La double arnaque de l'élection présidentielle
L’épouvantail Front national (FN)
Sur France culture le 29 Septembre 2007, Lionel Jospin déclarait : « Pendant toutes les années du mitterrandisme, nous n’avons jamais été face à une menace fasciste, donc tout antifascisme était du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front national, qui était un parti d’extrême droite, un parti populiste à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste et même pas face à un parti fasciste ».
Les discours xénophobes, homophobes, racistes et antisémites scandaleux dont Jean-Marie Le Pen est coutumier ont provoqué des hauts le cœur, lui ont valu de multiples condamnations. En février dernier, il a été inculpé pour provocation à la haine après des propos tenus en Juin 2014 qui lui ont également valu la levée de son immunité parlementaire par le Parlement européen. Toutes ces condamnations résultent de faits incontestables dont nul ne songerait ici à nier le caractère immonde.
Certes, on ne peut se satisfaire des condamnations exprimées au sein même du FN pour donner à celui-ci un blanc-seing et le dédouaner sans réserve. Faut-il en conclure pour autant que le FN est un parti fasciste, ce que même Jospin récuse ? Le MS21 a déjà abordé ce sujet dans un texte publié sur son blog le 14 avril 2016 ; nous y disions que le Front national n'était pas fasciste mais plutôt d'inspiration vichyste (1).
(Voir l'ensemble de nos articles sur le Front national dans notre ouvrage « Guerre contre les peuples ».) (2)
Le FN appelle-t- il à l’établissement d’un parti unique étatique fondant une dictature nationaliste, imprimant son autorité à l’ensemble de la société, bref à ce qui illustre les caractéristiques majeures du fascisme ?
Jeanne d’Arc, Pétain, le négationnisme, la lutte contre l’avortement sont-ils des thèmes porteurs aujourd’hui pour un parti qui aspire à s’inscrire dans le paysage politique français , tout comme la défense de l’ultra libéralisme ? A toutes ces questions, le FN lui-même apporte la réponse : c’est non et l’orientation stratégique nouvelle de ce parti le prouve.
Le FN est un parti d’extrême droite populiste qui surfe sur la situation sociale dégradée, sur la multiplication des scandales liés à la corruption, sur les incertitudes et les menaces que fait naître la politique ultra libérale mondialisée, sur la désindustrialisation de la France et son cortège de chômeurs, sur des règles économiques dictées par l’Union européenne qui accroissent les inégalités, la concurrence et font du voisin l’ennemi.
Bien sûr les électeurs du FN, ne sont pas les intellectuels, les banquiers, les détenteurs de patrimoine, les PDG du CAC 40, ceux qui se targuent d'être « les élites ». Loin d’eux cette idée de voter FN ! Bien au contraire, tous ces gens se sont érigés en modèle de vertu républicaine, rejetant sur la partie la plus défavorisée de la population, la moins armée peut-être pour analyser la situation, l’opprobre, le poids de l’ignominie : le vote FN.
Et là apparaît la seconde arnaque.
Contre Le Pen un seul recours : l’union sacrée autour de Macron.
Pour mesurer la réalité du risque de voir accéder le FN au pouvoir, il suffit de se souvenir du score de Jacques Chirac opposé à Jean Marie Le Pen au deuxième tour des présidentielles de 2002 (82,21%) ou/et de noter l’unanimité et la violence des réactions au ralliement de Nicolas Dupont- Aignan à Marine le Pen. Bien d’autres éléments contribuent à démontrer que la manipulation de l’opinion a été savamment orchestrée, ce que confirme un examen objectif des résultats du premier tour montrant la quasi impossibilité pour Marine Le Pen de gagner.
Il fallait orienter le vote vers le seul candidat adoubé par l’oligarchie : Emmanuel Macron.
Ainsi a-t-on assisté pendant cette campagne à une stratégie diversifiée mais d’abord de séduction :
⁃ Offrir aux électeurs la vision angélique d’un avenir lisse. Emmanuel Macron a inventé une forme d’œcuménisme politique. Une société de laquelle disparaitraient les conflits. Plus de droite, ni de gauche, termes dont le sens même tend à s’effacer. Plus de ces vieux partis épuisés par les scandales et par l’exercice du pouvoir, auxquels on attribue à juste titre l’état désastreux du pays.
