du Franc de 20% signifierait une hausse de 20% du prix du carburant à la pompe » (le prix mondial du pétrole à baissé de 50%, avez vous remarqué une baisse équivalente lors de vos arrêts à une station service ?) et enfin « une sortie de l’Euro provoquerait une hausse du chômage de 1,5 millions » (Institut Montaigne) alors que tout les calculs économiques montrent au contraire une forte amélioration de l’emploi dans les trois ans après une dissolution de la zone Euro et une dépréciation de 20% du Franc retrouvé[2]. La rupture de ce tabou par Mme Merkel elle-même a dû constituer un véritable choc pour les eurolâtres de tout poil, que ce soit à droite (Fillon) ou à « gauche ». On imagine les mines déconfites, les airs catastrophés, la panique rampante. On entend déjà les commentaires lumineux d’intelligence, comme ceux que produisaient l’inessorable Pierre Moscovici : « mais cela va donner raison au Front National »…Horresco referens. Bien sûr, il ne viendra à aucun de ces « grands esprits » l’idée que, justement, en dissolvant l’Euro dès aujourd’hui, à froid, on retirerait au Front National l’un de ses meilleurs arguments. Il est vrai que Jupiter, que les Grecs appellent Zeus, rend fou ceux qu’il veut perdre…Et Pierre Moscovici pourra revenir à sa cuvette (à 25 000 euros par mois néanmoins, elle est plaquée or) pour s’allonger sous le balai de Mme Merkel.
Il n’en reste pas moins qu’il faut comprendre les raisons qui ont pu conduire la Chancelière (qui contrairement à ce que l’on croit n’est pas la femme du Bougeoir) à rompre ce tabou. Est-ce parce qu’elle a compris que la zone Euro est morte en réalité ? Il n’y a plus d’intégration bancaire, contrairement à ce que l’on affirme, comme le démontrent deux auteurs, Anne-Laure Delatte et Vincent Bouvatier dans un papier installé sur le site VOX du CEPR[3]. Ou bien Mme Merkel sait-elle que derrière la Grèce se profile une crise d’une autre importance en Italie, qui pourrait être rapidement suivie de l’Espagne et de la France ? En bref, cette déclaration est-elle le produit d’une « fatigue » de l’assistance, et l’on sait que le problème grec est condamné à ressurgir de manière régulière au menu des Conseils Européens, ou d’une prise de conscience de l’accumulation des problèmes tant économiques que politiques qui vont rendre rapidement la zone Euro ingérable ? Il n’est pas impossible, en ce cas, que Mme Merkel, qui voudra éviter que le poids politique d’une rupture de la zone Euro ne retombe sur les épaules de l’Allemagne cherche dans une crise préparée l’occasion de procéder à une dissolution qu’elle pressent inévitable.
Il faut aussi évaluer l’impact d’une telle déclaration sur le gouvernement français. Comprend-il seulement qu’il a entre ses mains la dernière, la toute dernière, chance de reprendre la main ? Si dans notre gouvernement il y avait la lucidité et le courage qu’imposent les événements, il prendrait les devants et, au lieu de se condamner à une posture réactive il saisirait au bond l’opportunité que lui offre Mme Merkel et il proposerait une dissolution concertée de l’Euro. On doit craindre qu’enfermé dans un autisme tant politique qu’économique il n’en soit rien et que nous continuions à nous diriger vers la crise tels des aveugles dans un monde en plein tumulte.
[2] On renvoie le lecteur à la brochure rédigée par Sapir J., Murer P. et Durand C., Les Scénarii d’une dissolution de l’Euro, Fondation ResPublica, Paris, septembre 2013.
D’après un sondage de décembre 2014, 52 % des grecs sont pour une monnaie nationale, donc favorables à la sortie de l’euro.
Pourtant le programme de Syriza ne comporte pas la sortie de l’euro. Maisson leader, Alexis Tsipras, veut en finir avec la politique d’austérité imposée à la Grèce par la troïka (UE, BCE et FMI).
