Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 4

  • Est-il encore permis d’informer sur les activités du groupe Bolloré ?

     

    L’audience du procès en diffamation que le groupe Bolloré intente à Bastamag se déroulera le jeudi 11 février, à la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris, à partir de 13h. L’audience sera publique. Ce procès pose plusieurs questions essentielles sur la liberté d’informer, en particulier sur les activités des multinationales.

    L’audience du procès en diffamation que le groupe Bolloré intente à Bastamag se déroulera le jeudi 11 février, à la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris, à partir de 13h. L’audience sera publique.

    Le groupe Bolloré estime diffamatoire pas moins de huit paragraphes – ainsi que le titre et le surtitre – d’un article de synthèse publié par Bastamag en octobre 2012 et consacré à la question de l’accaparement des terres, ces appropriations de terres à grande échelle par des fonds d’investissements ou des multinationales, principalement en Afrique et en Asie.

    S’appuyant sur des rapports des Nations unies et d’organisations internationales, cet article dressait un état des lieux du mouvement d’accaparement de terres en Afrique, en Amérique latine et en Asie, et des grandes entreprises françaises qui y sont impliquées. L’article mentionne ainsi les activités du groupe Bolloré, via une holding luxembourgeoise, la Socfin, dans lequel le groupe possède de fortes participations. La Socfin possède de multiples filiales qui gèrent des plantations d’hévéas et d’huile de palme en Afrique et en Asie.

    En plus de trois journalistes de Bastamag (Nadia Djabali, Agnès Rousseaux, Ivan du Roy), de son directeur de publication de l’époque (Julien Lusson), cette plainte en diffamation vise également le site Rue 89 et son directeur de publication, Pierre Haski, pour avoir cité l’article dans sa revue de presse signalant « le meilleur du web », ainsi que quatre personnes ayant partagé l’article sur leurs blogs (Thierry Lamireau, Dominique Martin-Ferrari, Laurent Ménard et Guillaume Decugis).

    Ce procès pose plusieurs questions importantes :

    L’accaparement des terres serait-il devenu un sujet impossible à évoquer sans risquer une longue procédure judiciaire ? Informer sur les mises en cause de la Socfin, dont plusieurs entités du groupe Bolloré sont actionnaires, par des organisations internationales et des communautés locales serait-il tabou ?

    Plus généralement, est-il encore possible d’évoquer les activités du groupe Bolloré et leurs impacts sociaux et environnementaux ? Le groupe Bolloré a déjà, par le passé, attaqué en justice plusieurs médias, dont France Inter suite à la diffusion d’un reportage sur ses activités au Cameroun. Ce procès contre Bastamag intervient dans un contexte où les pratiques de la Socfin au sein de plantations qu’elle possède, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud-est, sont toujours pointées du doigt par des organisations de la société civile. Des paysans cambodgiens ont d’ailleurs porté plainte en juillet contre le groupe Bolloré devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour violation des droits de l’Homme et du droit de l’environnement. Au Sierra Leone, six leaders de communautés locales en conflit avec la filiale locale de la Socfin viennent d’être incarcérés.

    Ce procès intervient également dans un contexte où il est toujours question d’instaurer un « secret des affaires » au niveau européen. Cette disposition, si elle entrait en vigueur, entraverait durement toute information critique à l’égard des grandes entreprises et nuirait gravement au nécessaire débat démocratique sur leurs activités.

    Enfin, le fait que plusieurs personnes ou médias qui n’ont aucunement participé à la rédaction et à la publication de cet article soient mises en examen repose la question du statut juridique d’un lien hypertexte, d’une revue de presse ou du partage d’un article via un réseau social ou un agrégateur. Ce sont les fondements du fonctionnement du web qui sont ici remis en cause : les liens hypertextes et le partage de contenus en constituent la principale richesse.

    Les pressions du groupe Bolloré à l’encontre de journalistes sont régulièrement au cœur de l’actualité. Le collectif Informer n’est pas un délit, qui regroupe une cinquantaine de journalistes ainsi que l’association Reporters sans frontières, s’interroge sur la censure et la déprogrammation de plusieurs documentaires qui devaient être diffusés récemment par la chaîne Canal+, dont Vincent Bolloré est devenu le principal actionnaire.

    Nous rappelons également que Bastamag fait l’objet d’une seconde plainte en diffamation de la part du groupe Bolloré, pour un petit article évoquant en octobre 2014 une rencontre entre des représentants du groupe Bolloré et des délégués de communautés locales africaines et cambodgiennes en conflit avec la Socfin.

    La rédaction de Bastamag

     

    Lien permanent Catégories : Politique, Protestations 0 commentaire
  • Cinq réflexions sur le Front National (suite) 2/5

    2ème partie
    Défilé de l'Action Française  "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini
    Défilé de l'Action Française  "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini
    Défilé de l'Action Française  "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini
    Défilé de l'Action Française  "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini
    Défilé de l'Action Française  "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini
    Défilé de l'Action Française  "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini
     

    Défilé de l'Action Française "Fête de Jeanne d'Arc", Jules Michelet, Ernest Renan, Maurice Barrès, Jacques Doriot, Mussolini

     

     

    2 – Le concept de Nation, sa mutation et ses dérives radicales

     

