Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

MS21 - Page 86

  • SYRIZA, La Chine et la Russie contre l'Ukraine, l'OTAN et ses mercenaires...

    Le Grand Soir
    Journal Militant d'Information Alternative

    Cette semaine
    Un mois qui a bousculé les codes et les vieux usages, les tabous politiques et idéologiques.
    Discours d’ A. Tsipras au Comité Central de SYRIZA
    A. Tsipras
    Camarades, Nous sommes au début d’un long et difficile combat, unis non seulement par le programme sur lequel le peuple grec nous a accordé sa confiance, mais aussi par les principes, les valeurs fondamentales, les idées et l’histoire de la gauche, par notre volonté de servir le peuple et le pays, par nos relations franches et ouvertes avec les travailleurs, avec ceux qui créent et inventent l’avenir, par notre attachement à la démocratie et à la justice sociale, par la mobilisation solidaire du (...) Lire la suite »
    Actions transnationales contre l’inauguration de la BCE
    Inauguration de la BCE : on reprend leur fête en main !
    Blockupy Frankfurt
    Le 18 mars 2015, la Banque centrale européenne (BCE) veut inaugurer son nouveau siège à Francfort. La somme vertigineuse d’ 1,3 milliards d’euros a été dépensée pour construire ces tours jumelles de 185 mètres de haut qui ressemblent à une forteresse, entourée de clôtures et de douves. Cette intimidante architecture du pouvoir est un symbole parfait de la distance qui sépare les élites politiques et financières des populations. Le personnel et le matériel de bureau sont déjà en cours d’installation. Mais (...) Lire la suite »
    La Chine vient de se ranger du côté de la Russie sur le conflit ukrainien (Zero Hedge)
    Tyler DURDEN
    En ce qui concerne la guerre par procuration en Ukraine, qui a commencé pour de bon il y a environ un an, avec le violent coup d’Etat qui a renversé le président Yanoukovitch pour le remplacer par un oligarque local pro-américain, personne n’a de doute sur l’identité des acteurs clés : à gauche, nous avons l’ouest, représenté par les États-Unis, l’Union européenne et l’OTAN ; et à droite, nous avons la Russie. La seule chose qui n’était pas tout à fait claire jusqu’ici, c’était le rôle que jouait cet autre (...) Lire la suite »
    James Clapper appelle à armer les Forces ukrainiennes : à qui cela profiterait-il réellement ? (The Intercept)
    Glenn GREENWALD
    Il est facile d’oublier qu’il y a seulement deux ans, le président Obama était déterminé à bombarder la Syrie et à éradiquer le régime d’Assad, et que les institutions de l’establishment américain travaillaient à jeter les bases de cette campagne. NPR (National Public Radio) a alors commencé à publier consciencieusement les rapports de responsables américains anonymes selon lesquels la Syrie avait stocké de grandes quantités d’armes chimiques ; le New York Times signalait qu’Obama "augmentait l’aide aux (...) Lire la suite »
    Ils arrivent ! Porc, bœuf et lait aux hormones (et poulets lavés au chlore)
    TTIP, ôtez vos pattes de notre nourriture !
    Esther VIVAS
    Un nouveau tour de vis vient d’être donné aux politiques agroalimentaires en Europe. Il s’agit du Traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne (UE), plus connu sous le nom de TTIP (son sigle en anglais pour Transatlantic Trade and Investment Partnership), l’ombre grandissante de l’agroalimentaire qui s’étend des champs à l’assiette. Comme des vampires assoiffés de sang, les multinationales du secteur attendent pour se sucrer, et ce beaucoup, grâce à ces nouvelles mesures de (...) Lire la suite »
    Renforcement du pouvoir citoyen et des droits sociaux, sanctions envers les États-Unis : le Venezuela répond à la tentative de coup d’État
    Thierry DERONNE
    Alors qu’en 1973 il restait des médias occidentaux pour s’émouvoir du coup d’État perpétré au Chili, ceux d’aujourd’hui scandent à l’unisson : “Président du Venezuela, laisse-toi te renverser ! C’est pour ton bien ! Renonce à défendre le choix des électeurs ! Renonce à la loi, à la Constitution. Si tu arrêtes un putschiste, nous dénoncerons la répression au Venezuela !”. Le bulldozer des news, déjà bien rodé pour créer le personnage Chavez, a été réactivé pour fabriquer le tyran Maduro qui agite au loin un poing (...) Lire la suite »
    Israël se précipite vers la prochaine guerre à Gaza (Haaretz)
    Gideon LEVY
    Israël se dirige vers la prochaine éruption de violence avec les Palestiniens comme s’il s’agissait d’une sorte de catastrophe naturelle qui ne peut pas être évitée. La prochaine guerre éclatera cet été. Israël lui donnera un autre nom puéril et elle aura lieu à Gaza. Il y a déjà un plan pour évacuer les communautés israéliennes le long de la frontière de la bande de Gaza. Israël sait que cette guerre va éclater, et Israël sait aussi pourquoi – et il s’y précipite au grand galop les yeux bandés, comme si (...) Lire la suite »
    Rapprochement Cuba/Etats-Unis : perspectives et obstacles (Al Mayadeen)
    Salim LAMRANI
    Depuis l’annonce historique du 17 décembre 2014, Washington a annoncé quelques mesures destinées à assouplir l’état de siège économique qui pèse sur Cuba. Mais le chemin est encore long. Le 16 janvier 2015, les mesures d’assouplissement annoncées par les Etats-Unis, dans le cadre du processus de normalisation des relations bilatérales impulsé entre les Présidents Barack Obama et Raúl Castro, sont entrées en vigueur. Si elles ne mettent pas un terme aux sanctions économiques, elles constituent un signal (...) Lire la suite »
    Hier le Chili, aujourd’hui le Venezuela et le Brésil ?
    Quand tout commence par une grève des camionneurs... (Revista Forum)
    Renato Rovai
    L'ambiance délétère actuelle au Brésil, qui voit une campagne de destruction systématique de la présidente Dilma, de son parti, le PT, et du gouvernement (par le biais de la Petrobras en particulier) menée avec une virulence extrême par les médias dominants, fait penser au scénario Vénézuélien*. Ces derniers jours, les camionneurs, dont les revendications sont certainement légitimes, ont déclenché une grève qui commence à faire tâche d'huile. Sa couverture par les médias (qui n'hésitent plus à (...) Lire la suite »
    OTAN : mercenaires et propagande au service d’une machine de guerre 2/3
    ANTICONS : Observatoire du néo-conservatisme
    Des bases juridiques confuses, sans appui ni déni international À 21 heures, le 20 septembre 2001, le président George W. Bush devant le Congrès prononça un discours dans lequel le religieux s’entremêlait avec le patriotisme. En réaffirmant que Dieu est du côté américain, Bush promettait une vengeance « du bien contre le mal ». Pour la première fois ce soir-là, il utilisera l’expression de « guerre contre le terrorisme », les « amis » d’hier étant devenus les « méchants » du moment. Dans son allocution (...) Lire la suite »
    Robert Ford, celui qui voulait armer les "rebelles" en Syrie, reconnaît maintenant qu’ils ne représentent rien
    Syrie : Après avoir été un de leurs principaux promoteurs, l’ex-ambassadeur des Etats Unis n’est plus favorable à l’armement des rebelles (McClatchy)
    Hannah Allam
    Dans la famille Ford, on connaît le cinéaste John Ford (un pseudonyme en réalité), l’acteur Harrisson Ford et le critique de cinéma Charles Ford. Un nom qui semble prédestiner à exercer une activité en rapport avec le cinéma ! Et quand on n’est pas dans le cinéma spectacle, on joue aux cow-boys et aux Indiens pour de vrai en poussant à la guerre civile, ce qu’a fait avec entrain et ténacité l’ancien ambassadeur des États Unis en Syrie, un certain Robert Ford. Robert Ford était en poste à Damas au moment (...) Lire la suite »
    L’ère de la civilisation humaine, aussi courte et étrange fût-elle, semblerait tirer sa révérence.
    La fin de l’Histoire ?
    Noam CHOMSKY
    Il n’est pas agréable de sonder les pensées qui doivent passer par l’esprit de la chouette de Minerve au crépuscule alors qu’elle entreprend la tâche d’interpréter l’ère de la civilisation humaine, qui peut-être maintenant se rapproche d’une fin déshonorante. Cette ère a débuté il y a presque 10.000 ans dans le Croissant Fertile, qui s’étend des terres du Tigre et de l’Euphrate, traverse la Phénicie sur la côte orientale de la Méditerranée jusqu’à la Vallée du Nil, et puis vers la Grèce et au-delà. Ce qui se (...) Lire la suite »
    Le Venezuela et la bataille pour l’hégémonie mondiale (La polilla cubana)
    Angel GUERRA CABRERA
    La crise d’hégémonie que traversent les Etats-Unis a créé sur la scène internationale une situation instable, dangereuse et au dénouement imprévisible car Washington ne se résigne pas à la perte de la primauté presque absolue dont il jouissait sur la planète. Il semblerait ne pas vouloir se rendre compte que le monde devient multipolaire, ce qui l’oblige à prendre en considération les intérêts et les conceptions d’autres acteurs – dont la Chine et la Russie – à moins qu’il souhaite courir le risque de (...) Lire la suite »
    Biopiraterie en France : comment des entreprises privées menacent de s’approprier des semences et des plantes
    Sophie CHAPELLE
    Aider les chercheurs à cataloguer des semences, et se retrouver ensuite privé du droit de les planter : c’est la menace qui pèse sur les paysans français. Des entreprises privées nouent des partenariats avec des instituts de recherche publique pour collecter des graines dans les champs des éleveurs et des cultivateurs. Puis déposent des brevets, qui privatisent l’utilisation future de ces plantes et de leurs vertus, grâce à des failles réglementaires qui permettent aux multinationales de s’accaparer (...) Lire la suite »
    Grèce : quelques nouveaux éléments d’appréciation sur le compromis
    Le problème en Europe, c’est l’Allemagne de Merkel
    Jean-Luc MELENCHON
    Maintenant nous entrons dans une bataille de propagande contre la Grèce de Tsipras. Une troupe composite de droitiers écumant de rage, de gauchistes toujours prompts à excommunier qui ne se plie pas à leur mantras abstraites, et d’ancien gauchistes pour qui l’échec des autres doit justifier leur propre mutation libéralo-libertaire, se coalisent pour chanter sur tous les tons la « capitulation de Tsipras ». Que dis-je : « la première capitulation » comme titre « Médiapart ». Car bien-sûr, il y en aura (...) Lire la suite »
    Philippe Val a déjoué un complot : Acrimed gangrène la formation des journalistes !
    Martin COUTELLIER
    Ayatollah responsable de l’épuration du journalisme, des médias et de la critique des médias, Philippe Val, patron licencieur (de Siné, Porte et Guillon) et chasseur de têtes, n’est jamais en panne d’inspiration : la liste est longue de ses mensonges et calomnies d’une insondable bêtise. Et elle vient de s’allonger... Il y a peu, parmi les facteurs qui expliqueraient selon lui « la crise que traverse le journalisme », Philippe Val avait découvert celui-ci, sans doute le principal : « On peut relever (...) Lire la suite »
    Israël contre les Juifs
    Pierre STAMBUL
    C’est un refrain bien établi. Vous critiquez Israël et le sionisme ? Vous êtes antisémite ! Un Juif français veut pouvoir « vivre son judaïsme » ? On l’invite à faire son « alyah » et à apporter sa pierre à la colonisation de la Palestine. On essaie de nous marteler que l’histoire des Juifs s’est achevée et qu’Israël en est l’aboutissement. Israël fonctionne comme un effaceur de l’histoire, de la mémoire, des langues, des traditions et des identités juives. La politique israélienne n’est pas seulement (...) Lire la suite »
    Pétition pour la nomination d’un « ambassadeur de choc » en Libye : Bernard-Henri Lévy
    Maurice LEMOINE
    Le 17 février 2015, décrivant devant le Conseil de sécurité des Nations unies un pays qui pourrait devenir une menace pour l’Europe comme pour l’Afrique, le ministre libyen des affaires étrangères Mohammed Al-Dairi a appelé « à ne pas rester silencieux face au terrorisme en Libye ». Comme en écho, et évoquant le même pays lors d’une réunion de dirigeants sociaux-libéraux européens tenue à Madrid le 21 février, le Premier ministre français Manuel « 49-3 » Valls a estimé que le « djihadisme terroriste » était (...) Lire la suite »
    Lien permanent Catégories : Monde 0 commentaire
  • La planète positive aux pesticides ?