Les taux d'intérêts auxquels Athènes emprunte sont montés à 9% depuis que le parti Syriza est donné favori, contre 4,75% lors de son retour sur les marchés financiers en avril dernier.Les principales places boursières ont enregistré d'importantes chutes: Paris -3,31%, Milan -4,92% et Madrid plus de -3%. La Bourse d'Athènes a chuté de 5,63%, l'indice Athex passant sous la barre des 800 points. Et l'euro poursuit sa baisse face au dollar: il est tombé en début d'échanges asiatiques à 1,1864 dollar, son niveau le plus faible depuis mars 2006.
Même si une sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus véritablement envisagée par les analystes en raison d'une certaine amélioration de ses finances publiques, les marchés ont peur de l'arrêt des réformes basées sur la politique d'austérité, dictée par l'UE et le FMI, créanciers du pays
Pourquoi A Merkel parle-t-elle de la possibilité de la sortie de l’euro de la Grèce ? On peut y voir plusieurs raisons :
- Elle craint moins le risque de contagion d’autres pays ( peut-être à tord ?) qu’en 2012.
- Elle met tout son poids dans la balance pour éviter la victoire de Syriza qui bien que partisan de rester dans la zone euro, voudra mettre fin aux politiques d’austérité pour son pays.
- En annonçant qu'elle laisserait la Grèce sortir de l’euro, elle prévient qu’elle s’opposera à ce que la BCE finance directement la Grèce.
- Les banques privées allemandes sont relativement peu impliquées dans la dette de la Grèce.
A l’opposé,Syriza en annonçant qu’il veut mettre fin à l’austérité, espère d’obtenir gain de cause sur un autre volet : le réaménagement de la dette publique.
Sur ce sujet voir l'article de Jacques Sapir que nous publierons demain.
Alors que les forces de l’Axe Washington-Bruxelles-Berlin poussent les feux d’une offensive belliciste lançant l’OTAN dans une escalade guerrière aux portes de la Russie, les travailleurs d’Allemagne se mobilisent pour défendre la paix.
A l’image de nos camarades du parti communiste allemand (DKP) mobilisés contre la politique impérialiste guerrière de l’Axe Washington Berlin
www.initiative-communiste.fr site internet du Pôle de Renaissance Communiste en France vous propose ci-après le discours prononcé par le militant pacifiste Eugen Drewermann lors d’une importante manifestation pour la paix contre la guerre et contre l’OTAN, le 13 décembre derniers, ainsi que le discours prononcé par la député Sara Wagenknecht au Bundestag le 26 novembre 2014
Mesdames et Messieurs, chères amies et chers amis de la paix,
Nous sommes rassemblés, en ces jours avant Noël, pour exprimer ce que chacun de nous ressent: nous voulons la paix, nous ne voulons pas la guerre!
En tant que théologien, j’aimerais rappeler à Monsieur Gauck [Joachim Gauck, le président de la République fédérale allemande] une chose importante : lorsqu’il exerçait encore son ministère de pasteur, il n’a pas expliqué à ses ouailles comment les anges dans les campagnes de Bethléem appelaient à soutenir la politique de paix de l’empereur romain Auguste. En fait, les anges promouvaient l’exact contraire de l’armement: « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre.» Heureusement, dit Jésus dans son Sermon sur la montagne, j’ose nommer les hommes qui, dans ce monde, ont le courage de déposer les armes. Mais vous, vous pervertissez les valeurs chrétiennes que vous prétendez défendre : vous nous expliquez qu’être prêts à la guerre – dans le monde entier – est une question de responsabilité. Nous n’y sommes pas prêts, nous y sommes opposés!
C’est vrai: en tant qu’Etat le plus puissant économiquement en Europe, nous avons une responsabilité mondiale. Sous Madame Merkel, cette responsabilité a même grandi au point que nous siégeons maintenant à la troisième place des pays exportateurs d’armement. Et cela, la majorité des gens en Allemagne ne veut plus le tolérer – et NOUS, en tout cas pas! Lorsque Monsieur Sigmar Gabriel trouve que la vente de tanks à l’Arabie saoudite sous contrôle parlementaire pose problème, les glapissements et les hurlements à la mort de l’industrie de l’armement EADS, MBB, Heckler & Koch et de tous leurs semblables, viennent immédiatement freiner son ardeur. Depuis quand les affaires et les profits sont-ils plus importants que les vies humaines?