    Le Front National ( FN)  a mis la Nation au centre de son action politique. On peut même dire qu’il essaie depuis sa création de s’approprier ce concept. Il le fait en particulier en entretenant des mythes fondateurs de la Nation par un exercice soutenu et médiatisé de la commémoration : millénaire capétien, 1500 ème anniversaire du baptême de Clovis, et de façon encore plus ritualisée, célébration  annuelle de Jeanne d’Arc. On notera cependant que le FN est loin d’avoir l’exclusivité de ces manifestations militantes ; il n’est en fait qu’un élément d’un courant bien plus vaste que l’on peut appeler national-radical où on a pu trouver entre autres : Occident, Jeune Europe, le GUD (Groupe Union Droit), le PFN ( Parti des forces nouvelles), le PNFE ( Parti nationaliste français et européen) , la FANE ( Fédération d’Action Nationale et européenne), les FNE (Faisceaux Nationalistes Européens), Œuvre française, ou le GRECE ( Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) ou le Carrefour de l’Horloge (ex Club de l’Horloge) etc… Tous ces mouvements partagent une vision radicale de la Nation dont nous avons déjà évoqué une forme particulière au XIXème siècle avec la pensée politique de Charles Maurras mais dont il faut comprendre les ressorts et l’évolution.

     

             2.1 Le concept français de la Nation

    En 1870, rendue nécessaire par le cas de l’Alsace- Lorraine annexée à l’Allemagne après la guerre de 1870, une correspondance s’engage entre deux historiens, l’un allemand Mommsen et le second français Fustel de Coulanges, sur la question de la Nation. Pour l’historien allemand, ce sont la langue et la race qui définissent la Nation ; donc l’Alsace – Lorraine est allemande. Pour l’historien français, héritier de la Révolution et de Michelet, c’est la libre adhésion des populations qui fonde « une communauté d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances » et l’Alsace-Lorraine veut rester française. En 1882, Ernest Renan précise la conception française de la Nation : « Une Nation est une âme, un principe spirituel, la possession en commun d’un riche legs de souvenirs et le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir un héritage qu’on a reçu indivis » et il ajoute : « L’existence d’une Nation est un plébiscite de tous les jours.»

    On le voit, en France, l’idée nationale au XIXème siècle n’a absolument pas de connotation droitière. C’est en effet  la Révolution Française qui avait réalisé la « Grande Nation », celle de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et des grands principes de 1789. Ce patriotisme était humaniste, populaire et jacobin et ses valeurs républicaines étaient opposées à  celles de la Restauration, de  la Monarchie de juillet et du second Empire accusés de trahison.  Or, après 1870, et la victoire de la Prusse, sous l’effet de l’aventure boulangiste puis de l’affaire Dreyfus, le nationalisme français va prendre de nouvelles caractéristiques : il devient militariste, clérical, antiparlementaire et anti-intellectuel. Cette mutation du nationalisme républicain – très liée au parcours idéologique de Maurice Barrès – s’appuie sur deux thèmes principaux. Le premier est l’enracinement. Pour Barrès, il s’agit surtout de l’enracinement dans la région pour contrer le courant centralisateur parisien : « Il y a des vérités lorraines, des vérités provençales, des vérités bretonnes dont l’accord ménagé par les siècles constitue ce qui est bienfaisant, respectable, vrai en France et qu’un patriote doit défendre. » Le second est l’héritage déjà évoqué chez Renan : «  Une Nation, c’est la possession en commun d’un antique cimetière et la volonté de faire valoir cet héritage indivis. » Enfin, sur le plan économique, cette mutation reprend à son compte un protectionnisme très radical qui justifie par exemple  l’application du double tarif douanier de Jules Méline en 1892 : protection des produits nationaux contre la concurrence étrangère, de la main d’œuvre française contre les immigrés étrangers, de la « sève française » contre les façons de penser venues d’au-delà des frontières et les mesures contre les juifs accusés d’être beaucoup trop nombreux dans certaines professions. Des circonstances historiques singulières ont donc provoqué, en une vingtaine d’années,  une forme de mutation insidieuse du concept de Nation pour l’éloigner de sa nature propulsive – un peuple prend son destin en main dans une perspective universaliste – et la réduire de ce fait à une dimension défensive et réactionnaire.

    2.2 Le fascisme italien

    On le sait, la dérive radicale de l’idée de Nation a pris en Italie une forme encore bien plus caricaturale. Au lendemain de la première Guerre mondiale, qui laisse l’Italie humiliée par les traités, le parti fasciste  prétend être la seule force capable d’incarner les intérêts suprêmes de la Nation italienne. N’ayant pas en face de lui, comme en France, un modèle républicain suffisamment structuré, il a pu rapidement instaurer un modèle totalitaire dans lequel l’individu était censé se fondre dans la communauté de la Nation. Le fascisme a donc été le projet insensé  de créer un « homme nouveau » dans un cadre politique où tous les secteurs de l’activité humaine étaient soumis au contrôle de l'Etat au sommet duquel se trouvait le « Duce », le chef suprême, dont le culte était entretenu par l’embrigadement de la population placée dès son plus jeune âge sous le contrôle du parti national fasciste. La mise en œuvre de ce programme, exaltée par la propagande officielle, ne laissa aucune place aux voix dissidentes qui furent éliminées; elle abolit toute forme de liberté syndicale, et s’appuya sur le corporatisme.