    Empoisonnés aux pesticides puis licenciés pour inaptitude, quatre salariés du site Nutréa-Triskalia de Plouisy, près de Guingamp dans les Côtes-d'Armor, se battent depuis cinq ans pour obtenir  réparation.

    Plus d'infos

    Spécialisée dans la fabrication de granulés pour le bétail, l'entreprise Nutréa appartient à Triskalia, une coopérative agricole géante regroupant 18 000 agriculteurs et employant 4 800 salariés sur 300 sites. Le scandale a commencé fin 2008, quand les dirigeants de Nutréa ont décidé, pour faire des économies, de ne plus ventiler 20 000 tonnes de céréales stockées dans d'énormes silos. Les conséquences ont été désastreuses : les stocks ont été infestés de charançons et autres insectes nuisibles et sont rapidement devenus impropres à la consommation. Mais pour la direction, il n'était pas question de les perdre, et elle a choisi de les faire asperger d'insecticide et de propulser ce même insecticide par les gaines de ventilation.

    Alors que les deux salariés travaillant à la réception des céréales ont rapidement développé des symptômes inhabituels (vomissements, saignements, maux de tête...), le même procédé a été utilisé l'année suivante, intoxiquant cette fois une quarantaine de salariés du site. En 2011, les deux premiers salariés ont été déclarés inaptes et licenciés dans la foulée. Deux autres salariés ont été licenciés à leur tour pour inaptitude en 2013. Ces quatre travailleurs souffrent d'hypersensibilité chimique multiple, une maladie qui ne connaît pas d'autre traitement que l'évitement de tout contact avec des produits chimiques, ce qui revient à éviter les lieux publics et rend très difficile un retour à l'emploi.

    Le 11 septembre 2014, le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (Tass) de Saint-Brieuc a reconnu la faute inexcusable de l'entreprise pour les deux premiers salariés, dont les intoxications sont considérées comme des accidents de travail, ce qui leur vaut une rente d'un peu moins de 800 euros par trimestre. Les deux autres salariés se sont vu refuser par le Tass la reconnaissance de leur maladie comme maladie professionnelle. Leur plainte au pénal a été classée une première fois, puis relancée, mais cinq ans après, elle en est toujours au stade de l'enquête préliminaire. Aucune investigation n'a été lancée à ce jour sur la pollution de la chaîne alimentaire par les insecticides répandus sur les céréales. Malgré tout, les quatre salariés continuent le combat pour obtenir réparation.

    Nous vous proposons d'interpeller la société triskalia. La liste des signataires de cette action cette pourra être transmise aux avocats des plaignants.

    Sylvie GOURDON "Sous le vent, les pieds sur terre"
    Yves Marie LE LAY Sauvegarde du Trésor
    Alain Uguen Association Cyber @cteurs,

    TRISKALIA, société coopérative agricole à capital variable dont le siège social est ZI Lanrinou – 29206 Landerneau CEDEX, immatriculée au RCS de Brest sous le n° 775 576 986 représentée par Mme Béatrice PERROT, en sa qualité de Directrice de la Communication. numéro de téléphone : 02 98 25 30 00


    Ecouter : Une histoire de grains pourris sur France Inter
    http://www.franceinter.fr/emission-interception-bretagne-une-histoire-de-grains-pourris  

    De Bretagne jusqu’à Paris, les institutions dévoyées
    http://www.cyberacteurs.org/blog/?p=1762  

    Lien pour réécouter le reportage d'Inès Léraud dans l'émission "Les pieds sur terre" de France Culture en partenariat avec le journal l'Humanité concernant le scandale des pesticides :
    http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-le-scandale-des-pesticides-en-partenariat-avec-l-humanite-2014-12-18  
    N'hésitez pas à vous exprimez en donnant votre avis sur le site de France Culture.