Oh oui, nous aurions des responsabilités! Au sein d’un monde dans lequel 50 millions d’être humains meurent de faim, nous aurions la responsabilité de mettre fin à la pénurie alimentaire, au manque d’eau potable, la responsabilité de limiter la surpopulation, de réduire la destruction de l’environnement, de faire enfin cesser la migration économique de millions d’êtres humains plongés dans la misère. Au lieu de quoi, nous voyons la Méditerranée se transformer en fosse commune, les migrants rejetés manu militari par Frontex. Payée à Berlin, siégeant à Varsovie, cette organisation militarisée protège les frontières méridionales de cet espace de prospérité économique qu’est le continent européen. Ce n’est pas de la responsabilité, Monsieur Gauck, c’est le contraire: un cynisme impitoyable qui regarde ailleurs.
Depuis 1989 nous aurions eu une chance merveilleuse que nous pourrions saisir aujourd’hui encore: à l’époque, après l’effondrement du Pacte de Varsovie, Gorbatchev déclarait à Bush père que l’OTAN pourrait elle aussi se dissoudre, démilitarisant ainsi tout le corridor qui s’étend de l’Oural à l’Atlantique. Imaginons un monde dans lequel nos prodigieux moyens devenus disponibles seraient enfin convertis en science et économie, en paix et bienveillance. Nous pourrions finalement nous consacrer à la recherche de solutions destinées à assumer les vraies tâches de l’humanité, plutôt qu’à la folie consistant à faire passer l’extension à l’Est de l’OTAN comme une politique de paix. Le meilleur moyen de contribuer à une politique de paix, c’est la sortie de l’OTAN!
L’OTAN n’a jamais été ce pourquoi elle aurait été fondée. Pendant 35 ans, on a expliqué aux Allemands qu’ils devaient fournir des soldats pour empêcher toute attaque contre nous et utiliser pour ce faire toutes les horreurs de l’armement. Pour une politique de paix, celle de la Balance Of Power, de l’équilibre de la terreur, nous avions besoin d’armes atomiques, d’armes bactériologiques, d’armes chimiques, de bombes au napalm. Tout ce qui contribue à détruire le droit international se trouvait et se trouve encore dans les arsenaux de l’OTAN. En 1989, normalement elle avait perdu sa raison d’être.
Mais du même coup elle a dévoilé le rôle qui a toujours été le sien: mondialiser les exigences hégémoniques des Etats-Unis d’Amérique, sans frein, sans frontière, pour imposer les intérêts du capitalisme.
Nous n’avons aucune raison de rester plus longtemps dans une alliance qui annonce ses agissements et ses intentions criminels aussi ouvertement qu’elle le fait ces temps. Voulons-nous vraiment nous faire dire par Monsieur Stoltenberg [Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN] que les Européens devraient augmenter leurs dépenses militaires à concurrence de 2% du produit national brut? Sous Adenauer, en 1964, nous avons promis que la République fédérale occidentale consacrerait 0,7% de son PIB à l’aide au développement. Pendant tout ce temps l’aide n’a jamais atteint que les 0,4%. Et nous avons encaissé vingt-cinq fois cette somme grâce aux intérêts sur la dette des pays « en voie de développement ». Jamais les besoins du tiers monde n’ont été le véritable motif de cette sorte de politique. Mais maintenant, avec le quintuple, soit 2% du PIB consacrés à l’armement, c’est la fin et la perversion de la responsabilité mondiale. Monsieur Gauck, nous sommes contre la guerre parce que chaque guerre va à l’encontre de ce que pourrait signifier la responsabilité mondiale, et nous ne nous laissons pas convaincre de détourner les yeux, parce que nous regardons enfin ce qui se passe!