    2.3  Doriot et certains intellectuels des années trente

    Un autre cas de dérive de l’idée de Nation est celui du PPF (Parti Populaire Français). Fondé en 1936 par Jacques Doriot, un dirigeant communiste exclu du parti en 1934, il compte rapidement plus de 60 000 membres qui sont, pour moitié, des ouvriers. Ce parti - qui a reçu le soutien de journaux de droite et le soutien matériel d’une partie du patronat affolé par les acquis sociaux du Front Populaire - a sombré rapidement dans la séduction du fascisme italien et dans l’antisémitisme. Doriot prône le corporatisme dans le cadre des régions. Il veut voir renaître une paysannerie forte et présente la famille comme la cellule fondamentale de la Nation. Il faut noter que, si, dans le sillage de Doriot,  le fascisme n’a guère attiré les foules, il a cependant réussi à  séduire une partie non négligeable des intellectuels - fascinés par la mystique voire le romantisme fasciste - les préparant pour certains d’entre eux à la collaboration après la défaite de 1940. On citera par exemple les intellectuels proches de la pensée de Charles Maurras : Robert Brasillach, Drieu la Rochelle, les cénacles littéraires et politiques qui écrivent dans les organes de presse de la droite collaboratrice antisémite et fascisante : “Je suis partout" , Candide et Grégoire.


    2.4  Les invariants de la radicalisation

    On retiendra de ces exemples que le processus de radicalisation de la pensée nationale s’appuie historiquement sur quelques invariants. Il y a d’abord un contexte économique et social très perturbé qui peut être consécutif à une guerre ou à une menace de guerre, mais aussi à un bouleversement de la société lié à un changement de mode de production (révolution industrielle). Cette radicalisation se nourrit  des angoisses identitaires qui accompagnent les modifications du corps social surtout auprès de ceux qui ont le plus à pâtir de ces transformations. Ensuite la Nation ainsi menacée se trouve un ennemi, une cause interne à ses problèmes. Les classes moyennes, principalement commerçantes, ayant le sentiment d’être délaissées par un capitalisme proche du pouvoir, sont tentées par des solutions simplistes. Par exemple dans la France des années 1880, l’antisémitisme, relayé en autres par des pamphlets à succès comme « La France juive » d’Edouard Drumont ou  le journal « La Croix »,  propose une explication simple des difficultés économiques en dénonçant la cupidité et l’internationalisme banquier ou révolutionnaire des juifs.  Enfin, un événement singulier (comme l’Affaire Dreyfus) cristallise les tensions, réactive les mythes idéologiques nationaux en sommeil : l’héritage, l’enracinement, le roman national, les « petits » contre les « gros », la race… C’est cette conjugaison de simplisme idéologique, de frustrations populaires et de perturbations sociales qui caractérise et fait advenir la dangereuse dynamique populiste.

    Il faut noter aussi que, de façon générale,  cette radicalisation exerce une fascination sur une partie non négligeable du milieu intellectuel, littéraire et artistique et qu’il serait donc vain de  chercher uniquement dans l’élite intellectuelle l’antidote suffisant à ces dérives. Remarquons enfin que, même alimenté par une oligarchie financière,  cet engrenage ne peut prospérer que porté par des classes populaires et sur les carences du modèle républicain. Le nationalisme radical, idéologie du repli, a toujours détesté la République sociale et l’internationalisme - tels que conçus et promus par Jean Jaurès - dans lesquels il voyait un obstacle majeur à son essor. Ce phénomène explique d’ailleurs, sur la longue durée, et par rapport à d’autres pays européens, le peu d’impact du fascisme dans l’Histoire de France.

     A suivre ...

    Lien permanent Catégories : Extrême Droite 0 commentaire
  • Le séminaire réunissant les adhérents et sympathisants du MS21

     

    Il se déroulera du

    Vendredi 18 mars en soirée au Dimanche 20 Mars à midi

    à la Maison diocésaine, 10, rue de la Trinité à Poitiers

     

    Entrée libre dans la limite des places disponibles.

     

    Accès facile par le train : à la gare, prendre le bus ligne 11, à la station " Léon Blum", au -dessus de la gare, (accès par ascenseur), vers la station"Baptistère St Jean", proche de la maison diocésaine.

    Si vous venez en voiture, grand parking dans l'établissement.

    Pour tout renseignement :

    06 43 86 09 26 ou 06 30 54 26 47 ou mc.desaulty@free.fr

     

    Programme

     

    Nous nous sommes efforcés d'établir ce programme autour de 2 axes essentiels :

     

    1- Les problèmes majeurs de l'actualité:

    * Etat d'urgence et laïcité qui sont à la croisée des problèmes liés au terrorisme

    * L'écologie après la COP21

     

    2- Les priorités du MS21: reconquête de notre souveraineté nationale et lutte contre le chômage.

     

     

    Vendredi soir:

    *Accueil et installation à partir de 17h30.

    *19h30: Auberge espagnole où nous nous retrouverons en

    partageant les produits de nos régions apportés par chacun.

     

    Samedi matin:

    * 9h / 9h30: Accueil des participants : rapide présentation du MS21 et du programme de la réunion.

     

    * 9h 30 / 11h : TERRORISME, ÉTAT d'URGENCE et DÉMOCRATIE

    Intervenant: Dominique Breillat, professeur émérite de droit de l'Université de Poitiers.

    Modératrice : Marie-Paule Seité du MS21.

     

    * 11h / 11h15: pause.

     

    * 11h15/13h : SOUVERAINETÉ NATIONALE, DÉMONDIALISATION et COOPÉRATION INTERNATIONALE

    Intervenant: Aurélien Bernier, essayiste politique et collaborateur au Monde Diplomatique.

    Modérateur: Michel Marchand du MS21.

     

    * 13h / 14h30: déjeuner.