    Ci-dessous le lien pour lire l'article de Fanny Dumayrou dans l'Humanité.
    http://www.humanite.fr/chez-nutrea-triskalia-le-combat-des-intoxiques-aux-pesticides-560647  

    Nutréa-Triskalia : un suicide qui interroge
    http://www.ouest-france.fr/social-nutrea-triskalia-un-suicide-qui-interroge-2809579  

     

    Lien permanent Catégories : Écologie, Santé 0 commentaire
  • Israël contre les Juifs

     

    par Pierre Stambul

    C’est un refrain bien établi. Vous critiquez Israël et le sionisme ? Vous êtes antisémite ! Un Juif français veut pouvoir « vivre son judaïsme » ? On l’invite à faire son « alyah » et à apporter sa pierre à la colonisation de la Palestine.

     

    On essaie de nous marteler que l’histoire des Juifs s’est achevée et qu’Israël en est l’aboutissement. Israël fonctionne comme un effaceur de l’histoire, de la mémoire, des langues, des traditions et des identités juives. La politique israélienne n’est pas seulement criminelle contre le peuple palestinien. Elle se prétend l’héritière de l’histoire juive alors qu’elle la travestit et la trahit. Elle met sciemment en danger les Juifs, où qu’ils se trouvent. Et elle les transforme en robots sommés de justifier l’injustifiable.

     

     

     

    Retour sur un passé récent

     

    L’histoire des Juifs français n’a strictement rien à voir avec Israël. Régulièrement spoliés, massacrés ou expulsés par différents rois très chrétiens, les Juifs ont acquis la citoyenneté française avec l’Abbé Grégoire pendant la Révolution. Ces deux derniers siècles ont été marqués par une quête de la citoyenneté et de l’égalité des droits. L’affaire Dreyfus a révélé que, si une partie de la société française était antisémite, une autre partie, finalement majoritaire, considérait que l’acquittement et la réhabilitation de Dreyfus étaient l’objectif de tous ceux qui étaient épris de liberté et refusaient le racisme. L’histoire des Juifs français a été marquée par leur participation importante à la résistance contre le nazisme et le régime de Vichy, puis par l’engagement de nombre d’entre eux dans des luttes progressistes et/ou anticoloniales. Les intellectuels juifs de cette époque s’appelaient Raymond Aubrac, Marc Bloch, Laurent Schwartz, Pierre Vidal-Naquet, Stéphane Hessel. C’était une époque où beaucoup de Juifs pensaient que leur propre émancipation passait par celle de tou-te-s. C’était une époque où le racisme, le fascisme et la haine de l’autre étaient considérés comme des abjections à combattre. Les enfants juifs allaient à l’école publique, jamais il ne leur serait venu à l’idée de se séparer des autres dans des écoles confessionnelles.

     

    On s’efforce aujourd’hui en Israël d’effacer l’histoire des Juifs dans les différents pays où ils ont vécu. Si les Juifs ont longtemps été considérés par les antisémites en Europe comme des parias inassimilables et s'ils  ont été persécutés parce qu’ils constituaient un obstacle aux nationalismes fous qui rêvaient de sociétés ethniquement pures, ils n’ont jamais recherché la séparation mais au contraire l’insertion à l’intérieur des sociétés dans lesquels ils vivaient.

     

     

     

    Une assignation à la désertion

     

    On fait un saut de quelques années. En tête d’une gigantesque manifestation parisienne censée dénoncer le terrorisme, on trouve trois criminels de guerre, Nétanyahou, Lieberman et Bennet qui viennent de s’illustrer dans le massacre de plus de 2000 Palestinien-ne-s (essentiellement des civil-e-s) à Gaza pendant l’été 2014. Profitant de l’émotion causée par l’attentat antisémite de la Porte de Vincennes, Nétanyahou est autorisé (par le gouvernement français) à déclarer aux Juifs français qu’ils sont en insécurité en France et qu’ils doivent partir dans leur « vrai » pays, Israël.

     

    En fait, le sionisme n’a jamais combattu l’antisémitisme. Il s’en est toujours nourri avec en permanence un seul et unique but : faire immigrer le maximum de Juifs en Israël. Du coup, Nétanyahou n’hésite pas à mettre en danger les Juifs français. Il en fait des étrangers dans leur propre pays, des « touristes » qui n’ont pas compris que leur « patrie » est là-bas. Les Juifs sont sommés d’être des « traîtres » (à la seule et unique cause, celle du Grand Israël de la mer au Jourdain) ou des complices. La France a toujours été un échec pour Israël : à peine 80000 Juifs sont partis depuis 1948 et une moitié est revenue. Alors la propagande se fait assourdissante. Pourtant, s’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il sera ainsi tant que la destruction de la Palestine se poursuivra.

     

    À « l’alyah » (la montée) des vivants vers Israël, s’ajoute à présent celle des morts. Les autorités israéliennes incitent vivement les Juifs français à faire enterrer leurs proches en Israël. Ainsi les victimes de la tuerie de la porte de Vincennes ont été inhumées au cimetière de Givat Shaul. Ce « quartier » de Jérusalem, c’est l’ancien Deir Yassine, le village martyr de la guerre de 1948 où les milices de l’Irgoun dirigées par Menachem Begin ont massacré toute la population avant que le village ne soit, comme tant d’autres, rayé de la carte. Quel symbole !

     

     

     

    Israël à l’avant-garde de l’islamophobie

     

    Les Juifs ont vécu pendant des centaines d’années dans le monde musulman. Ils ont même été accueillis par l’empire ottoman après leur expulsion d’Espagne en 1492. Aujourd’hui, Israël paticipe à la diabolisation des Arabes et des musulmans en se comportant en élève modèle du « choc des civilisations ». Le racisme anti-arabe et l’islamophobie s’expriment ouvertement, des politiciens en ont fait leur fond de commerce et les passages à l’acte sont fréquents. Les crimes de masse comme à Gaza ou la multiplication des propos racistes (Pour le rabbin Rosen, les Palestiniens sont des Amalécites et la Torah autorise qu’on les tue ainsi que leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux)laisseront des traces. Comment imaginer que ce qui est infligé aux Palestiniens sera sans conséquences ?

     

    En Israël, des propagandistes rivalisent pour expliquer que les Juifs ont vécu l’enfer dans le monde musulman, masquant le fait que l’antisémitisme a été avant tout une invention européenne et chrétienne. Les Juifs orientaux subissent en Israël des discriminations sociales et un mépris raciste. Ils ont souvent été humiliés et discriminés à leur arrivée. Ils sont coupés de leurs racines et poussés à renier leur identité. L’expulsion des Palestiniens de 1948 est présentée comme un « échange de population » alors que le sionisme est le principal responsable, et de la Nakba, et du départ des Juifs orientaux de leurs pays.

     

     

     

    Qu’y a-t-il de juif en Israël ?

     

    Les sionistes ont théorisé l’idée que les Juifs et les non-Juifs ne peuvent pas vivre ensemble. C’est totalement contraire à tout ce qui s’est passé pendant des centaines d’années. Cela va à l’encontre de l’aspiration des Juifs à sortir des ghettos, des mellahs et des juderias pour devenir des citoyens normaux.

     

    Les Juifs religieux qui émigrent en Israël y rencontreront rarement la religion telle qu'elle a été pratiquée pendant des siècles. Le courant national-religieux s’est imposé. Ce courant intégriste a totalement révisé la religion. Le « peuple élu », ça n’a jamais voulu dire qu’il a plus de droit que les autres mais au contraire qu’il a plus de devoirs. Parmi les préceptes, il y a « ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse » et « tu aimeras ton prochain comme toi-même »« L’an prochain à Jérusalem », ça n’a jamais voulu dire qu’il faut réaliser le nettoyage ethnique en cours, mais « vivement que le Messie vienne ». L'hébreu a toujours été une langue religieuse interdite à l'usage profane. La religion juive est une religion de « l’exil ». L’installation sur cette terre (d’Israël/Palestine) avant l’arrivée du Messie et a fortiori l’établissement d’un Etat juif étaient interdits. D’ailleurs les Juifs expulsés d’Espagne en 1492 ne sont pas allés à Jérusalem. Herzl a rencontré une hostilité quasi unanime des rabbins contre le projet sioniste dès qu’il a été question d’établir un État juif en Palestine.