Oh oui, Poutine menacerait la paix mondiale. Les dépenses en armement de la Russie s’élèvent à peu près à 80 milliards de dollars. C’est incroyablement élevé. Mais en même temps, on accorde aux USA 500 milliards de dollars, plus les milliards nécessaires pour étendre dans le monde entier le programme d’espionnage de la NSA afin de contrôler l’humanité tout entière. Sans oublier les opérations secrètes de la CIA à peu près partout sur la terre. A tout cela, il faut encore ajouter les quelque 300 milliards que les pays membres de l’OTAN doivent verser. Tout compris, c’est plus que dix fois ce que la Russie dépense pour sa défense. Qui doit avoir peur de qui?
En 1989, on a promis à Gorbatchev que l’OTAN n’avancerait pas d’un centimètre vers l’Est. Le ministre des affaires étrangères de l’époque, Hans-Dietrich Genscher, a encore négocié la réunification de l’Allemagne sur la base du maintien des nouveaux Länder en zone démilitarisée. Pendant vingt ans, on a lutté à Neuruppin pour faire échouer les projets de la Bundeswehr d’y installer un « bombodrome » où elle voulait expérimenter des bombes. Mais pour le reste, le passage de l’OTAN est complet. Onze Etats se cramponnent comme une pieuvre à la frontière occidentale de la Russie. L’OTAN est en Géorgie, elle veut pénétrer en Ukraine, elle installe ses bases militaires au Kazakhstan, au Kirghizstan et en Ouzbékistan, elle revendique la souveraineté sur l’espace aérien de l’Asie centrale au-dessus de l’Afghanistan. Aujourd’hui, l’OTAN est partout où elle ne devrait pas être! Ce n’est pas une alliance défensive, c’est l’alliance la plus agressive que l’humanité ait jamais connue!
J’entends dire que nous devrions aider les Kurdes. Donc nous devons avoir des armes, donc nous avons besoin de 100 personnes qui forment des Kurdes à l’utilisation efficace de nos armes. Mais les Kurdes nous ont-ils jamais intéressés? Les défenseurs de Kobané appartiennent au PKK et sont de ce fait une organisation terroriste. Les Kurdes ont subi des bombardements aériens par les Britanniques pour la première fois en 1925, parce que des prospections géologiques avaient détecté du pétrole dans leur sol. Dix-sept millions de Kurdes, héritiers d’une culture millénaire, attendent le droit d’être un peuple. Mais ils n’en ont pas le droit car cela pourrait nuire aux intérêts de la Turquie, qui est membre de l’OTAN. C’est pourquoi ils n’ont jamais rien été d’autre qu’un rempart contre Saddam Hussein, contre Assad en Syrie. Ils ont dû marcher droit, comme les Américains voulaient qu’ils le fassent. L’autorisation de former leur propre Etat méritait notre soutien, mais absolument pas l’actuel massacre dans lequel ils sont plongés!
Toute la politique de défense est confrontée aujourd’hui à un problème qui n’a pas commencé avec le Baron von und zu Guttenberg [homme politique allemand, membre de l’Union chrétienne-sociale de Bavière (CSU), deux fois ministre dans la coalition d’Angela Merkel. Il a transformé, à peu de frais, comme il l’avait promis, l’armée de conscrits en une armée de métier, transformation nécessaire car de moins en moins de gens étaient d’accord de s’enrôler. Maintenant, Frau von der Leyen, l’ancienne ministre de la famille devenue ministre de la guerre, affronte la tâche qui lui a été confiée, soit d’introduire la Bundeswehr au cœur de la société. Je peux déjà vous l’annoncer: chez nous, elle n’y arrivera jamais! Rendre l’image de la Bundeswehr plus conviviale est sans doute possible. On améliore la communication numérique, la nourriture des restaurants universitaires et des casernes, on instaure des congés le week-end ou autres mesures du genre. Sauf que, Madame von der Leyen, la Bundeswehr n’est pas une entreprise parmi d’autres! Ce qu’on y apprend, c’est à tuer des êtres humains de la manière la plus efficace possible!
