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  • L’islamisme sunnite #3 : Géopolitique de l’islamisme au XXe siècle

     

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    La crise du monde musulman se poursuit au lendemain de la Première Guerre mondiale1. L’incapacité des leaders arabes de l’époque à établir un État indépendant constitue l’un des facteurs principaux de cette décadence. Elle se traduit notamment par l’abolition du califat en 1924 et par la permanence de la colonisation européenne à travers l’édification des mandats sous l’auspice de la Société des Nations2.

    Durant cette période, certains penseurs émergent et s’inscrivent dans la continuité des réformistes musulmans des décennies précédentes. Tout comme leurs prédécesseurs, ils estiment que le déclin du monde musulman est le résultat du divorce entre la société des musulmans et la réalité de l’islam3. Il paraît donc impératif de revenir à l’islam des origines avec l’idée que l’islam est une religion totale qui couvre tous les domaines de l’existence. Les penseurs du XIXe siècle étaient tout à la fois fondamentalistes et modernistes4. Ils souhaitaient réconcilier l’islam avec la modernité et, pour ce faire, ils ont tenté de relire les textes fondateurs à la lumière de la modernité avec un usage de la raison. De leur côté, les penseurs du XXe siècle ont une lecture plus conservatrice du message divin. D’après eux, il est certes important de revenir aux fondements, mais cela n’implique pas forcément une interprétation moderniste. Ils se limitent le plus possible à la lettre du texte, car la raison est source de déviance. Dès lors, il ne s’agit plus de moderniser l’islam, mais d’islamiser la modernité.

    Tâchons donc d’expliquer dans cette troisième partie les facteurs ayant permis à cette pensée politique de triompher non seulement sur celle de ses ancêtres, mais aussi sur d’autres idéologies comme le panarabisme.

     

    La naissance de l’association des Frères musulmans

    Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, publié sur www.bbc.co.uk

    Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, publié sur www.bbc.co.uk

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Moyen-Orient poursuit son agonie. Plusieurs associations musulmanes naissent à cette époque, la plus importante étant sans aucun doute celle des Frères musulmans (jamiat al-Ikhwan al-muslimin)5. Cette confrérie est fondée par Hassan Al-Banna6 (1906-1949) en 1928 dans la ville égyptienne d’Ismaïlia7. L’association milite pour l’islamisation de la société par le bas avant de s’accaparer le pouvoir et de créer un véritable État islamique (ad-dawla al-islamiyya)8. Il est intéressant de noter que le terme « dawla » n’est que la retranscription du concept européen d’État9. Les islamistes s’approprient donc un concept européen, étranger à l’islam. Au sein des sociétés musulmanes, il était auparavant d’usage de parler plutôt de califat. Hassan Al-Banna y ajoute toutefois une notion islamique : le respect de la charia, l’ensemble des règles morales et pénales qui régissent la vie d’un musulman.

    Il s’agit donc d’accepter en partie un concept exogène, mais de l’islamiser. Mohamed Ali Adraoui, docteur en science politique, ajoute que la structure des Frères musulmans est aussi directement importée d’Occident10. L’association égyptienne est construite comme un parti politique de masse, portée par une idéologie mobilisatrice de masse11. On retrouve donc bien l’idée de réconcilier l’islam avec la modernité.

    Pour la confrérie, l’islamisation de la société sera le résultat d’une action sociale et politique12. C’est uniquement à travers ces deux vecteurs qu’il sera possible de prendre le pouvoir. Au niveau social, il est important d’éduquer la population à l’aide de la prédication (da’wa), mais les Frères musulmans se distinguent aussi sur le terrain politique. Au début des années 1930, la confrérie participe aux élections et inscrit ainsi son action sur le terrain légal. Durant la décennie suivante, les tensions sont croissantes entre le gouvernement égyptien et les Frères musulmans. À travers son bras armé, l’association organise des assassinats qui débouchent sur une lutte féroce avec les autorités de l’époque13. Par la suite, les activistes du mouvement participent activement à la prise de pouvoir de Gamal Abdel Nasser suite à la Révolution des Officiers libres de 195214. Ils rentreront toutefois rapidement en dissidence avec le Raïs. Sous le règne de ce dernier, les Frères musulmans subiront une importante répression qui durera jusqu’à la mort du leader charismatique égyptien, en septembre 1970. Cette épisode de l’histoire égyptienne permet – pour un temps – au panarabisme de supplanter le panislamisme. Sous Nasser, le nationalisme arabe connaît effectivement ses heures de gloires. Elles seront malgré tout de courte durée.

    De manière concomitante, la répression favorise la radicalisation d’une partie de la base populaire des Frères musulmans qui commence à théoriser l’usage de la force15. Un homme, Sayyid Qotb (1906-1966 – photo ci-dessus), devient le père de la mouvance contemporaine du salafisme djihadiste. Cet ancien journaliste publie durant ses années d’emprisonnement deux livres intitulés À l’ombre du Coran etSignes de piste dans lesquels il théorise la notion de « djihad offensif »16. Il considère qu’aucun compromis avec la société musulmane actuelle n’est possible, puisqu’elle se trouve à l’état d’ignorance (jahiliyya), c’est-à-dire l’état des sociétés pré-islamiques17. Le devoir de révolte contre un État musulman jugé impie est alors obligatoire. Selon lui, l’instauration d’un véritable État islamique n’est possible qu’à l’aide de la violence18 A. C’est à partir de l’œuvre de cet idéologue que le mouvement islamique commence à se fragmenter.