     

    Pour les Juifs laïques, les valeurs dominantes d’Israël sont à l’antithèse de ce que sont pour eux les valeurs du judaïsme. Où trouve-t-on dans la tradition juive le racisme, le chauvinisme, le militarisme, le négationnisme de l’existence et de la dignité de l’autre ? Qu’y a-t-il de commun entre ce qu’ont représenté les grands intellectuels juifs (Einstein, Freud, Arendt, Kafka, Benjamin …) et les criminels de guerre qui dirigent Israël ? Qu’est devenue en Israël la mémoire de celles et ceux qui ont lutté contre le fascisme et le colonialisme (Marek Edelman, Abraham Serfaty, Henri Curiel …) ? De quel héritage juif peuvent se prévaloir les colons et les militaires qui justifient à l’avance les violences et les crimes commis contre les Palestiniens ?

     

    Comme l’écrit l’historien israélien Shlomo Sand à propos du livre de Yakov Rabkin Comprendre l’État dIsraël, « celui qui voit dans le sionisme une continuation du judaïsme ferait bien de lire ce livre. Mais celui qui croit que l’État dIsraël est un État juif est obligé de le lire ».

     

    Certains Juifs pensent qu’après le génocide nazi, Israël est l’ultime refuge. Au nom de quoi les dirigeants israéliens peuvent-ils brandir partout l’antisémitisme et le souvenir du génocide ? Les sionistes n’ont joué qu’un rôle marginal dans la lutte contre l’antisémitisme et la résistance au nazisme. Certains dirigeants sionistes ont même eu un comportement honteux pendant la montée du fascisme (Ben Gourion avec les accords de Haavara, 1933) et à l’époque de l’extermination (le groupe Stern assassinant des soldats et des dignitaires britanniques). Comment ne pas comprendre que la mémoire du génocide signifie « que cela n’arrive plus jamais » et pas « que cela ne NOUS arrive plus jamais », ce qui correspond à une vision tribale de l’humanité totalement contraire à toutes les formes d’héritage juif.

     

     

     

    Refuser l’assignation et la peur, refuser toutes les formes de racisme et de discrimination.

     

    Il y a des confrontations qui ont du sens : les luttes contre l’oppression, la domination, le colonialisme, pour l’égalité des droits. On nous vend aujourd’hui une guerre qui n’est pas la nôtre : celle d’un monde dit « civilisé » contre le « terrorisme islamique ». Dans cette « guerre », les musulmans sont considérés comme des terroristes en puissance et sont sommés de « prouver » qu’ils ne sont pas des complices de Daesh.

     

    Et les Juifs sont assignés à soutenir sans réserve une politique israélienne criminelle contre les Palestiniens et suicidaire pour les Juifs.

     

    Cette fuite en avant criminelle tient par la peur. Ce syndrome assure le consensus à un point tel qu'un négociateur palestinien (le professeur Albert Aghazarian) a pu dire que les Israéliens ont peur de ne plus avoir peur. Cette peur irrationnelle a gagné beaucoup de Juifs français.

     

    Dans le contexte du « choc des civilisations », prétexte des dominants pour ensanglanter le monde, il y a en France une montée générale de toutes les formes de racisme. Contrairement à l’image fabriquée par les principaux médias, le racisme frappe essentiellement tous les « dominés », toutes les victimes de l’apartheid social : Arabes, Noirs, Roms. Il prend une nouvelle tournure en se masquant derrière l’islamophobie. Comme il n’est plus politiquement correct de dire « sale arabe », on diabolise l’islam.

     

    Il y a aussi une incontestable et détestable montée de l’antisémitisme. Mais les différentes formes de racisme ne sont pas traitées de la même façon.

     

    Les dirigeants israéliens et en France le CRIF, participent activement à la stigmatisation des musulmans. Ils affirment contre toute évidence qu’il n’y a qu’un seul racisme à dénoncer (l’antisémitisme) et qu'on est à la veille d'une nouvelle « nuit de cristal ». Ils font apparaître les Juifs comme ceux que le pouvoir protège alors que l’idéologie sécuritaire, les déclarations des principaux dirigeants et le travail nauséabond de pseudo intellectuels, visent une seule population déclarée dangereuse.

     

    Les stéréotypes antisémites se nourrissent aussi de la complicité du CRIF avec la politique israélienne et de la partialité évidente du pouvoir. À l’heure des confusions, l’indignation légitime contre les crimes israéliens fait monter l’antisémitisme et les quelques paumés attirés par la violence effroyable de Daesh commettent des attentats criminels contre les Juifs parce que Juifs.

     

     

     

    La lutte contre le racisme ne peut pas être découpée. Choisir certaines « bonnes » victimes contre dautres est à l’antithèse du combat antiraciste. La politique israélienne et la négation totale des droits du peuple palestinien ne protègent absolument pas les Juifs. Au contraire. Pour créer l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer le Juif », celui qui pensait que son émancipation passait par celle de l’humanité. Comme le dit le militant israélien anticolonialiste Eitan Bronstein : « nous ne serons jamais libres tant que les Palestiniens ne le seront pas ». En refusant le tribalisme, les Juifs français réaffirmeront une histoire dont ils peuvent être fiers.

     

    C’est tou-te-s ensemble qu’il faut combattre tous les racismes, toutes les stigmatisations, toutes les discriminations. C’est tou-te-s ensemble qu’il faut défendre le droit, en Palestine comme ici.

     

    Lien permanent Catégories : Monde 0 commentaire
  • Cette dette que l'Allemagne doit encore à la Grèc

     Entretien avec l’historien de l’économie Albrecht Ritschl

     

     
       

    Dans une interview datant de novembre 2014, Albrecht Ritschl, professeur d’histoire économique de la London School of Economics, discute des dettes de guerre de l’Allemagne et des réparations dues à la Grèce après la deuxième guerre mondiale. Selon lui, l’Allemagne est le plus grand fraudeur de la dette du 20ème siècle