     

    Samedi après-midi :

     

    * 14h30 / 16h30: LA LAÏCITE

    Intervenant: Bernard TEPER, co-animateur du REP(Réseau Education Populaire), membre du Comité de rédaction de Res-Publica, animateur de l'UFAL 94.

    Modérateur: Patrice Hemet du MS21.

     

    * 16h30 / 17h : pause

     

    * 17 / 19h: BILAN de la COP21 et PERSPECTIVES POUR RÉSOUDRE LA CRISE ENVIRONNEMENTALE

    Intervenants: Aurélien Bernier et Michel Marchand,

    Modérateur: Charles Lictevout du MS21.

     

    * de 19h / 20h30 : dîner

     

    * 20H30: CINÉ/DÉBAT

    Au choix: "MERCI PATRON" de Fakir ou "LA FÊTE EST FINIE" de Nicolas Burlaud.

    Animatrice du débat : Sylvie Pillé du MS21.

     

    Dimanche matin:

     

    * 9 h /10h30 : LA DÉSINDUSTRIALISATION de la FRANCE

    Intervenant : Jean-Pierre Escaffre, enseignant / chercheur émérite de l'Université de Rennes1, intervenant en géopolitique notamment sur les questions de désindustrialisation/innovation, membre du conseil scientifique de l’OMS-France .

    Modérateur: Serge Dombrowski du MS21.

     

    * 10h30 / 12h: LE TRAVAIL

    Intervenant: Patrice Hemet, porte-parole du MS21

    Modératrice : Michèle Fraize du MS21.

    Lien permanent Catégories : MS21 0 commentaire
  • Cinq réflexions sur le Front National 1/5

    Cinq réflexions sur le Front National

     

    Cinq réflexions sur le Front National

    Première Partie


    Les dernières élections régionales ont vu le Front National arriver en tête au premier tour dans six des treize nouvelles régions métropolitaines. De façon indéniable nous sommes maintenant en présence d’un parti très structuré, qui sait mobiliser ses troupes - plus de six millions de voix - et dont la montée en puissance lui permet  maintenant de faire jeu égal avec les partis dits «de gouvernement». Cette caractéristique certes prévisible, mais cependant nouvelle, appelle un regard lucide sur cette évolution. Il s’agit de dépasser la simple moralisation ou l’invocation dans la précipitation politicienne entre deux tours d’élections à un désistement républicain - qui n’a d’ailleurs plus le moindre impact auprès des classes populaires – pour saisir en profondeur la nature de cette organisation.

    Le MS21 proposera donc dans les semaines suivantes cinq réflexions critiques sur le FN. Il s’agira d’abord de repérer l’ambivalence structurelle de ce parti et de voir la nature de sa composante radicale qui se cache derrière son aspect lisse et respectable. Puis nous verrons comment, en France, le concept de Nation a évolué et, à la lumière de quelques exemples, vers quelles dérives il peut mener. Ensuite nous survolerons le programme du FN sur le plan économique et social et sur la question écologique. Enfin nous donnerons notre position sur ce que l’on peut raisonnablement attendre de ce parti.


    1-Le FN au-delà du discours

    En premier lieu, le MS21 appelle les citoyens à dépasser sur ce sujet une approche purement réactive, suscitée par l’apparence des discours, pour convoquer leur culture politique. Car celle-ci existe même si  elle est contestée par un ordre dominant qui cherche à la domestiquer et la neutraliser par des médias serviles, des pseudo-experts et des économistes « chiens de garde » de l’orthodoxie libérale. Cette culture politique, ce besoin de confronter les idées et de peser sur le cours des événements,  s’enracine dans l'histoire de notre peuple et - même si une minorité dominante souhaiterait  la voir rangée au rayon des accessoires périmés - elle reste présente et prête à se réveiller. En France, depuis la Révolution, c’est le peuple et uniquement lui qui, par son vote, fait la loi. C’est donc à lui de savoir aller au delà de la vitrine des apparences pour comprendre en profondeur la réelle nature des principes, des conceptions du monde qui animent les dirigeants des partis politiques et dictent leurs actions et leur stratégie. Cette approche critique doit s’appliquer tout particulièrement vis-à-vis du Front National.

           1.1 La composante sociale et respectable

    De façon très claire, la nature du FN est double. Elle fait coexister une composante activiste et ultra-radicale avec une autre préoccupation - déjà présente dès la fondation du parti en 1972 par Jean-Marie Le Pen - qui vise à donner à ce mouvement une légitimité dans sa reconnaissance de la démocratie parlementaire. Cette stratégie était  perceptible dès les premiers actes fondateurs du FN. Par exemple, le groupuscule activiste « Ordre Nouveau » - une des bases du FN, fondé en 1969 et fer de lance du néofascisme français - se contentait déjà, à l’occasion de son congrès de 1972 de réclamer un régime présidentiel, une réforme de l’école et de l’administration, le réaménagement territorial de la France, une industrialisation stimulée par l’Etat mais ne portant pas atteinte aux intérêts privés etc… rien qui ne pouvait inquiéter les partisans d’une démocratie conservatrice.  Par la suite, cette tendance à la respectabilité n’a jamais cessé de guider les dirigeants du FN. Ainsi, Jean-Marie Le Pen a toujours affiché son ralliement aux institutions gaulliennes, et au cadre du pluralisme et de la démocratie représentative. Il se déclare démocrate, met en avant sa participation à la vie publique de son pays et déclare situer son projet d’ « assainissement » et de « redressement » de la Nation dans le cadre de la constitution de 1958 révisée « dans le sens d’un régime présidentiel ».