    Principaux groupes armés islamistes sunnites. Cécile Marin : « Les principaux groupes armés islamistes sunnites », publié en février 2015, disponible sur http://www.monde-diplomatique.fr (source Julien Théron).

    Principaux groupes armés islamistes sunnites. Cécile Marin : « Les principaux groupes armés islamistes sunnites », publié en février 2015, disponible sur http://www.monde-diplomatique.fr (source Julien Théron).

    Sayyid Qotb est pendu en 1966, mais ses écrits se propagent à travers toutes les terres d’islam. D’après le politologue Gilles Kepel, la pendaison du penseur islamique entérine définitivement la rupture entre le nationalisme arabe, incarné à l’époque par Nasser, et l’islamisme19. Après la mort de Qotb, le rapport entre les deux idéologies est renversé au profit de l’islamisme qui devient petit à petit la nouvelle utopie mobilisatrice du monde musulman. La publication des écrits du savant égyptien contribue largement à ce phénomène. Le frère de Sayyid, Mohammed Qotb, exilé en Arabie saoudite où il devient professeur, favorise la propagation des idées de son ainé. D’ailleurs, Ayman al-Zawihiri, leader actuel d’Al-Qaïda, fut notamment un des étudiants de Mohammed Qotb20.

    Zawahiri est également l’auteur d’un ouvrage intitulé Chevalier sous la bannière du Prophète où il est plusieurs fois fait référence à Sayyid Qotb. L’apport de Qotb est central pour comprendre les prémisses de l’idéologie islamique. La base doctrinale du salafisme djihadiste est bien évidemment plus large, mais Qotb prend une place toute particulière. Les jalons du salafisme djihadiste étant posés, il ne manque plus qu’un contexte favorable pour que ce mouvement s’impose durablement. Celui-ci adviendra à partir du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à l’heure où la Guerre froide s’intensifie sur le théâtre moyen-oriental.

     

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  • L’islamisme sunnite #2 : Les mouvements réformistes musulmans du XIXe siècle

     

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    Le salafisme est « souvent l’antichambre de la radicalisation, et la radicalisation, elle peut conduire au terrorisme ». Ces mots ont été prononcés par l’actuel Premier ministre français, Manuel Valls, en juin 20151. Autrement dit, une radicalisation religieuse serait souvent le premier pas vers la radicalisation de type violent. Le salafisme devient alors un terme générique illustrant la violence islamique. Si cela est aisément contestable, c’est également historiquement faux.

     

    Au fil des siècles, les penseurs musulmans n’ont jamais cessé de questionner l’islam. Il est vrai qu’après la proclamation de la fin de l’ijtihad (effort d’interprétation des textes sacrés) par Al-Qadir, calife de Bagdad (947-1031) en 1019, la pensée musulmane s’est quelque peu figée2. Il faut véritablement attendre le XIXe siècle pour voir un éveil de la pensée islamique. C’est ce que l’historienne Nadine Picaudou définit comme « le moment moderne » de l’islam3. L’expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte (1798-1801) en fut le révélateur4. Depuis cette campagne militaire, des générations successives de théologiens musulmans prennent conscience du retard de leur société par rapport à l’Europe.

    Le choc économique, politique et culturel de la rencontre avec le Vieux Continent conduit en effet certains lettrés à réfléchir aux causes du retard du monde musulman (Dar al-Islam)5. Ils partent de l’idée que les sociétés islamiques6traversent une période de décadence et de léthargie dont elles ne pourront sortir sans une réforme profonde. À l’époque, l’islam est alors perçu comme le levier nécessaire au rattrapage de ces sociétés. Il s’agit d’un islam rationnel, ouvert aux sciences et à la modernité. La chercheuse Sabrina Mervin qualifie ces différents mouvements réformistes comme étant caractérisés par un retour aux écritures (usûl) et par une relecture du dogme en vue de répondre aux exigences du siècle7.

    Le réformisme musulman est donc à l’origine un mouvement étroitement lié aux projets de réformes sociales et politiques, tous élaborés dans le courant du XIXe siècle. Comme les mouvements présentés en première partie, ce courant prend également le nom de « salafisme ». Il paraît donc primordial d’étudier les différents érudits de l’époque pour comprendre le développement du phénomène salafiste. Nous nous consacrerons donc sur le versant sunnite en regardant plus précisément les contextes d’apparition et en soulignant les ruptures et les continuités.

     

    Contexte de l’apparition du réformisme musulman

    Au XIXe, le monde musulman est sur la défensive face à une Europe technicienne et conquérante8. À cette époque, l’image de puissance du monde islamique commence à s’estomper. L’Empire ottoman et la Perse sont à l’agonie. L’intégrité de la Sublime Porte est menacée de l’intérieur par la montée des nationalismes et de l’extérieur par la pression des grandes puissances. L’anarchie gagne la Perse qui finit par être séparée – en 1907 – en zones d’influences entre la Grande-Bretagne et la Russie9. Les principales grandes puissances de l’époque, la France et la Grande-Bretagne, dominent alors le monde musulman en crise. Face à une ingérence occidentale multiforme (militaire, politique, culturelle), le monde musulman a pourtant bien tenté de se réformer10.

    Tout au long du XIXe siècle, la dynastie égyptienne instaurée par Muhammad Ali (1769-1849), les Sultans ottomans, le Shah de Perse Naser Al-Din (1831-1896) ou encore le Tunisien Hussein Bey ont mis en œuvre des réformes au sein des sociétés qu’ils dirigeaient afin de rattraper leur retard sur l’Occident11. Selon l’islamologue libanaise Carla Eddé, cette période est propice à l’émergence de penseurs musulmans qui s’interrogent sur la conduite politique du monde moyen-oriental12. Des auteurs se mettent alors à questionner le retard du monde musulman avec l’ardent désir d’y porter remède. Ils poursuivent l’objectif de penser leur retard afin de résister à l’hégémonie européenne.