    > Michael Nevradakis : Beaucoup de gens ignorent tout du prêt que le régime nazi a imposé à la Grèce pendant la Deuxième guerre mondiale. Faîtes nous un résumé de ce problème.
    >
    > Albrecht Ritschl : Les éléments essentiels sont les suivants : pendant l'occupation, l'Allemagne a forcé la Banque de Grèce à lui prêter de l'argent, ce prêt forcé n'a jamais été remboursé et il est probable que personne n'ait jamais eu l'intention de le faire. Nous avons là une tentative de déguisement, de camouflage, pourrait-on dire, des frais d'occupations en prêt forcé – et ce prêt avait bien des mauvais côtés. Il a alimenté l'hyperinflation grecque, qui avait déjà lieu à cause de l'occupation italienne, et surtout, il a ponctionné des ressources vitales. Ce qui a eu pour conséquence une baisse catastrophique de l'activité économique ; et cela n'a rien fait pour rendre l'occupation allemande moins impopulaire qu'elle ne l'était avant. Cela a raffermi la résistance grecque dans sa résolution et a eu pour effet tout un tas de choses très tragiques et néfastes.
    >
    > Les Nazis ont-ils forcé d'autres pays occupés à leur accorder des prêts ?
    >
    > Oui, c'était une façon de faire très fréquente et largement utilisée. Juste pour vous expliquer un peu ce qui se passait alors, les Nazis avaient instauré un système monétaire à taux fixe dans les pays occupés, en alignant les taux de change sur le reichsmark, la devise allemande de l'époque, plus ou moins à leur gré. Le système était centralisé à la banque centrale allemande, la Reichsbank de Berlin, grâce à un système de créance à court terme, comme des comptes à découvert, et l'Allemagne était à découvert en ce qui concerne les pays occupés – ce qui a créé l'illusion de paiements.
    >
    > Quand les officiers allemands se rendaient dans des usines françaises, belges ou néerlandaises – dans les trois pays d'où l'Allemagne tirait la plus grande partie de ses ressources et réquisitionnait des machines et des matières premières – ils payaient effectivement, et ces paiements étaient essentiellement crédités sur leurs comptes nationaux à la Reichsbank. Le prêt imposé à la Grèce a suivi un schéma similaire. Comme je l'ai déjà dit, l'essentiel de ces prêts provenait majoritairement des pays d'Europe de l'Ouest. La Grèce, à cause de son économie réduite, ne représentait qu'une fraction de tout cela. Néanmoins, les effets sur l'économie grecque ont été dévastateurs.
    >
    > Que s'est-il passé après la Deuxième guerre mondiale en ce qui concerne les prêts forcés de la Grèce et des autres pays concernés – ainsi que des réparations et des remboursements des dettes de guerre allemandes en général ?
    >
    > Vous seriez surpris d'apprendre qu'il ne s'est rien passé, et la raison est la suivante : après l'invasion des Alliés et la chute du régime nazi, la première chose que les autorités d'occupation ont fait a été de bloquer toutes les revendications à l'encontre et de la part du gouvernement allemand, en vertu d'une fiction juridique selon laquelle le gouvernement et l'État allemand n'existaient plus. La question était alors de savoir ce qu'on allait en faire après la mise en place de nouvelles structures étatiques à la fin des années 1940. La question était très controversée, car beaucoup de gouvernements d'Europe de l'Ouest disaient : "Nous sommes tous tellement heureux de refaire du commerce et de renouer des relations économiques avec l'Allemagne occupée, et au fait, nous avons toujours ces comptes qui n'ont pas été liquidés avec les Allemands… Et si les Allemands nous livraient tout simplement des marchandises pour combler les déficits de ces comptes ?"
    >
    > C'est devenu une préoccupation majeure pour les occupants, surtout pour les Américains, puisqu'ils craignaient beaucoup que les zones occupées de l'Allemagne saignent l'économie avec un tel système de remboursement des prêts de guerre, et les Américains cherchaient avant tout à renflouer et relancer l'Allemagne. Les raisons de leur inquiétude trouvaient leurs racines dans l'histoire des réparations à la fin de la Première guerre mondiale, quand un système similaire avait été mis en place après la fin de l'hyperinflation allemande. C'était un projet américain de stabilisation de l'économie allemande, le plan Dawes, qui fonctionnait comme suit : l'Allemagne payait des réparations aux alliés occidentaux et les États-Unis fournissait une aide financière à l'Allemagne. Entre 1924 et 1929 ce système était hors de contrôle et c'était en fait les États-Unis qui finançaient les réparations allemandes.
    >
    > Donc les Américains, après la Deuxième guerre mondiale, craignant de voir ce schéma se répéter, ont bloqué tout cela. Comment l'ont-ils bloqué ? Grâce à un dispositif ingénieux quoiqu'un peu malveillant : tout pays souhaitant recevoir l'aide du plan Marshall devait signer une renonciation dans laquelle il abandonnait toute poursuite financière à l'encontre de l'Allemagne en échange de l'aide du plan Marshall. Cela ne revenait pas à bloquer complètement les réclamations mais à les repousser jusqu'à l'époque où l'Allemagne aurait remboursé l'aide qu'elle avait reçue du plan Marshall. En termes techniques, cela a placé les réparations et les demandes de remboursements faites à l'Allemagne à un rang inférieur à celui du plan Marshall. Et comme tout le monde voulait recevoir l'aide du plan Marshall, tout le monde a signé les renonciations à contrecœur. La situation pendant la période du plan Marshall était donc celle-ci : les dettes existaient encore sur le papier, mais elles ne valaient plus rien en ce sens que la dette était bloquée.
    >
    > Combien dit-on que l'Allemagne doit à la Grèce et aux autres pays pour ce qui est des dettes de guerre ?
    >
    > La dette due à la Grèce était de l'ordre d'un peu moins de 500 millions de reichsmarks ; la dette totale due à l'Europe de l'Ouest sur les comptes de compensation était d'environ 30 milliards de reichsmarks. De nos jours ça n'a l'air de rien, mais cela prend tout son sens si je vous dis que le montant total équivalait à environ un tiers du Produit National Brut de l'Allemagne en 1938, un an avant que l'Allemagne ne déclenche la Deuxième guerre mondiale. Ce n'était pas la seule dette, car l'Allemagne avait manipulé la valeur de la dette grâce au système de taux de change qu'elle contrôlait.
    >
    > Il y a des calculs faits par les fonctionnaires du gouvernement allemand vers la fin de la Deuxième guerre mondiale, donc toujours sous le régime nazi, qui essaient de rendre compte de la valeur réelle de la dette totale contractée dans l'Europe occupée, et qui arrivent à des résultats proches de 80 ou 90 milliards. Ce qui se rapproche fortement du PNB de l'Allemagne en 1938 ; disons 85 ou 90 %. Nous parlons désormais de très grosses sommes. Juste pour vous donner une idée : le PNB de l'Allemagne l'an dernier [2013, ndlr], était d'un peu plus de deux mille milliards d'euros, disons 90 % de ce chiffre. Nous sommes toujours au-dessus de deux mille milliards d'euros, juste pour vous donner une idée de ce que la dette représentait alors dans le potentiel économique de l'Allemagne.
    >
    > Y a-t-il un moyen de quantifier cette dette et sa valeur actuelle si on l'ajustait à l'inflation et au taux de change des dernières décennies ?
    >
    > Il y a plusieurs façons de faire. Ce que je viens de faire en est une, et nous dirions alors que le total de cette dette, si l'on prend le PNB allemand comme mesure et que l'on ne fait pas intervenir l'inflation, la valeur totale de la dette mesurée en pourcentage du PNB allemand sur un an, serait aujourd'hui de plus de deux mille milliards d'euros.
    >
    > Quels arguments l'Allemagne avance-t-elle, historiquement et présentement, quant au problème des dettes de guerre et des réparations ?
    >
    > Il y a eu une importante période provisoire avec les Accords de Londres sur la dette allemande. Au début des années 1950, des négociations ont commencé entre l'Allemagne de l'Ouest et les pays créanciers. Une solution a été trouvée – ou plutôt de nouveau imposée par les Américains et dans une certaine mesure par les Britanniques – qui avait deux effets. Premièrement, ils ont réuni les dettes de guerre et les réparations – ce qui n'était pas anodin. Deuxièmement, ils ont tenu des propos confus, qui étaient ouverts à l'interprétation, disant que l'on repoussait la résolution de ces problèmes jusqu'à la réunification de l'Allemagne. Pourquoi ces deux points sont-ils importants ?
    >
    > Le premier point est le suivant : si vous réunissez les dettes de guerre et les réparations allemandes, vous mettez tout dans le même sac. Et il ne fait aucun doute que l'Allemagne a payé des réparations considérables en nature après la Deuxième guerre mondiale, principalement à travers deux choses : les livraisons forcées – qui étaient très importantes pour ce qui est devenu ensuite l'Allemagne de l'Est – et la cession de territoires, qui sont désormais une partie de la Pologne et, dans une moindre mesure, de la Russie, ce que nous pouvons dans les deux cas appeler des réparations en nature. Donc si vous réunissez les dettes de guerre et les réparations, la balance est plus légère, car ces réparations en nature ont été considérables. Le second point ce sont ces propos confus repoussant la résolution de ces problèmes aux lendemains de la réunification allemande, car la grande question était alors de savoir si cette clause, l'article 5 des accords de Londres, constituerait une obligation après la réunification allemande, qui a effectivement eu lieu en 1990.
    >
    > En ce moment la presse et les médias parlent beaucoup de la success story de l'économie allemande, de sa responsabilité budgétaire, que l'on compare à l'irresponsabilité budgétaire supposée des pays d'Europe du Sud, comme la Grèce. Mais vous soutenez que l'Allemagne a été le plus grand fraudeur de la dette au 20ème siècle. Pourquoi pensez-vous que c'est le cas ?
    >
    > Eh bien, nous pouvons juste faire parler les chiffres, et j'ai déjà parlé de ces dettes de guerres presque égales au rendement économique de l'Allemagne en 1938, quand l'Allemagne connaissait le plein-emploi. Donc au fond, ces sommes n'ont jamais été remboursées. Nous avons de plus la dette publique de l'Allemagne, qui a été effacée par une réforme monétaire entreprise par les Américains dans les zones occupées de l'Allemagne de l'Ouest et par les Soviétiques dans les zones occupées de l'Allemagne de l'Est en 1948. Les Soviétiques ont totalement effacé la dette publique ; les Américains en ont effacé 85 %. Si maintenant nous additionnons tout cela et essayons de parvenir à un total global, à la fois interne et externe, effacé par la réforme monétaire et les accords de Londres, nous arrivons à un chiffre qui est approximativement – c'est très approximatif, juste pour avoir un ordre d'idée – quatre fois le revenu national de l'Allemagne. Pour donner un ordre d'idée actuel, si l'on accepte que le PNB est de l'ordre de deux mille milliards d'euros, ce qui fait plus de deux mille milliards et demi de dollars, nous parlons alors d'un défaut de paiement et d'un allègement de dette de l'ordre de dix mille milliards de dollars. J'aurais tendance à penser que c'est sans équivalent dans l'histoire du 20ème siècle.
    >
    > Avez-vous connaissance de mouvements ou d'activistes qui essaient actuellement de sensibiliser l'opinion aux dettes et aux réparations de guerres ?
    >
    > Il y en a relativement peu. Pour expliquer cela, plongeons-nous dans la situation juridique à l'époque de la réunification allemande de 1990. L'Allemagne a reçu cette espèce de certificat de baptême pour une Allemagne unifiée qui est rédigé d'une manière incroyablement subtile et dont le seul but était, apparemment, d'empêcher toute réclamation quant aux réparations ou aux restitutions à l'encontre de l'Allemagne unifiée, sous prétexte qu'il existait désormais un État allemand unifié et que l'article 5 des accords de Londres pourraient tout d'un coup être réactivé.
    >
    > Du point de vue allemand, le traité de 1990 ne mentionne pas les réparations ou les dettes de l'Allemagne nazie, et puisque ce point n'est pas couvert par le traité, le problème est enterré. Ç'a été l'attitude systématique du gouvernement allemand. Et jusqu'ici cette attitude a plutôt réussi… De nombreux essais ont été fait pour contester ce point à la Cour européenne mais ont échoué, et il me semble que d'un point de vue légal, il y a relativement peu de chances que cela réussisse.
    >
    > Ce qui nous amène à la question suivante : pourquoi n'y a-t-il pas une plus grande sensibilité à ces problèmes en Allemagne ? Et une chose nous met sur la voie. Il est clair que Berlin n'a aucune intention de parler de ces problèmes, parce que les avocats craignent toujours de créer un précédent, Berlin reste donc silencieux là-dessus. Le seul qui en ait parlé, et c'est assez révélateur, a été l'ancien Chancelier Helmut Kohl, que l'on a interrogé sur ce point à la sortie d'une conférence de presse au moment des négociations. Il a déclaré : "Écoutez, nous affirmons que nous ne pouvons pas payer les réparations, parce que si nous ouvrons la boite de Pandore, compte tenu de la cruauté et la brutalité nazies, des génocides – et les Nazis sont à l'origine de plusieurs génocides – compte tenu de ces faits horribles et de l'échelle incroyable de ces crimes terrifiants, tout essai de quantification et de réclamation à l'Allemagne finira soit avec des compensations ridiculement basses ou bien cela va dévorer toute la richesse nationale de l'Allemagne." C'est resté la position de l'Allemagne depuis : les dommages causés par les Nazis, pas seulement en termes de souffrance humaine et morale, mais tout simplement en termes de dommages matériels et financiers, sont si élevés que cela remplacerait la capacité de remboursement de l'Allemagne.
    >
    > Et en tant qu'économiste, j'ai bien peur que ce ne soit pas totalement tiré par les cheveux ; il y a de cela. Ce qu'a ensuite affirmé Helmut Kohl était qu'au lieu d'ouvrir la boite de Pandore et de s'enfoncer dans les demandes de réparation, il serait sûrement préférable de continuer dans ce qui lui semblait être une coopération économique fructueuse en Europe. À l'époque, c'était une bonne idée, et c'était à cette époque pré-euro où tout le monde était très optimiste quant à l'avenir de la coopération économique en Europe. Nous sommes devenus désormais un peu plus réalistes, mais à l'époque ce n'était pas totalement irréaliste et déraisonnable de penser régler ces problèmes ainsi.
    >
    > Selon vous, quelle serait la meilleure solution pour régler le problème des dettes et réparations de guerre pour les gouvernements grec et allemand à l'heure actuelle ?
    >
    > La meilleure solution serait sans doute d'essayer de dépolitiser les choses au maximum. Alors je sais bien que c'est complètement irréaliste parce que c'est un sujet politique depuis le début. Ce que je préférerais faire, plutôt que de donner une opinion personnelle et illusoire, c'est de faire quelques prévisions sur ce qui va se passer selon moi.
    >
    > Laissez-moi dire quelques mots sur ce que je crois qu'il faut faire – je ne vais pas complètement éluder votre question. Je crois vraiment que nous avons besoin de plus d'annulation de dette, et je crois que nous allons en avoir besoin assez vite. Je suis de ceux qui sont assez préoccupés par la situation politique actuelle de la Grèce. Le gouvernement grec [ndlr : le gouvernement de Samaras] sert manifestement deux maîtres. L'un est l'électorat grec, qui est naturellement et clairement peu satisfait de la situation, c'est le moins qu'on puisse dire, et l'autre est composé des créanciers internationaux, menés par l'Allemagne, et dans une moindre mesure par le FMI. À l'évidence, les intérêts, du moins à court terme, des créanciers et de la population grecque, ne concordent pas ; ils s'opposent même. Cela met le gouvernement grec en mauvaise posture. Je suis inquiet de l'avenir de la démocratie en Grèce, et en tant qu'Allemand j'en suis inquiet pour deux raisons.
    >
    > D'abord parce qu'on ne peut pas nier la responsabilité historique de l'Allemagne, et ensuite parce que l'Allemagne a traversé une expérience très très similaire. Cette expérience s'est faite à la fin des problèmes de réparation qui ont suivi la Première guerre mondiale, pendant la Grande Dépression des années 1930. Le gouvernement allemand devait payer des réparations selon un programme très strict. Le programme, le plan Young, avait commencé en 1929 ; c'était rude, et à bien des égards, cela me rappelle ce que le ministre des finances allemand et la troïka imposent à la Grèce ; les effets ont été les mêmes : chute de la production économique de 25 à 30 %, le chômage de masse, la radicalisation politique. En gros, le plan Young a fait sortir les Nazis du bois. Oui, je suis assez inquiet de la situation en Grèce, donc je pense que nous devrions rapidement prendre des mesures pour stabiliser la démocratie grecque. Est-ce que je pense que cela va se produire ? Je suis un peu sceptique. J'ai peur que deux choses se passent : d'abord, qu'à la fin il y ait une annulation de dette généralisée, mais cela arrivera assez tardivement, et des dégâts profonds auront déjà été causés à la démocratie grecque.
    >
    > Source : truth-out.org
    >
     A lire également sur le même sujet, l’article de Romaric Godin sur La Tribune : L’Allemagne doit-elle vraiment des réparations de guerre à la Grèce ?.