    Sa fille, Marine Le Pen, élue à la présidence du FN en janvier 2011 a poursuivi et amplifié cette tendance, allant même pour cela jusqu’à rentrer en conflit avec son père. Influencée par Florian Philippot, elle n’hésite pas à rendre hommage à la Gauche « qui a mené d’immenses combats de libération », à citer K. Marx et J. Jaurès, à se réclamer du Conseil national de la Résistance et à apporter son soutien à Syriza lors des élections législatives grecques de 2015. En fait, il n’y a rien de surprenant dans cette stratégie qui part d’un constat simple et incontournable pour tout mouvement politique qui veut « ratisser large » et ambitionne de prendre le pouvoir : la très grande majorité des français est attachée au « modèle républicain » et au système institutionnel qui lui est associé.

            1.2   La composante radicale

    Tous ces points sont incontestables mais ne doivent pas faire oublier les autres éléments constitutifs du FN et qui l’inscrivent dans sa filiation historique. Car derrière ce courant légaliste qui se prête temporairement et tactiquement au jeu parlementaire, se cache une tentation toujours présente vers l’antiparlementarisme de choc et l’action directe. On la retrouve dans la permanence d’un discours résolument tourné contre « le système » et la violence d’une terminologie qui, en termes de critique du « régime des partis », de xénophobie, de dénonciation du « cosmopolitisme » et de minorités n’a pas grand-chose à envier aux ligues d’extrême droite des années trente. Il faut donc se représenter le Front National comme la partie émergée d’une famille politique singulière - la droite radicale – qui fait converger des parcours militants vers son émanation électorale à l’aspect inoffensif et consensuel.

    Les origines de cette radicalité sont à rechercher dans la pensée de Charles Maurras et du mouvement qu’il a créé au début du XXème siècle, l’Action française. Dans une première phase,  c’est avant tout la quête de valeurs stables, immuables, qui reproduisent la distinction grecque entre la civilisation et la barbarie : la Beauté, le Bien, la Raison. Mais cette attraction pour des valeurs positives glisse vers une dynamique de rejet idéologique. Maurras rejette les trois R : la « Réforme » mère de l’individualisme religieux, la « Révolution »  messagère de l’individualisme politique - avec la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen - et le « Romantisme »  qui prône l’individualisme dans l’art. On voit bien se dessiner ici les traits idéologiques qui vont faire le lien dans la deuxième partie du XXème siècle entre la pensée d’extrême droite et ses formes totalitaires. Car très vite, et notamment à la suite de l’affaire Dreyfus, cette position de rejet ne cible pas uniquement les idées, elle doit identifier les ennemis : ce seront les juifs, les protestants, les métèques et les francs-maçons, tous ceux que Maurras appelle « les quatre Etats confédérés » et qui constituent  selon lui l’ « Anti-France ». Tout ce corpus idéologique sera exposé dans le quotidien « l’Action Française »  - qui comptait 45 000 abonnés en 1925 - ouvertement antiparlementaire, antidémocratique, antirépublicain, et antisémite.

    Aujourd’hui, cette filiation est minutieusement cachée mais elle doit rester présente à l’esprit de tout citoyen informé.  Ainsi, on se rappellera que le premier secrétaire à l’organisation du FN (Victor Barthelemy) avait exercé la même fonction au Parti Populaire Français de Jacques Doriot et que c’est la vague poujadiste des années 1950 qui fit élire J.M. Le Pen à l’assemblée, que toute une génération militante au FN est venue de l’OAS, et enfin que de nombreux néofascistes sont venus dans les années 1970 renforcer les structures du FN. Cette permanence des thèmes nationaux radicaux  s’est encore manifestée dernièrement à l’occasion de la campagne de Marion Marechal-Le Pen qui n’a pas hésité à évoquer « l’identité chrétienne de la France », les risques de « la prise de pouvoir du terrorisme islamique » - car par un curieux revirement de l’Histoire c’est maintenant la religion musulmane et non la religion juive qui est devenue la cause de notre déclin ! - et son souhait de couper les subventions au planning familial « soupçonné de banaliser l’avortement »…

    A suivre...

    Lien permanent Catégories : Extrême Droite 0 commentaire
  • Les escrocs de la radicalité, une guerre des Etats-Unis contre Cuba ? Non à Clinterminator

    Le Grand Soir
    Journal Militant d'Information Alternative
     
    Cette semaine
    Raúl Antonio CAPOTE
    Nous avons évoqué à plusieurs reprises dans le livre Ennemi et Guerre, dans des dizaines d’articles, dans divers médias, principalement numériques, le projet Genesis de la CIA qui vise à provoquer ou pour le moins aider à vaincre la Révolution cubaine. Il a fait l’objet de débats, de conférences, de discussions dans les universités de Cuba et d’ailleurs. Nous pourrions dire que ce thème est récurrent. Le danger de ce projet mérite d’y revenir autant de fois que nécessaire, de l’étudier, de s’en pénétrer (...) Lire la suite »
     
    Philippe ARNAUD
    J’ai suivi le journal télévisé de France 2 le 18 février 2014, présenté par Nathanaël de Rincquesen. Le deuxième sujet, après les manifestations d’agriculteurs, était la réforme du droit du travail. Voici comment elle était présentée : Nathanaël de Rincquesen : "On revient maintenant sur la réforme du droit du travail, qui doit être présenté, début mars, en conseil des ministres. Nous vous en parlions déjà hier. Laurent Desbonnets, bonjour : "Ce projet, porté par Myriam El Khomri, casse certains codes qui (...) Lire la suite »
     