Et nous n’avalerons pas ces manipulations par petites bouchées, comme si c’était chose normale, à l’image de notre indifférence pour ce qui se passe dans les abattoirs, à la périphérie des grandes villes, lorsque nous achetons une saucisse. Nous nous intéressons à la manière dont vous prévoyez de produire de la sécurité! Sympathique et conviviale pour les familles. A Potsdam, on voit un papa confortablement installé, occupé à exécuter l’ordre de meurtre par drone pour une exécution extrajudiciaire à dix mille kilomètres de là. Et son petit garçon, assis sur ses genoux, apprend comment on pourra peut-être encore améliorer la chose dans dix ans. Si c’est ça l’avenir pour lequel nous éduquons et formons nos enfants, que pourrait signifier la responsabilité mondiale?
Nous refusons les attaques de drone que les Américains font voler après coordination préalable en Allemagne, à la base aérienne des United States Air Forces de Ramstein [http://www.rfi.fr/afrique/20130601-terrorisme-raids-drones-menes-etats-unis-afrique-depuis-le-territoire-allemand/]. Tout le monde en a connaissance, mais il est urgent et nécessaire de dénoncer, de supprimer ce système qui utilise abusivement une base allemande. Nous n’avons pas besoin d’armes qui tuent sans mettre nos propres soldats en danger. Nous avons besoin de la destruction des armes afin que plus personne ne soit mis en danger.
Oh oui: nous n’envahissons pas d’autres pays, affirme Obama en pensant à la Crimée et à l’Ukraine. Mais qui, je vous le demande, a pénétré depuis 1965 au Vietnam, puis en Irak, en Somalie? Qui a dévasté la Libye et la Syrie? Qui avait besoin d’envahir l’Irak une deuxième fois après avoir, entre les deux invasions, fait mourir plus d’un million de personnes avec l’embargo? Qui a aspergé d’agent orange la piste Ho-Chi-Minh au Vietnam, pour la défolier ? Cette arme chimique, puissant herbicide, provoque aujourd’hui encore des cancers, des fausses-couches [et des malformations congénitales – NDT ]. L’uranium dit «appauvri», dont les Américains ont bombardé l’Irak, produit toujours à l’heure actuelle les mêmes effets. L’armée allemande ne veut même pas révéler la présence des mines en Afghanistan pour «des raisons de sécurité», dit-elle ! Et maintenant nous devons envoyer cent soldats au nord de l’Irak afin d’enseigner aux gens sur place comment on désamorce les mines! Une telle déclaration est un affront à notre population allemande, le comble du cynisme.
Pas plus Monsieur Gauck que Madame Merkel ou Madame von der Leyen ne semblent comprendre ce simple fait: enseigner à des jeunes l’application immédiate du principe «toi ou moi», joint à la manière la plus efficace et la plus radicale possible de tuer le prétendu ennemi, équivaut à un changement fondamental de la conscience. En observant ce qui se passe aujourd’hui, nous devrions nous souvenir d’autre chose encore. C’était en 1918, lorsque dans l’Europe entière, tous et toutes auraient dû dire: il est inconcevable qu’un des participants à cette guerre absurde puisse prétendre se proclamer vainqueur après le massacre de dix millions de gens. Nous avons tous et toutes perdu notre humanité dans les batailles de Verdun, Ypres, Cambrai; nous partageons toutes et tous l’idée qui proclame «Plus jamais la guerre!» Mais non: les uns veulent n’avoir pas perdu la guerre et les autres veulent l’avoir gagnée. Voilà l’origine de la tragédie du XXe siècle. Exactement cent ans plus tard, nous pourrions enfin le comprendre: avec des bombes, on fait des cimetières, jamais la paix!
Qui devient soldat aujourd’hui le fait pour gagner de l’argent, ceci dans la logique de Madame von der Leyen. On pourrait tout aussi bien être balayeur de rue, boucher, boulanger ou autre chose. Nous sommes retournés au mercenariat de la Guerre de Trente ans. Nous avons maintenant des assassins professionnels, qui tuent sur ordre. Seulement pour l’argent, pour rien de plus élevé. Tout le reste n’est que propagande. Le projet se trahit de lui-même par ses propres mensonges.