⁃ Promouvoir la jeunesse et le renouvellement d’une classe politique, disqualifiée et déconsidérée en pratiquant une forme d’embauche directe, propre à séduire des milliers de gens.
⁃ Exploiter son image, celle de son couple à travers les média populaires et populistes.
⁃ Ecarter les adversaires les plus menaçants et donc « Conjurer Mélenchon par Le Pen » selon la formule d’Olivier Tonneau (3)
⁃ Entretenir le flou quant au programme dont l’importance passe ainsi à l’arrière-plan.
Entre le Bien et le Mal, entre l’ombre et la lumière quand l’un et l’autre sont montrés avec autant d’insistance que le fut celle des média, bien coupable celui qui hésite ou qui s’abstient. Vade retro !
Emmanuel Macron est élu, en arrière toute !
Les ralliements au nouveau Président des caciques politiques se sont multipliés et les vieux routiers de la politique se retrouvent aux premiers rangs du pouvoir, certains ayant juste eu le temps de changer de ministère d’une présidence à l’autre.
Les énarques dont on contestait la présence sont toujours là tout comme les camarades de promotions. Emmanuel Macron, énarque, Edouard Philippe, énarque, Alexis Kohler, énarque… « On a changé de monde ? Non, on a changé de promotion… Le renouvellement oui, mais entre nous…» ironise Pascal Praud sur RTL.
Transfuges du PS ou de LR nombreux sont ceux qui participent coude à coude à cette course à l’échalote.
Si ce qui précède concerne les membres du gouvernement, il reste quelques belles prises à espérer lors des législatives, candidat(e)s contre lesquel(le)s « La République En Marche » ne présentera pas de candidats : par exemple - ô surprise - Manuel Valls, Marisol Touraine, Stéphane Le Foll, Myriam El Khomri, Sylvia Pinel, Yves Jego, Thierry Solère, Christian Estrosi….sans parler des circonscriptions où les ministres en place auront également le champ libre…
Vous avez dit renouvellement?
Le « renouvellement » concernera donc exclusivement la « piétaille », les nouveaux députés LREM, d’autant plus dociles qu’ils seront eux oui de véritables néophytes et passablement éloignés des arcanes du pouvoir, là où se font les choix décisifs.
Quant aux hommes de l’ombre, ceux qui ont amené Macron au pouvoir, qui l’ont façonné et aidé de leurs conseils avisés et de leurs finances, les représentants du Medef , de la haute finance, du CAC 40, voire les politiques les plus en vue, (on sait que Obama soutenait Macron et l’a fait savoir le 4 Mai sur son compte Twitter ), comment croire qu’ils n’attendent rien en retour ?
Les Français qui haïssaient la politique de François Hollande au point de contraindre celui-ci à renoncer à briguer un deuxième mandat vont
« adorer » celle d’Emmanuel Macron, à commencer par les retraités dont les revenus vont diminuer, les usagers des services publics dont le nombre des acteurs va être réduit drastiquement, la dépendance accrue à l’égard de l’Union européenne…
Et si certains disent « avoir mis un bulletin Macron dans l’urne mais ne pas avoir voté Macron » il n’en reste pas moins qu’ils ont contribué à lui donner le pouvoir.
Reste un espoir, permettre au Parlement d’infléchir une politique qui s’annonce désastreuse en ne donnant pas la majorité qu’il souhaite au Président de la République. Nous pensons urgent que les citoyens se réapproprient leur liberté de choix lors des législatives et qu’ils mettent en place un véritable contre pouvoir. Le MS21 appelle à voter pour les candidats de la France Insoumise afin qu’une véritable opposition puisse faire entendre les exigences de justice sociale et de démocratie.
(1) http://ms21.over-blog.com/2016/04/cinq-reflexions-sur-le-front-national-fin.html
(2) « Guerre contre les peuples » édition MS21, prix 5€
(3) Olivier Tonneau professeur de littérature française à Cambridge.