    Maurice LEMOINE
    Ce que la droite et l’extrême-droite vénézuéliennes n’obtiennent pas par les urnes, elles tentent, depuis 2002 et le coup d’Etat avorté contre Hugo Chávez, de l’obtenir par la force. Ainsi, quand, le 13 avril 2013, le « Bolivarien » Nicolás Maduro est élu président de la République, son adversaire malheureux, Henrique Capriles Radonski, appelle les partisans de sa coalition, la Table de l’unité démocratique (MUD), à exprimer leur arrechera (rage, haine, violence) dans la rue. Ce nihilisme radical provoquera (...) Lire la suite »
     
    Glenn GREENWALD
    Peu à peu, l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti Travailliste de Grande-Bretagne a fait perdre aux élites politiques et médiatiques de ce pays ce qu’elles partagent d’esprit, et leur période de déconfiture, d’implosion, semble devoir se prolonger. Bernie Sanders se situe nettement moins à gauche que Corbyn ; en fait, leurs univers n’ont rien en commun. Cependant, sur les questions économiques en particulier, Sanders est un critique plus fondamental, plus systémique, que les centres du pouvoir (...) Lire la suite »
     
    Moon of Alabama
    La course vers Raqqa a commencé. La Syrie et ses alliés sont en concurrence avec le États-Unis et ses alliés pour arracher l’est de la Syrie à l’État islamique. Raqqa, dans l’est de la Syrie, est détenue par l’État islamique comme le sont les autres villes le long de l’Euphrate vers l’Irak. Vaincre l’État islamique à Raqqa, à Deir Ezzor, et dans d’autres villes syriennes de l’Est, et les libérer, est le but de tous les ennemis supposés de l’État islamique. Mais cette question doit être considérée dans un (...) Lire la suite »
     
    Une interview de Samah Jabr
    Samah JABR
    Le Docteur Samah Jabr, née à Jérusalem-Est, vit à Shufat en banlieue de Jérusalem et travaille en Cisjordanie. Issue de la première promotion en médecine de l’université palestinienne d’Al Quds (Jérusalem), elle est l’une des vingt psychiatres à pratiquer actuellement en Cisjordanie. Parallèlement à ses activités professionnelles, Samah Jabr écrit régulièrement des chroniques dans la presse internationale depuis la fin des années 1990. Elle a bien voulu répondre à nos questions. [Info-Palestine] (...) Lire la suite »
     
    Moon of Alabama
    Voici quelques enseignements intéressants qu’on peut tirer du vote des primaires du New Hampshire : Parmi les électeurs à qui l’honnêteté et la fiabilité importaient le plus, 91% ont choisi M. Sanders et seulement 5% ont choisi Hillary Clinton, selon les sondages. Elle a également obtenu des résultats médiocres parmi les électeurs en quête du candidat qui s’intéresserait le plus à des gens comme eux. Et, plus jeunes étaient les électeurs, plus ils avaient de doute concernant Mme Clinton : Elle a reçu le (...) Lire la suite »
     
    Etre radical, c’est aller à (ou partir de) la racine, aux causes
    Jean ORTIZ
    Il y a des escrocs de la sémantique comme il y des escrocs de la mémoire. Tous tentent de dépolitiser, de vider de son contenu de classe, de consensualiser, voire d’éliminer, la mémoire populaire, celle du monde des travailleurs. Au diable leurs visions du monde, les rapports de classe, les différentes formes de lutte, l’histoire ouvrière, la nécessité de se « connecter » à ce passé, de le faire vivre au présent. Il s’agit de nous priver des outils de compréhension, d’analyse, de maîtrise, de la (...) Lire la suite »
     

    Lien permanent Catégories : Monde 0 commentaire
  • Pour l’UE ce qui compte c’est la bonne santé des monopoles capitalistes de l’industrie chimique, pas votre santé !

      www.initiative-communiste.fr

    > OGM, gaz de schistes, normes de pollutions des véhicules,pesticides, polluants chimiques… La protection de la des personnes, la protection de notre environnement cela n’est clairement pas la préocuppation de l’. Construite par et pour les monopoles capitalistes, l’ c’est en fait une machine à imposer des directives permettant d’augmenter les profits des multinationales, quitte à menacer la santé de millions de personnes, à saccager l’environnement. La Commission Européenne, instrument du pouvoir totalitaire et supranational de l’oligarchie capitaliste promulgue et impose les directives écrites par ce que certains appellent pudiquement les « lobbys », c’est à dire sert l’intérêt de classe de la classe capitaliste.

    > Pour notre santé, pour l’environnement, l’Union Européenne, il faut en sortir pour s’en sortir.

    « À Bruxelles, la vie des personnes est moins prioritaire que la bonne santé de l’industrie chimique »

    par Nolwenn Weiler 14 janvier 2016

    > L’Union européenne n’a toujours pas réglementé l’usage des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques aux effets sanitaires colossaux utilisées dans de très nombreux produits de consommation courante. Malformations, cancers, obésité… Les perturbateurs endocriniens sont pourtant à la source de bien des maux. Ce retard, qui vient d’être condamné par la justice européenne, ne doit rien au hasard. Les industries de la chimie, des pesticides ou du plastique pratiquent un lobbying intensif, et entravent toute avancée sérieuse. La journaliste Stéphane Horel a décrypté dans un ouvrage intitulé Intoxication ce lobbying et ces objectifs. Entretien.