La Première Guerre mondiale nous l’avait déjà appris. Il a fallu douze ans à Erich Maria Remarque pour l’écrire: « Si même cela avait été possible…» Cela… Il voulait parler des déluges d’acier sur le front occidental : «… rien ne restait de ce que nous appelions jadis la culture, de Platon à Schopenhauer. Six semaines de formation ont suffi à nous faire ramper dans la boue, sur ordre de n’importe qui, à condition qu’il porte les bonnes épaulettes. Nous sommes devenus des bêtes, des assassins, nous avons cessé d’être des êtres humains.» Que disons-nous aux écoliers auxquels Madame von der Leyen veut diffuser la propagande des officiers de la Bundeswehr? Quand on se demande, en Saxe-Anhalt, s’il ne faudrait pas qu’un pacifiste vienne parler dans les écoles après le passage d’un officier de l’armée allemande, ceci afin de représenter nos positions, la CDU se met immédiatement à hurler et la demande est annulée. Car l’armée allemande est un organe constitutionnel et s’y opposer démoraliserait les troupes. Or c’est exactement ce que nous voulons: démoraliser les troupes et abolir la Bundeswehr! Parce que nous avons des scrupules à tuer et nous voulons provoquer ces scrupules!
Je pense au pilote de bombardier Harold Nash de la Royal Airforce, en juillet 1943. C’était l’opération Gomorrha, le survol de la ville hanséatique de Hambourg, Round the clock bombing. Résultat : 40’000 morts à Hammerbruck en une seule nuit ! Nash le décrit avec ses propres mots: « Nous voyions sous nos ailes un ruban noir semé de perles et nous savions: ce que nous provoquions là en dessous était pire que l’Enfer de Dante. Nous ne pouvions voir que le feu mais pas les êtres humains, sinon nous n’aurions pas pu le faire.» Est-ce que la réponse doit être: surtout ne pas regarder ? Aujourd’hui, nous assassinons numériquement à 10’000 kilomètres de distance pour préserver nos nerfs… C’est ça la réponse actuelle Monsieur Gauck, Madame von der Leyen?
Il existe pire encore : l’obéissance. Toutes les armées du monde enseignent à ses femmes et à ses hommes le garde-à-vous face aux ordres. Même les spécialistes de la torture qui œuvrent dans les camps à Bagram en Irak, en Afghanistan, en Pologne, en Egypte, en Syrie, même ces gens-là sont protégés par Bush jeune et Dick Cheney sous prétexte qu’ils ne sont rien d’autre que des patriotes, exécutant leurs ordres. Pourtant, les Américains devraient s’en souvenir : en 1946 à Nuremberg, ils ont posé exactement cette question aux dignitaires nazis pendant les procès pour crimes de guerre: comment assumaient-ils cette responsabilité? Ils ont entendu alors la ritournelle habituelle de la soldatesque du monde entier: « Un ordre est un ordre ». Et les plaignants de rétorquer: c’est le début du crime, on ne peut pas simplement laisser sa personnalité au vestiaire au moment où on passe un uniforme.
Mais alors comment peut-on devenir soldat? Joshua Key, qui a déserté en 2003 à Bagdad, l’écrit net et clair: « Ici, nous ne combattons pas des terroristes, nous sommes nous-mêmes des terroristes. » Il a vu un de ses camarades abattre une jeune fille qui venait régulièrement mendier à la caserne, sa petite sœur dans les bras. Le jeune soldat la soupçonnait d’être membre d’Al Qaida, avec une ceinture d’explosifs. Peur et violence, c’est la logique de la guerre. Tant que les puissants peuvent nous faire peur, leur pouvoir s’établit par les armes. Devant vous, Monsieur Gauck, Madame Merkel, Madame von der Leyen et tous les autres, peu importe leurs noms, nous avons cessé de nous inquiéter; maintenant, c’est nous qui commençons à vous faire peur, parce que vous perdez le soutien de la population!