    > Extrait :
    >
    > Pour autant, cette question des réparations doit plutôt être comprise comme une arme morale que financière. L’Allemagne n’acceptera jamais de payer, ne fût-ce que 10 milliards d’euros. Le président allemand, Joachim Gauck, avait d’emblée fermé la discussion au printemps 2014 lorsque, en visite à Athènes, il avait répondu au président grec Karolos Papoulias, qui avait évoqué cette question : « Vous savez ce que je dois répondre : la question juridique est épuisée. »
    >
    > Tout ce que peut espérer le gouvernement Tsipras, c’est la crainte de l’Allemagne de voir rouvrir une question délicate qui la ramène à son passé, renforce l’unité nationale grecque contre elle, et rappelle que l’Allemagne est un des plus mauvais payeurs de dette du 20e siècle. L’idée serait d’affaiblir Berlin dans les discussions.
    >
    > Mais cette arme doit être utilisée avec modération, de peur qu’elle se retourne contre un gouvernement grec qui serait accusé de faire le jeu de la xénophobie et de jeter de l’huile sur le feu. Autrement dit, cette question est, pour Athènes, à manier avec précaution…

    Lien permanent Catégories : Économie, Europe 0 commentaire
  • Mexique : des cadavres dans l’arrière-cou

    par le PRCF : www.initiative-communiste.fr

    Chacun sait que l’Amérique Latine est débarrassée des dictatures – si l’on excepte le « goulag tropical castriste » (sic), et  les affreux régimes « populistes » comme celui du Venezuela…. Du coup, ce qui se passe au Mexique peut sembler relever monstrueusement étrange à ceux qui comptent sur les grands médias pour s’informer.

     

    « Guerre au narcotrafic » !