    > Basta ! : Votre enquête porte sur la réglementation des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques omniprésentes dans notre quotidien, et suspectées de participer à l’explosion des maladies modernes. Où en est-on sur ce sujet ?

    > Stéphane Horel  [1] : Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques qui peuvent interagir avec le système hormonal (endocrinien veut dire hormonal). Ces substances agissent sur les humains mais aussi sur les animaux, comme les ours polaires, les chatons, les escargots. Plusieurs catégories d’êtres vivants sont ainsi touchées. C’est l’exposition du fœtus pendant la grossesse qui présente le plus grand risque, même si l’exposition reste problématique à d’autres périodes de la vie. La vie in utero est vraiment un moment crucial, puisque ce sont les hormones qui fabriquent les bébés. Les effets d’une exposition à ce moment-là peuvent se voir à la naissance, avec par exemple des malformations génitales ; mais aussi dix, vingt ou trente ans plus tard. Avec l’apparition de cancers, de diabètes, de problèmes d’obésité ou d’infertilité.

    > Les perturbateurs endocriniens sont présents dans des milliers d’objets de la vie courante : des tongs aux rideaux de douche, en passant par les canapés et les jouets mais aussi les poches à sang et les cathéters. La plupart de ces produits ont une vraie utilité : les phtalates, par exemple, sont des PE qui assouplissent le plastique. Et le bisphénol A, qui est l’un des PE les plus connus, permet de fabriquer un vernis que l’on met à l’intérieur des boîtes de conserves et qui ralentit la corrosion du métal. Pour le moment, on n’a trouvé aucun équivalent qui soit aussi efficace dans la durée. Il est impossible de faire l’inventaire des endroits dans lesquels on trouve des PE. Tous les secteurs de l’industrie sont concernés. Le sang, le lait maternel, l’air, la poussière, la pluie : les PE sont présents partout ! On estime qu’il y en a environ 1000 en circulation dans le monde, mais c’est peut-être beaucoup plus.

    > Une réglementation européenne est en cours d’élaboration, mais les scientifiques ont alerté sur le problème des perturbateurs endocriniens il y a près de vingt-cinq ans ! Pourquoi un tel délai ?

    >   Le moment scientifique Eurêka pour les PE, c’est 1991. Cette année-là une vingtaine de scientifiques (toxicologues, zoologistes, biologistes, endocrinologues…) se réunissent dans une petite ville du Wisconsin, aux États-Unis. Au terme d’un séminaire de trois jours, ces scientifiques rédigent ce que l’on appellera la déclaration de Wingspread, du nom du centre de conférence où s’est tenu le séminaire. Cette déclaration s’alarme des effets des altérations du développement induites par les produits chimiques. Les scientifiques insistent sur les risques encourus suite à des expositions in utero. Et ils remettent en question l’équation toxicologique qui disait que la dose fait le poison. Pour les PE, c’est plutôt le moment qui fait le poison. La déclaration de Wingspread prévient aussi : « À moins que la contamination de l’environnement par les perturbateurs hormonaux [ne] soit rapidement contrôlée et réduite, des dysfonctionnements généralisés à l’échelle de la population sont possibles. »

    > Depuis, il y a eu des milliers de publications scientifiques qui montrent que ces produits posent problème. Il y a maintenant un consensus sur leur dangerosité. En 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un rapport. Réalisé par une vingtaine de scientifiques du monde entier, tous spécialistes des PE, ce rapport insiste sur le fait que les PE représentent « une menace mondiale ». En 2009, puis en 2015, la société savante Endocrine Society dit la même chose. Il y a quelques semaines, c’est la Fédération internationale des gynécologues obstétriciens qui a appelé à réglementer les PE, évoquant les bébés qui naissent tous « pré-pollués ».

    > Quelles sont les industries qui utilisent des PE et qui organisent le lobbying visant à court-circuiter le projet européen de réglementation ?

    > Elles sont, du fait de l’abondance du recours aux PE, très nombreuses. Au moment de faire du lobbying, les industriels se regroupent. D’abord dans le lobby de la chimie (ou CEFIC), qui est l’un des plus puissants de Bruxelles, avec 150 employés et un budget de 40 millions d’euros. Ce lobby réunit des PME mais surtout des grosses multinationales, comme BASF, Syngenta, Bayer, Dow ou DuPont [2]. Nous avons aussi le lobby des pesticides (ECPA, qui fait par ailleurs partie du CEFIC), des industries qui sont en première ligne s’il y a réglementation des PE. Il y a enfin l’industrie du plastique, et, dans une moindre mesure, Cosmetics Europe).

    > Parmi les manœuvres utilisées par ces lobbies pour contrer toute réglementation, retrouve-t-on la stratégie du doute et du déni, inventée par le lobby du tabac ?

    > Effectivement. Pour les perturbateurs endocriniens, le premier moment de ce qu’on appelle « la manufacture du doute » a lieu en 2012, suite à la sortie du Rapport sur l’état de la science sur les perturbateurs endocriniens. Commandé par la Commission européenne, c’est un état de la science réalisé par l’équipe du Professeur Andreas Kortenkamp, l’un des plus grands spécialistes mondiaux des perturbateurs endocriniens, indépendant des industriels. Ce rapport conclut que « les perturbateurs endocriniens justifient une considération à la hauteur de substances aussi préoccupantes que les cancérogènes, les mutagènes et les toxiques pour la reproduction, ainsi que les produits persistants, bioaccumulables et toxiques ».