Je résume tout ce que je viens de dire avec les mots que le poète Wolfgang Borchert a laissés en testament à l’humanité, en 1947, alors qu’il mourait d’un cancer dans un hôpital de Bâle. Telle est la leçon de la Deuxième Guerre mondiale, la leçon de toute guerre: ce n’est pas vrai que notre pacifisme est un réflexe d’après-guerre; le pacifisme est la conviction principale de toute période d’avant-guerre; nous sommes par principe contre toute guerre. Et Wolfgang Borchert écrivait:
« Toi. Homme à ta machine, toi homme dans l’atelier. Si demain ils te donnent l’ordre de ne plus faire conduites d’eau ni terrines, mais casques d’acier et mitrailleuses, alors, dis NON! Et toi la mère, la mère en Allemagne! La mère en Ukraine! Si demain, ils reviennent et vous disent d’enfanter, d’accoucher d’infirmières de campagne et de nouveaux soldats pour de nouvelles tueries, alors toi, la mère en Allemagne, la mère en Ukraine, dis NON! Toi. Chercheur en laboratoire. Si demain ils te donnent l’ordre d’inventer une mort moderne contre l’ancienne vie, alors, dis NON! Et toi, le pasteur du haut de ta chaire. Si demain ils te donnent l’ordre de bénir le meurtre et de déclarer sainte la guerre, alors, dis NON!
Car si vous ne dites pas NON, cela continuera toujours!
Nous sommes pour :
La fin de l’armement
La sortie de l’OTAN
L’abolition de la Bundeswehr
La conversion de tous les moyens au service de la paix.
La paix est l’avenir, la guerre est le passé. Et nous refusons de laisser la conscience allemande revenir à l’âge de pierre. Nous nous réjouissons des jours de Noël et d’une année nouvelle qui évite les anciennes erreurs.
On a l’impression qu’il y a quelque chose, Mme Merkel, que vous pensez être encore plus important que les intérêts des entreprises allemandes, ce sont les intérêts du gouvernement américain et des entreprises américaines.
Dans votre discours à Sydney, Mme Merkel, vous vous êtes terriblement indignée par le fait que 25 ans après la chute du Mur de Berlin, il continue d’exister une ancienne façon de penser selon des sphères d’influence qui piétinent le droit international.
« Qui aurait cru cela possible ? », avez-vous dit !
Cela soulève plusieurs questions :
Mme Merkel, dans quel monde vivez-vous ?
Et où avez-vous vécu ces 25 dernières années ?
Où étiez-vous, lorsque les États-Unis ont piétiné le droit international en Irak, afin d’étendre leur sphère d’influence sur le pétrole irakien ?
Où étiez-vous, quand le droit international en Afghanistan était (et est toujours) bafoué, avec la participation de l’Allemagne ?
Où étiez-vous quand la Libye a été bombardée, lorsque l’opposition syrienne a été armée et affiliée à ISIS [l’État islamique] après les livraisons d’armes ?
Tout cela était-il, à votre avis, conforme au droit international ?
Bien sûr, ce n’était pas du tout à propos de sphères d’influence ! Je peux vous recommander de lire le livre de Zbigniew Brzezinski, qui a longtemps été un pionnier de la politique étrangère américaine. Le beau titre de ce livre, écrit en 1997, se présente ainsi : « Le grand échiquier : la primauté de l’Amérique et ses impératifs géostratégiques ».
En ce qui concerne l’Europe, Brzezinski plaide pour un élargissement décisif de l’Otan vers l’est : d’abord en Europe centrale, puis dans le Sud, puis dans les pays baltes et enfin en Ukraine.
Parce que, comme l’auteur le justifie de façon convaincante, « chaque étape de l’expansion étend automatiquement la sphère immédiate d’influence des États-Unis ».
C’est une vieille façon de penser en termes de sphères d’influence, mais qui a été mise en œuvre avec succès, et vous ne l’avez vraiment jamais, jamais remarqué, Mme Merkel ?
Au contraire, vous apparteniez à ceux qui ont ensuite transposé et supporté cela en Europe !
Vous étiez juste l’un des vassaux qui utilisaient les mots de Brzezinski pour endosser cette stratégie !
[Le Président] Mme Wagenknecht, laissez…
… Je parlais de Brzezinski, de l’élargissement de l’Otan à l’est et la politique allemande à cet égard.
Mme Merkel, maintenant vous avez conduit l’Allemagne à réveiller la Guerre froide avec la Russie, à empoisonner le climat politique et mettre en péril la paix en Europe.