     

    Le 11 novembre, à Chilpancigo, capitale de l’Etat du Guerrero, un millier d’étudiants et d’enseignants (mais oui !) incendiaient le siège du Parti Révolutionnaire Institutionnel (quel drôle de nom, quand on y pense…), au pouvoir. Le lendemain, ils récidivaient avec le siège du secrétariat régional à l’Education, et une partie du parlement régional. Ce n’était qu’une des nombreuses explosions de violence qui secouent le pays depuis que quarante-trois militants étudiants de gauche arrêtés par la police fin septembre ont été découverts carbonisés début novembre : les policiers les avaient confiés à une bande de narcotrafiquants (les Guerreros Unidos, dont la principale fonction est de droguer les Noirs de Chicagos), pour qu’ils les massacrent. Imaginons ce qui se passerait si une telle horreur se produisait à Cuba, au Venezuela ou en Bolivie : Le Monde, Le Figaro, Libération, BHL et consorts hurleraient au totalitarisme communiste…

    Il y a un an, le Mouvement pour la Paix, la Souveraineté et la Solidarité entre les Peuples (Mopassol) publiait un texte montrant que la violence qui sévit dans l’arrière-cour des Etats-Unis est étroitement liée aux activités du maître. On peut y lire notamment : « Dès que le Mexique eut signé avec les Etats-Unis le plan Mérida en 2006 (une réplique du plan Colombie) et que Washington envoya des armes et des conseillers pour une soi-disant guerre contre le narcotrafic, plus de 55 000 personnes ont été séquestrées et assassinées de manière atroce, semant la terreur dans le Nord de ce pays. Il y a quelques 10 000 disparus. Les forces armées interviennent directement dans le conflit et personne n’ignore à ce stade des évènements que la majorité des morts n’ont rien à voir avec le narcotrafic, et que les États-Unis fournissent des armes aux groupes paramilitaires comme les Zetas.»

     

     Maintenir le chaos

     

    Le Mexique n’est pas un cas isolé. Le Mopassol indique aussi que  « les armes des EU allèrent aussi aux « maras » (bandes) créées dans ce pays et furent ensuite envoyées dans leur pays d’origine, tant au Salvador qu’au Honduras et au Guatemala pour y maintenir le crime et le chaos – au Honduras sous le terrorisme d’état masqué, et au Guatemala où le féminicide et la violence du vieux militarisme et du paramilitarisme contre-insurrectionnel se sont intensifiés avec l’arrivée à la présidence d’un officier des « Kaibilies », la force spéciale la plus brutale de tous les temps, formée aux USA, et responsable de crimes contre l’humanité et de disparition de villages entiers. » Au Honduras, dont le Président de gauche fut renversé à la suite d’un coup d’Etat piloté depuis Washington en 2009 « le récent massacre de membres de la communauté Miskita dans le Rio Patuca, le 11 mai dernier quand des hélicoptères de l’agence antidrogue des USA (DEA) on tiré sur un canoë dans lequel voyageaient des paysans, tuant deux femmes enceintes et deux hommes et blessant grièvement quatre autres personnes. » Le Mopassol n’oublie bien sûr pas la Colombie, « le pays d’Amérique Latine qui avec le Guatemala détient le record de morts et de disparus ».

    Ainsi, au nom de la lutte contre le trafic de drogue (qui ne s’est pourtant jamais aussi bien porté…), les Etats-Unis maintiennent depuis des années une présence armée étouffante dans toute la zone – mais le monde a les yeux fixés sur les récents mouvements de troupes russes à la frontière de l’Ukraine.

    Lien permanent Catégories : Monde 0 commentaire
  • Juncker : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »

     

     

     

    Lien permanent Catégories : Europe 0 commentaire
  • Corée du Sud : le retour d’un régime autoritaire ?

    Interdiction de l’opposition, censure de livres, expulsion…  

    site du PRCF : www.initiative-communiste.fr

    Le durcissement autoritaire du régime sud-coréen se poursuit. L’association d’amitié franco-coréenne AAFC  alerte ainsi sur l’interdiction d’un livre de l’Américaine Shin Eun-mi et son expulsion de Corée du Sud, ainsi que le retour progressif aux lois autoritaires du régime d’avant 1987. Dans le même temps, le principal parti d’opposition est interdit.

    Personne ne s’étonnera que ces informations inquiétantes ne soient ni diffusées ni commentés par les principaux médias occidentaux « libres ». Une fois de plus apparait de façon éclatante que liberté et des « droits de l’homme » ne sont pas du tout la priorité des impérialismes capitalistes.

     

    Le 10 janvier 2015, l’Américaine Shin Eun-mi a été expulsée de la République de Corée (Corée du Sud) et interdite de séjour dans le pays pendant cinq ans, suite à une décision prise par le service sud-coréen de l’immigration, sur une requête du ministère de la Justice. Mme Shin, qui a voyagé trois fois en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) en 2011 et 2012, est accusée d’avoir tenu, lors d’une conférence, des propos violant la loi de sécurité nationale (LSN). Le 7 janvier 2015, le ministère sud-coréen de la Culture, des Sports et du Tourisme a exigé le retrait des librairies et autres lieux publics, d’ici la fin du mois, du livre de Shin Eun-mi faisant le récit de ses voyages en RPD de Corée. Cette mesure d’urgence a été prise dans le cadre d’une enquête en cours quant à la conformité à la LSN d’Une Coréenne Américaine d’âge moyen va en Corée du Nord. En 2013, ce livre avait pourtant bénéficié d’une large diffusion en République de Corée, avec l’appui des pouvoirs publics, après avoir été qualifié d’ « excellent ouvrage de littérature » par la Fondation culturelle du livre. L’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) condamne cette nouvelle violation de la liberté d’expression qui a touché, cette fois, une citoyenne américaine, et soulevé des critiques publiques du département d’Etat américain, en dépit de l’alliance politico-militaire entre Washington et Séoul. L’AAFC exhorte les opinions publiques et l’ensemble des gouvernements occidentaux à ne plus se taire face aux atteintes de plus en plus graves aux libertés publiques qui sont commises en Corée du Sud depuis l’élection

    à la présidence de la République, en décembre 2012, de Mme Park Geun-hye.

    Couverture de l’ouvrage de Shin Eun-mi, « Une Coréenne Américaine d’âge moyen va en Corée du Nord », naguère un ouvrage de référence en Corée du Sud, aujourd’hui mis à l’index par la censure

    > L’expulsion et l’interdiction de séjour de Mme Shin Eun-mi signe une nouvelle page tragique dans l’histoire des libertés publiques en Corée du Sud.
    > Mme Shin est accusée par le ministère sud-coréen de la Justice d’avoir fait « l’éloge » de la RPD de Corée lors d’une récente conférence-débat, dont l’une des co-organisatrices, Mme Hwang Seon, a par ailleurs été placée sous mandat d’arrêt, pour avoir loué, encouragé et aidé l’ennemi en contradiction avec la loi de sécurité nationale

    , au regard des propos qu’elle aurait tenus pendant la conférence. Le Parquet entend également interroger, dès son retour de l’étranger, Mme Lim Soo-kyung, députée du Parti progressiste unifié (PPU) récemment déchue de son mandat, suite à l’interdiction du PPU qui a soulevé une vague d’indignation parmi les organisations de défense des droits de l’homme. Mme Hwang Seon était porte-parole du PPU, ce qui inscrit cette nouvelle vague de répression dans le cadre en cours contre le PPU et ses dirigeants.

    > Le retrait de l’ouvrage de Mme Shin sur ses voyages au Nord de la Corée, qui a perdu son label d’ouvrage recommandé par les autorités sud-coréennes, a soulevé la stupeur dans les milieux professionnels. Après avoir reçu l’ordre gouvernemental le 14 janvier 2015, l’employé d’une bibliothèque de Séoul, cité par le quotidien Hankyoreh, a déclaré : « Nous avons été gênés quand le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme nous a soudain demandé de leur renvoyer le livre. » Un représentant du ministère a déclaré : « Nous avons décidé de rappeler le livre dès lors que sa désignation comme un excellent ouvrage de littérature avait été révoquée. Si les bibliothèques avaient continué de proposer cet ouvrage, cela aurait créé une confusion ou une incompréhension inutiles. » Au-delà de la douteuse pratique d’interdire l’expression de certaines opinions, il semble donc ne plus avoir de demi-mesure entre un ouvrage recommandé et un ouvrage interdit : en d’autres termes, si les autorités sud-coréennes vont au bout de leur logique, elles s’arrogent le droit d’interdire tout livre qui n’a pas ou plus leur imprimatur, sans autre forme de procès. La liberté d’expression est tombée à son plus bas niveau en Corée du Sud depuis l’époque révolue du régime miltaire, il y a une génération.