    Ces érudits inscrivent leurs réflexions dans le cadre du mouvement de la Nahda(renaissance) qui vise une renaissance culturelle et religieuse ainsi qu’un éveil politique du monde arabe13. Pour les penseurs de l’époque, le colonialisme européen était un phénomène global qui exigeait à son tour une réponse globale de la part des colonisés14. Au sein de la reconfiguration de la pensée de l’époque, deux tendances principales se dessinent.

    Pour certains penseurs, il faut à tout prix élaborer une citoyenneté supérieure aux appartenances religieuses et ethniques15. Cette idée est notamment portée par l’Égyptien Rifa’at Rafa’at Al-Tahtawi (1801-1873), puis par Al-Bustani (1819-1883). Pour d’autres, il faut une réforme religieuse en profondeur puisque le déclin des peuples musulmans est attribué à une dégénérescence de la pratique de la religion16. L’islam devient alors un moyen de résister à la percée européenne17.

    Intéressons-nous plus spécifiquement au courant qui s’efforce, dans le cadre de l’islam, de penser le retard du monde musulman. Il s’agit du mouvement de la salafiyya18. Ce dernier part de l’idée que les sociétés islamiques traversent une période de décadence et de léthargie dont elles ne pourront sortir sans une réforme profonde. D’après lui, un islam rationnel, ouvert aux sciences et à la modernité, est l’outil nécessaire pour sortir de cette agonie19. L’objectif est très clairement celui d’accueillir les éléments ayant permis à l’Occident de progresser, sans pour autant perdre les particularités religieuses et culturelles qui forment l’identité islamique20. Il faut donc mobiliser l’ensemble des peuples musulmans et réformer la religion pour que cette dernière s’adapte à la modernité.

     

    Les penseurs du réformisme musulman

    Cette dynamique réformiste prend le nom de salafisme. Elle est illustrée par des auteurs comme Jamal Eddine Al-Afghani (1838-1898), Muhammed Abduh (1849-1905) et Rashid Rida (1865-1935)21. Selon la professeure d’histoire de l’islam moderne et contemporain, Catherine Majeur-Ajouen, ces trois penseurs constituent la trinité du mouvement réformiste. Bien que ce soit la pensée de ces trois intellectuels qui nous intéresse dans cet article, d’autres auteurs méritent néanmoins d’être cités.

    Sans pouvoir entrer dans les détails, notons l’existence d’Abd Al-Raziq (1888-1966). Cet enseignant à l’université islamique d’Al-Azhar, défend dans son livre « L’islam et les fondements du pouvoir » l’idée que la religion musulmane encourage la séparation du religieux et du politique22. Ou encore Abd Rahman Al-Kawakibi, réformateur de la Nahda dont la pensée se colore à la fois du nationalisme arabe et du panislamisme23. Il est également important de souligner que les réformistes décrits ici sont tous issus du sunnisme24. Selon l’islamologue turc, Tareq Osman, cette école de pensée va toutefois échouer à convaincre la majeure partie de la population musulmane dans son besoin de modernité25.

     

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  • L’islamisme sunnite #1: Wahhabisme et salafisme

     

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    Depuis les attentats survenus à Paris et à Bruxelles, un constat semble implacable : l’islamisme serait l’une des pires menaces qui pèserait aujourd’hui sur la planète. Derrière cette doctrine se cacherait le culte de la violence, le terrorisme, l’obscurantisme et le refus irrationnel de la modernité et de ses valeurs. La région du Moyen-Orient apparaît alors comme la source naturelle de ce mal inextricable et de là ressort l’image d’une Méditerranée frontière de civilisations qui vient alimenter cette « fracture imaginaire »1 entre l’Orient et l’Occident. En effet, le débat autour de l’islam s’inscrit très largement dans une vision culturaliste et essentialiste. Cette idée suppose un rapport immuable entre ce que disent les textes sacrés et le comportement des musulmans à l’égard du politique2. La religion devient ainsi l’unique facteur explicatif du comportement des hommes et des sociétés musulmans. L’islam est alors perçu comme un concept monolithique sans aucune nuance.

    Le dossier dont le présent article est le premier acte avance l’idée contraire; il est impératif de penser l’islam et ses doctrines politiques en tenant compte du contexte historique et social. Dans une saga divisée en quatre épisodes, je propose de remettre en cause le bien-fondé de la psychose généralisée autour du Moyen-Orient et de la religion musulmane. Le but est de donner quelques clés de compréhension pour permettre une meilleure lecture des événements de « cet Orient si compliqué »3. Dans cette première partie, il s’agit de définir avec précision les termes de « wahhabisme » et de « salafisme », deux notions qui reviennent en boucle dans le débat public. Souvent utilisés comme synonymes, ces deux termes sont loin d’être équivalents. Le premier caractérise en effet le courant religieux en vogue dans le royaume saoudien tandis que le second renvoie à une pluralité de sens.