Vous êtes à l’origine d’une guerre économique insensée, qui nuit massivement et principalement à l’économie allemande et européenne.
Et quand vous pleurnichez, vous n’êtes pas de ceux qui travaillent pour des entreprises dont les commandes ont fortement chuté, vous n’êtes pas de ceux qui gèrent ces entreprises ou travaillent pour elles. Vous n’avez pas à supporter les dures conséquences de ce que vous avez fait.
Vous nous avertissez qu’il y a le feu, Mme Merkel, mais vous êtes parmi ceux qui tournent autour avec des allumettes enflammées. L’escalade verbale est toujours ce qui précède le pire ! C’est ce que Hans-Dietrich Genscher vous a dit après votre discours à Sydney.
Non, cela ne veut pas dire que nous aimons Poutine, ou le capitalisme russe avec ses oligarques, mais la diplomatie exige de prendre au sérieux les intérêts de l’autre côté plutôt que de les repousser par ignorance.
Et il ne peut pas être ignoré que Mikhaïl Gorbatchev et Helmut Kohl, avec presque exactement les mêmes mots, avertissent que, sans un partenariat germano-russe, la stabilité et la sécurité en Europe sont impossibles.
L’ancien président du Parti social-démocrate (SPD), Platzeck, a souligné que le commerce entre la Russie et les États-Unis a augmenté cette année, tandis que le commerce entre la Russie et l’Union européenne, principalement l’Allemagne, a connu un énorme effondrement. En réaction, l’Union chrétienne-démocrate [La CDU, le parti de Merkel, NdT] essaie de coincer les gens comme M. Platzeck, et d’autres supposés apologistes de Poutine à la conférence des Dialogues de Saint-Pétersbourg.
Au lieu de prôner la compréhension, vous encouragez l’ignorance ! En Ukraine, vous coopérez avec un régime, dans lequel les fonctions importantes des services de police et de sécurité sont occupées par des nazis reconnus !
Le Président Porochenko parle de Guerre totale ! Il a arrêté tous les paiements aux retraités et aux hôpitaux dans l’est de l’Ukraine ! Et pour le Premier ministre Iatseniouk les insurgés sont des monstres, qui doivent être détruites.
Au lieu de travailler avec ces voyous, nous avons à nouveau besoin d’une politique étrangère allemande dans laquelle la sécurité et la paix en Europe est plus importante que les instructions de Washington.
En cette année qui marque le centenaire de l’éclatement de la Première Guerre mondiale et 75 ans après celui de la Seconde Guerre mondiale dans une telle année il serait, je pense extrêmement approprié de rappeler une phrase de Willy Brandt : « La guerre, ce n’est pas l’ultima ratio [dernier argument raisonnable – Lat.], la guerre c’est est l’irratio ultima [dernier argument stupide Lat.] ».
La guerre ne peut pas être utilisée comme outil politique plus longtemps, Mme Merkel ! Donc, revenez à la voie de la diplomatie, la levée des sanctions ! Et si, en fait, il y a dans le SPD des voix appelant au bon sens en politique étrangère, de Helmut Schmidt à Matthias Platzeck, alors s’il vous plaît écoutez, Mme Merkel, la voix de vos partenaires de la coalition !
Arrêtez de jouer avec le feu !
Je résume : Vous avez gaspillé tous les gains de la détente politique et conduit l’Europe dans une nouvelle guerre froide, et au bord du précipice, parce que vous n’avez pas le courage de vous lever contre le gouvernement américain.
Ce n’est pas quelque chose dont vous pouvez être fière.
Dans tous les cas, les citoyens de notre pays méritent une meilleure politique, une politique où l’appel à la prospérité pour tous est enfin à nouveau pris au sérieux, ainsi que le retour à une politique de voisinage amical avec tous nos voisins européens.
Sahra Wagenknecht Traduit par Jean-Jacques pour vineyardsaker.fr
Note
[1] Sahra Wagenknecht est une femme politique allemande, docteur ès sciences économiques, députée au Parlement allemand (le Bundestag) et vice-présidente du Parti de gauche (Die Linke). (Wikipédia, français)