    > Dans un article publié le 12 janvier 2015 sur le site Sino NK, Steven Denney a cité un entretien donné par Shin Eun-mi au site de jounalisme participatif Ohmynews, très populaire en Corée du Sud : il en ressort une vision optimiste de la Corée du Nord, considérant que les Coréens forment un seul peuple, engagée en faveur de la réunification. Cette appréciation peut être qualifiée de « naïve » selon Steven Denney mais, toujours d’après ce dernier, elle ne constitue en aucun cas une quelconque menace à la sécurité nationale sud-coréenne, alors que Shin Eun-mi peut estimer à juste titre avoir été trahie par les autorités sud-coréennes qui, jusqu’à présent, recommandaient le récit de ses voyages en Corée du Nord :

    « [Cet entretien] suggère également qu’elle a le sentiment justifié que, d’une certaine manière, le gouvernement sud-coréen l’a trahie ; en d’autres termes, elle apparaît difficilement comme une vraie menace à la sécurité nationale. »

     

    Mais de quel crime Shin Eun-mi s’est-elle rendue coupable ? Alors que les médias publics et conservateurs sud-coréens se gardent de détailler le contenu des propos reprochés à Mme Shin durant une conférence publique à Séoul en novembre 2014, en se contentant ainsi de souligner les motifs infâmants de l’administration sud-coréenne selon laquelle elle aurait enfreint la loi de sécurité nationale en louant la RPD de Corée, l’agence américaine AP observe que Shin Eun-mi a fait état de la volonté de défecteurs nord-coréens de retourner au Nord (ce que, du reste, au moins des centaines d’entre eux ont déjà fait) et de leurs espoirs de changements après l’accession au pouvoir du Maréchal Kim Jong-un. Mme Shin a aussi loué le goût de la bière nord-coréenne et la propreté des fleuves en Corée du Nord.

    Shin Eun-mi, en pleurs après son expulsion

    Une expulsion assortie d’une interdiction du territoire sud-coréen suivant de tels motifs a soulevé, une fois n’est pas coutume, des critiques ouvertes du département d’Etat américain, malgré l’étroite relation alliance politico-militaire entre Washington et Séoul. Mme Jen Psaki, porte-parole du département d’Etat, a ainsi déclaré à la presse :

    « Nous sommes préoccupés que la loi de sécurité nationale, telle qu’elle est interprétée et appliquée dans certains cas, limite la liberté d’expression et restreigne l’accès à Internet. »

    Signe de l’intolérance croissante en Corée du Sud, en décembre 2014 un jeune sud-coréen de 18 ans avait jeté une bombe artisanale lors d’une conférence de Mme Shin Eun-mi, blessant deux personnes.

    Sumit Galhotra, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), a souligné dans une étude approfondie que la mesure d’exception prise à l’encontre de Mme Shin s’inscrit dans un contexte de menaces croissantes vis-à-vis des journalistes

    de la part du pouvoir présidentiel, qui apparaît ainsi comme étant directement à l’origine des atteintes de plus en plus fortes à la liberté d’expression – ce qui soulève, de fait, des interrogations sur l’indépendance de la justice sud-coréenne. Après un article publié le 28 novembre 2014 dans le quotidien sud-coréen Segye Ilbo, des conseillers de la présidence mis en cause ont intenté une action en diffamation. En octobre 2014, des poursuites ont aussi été engagées à l’encontre de Tatsuya Kato, chef du bureau à Séoul du quotidien japonais Sankei Shimbun, au motif qu’il aurait propagé des rumeurs sur l’absence de la Présidente Park Geun-hye pendant sept heures après le dramatique naufrage du Sewol, en avril 2014, dont la gestion de crise a par ailleurs donné lieu à des mouvements de protestation diffamés par les autorités sud-coréennes. Le procès de M. Kato a commencé fin novembre, et son interdiction de voyager, prise en août 2014, a été prolongée depuis cette date.

    La Corée du Sud veut « rétablir » une « identité nationale » fondée sur l’ordre, l’autorité et le respect du leader

    La République de Corée (du Sud) poursuit sa dérive autoritaire : prétextant l’interdiction du Parti progressiste unifié

    , selon une procédure contraire aux standards démocratiques internationaux qu’elles ont elles-mêmes initiée, les autorités du pays préparent l’adoption d’un nouvel arsenal sécuritaire pour réprimer l’opposition de gauche –  y compris par un élargissement des dispositions de la loi de sécurité nationale (LSN). La LSN est un legs des régimes autoritaires, maintenue après le rétablissement d’un régime parlementaire suite au mouvement démocratique de 1987. Le renforcement de la LSN est un symbole puissant, puisqu’avant même le retour récent, à Séoul, aux méthodes du passé, la LSN avait toujours été considérée par les organisations de défense des droits de l’homme, comme par le Département d’Etat américain, comme un des obstacles majeurs à un régime pleinement démocratique. Revue de détail de ce qui se prépare à présent au Sud du 38e parallèle, dans des références apparemment explicites pour de nombreux observateurs occidentaux mais qui s’inscrivent plus sûrement dans une tradition politique sud-coréenne dont Mme Park Geun-hye se place comme l’héritière.

    Manifestation aux chandelles à Séoul, le 19 décembre 2014, à l’appel d’organisations sociales et syndicales, pour protester contre la Présidente Mme Park Geun-hye et l’interdiction du Parti progressiste unifié

    Les nouvelles mesures politiques envisagées, et leur contenu idéologique, ont été présentés dans un rapport du ministère de la Justice le 21 janvier 2015 au siège de la présidence sud-coréenne, et devant huit agences publiques, suite à la demande de la Présidente Mme Park Geun-hye d’assurer le respect des « valeurs constitutionnelles » et « l’application stricte de la loi« .

    > Dans la poursuite de leur acharnement judiciaire contre les membres du Parti progressiste unifié, les autorités sud-coréennes prévoient désormais la « possibilité préventive » (sic) de bloquer les activités ou d’empêcher la formation de groupes reconnus par les tribunaux comme « aidant l’ennemi » ou « anti-Etat« . Après les mesures répressives a posteriori, il s’agit maintenant d’empêcher en amont l’expression d’opinions d’opposition. Plus précisément, il s’agirait manifestement d’empêcher les anciens membres du PPU de se réorganiser sous une forme ou une autre, en violation manifeste des règles de base inhérentes à la liberté d’association et à la liberté d’expression. Rappelons en outre que, quand des pays démocratiques occidentaux interdisent une formation politique, c’est au regard de son recours à des procédés extra-légaux (qui restent à démontrer dans le cas du PPU), et que ces mesures exceptionnelles ne privent jamais les anciens membres de ces partis de tout moyen d’action politique dans un cadre légal. La loi de sécurité nationale pourrait ainsi être amendée pour prévoir le cas où des organisations interdites ne respecteraient pas l’ordre de dissolution.

    > Le contrôle accru des activités dites « pro-Corée du Nord » passerait par une surveillance plus étroite d’Internet et des pouvoirs renforcés de contrôle des forces de sécurité, parallèlement à une augmentation du nombre de fonctionnaires.

    > Dans un glissement sémantique significatif de la « sécurité nationale » à « l’établissement » d’une « identité nationale« , selon les termes mêmes du ministère de la Justice, l’arsenal sécuritaire serait complété par une formation des fonctionnaires aux valeurs qu’ils doivent servir.

    > Après avoir entendu ce rapport, la Présidente Park Geun-hye a vu ses paroles reprises par les médias officiels, s’affirmant ainsi comme le guide traçant la voie à suivre pour le peuple sud-coréen :

    > « Le soutien institutionnel est important pour que l’opinion comprenne l’importance de la loi et de l’ordre et que les valeurs constitutionnelles sont fermement établies (…) Il doit y a avoir une stricte application de la loi et ses principes quand les gens défient la loi. »

    > Ordre, autorité, nation : tel pourrait être le triptyque qui résume les valeurs de l’Etat nouveau sud-coréen qu’entend bâtir Mme Park Geun-hye, dans des références idéologiques à peine voilées aux valeurs du régime Yushin (littéralement : « régénération ») établi par feu son père le général Park Chung-hee. Le régime le plus autoritaire qu’ait jamais connu la République de Corée.

    Lien permanent Catégories : Monde 0 commentaire