     

    Le wahhabisme

    Le wahhabisme désigne le corps d’une doctrine religieuse puritaine développée par un prédicateur nommé Muhammed Ibn Abdel Wahhab (1703-1792) au sein de la Péninsule arabique lors du XVIIIe siècle. Ce dernier revendique un renforcement des pratiques et des croyances monothéistes. Il appelle à un retour de l’islam des origines en insistant sur la question du dogme (‘aqîda)4. Il constate la déviation de la foi de ses contemporains par rapport à ce qu’il estime être l’orthodoxie sunnite, celle des pieux ancêtres (al-salaf al-salih). Selon lui, les sociétés musulmanes sont retournées à l’état d’ignorance (jahiliyya) similaire à la période qui avait précédé la venue de l’islam5.

    Sa théorie provient de la conception de l’unicité divine (tahwid) qu’il hérite en partie d’Ibn Taymiyya (1263-1328)6. Il ajoute à sa réflexion qu’il ne suffit pas de dire que Dieu est unique, mais il s’agit aussi d’adorer qu’un seul dieu7. L’unicité divine doit donc se traduire dans les actes. En effet, il rejette toute médiation entre le créateur et les croyants, qu’il perçoit comme une association de l’humain à Dieu et donc comme une forme de polythéisme8. C’est au nom de cette obsession que Muhammed Ibn Abdel Wahhab s’oppose au culte des saints à l’époque très présent au sein de l’islam populaire et du chiisme9. D’après lui, l’association(shirk) d’autres entités entre les croyants et dieu est un acte qui mérite l’excommunication (takfir).

    Les préoccupations du prédicateur sont avant tout de nature théologique et visent à une purification du dogme. Sa théologie est donc extrêmement attachée à la lettre des textes sacrés (Coran et la Sunna), les deux seules sources de la loi admises10. Abdel Wahhab refuse alors toute interprétation rationnelle du message divin. Il s’agit donc d’une approche littéraliste qui dénigre tout usage de la raison dans l’interprétation des sources et entend proscrire l’ensemble des innovations blâmables (bid’a) pouvant en découler. Comme les textes sacrés ne sauraient répondre à tous les questionnements contemporains, le wahhabisme accorde une confiance aveugle aux dires et faits accordés au Prophète (hadith)11.

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  • Macron chez de Villiers, l’impérialisme « new look », la construction des conditions de pogromes.

    Le Grand Soir
    Journal Militant d'Information Alternative
     

     
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  • La France, sponsor des terroristes? L’inépuisable terreau (10/10)

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    Abandon des pouvoirs publics, inégalités, injustices, ghettoïsation, stigmatisation et islamophobie : l’inépuisable terreau du terrorisme en France.


    « Dans une société où la concurrence entre individus est promue comme valeur suprême, où la compétitivité devient l’objectif majeur de la vie sociale et où la devise louis-philipparde « enrichissez-vous » semble le seul horizon, c’est en promouvant pratiquement dans la réalité sociale les valeurs de solidarité, d’égalité et de justice sociale, c’est par l’éducation quotidienne à l’égalité entre les femmes et les hommes que sera asséché le terreau de l’intégrisme et que ses adeptes seront marginalisés. »[1]

    Pierre Khalfa

     

                Pour Bakary Samb, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits en Afrique à l’Université de Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, « le terrorisme et le radicalisme sont les enfants naturels des liaisons dangereuses entre l’arrogance des injustices et l’ignorance de ceux qui se sentent des victimes[2] ». Pour le chercheur, « la lutte contre le terrorisme en amont avec une politique de prévention par l’éducation, le renforcement des capacités, la résorption des inégalités et la promotion d’espaces de socialisation alternatives au tout religieux, aux surenchères ethnico-confessionnelles paraîtraient plus efficaces que les formes de guerres asymétriques. […] Tant qu’on va continuer à privilégier l’intervention en lieu et place de la prévention par l’éducation et la justice sociale dans des régions où l’achat d’un vieux char coûte souvent plus cher que la construction d’une école, on ne s’en sortira pas[3] ».

    L’ancien diplomate éthiopien Mohamed Hassan va encore plus loin. Pour lui, « les dirigeants européens n’avaient pas de problème à voir s’exiler ces jeunes [partant faire le jihad armé en Syrie] dont ils ne savaient que faire. Ce devait même être un soulagement pour eux de voir partir sous les bombes ces « fous d’Allah » plutôt que de s’interroger sur la radicalisation de leurs jeunes citoyens. Une grande partie de ces euro-jihadistes sont des marginaux qu’on a parqués dans des ghettos. On ne leur a laissé aucune perspective d’avenir. Finalement, on les a juste autorisés à sombrer dans la drogue ou à se faire tuer loin de chez nous au nom de Dieu et contre un pays qu’on a voulu détruire. […] On ne leur donne pas beaucoup de chances pour suivre des études correctement, trouver du travail, fonder une famille et s’épanouir. Ceux qui s’accrochent malgré tout et parviennent à faire une bonne scolarité peinent ensuite à trouver un travail parce que leur nom de famille finit par une voyelle. Quel modèle peuvent-ils ensuite offrir à leurs petits frères ? […] Et maintenant, les gouvernements européens craignent que ces jeunes reviennent de Syrie. La menace terroriste va monter d’un cran, les mesures sécuritaires vont être renforcées, la défiance à l’égard des musulmans va s’accroître et, au final, la radicalisation gagnera encore du terrain. […] Les gouvernements européens devraient s’activer à offrir de réelles perspectives aux jeunes issus de l’immigration. Ils feraient bien aussi de revoir leur politique étrangère qui contribue depuis de nombreuses années à l’émergence de l’islamisme radical au Moyen-Orient. Le problème, c’est qu’il faudrait pour cela donner aux pays arabes de réelles chances de développement, ce qui est contraire aux intérêts des multinationales occidentales[4] ».