    > Leur rapport a aussitôt été attaqué dans la littérature scientifique. Mais cette critique a été financée par le lobby américain de la chimie. Elle a été écrite par deux salariés d’une société de consultants spécialisés, Gradient Corp, qui travaille au seul service des industriels ; et par des scientifiques qui travaillent tous avec l’industrie de la chimie et des pesticides. Les reproches sont essentiellement méthodologiques. Les auteurs chicanent sur des omissions de référence, des choix de vocabulaire, ils ergotent sur des détails. C’est une véritable opération de « science washing » qui vise à donner l’illusion qu’il y a une controverse scientifique. C’est en effet plus présentable que d’aborder directement l’impact sur les entreprises. L’industrie des pesticides a par ailleurs essayé de décrédibiliser Andreas Kortenkamp en envoyant des mails à la Commission, suite à des propos qu’il avait tenus dans la presse britannique.

    > Que proposent les industriels pour répondre au vaste problème de santé public créé par leurs produits ?

    > L’industrie chimique a mis au point une astuce : il faudrait s’occuper des produits dont les effets sont les plus puissants. Cela revient à écrémer : on enlève les soi-disant plus dangereux et on laisse tous les autres en liberté. Mais cela n’a aucun sens scientifique puisque les PE peuvent agir à très faible dose. Leur toxicité est telle qu’on ne peut pas prétendre qu’il y a une dose en deçà de laquelle ils ne sont pas dangereux. De plus, on est exposés à des dizaines de PE simultanément. Une étude aux États-Unis a montré qu’il y en a en moyenne 43 dans chaque femme enceinte. 43 ! Quel est le résultat de ces cocktails d’exposition ?

    > C’est notamment pour ces raisons que l’idée de « puissance » n’a absolument aucun sens. Ce qui n’empêche pas la Commission de la considérer comme une question valable, soumise à son examen ! La direction générale de l’environnement de la Commission, à qui avait été confié le travail préalable de définition des PE, l’avait pourtant éliminée au terme de quatre ans de travail. Cela révèle un grave dysfonctionnement de l’. On piétine quatre ans de travail simplement parce que les conclusions déplaisent à l’industrie.

    > En plus de jeter le doute sur les études scientifiques indépendantes, les industriels s’attaquent au principe de précaution…

    > En Europe, le principe de précaution est inscrit dans les textes et il a valeur de loi, même s’il n’existe pas de définition précise. Pour les négociations TAFTA, c’est un principe qui fait barrière à certains engagements, au niveau de la réglementation chimique notamment. C’est un peu notre seul joker éthique contre le libre marché tout puissant. Et c’est la raison pour laquelle les industriels américains sont bien décidés à le faire disparaître à l’occasion de ces négociations. Un think tank financé par les industriels du tabac, de la chimie, des pesticides, ainsi que des pétroliers tente de le faire remplacer par un « principe d’innovation ». En France, le principe de précaution est inscrit dans la Charte constitutionnelle de l’environnement, et il y a aussi eu des tentatives de suppression. En octobre 2014, le député UMP Eric Woerth avait déposé une proposition de loi pour son remplacement par « un principe d’innovation responsable ». Savait-il que cette idée venait d’un obscur think tank fondé et animé par le fabricant des Lucky Strike ?

    > Un an plus tôt, une lettre signée de 56 scientifiques du monde entier est envoyée à Anne Glover, la conseillère scientifique principale du président de la Commission de l’époque José Manuel Barroso. Dans ce courrier, les scientifiques se plaignent des critères retenus par la direction générale (DG) de l’environnement de la Commission pour décrire les PE. Ils regrettent notamment l’approche de précaution. Ce courrier, doublé par la publication d’éditoriaux dans une quinzaine de revues scientifiques, est plein d’approximations. Mais il servira quand même d’alibi à la Commission pour arrêter le processus de réglementation des PE en cours. J’ai documenté que la grande majorité des scientifiques qui ont rédigé cette lettre sont liés à l’industrie.

    > Pourquoi les décideurs sont-ils si réceptifs à ce lobbying ?

    > Il est très choquant de constater que les lobbies rencontrent une telle adhésion du côté des décideurs. Plusieurs facteurs l’expliquent. À Bruxelles, nous sommes dans un rapport de force où les intérêts publics sont en minorité. L’écrasante majorité des représentants d’intérêts sont ceux des intérêts commerciaux. Le dialogue avec les « parties prenantes », c’est-à-dire les industriels, remplace le débat démocratique. Il y a une proximité très importante entre le monde des décideurs politiques et le monde des affaires. En plus, Bruxelles permet une vraie proximité géographique. Tout le monde travaille au même endroit et se croise au quotidien dans la bulle bruxelloise. Il y a également un manque de formation sidérant. Les ressorts du lobbying sont maintenant connus, et très documentés. Mais les fonctionnaires et les élus européens n’y sont pas du tout formés.

    > Dans les institutions publiques européennes, il existe une grande confusion entre l’intérêt général et l’intérêt des grandes entreprises. Pour justifier le retard de deux ans qu’elle a pris sur son obligation de réglementation des PE, la Commission mène une étude d’impact : celle-ci mesure les effets négatifs d’une interdiction des PE sur l’économie et les entreprises, mais pas les effets positifs d’une telle interdiction sur la santé et l’environnement ! La vie des personnes est devenue moins prioritaire que la bonne santé des entreprises.

    > Propos recueillis par Nolwenn Weiler

    > Photo : CC Jacques Lebleu

    Lien permanent Catégories : Économie, Europe 0 commentaire