    C’est aussi l’avis du chercheur Olivier Roy : « Daech n’envoie pas des Syriens commettre des attentats en France pour dissuader le gouvernement français de le bombarder. Daech puise dans un réservoir de jeunes Français radicalisés qui, quoi qu’il arrive au Moyen-Orient, sont déjà entrés en dissidence et cherchent une cause, un label, un grand récit pour y apposer la signature sanglante de leur révolte personnelle[5] ». Ce qui explique qu’à la fin 2015, plus de 600 jeunes français (380 hommes et 220 femmes) étaient engagés dans les rangs de l’État Islamique, tant en Irak qu’en Syrie[6]. Un tiers des femmes et un sixième des hommes jihadistes français sont des convertis à l’islam[7]. Olivier Roy avertit : « l’écrasement de Daech ne changera rien à cette révolte. Le ralliement de ces jeunes à Daech est opportuniste : hier, ils étaient avec Al-Qaida, avant-hier (1995), ils se faisaient sous-traitants du GIA algérien ou pratiquaient, de la Bosnie à l’Afghanistan en passant par la Tchétchénie, leur petit nomadisme du djihad individuel (comme le « gang de Roubaix »). Et demain, ils se battront sous une autre bannière, à moins que la mort en action, l’âge ou la désillusion ne vident leurs rangs comme ce fut le cas de l’ultragauche des années 1970. […] Le problème essentiel pour la France n’est donc pas le califat du désert syrien, qui s’évaporera tôt ou tard comme un vieux mirage devenu cauchemar, le problème, c’est la révolte de ces jeunes. Et la vraie question est de savoir ce que représentent ces jeunes, s’ils sont l’avant-garde d’une guerre à venir ou au contraire les ratés d’un borborygme de l’Histoire.[8] » Pour Olivier Roy, on n’assiste donc pas à une radicalisation de l’Islam, mais à une islamisation de la radicalité.

    Le sociologue Saïd Bouamama rejoint l’analyse d’Olivier Roy sur les causes socio-économiques de la « radicalisation » – autrement dit sur le penchant nihiliste – d’une partie de la jeunesse européenne. L’islamisation de la radicalité vient du fait que c’est aujourd’hui le marché le plus florissant en matière de ce que Saïd Bouamama appelle « l’offre nihiliste »[9]. Saïd Bouamama rappelle que tout marché implique une offre et une demande, et le marché du radicalisme n’échappe pas à cette règle. Pour le chercheur, l’offre nihiliste n’est pas nouvelle, même si elle est plus visible depuis une quinzaine d’années en France. Cette offre nihiliste se caractérise par la prolifération de prédicateurs charlatanesques, en recherche constante de candidats révoltés ou désespérés prêts à se sacrifier pour une cause présentée comme noble ou révolutionnaire.

    Un « public nihiliste musulman » (ou supposé tel) ira spontanément vers les offres radicales de l’intégrisme musulman (le salafisme djihadiste) ; un « public nihiliste chrétien » (ou supposé tel) vers les offres radicales de l’intégrisme chrétien (de type Anders Behring Breivik) ; un « public nihiliste laïc ou athée » vers les offres radicales de l’intégrisme néo-païen (comme la secte de l’Ordre du Temple Solaire qui pratique des suicides collectifs). Mais il faut rappeler que seuls les individus nihilistes les plus fragiles « passent à l’acte », et ils sont une infime minorité. D’autres se réfugieront dans l’hyper-consumérisme à la poursuite d’un bonheur illusoire vendu par le mythe capitaliste. Ou encore dans la dépression, la résignation, la mortification et l’apathie sociale.

    L’attitude nihiliste est aujourd’hui alimentée chez les jeunes (15-30 ans) par l’absence de perspective professionnelle, un marché du travail bouché, un ascenseur social bloqué au rez-de-chaussée, une violence sociale omniprésente, des discriminations croissantes, une situation écologique catastrophique, un hyper-militarisme angoissant, une surveillance oppressante, un individualisme libéral castrateur, une répression policière de type totalitaire, le tout agrémenté d’une classe politique affligeante, soumise aux desiderata des lobbies et d’une oligarchie industrielle toute-puissante qui exploite tant les humains que les ressources de la planète. Et on pourrait continuer la liste à l’envi, tant les raisons de l’indignation et de la révolte sont légions. Ce désespoir, cette frustration collective, ce « désenchantement du monde » post 30 glorieuses, cette rage trop longtemps contenue et souvent intériorisée, débouchent inévitablement une « demande nihiliste ». Or, lorsque la demande nihiliste rencontre l’offre nihiliste, la transaction devient possible, comme la résultante logique issue de deux tensions complémentaires.

    Mais alors, pourquoi une sur-représentation de l’offre nihiliste de type islamique ? Pour Saïd Bouamama, la précarisation et la paupérisation à l’œuvre ces dernières années  touchent toutes les catégories de la jeunesse européenne. Mais trois autres facteurs cristallisant la demande nihiliste de type islamique sont propres aux milieux populaires, aux personnes issues de l’immigration et plus particulièrement aux musulmans. Il s’agit de :

    1. la discrimination de type « raciale » (racisme biologique, au service de l’esclavage et de la hiérarchisation sociale)
    2. l’éthnicisation des comportements (racisme culturaliste, justifiant le néocolonialisme et les inégalités sociales)
    3. l’islamophobie (discrimination religieuse). Une discrimination savamment entretenue par des polémiques qui alimentent périodiquement les médias dominants à l’instigation des sphères politiques : sur le port du voile à l’école ou dans l’espace public, sur la construction de minarets, sur la viande halal dans les écoles, etc.

    Ces trois derniers facteurs sont la résultante d’une idéologie du rejet et de la stigmatisation, qui s’est distillé à dose homéopathique mais constante dans les discours politiques et médiatiques ces dernières années. Et si un sérum homéopathique prouve son efficacité sur le long terme, il en est de même avec un poison homéopathique.

    Ces trois facteurs participent à un processus de négation culturelle, qui est intériorisé par les jeunes issus de l’immigration musulmane comme un rejet de leur identité profonde, entraînant un ébranlement des repères identitaires. Bref, un déracinement et une déstabilisation de l’assise psychologique de l’individu, qui le pousse à exprimer des comportements violents d’abord contre lui-même, puis contre ses proches et contre les autres.

    Comprendre les causes structurelles de la maladie est le premier pas vers la guérison. Ainsi, comprendre les mécanismes d’exclusion sociale est un processus thérapeutique en soi, et le premier pas vers l’émancipation de ces stratégies de domination. L’école de la sociologie de la souffrance[10] nous enseigne les bienfaits de cette psychothérapie collective, qui est aussi une voie d’émancipation politique :

    1. Comprendre les causes de la souffrance permet d’en atténuer les effets. Effet immédiat.
    2. L’analyse collective dilue la souffrance en ce que nous sommes conscients de partager le même sort.
    3. La réflexion collective mène à l’action collective, et au besoin de s’organiser pour éradiquer les causes de cette souffrance.

    Le diagnostic est posé, reste à appliquer le traitement.

     

     

    Les paroles de la chanson « Lettre à la République » du rappeur français Kery James illustrent bien l’exaspération couplée à la lucidité d’une partie de cette jeunesse française :

    « A tous ces racistes à la tolérance hypocrite

    Qui ont bâti leur nation sur le sang

    Maintenant s’érigent en donneurs de leçons

    Pilleurs de richesses, tueurs d’africains

    Colonisateurs, tortionnaires d’algériens

    Ce passé colonial c’est le vôtre

    C’est vous qui avez choisi de lier votre histoire à la nôtre

    Maintenant vous devez assumer

    L’odeur du sang vous poursuit même si vous vous parfumez. […]

    Vous avez souhaité l’immigration

    Grâce à elle vous vous êtes gavés, jusqu’à l’indigestion.

    Je crois que la France n’a jamais fait la charité

    Les immigrés ce n’est que la main d’œuvre bon marché

    Gardez pour vous votre illusion républicaine

    De la douce France bafouée par l’immigration africaine

    Demandez aux tirailleurs sénégalais et aux harkis

    Qui a profité de qui ? […]

    Mais la nature humaine a balayé vos projets

    On ne s’intègre pas dans le rejet

    On ne s’intègre pas dans les ghettos français, parqués

    Entre immigrés, faut être censés

    Comment pointer du doigt le repli communautaire

    Que vous avez initié depuis les bidonvilles de Nanterre

    Pyromane et pompier, votre mémoire est sélective. […]

    Parce que décoloniser pour vous c’est déstabiliser.

    Et plus j’observe l’histoire moins je me sens redevable

    Je sais ce que c’est d’être Noir depuis l’époque du cartable. […]

    J’ai grandi à Orly dans les favelas de France

    J’ai « fleury » dans les maquis je suis en guerre depuis mon enfance. […]

    Au cœur de débats, des débats sans cœur

    Toujours les mêmes qu’on pointe du doigt dans votre France de rancœur

    En pleine crise économique, il faut un coupable

    Et c’est en direction des musulmans que tous vos coups partent

    Je n’ai pas peur de l’écrire : La France est islamophobe

    D’ailleurs plus personne ne se cache dans la France des xénophobes

    Vous nous traitez comme des moins que rien sur vos chaînes publiques

    Et vous attendez de nous qu’on s’écrie « Vive la République ! »

    Mon respect se fait violer au pays dit des Droits de l’Homme

    Difficile de se sentir Français sans le syndrome de Stockholm

    Parce que moi je suis Noir, musulman, banlieusard et fier de l’être

    Quand tu me vois tu mets un visage sur ce que l’autre France déteste

    Ce sont les mêmes hypocrites qui nous parlent de diversité

    Qui expriment le racisme sous couvert de laïcité

    Rêvent d’un français unique, avec une seule identité

    S’acharnent à discriminer, les mêmes minorités

    Face aux mêmes électeurs, les mêmes peurs sont agitées

    On oppose les communautés, pour cacher la précarité

    Que personne ne s’étonne si demain ça finit par péter

    Comment aimer un pays, qui refuse de nous respecter

    Loin des artistes transparents, j’écris ce texte comme un miroir

    Que la France s’y regarde si elle veut s’y voir

    Elle verra s’envoler l’illusion qu’elle se fait d’elle-même

    Je ne suis pas en manque d’affection

    Comprends que je n’attends plus qu’elle m’aime ! »

     

     

    Source: Investig’Action

     

    Bibliographie :

     

    • BEAU Nicolas, BOURGET Jean-Marie, Le vilain petit Qatar: cet ami qui nous veut du mal, Fayard, 2013.
    • BENOT Yves, Massacres coloniaux : 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises, Paris, éd. La Découverte, 2001.
    • BENSAADA Ahmed, Arabesque$. Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes, Investig’Action, 2015.
    • BOUAMAMA Saïd, Figures de la révolution africaine. De Kenyatta à Sankara, La Découverte, 2014.
    • BURKE Jason, Al-Qaïda, la véritable histoire de l’islam radical, La Découverte.
    • CHOMSKY Noam, Israël, Palestine, États-Unis : Le triangle fatidique, Édition remise à jour en mars 1999.
    • CHOUET Alain, Au cœur des services spéciaux. La menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers. Éditions La Découverte, 2011.
    • CHOUET Alain (ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE), blog présentant ses analyses : http://alain.chouet.free.fr/
    • COLLON Michel, Libye, OTAN et médiamensonges : Manuel de contre-propagande, Investig’Action, 2011.
    • FAURE Claude, Aux Services de la République, du BCRA à la DGSE, Fayard, 2004.
    • FOULQUIER Jean-Michel, Arabie séoudite, la dictature protégée, Éditions Albin Michel, 1995.
    • GUISNEL Jean, KAUFFER Rémi, FALIGOT Roger, Histoire politique des services secrets français, La Découverte (2012)
    • GUISNEL Jean, FALIGOT Roger, Histoire secrète de la Vè République, La Découverte, 2006.
    • HASSAN Mohamed et LALIEU Grégoire, Jihad Made in USA, Investig’Action, 2014.
    • HASSAN Mohamed, COLLON Michel et LALIEU Grégoire, La Stratégie du chaos, impérialisme et Islam, Investig’Action, 2011.
    • HAYEZ Philippe, COUSSERAN Jean-Claude, Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie, Odile Jacob, 2015.
    • JOHNSON Ian, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident, JC Lattès, 2011.
    • KROPP Pascal, Les Secrets de l’espionnage français, Lattes, 1993.
    • KIMYONGÜR Bahar, Syriana, la conquête continue, Investig’Action, 2011
    • LABEVIERE Richard, Les dollars de la terreur – Les États-Unis et les islamistes, Editions Grasset, 1998.
    • LABEVIERE Richard, Les Coulisses de la terreur, Éditions Grasset, 2003.
    • LABEVIERE Richard, Vérités et mythologies du 11 septembre 2001, Nouveau-Monde Editions, 2011.
    • MANIQUET Xavier, French bomber : Enfin la vérité sur le Rainbow Warrior, Michalon,‎ 2007.
    • MARTINET Pierre, Cellule delta : Au sein des services secrets, certains ont le permis de tuer, Flammarion,‎ , 263 p.
    • MELNIK Constantin, La mort était leur mission : Le service Action pendant la guerre d’Algérie, Plon, 223 p.
    • MERVEILLEUX DU VIGNAUX Sophie, Désinformation et services spéciaux, Rocher, 2007.
    • MILLET Damien, L’Afrique sans dette, Syllepse, 2006.
    • MOYO Dambisa, L’aide fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, Jean-Claude Lattès,‎ 2009.
    • NOUZILLE Vincent, Les Tueurs de la République, Fayard, 2015.
    • SASSI Jean et TREMBLAIS Jean-Louis, Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes : Résistance, Indochine, Algérie, Paris, Nimrod, 335 p.
    • STORA Benjamin, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), Paris, éd. La Découverte, 1991.
    • STORA Benjamin, La Gangrène de l’oubli – La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, éd. La Découverte, 1998 et 2005.
    • STORA Benjamin, Le Transfert d’une mémoire – De l’« Algérie française » au racisme anti-arabe, Paris, éd. La Découverte, 1999.
    • VERSCHAVE François-Xavier, La Françafrique : Le plus long scandale de la République, 1998, Stock, 380 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, De la Françafrique à la Mafiafrique, 2004, Tribord, 72 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, Au mépris des peuples : Le néolonialisme franco-africain, entretien avec Philippe Hauser, 2004, La Fabrique, 120 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, Complicité de génocide ? La politique de la France au Rwanda, 1994, La Découverte, 178 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, L’horreur qui nous prend au visage : L’État français et le génocide, Rapport de la Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, avec Laure Coret, 2005, Karthala, 586

     

    NOTES:

    [1]              . Pierre KHALFA, « La laïcité à l’épreuve », France.attac.org, 29 mars 2016.

    [2]              . Jean-Jacques LOUARN, « Attentats: compassion sélective des Africains? », Rfi.fr, 19 novembre 2015.

    [3]              . Elhadji Ibrahima THIAM, « Expansion de l’extrémisme religieux en Afrique : Pr Bakary Samb appelle les gouvernants à revoir les orientations éducatives », Bakarysambe.unblog.fr, 10 décembre 2015.

    [4]              . HASSAN Mohamed et LALIEU Grégoire, Jihad Made in USA, Investig’Action, 2014, p. 106-107.

    [5]              . Olivier ROY, « Olivier Roy : « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste », Lemonde.fr, 24 novembre 2015.

    [6]              . Élodie GUEGUEN, « 220 Françaises parties faire le djihad, un chiffre en hausse constante », Franceinfo.fr, 7 janvier 2016.

    [7]              . Idem.

    [8]              . Olivier ROY, Idem.

    [9]              . Saïd BOUAMAMA, lors de la conférence « Terrorisme et conflits au Moyen-Orient : la solution est-elle militaire ? », le jeudi 21 avril 2016 à la faculté de Médecine de l’ULB à Bruxelles.

    [10]            . Analyse apportée par le sociologue de l’immigration et des quartiers populaires Saïd BOUAMAMA, lors de la même conférence.

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  • Hillary et l’illusion des plafonds de verre


    hillary clinton
     

    Meryl Streep doit être une femme très intelligente pour être une si bonne actrice. Il était donc embarrassant de la voir vêtue d’un drapeau des Etats-Unis en pom-pom girl pour Hillary Clinton à la Convention démocrate.

    l faut supposer qu’elle est trop occupée à étudier ses nombreux rôles pour trouver le temps de se renseigner sur la nature sinistre de la politique étrangère de Hillary Clinton. Elle a proclamé que l’élection de Hillary Clinton « entrerait dans l’histoire » simplement parce qu’elle est une femme. C’est-à-dire dans l’histoire symbolique. Le fait que la Présidente Hillary Clinton soit plus susceptible d’entrer dans l’histoire réelle en déclenchant une autre guerre encore plus désastreuse que celles qu’elle a déjà aidées à faire entrer dans l’Histoire ne semble pas avoir traversé l’esprit de Meryl Streep.

    Pas plus que cela n’a traversé l’esprit des millions d’autres femmes états-uniennes qui partagent la même illusion.

    Ces femmes pensent trop en termes de symboles et d’images. Elles ignorent l’enjeu majeur pour les Etats-Unis : faire la paix ou la guerre. Elles ne s’inquiètent pas que le conflit imminent avec l’autre grande puissance nucléaire, la Russie, pourrait les toucher elles-mêmes, leurs familles, le monde et l’avenir. Elles sentent qu’elles pourraient en quelque sorte tirer un bénéfice personnel de l’élection d’une femme à la présidence des Etats-Unis.

    L’idée féministe derrière cette illusion est que, en devenant présidente, Hillary « brisera les plafonds de verre » – ces obstacles invisibles – qui empêchent les femmes de grimper aux sommets. Partout les femmes en bénéficieraient – tout comme les Noirs états-uniens ont tous bénéficié de l’élection de Barack Obama. Oops… attendez une minute… en ont-ils vraiment bénéficié ? Qu’en est-il de la population carcérale noire de plus en plus nombreuse, ou des Noirs désarmés abattus dans la rue par la police ? Peu importe, beaucoup de Noirs ont éprouvé un sentiment de satisfaction d’avoir un président noir, ce qui est compréhensible au regard de l’histoire des Etats-Unis. Mais en termes concrets, cela n’a rien changé pour la population noire dans son ensemble.

    Les femmes espèrent vivre la même expérience de satisfaction. Elles croient qu’elles la connaîtront lorsque Hillary Clinton brisera le plafond de verre – « pour vous », comme Hillary aime à dire.

    Mais attendez une minute. S’il est en verre, vous ne pouvez pas le voir, alors dans quelle mesure existe-t-il réellement ? Qu’en est-il de Christine Lagarde, la Française qui dirige actuellement le Fonds Monétaire International ? Qu’en est-il de l’actuelle chancelière allemande, de l’actuelle Première ministre britannique, de la ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, et de Meryl Streep qui ont toutes réussi des carrières au sommet ?

    Madeleine Albright, Samantha Power, Susan Rice, Loretta Lynch, Michèle Flournoy n’ont pas l’air de marcher sur des débris de verre. Elles se sont élevées aux sommets sans rencontrer plus d’opposition que le premier homme ambitieux venus – et peut-être moins.

    En réalité, le « plafond de verre » qui empêchait les femmes de poursuivre des carrières couronnées de succès n’a-t-il pas déjà été brisé, précisément par l’ordre mondial néolibéral actuel qui favorise la promotion des femmes et des représentants symboliques de divers groupes ethniques ? Cela ne ferait-il pas partie de la stratégie du néolibéralisme pour prouver que le capitalisme moderne permet aux meilleurs d’atteindre le sommet, une caractéristique qui devrait remporter l’adhésion de tous les « groupes identitaires » – dont l’auto-identification a largement réussi à effacer des esprits le vieux concept de conscience de classe ? N’est-ce pas une cause majeure promue par l’Open Society Foundation de George Soros et la National Endowment for Democracy partout dans le monde (on y reviendra dans un autre article) ? Cela n’aide-t-il pas à gagner le soutien de l’opinion publique aux guerres menées par les Etats-Unis que d’avoir des femmes sur les lignes de front, proclamant leur attachement aux « droits humains » ?

    Pour la plupart des femmes, comme pour la plupart des Noirs, lorsque les salaires sont bas, leurs salaires sont bas. Lorsque les logements décents ou l’éducation sont trop chers pour la plupart des gens, ils le sont aussi pour les femmes. Lorsque les dépenses pour les guerres ruinent l’économie, c’est aussi leur économie.

    Le fait est que les carrières à succès de ces briseuses de plafond de verre n’avancent en rien la cause de la majorité des femmes qui se trouvent encore loin d’un tel plafond à briser.

    Ce n’est pas Hillary qui est en train de changer le système. Au contraire, c’est le changement dans le système qui est en train de promouvoir Hillary.

    Diana Johnstone

    Traduction « Il était une fois une méchante sorcière. Boum. La fin de l’histoire » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

    Source: Le Grand Soir

     

    Retrouvez Diana Johnstone pour parler de son livre Hillary, la Reine du Chaos, à la librairie Tropiques (Paris) le 6 septembre en compagnie de Jean Bricmont, Jean-Pierre Garnier, Michelle Brand et quelques autres complotistes du même acabit.

    hilarious-soirée-pm

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  • La France sponsor du terrorisme : dernier épisode lundi

     

     

     

    10ème et dernier reportage de la série d'investig'Action

    "La France sponsor du terrorisme" 

    Lundi dès 6h

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