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MS21 - Page 80

  • Pour comprendre qui décide : l’ OCDE

    Par Michèle JANSS

     

     
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    La base de données économiques de l'OCDE, si elle est une des plus fournies au monde, sert sans nuances mais au moyen d’ une communication très étudiée, le libéralisme économique.

     



    Les analyses, mesures et comparaisons, produites par l’OCDE, et plus particulièrement les études qu’elle consacre à l’éducation, sont présentées, avec les recommandations qui les accompagnent, comme la source d’inspiration et le point de départ incontournable des politiques à mettre en place pour sortir de la crise.

     

    Décoder les études PISA (Programme international pour le suivi des acquis) consacrées à l’enseignement, mettre ces clarifications à la disposition des citoyens et plus particulièrement des enseignants est une entreprise qui se révèle plus complexe qu’un simple constat des progrès et reculs enregistrés. Le dossier de N. Hirtt nous l’a démontré.

    La base de données économiques de l’OCDE, si elle est une des plus fournies au monde, sert sans nuances mais au moyen d’ une communication très étudiée, le libéralisme économique. Les nombreux chercheurs qu’elle mobilise, forment un think tank, inquiet de la bonne application aux systèmes éducatifs de ses recettes, toutes ultra libérales comme il se doit. Du « cousu main » pour une école plus soucieuse de l’état du marché et de « l ’employabilité » des élèves par ce même marché, que de développement par la culture et le savoir.

    L’histoire et le fonctionnement de l’OCDE témoignent d’un basculement idéologique qui a eu lieu dans la deuxième moitié du XXème siècle. L’ idée centrale est de considérer l’économie comme n’ obéissant qu’ à des lois naturelles, ne devant pas être entravée ou régulée par l’ action publique des Etats.

    Un peu d’histoire... En juillet 1944, alors que le débarquement des forces alliées en Normandie n’est pas terminé (la libération de Paris n’aura lieu qu’en Aout), 730 délégués des 44 nations alliées et un observateur soviétique se réunissent à Bretton Woods, aux Etats-Unis, afin de mettre au point un système monétaire mondial qui doit favoriser la reconstruction et le développement des pays touchés par la guerre. Il s’agit aussi pour les Etats-Unis d’ouvrir l’Europe aux produits américains. Le plan des britanniques était ébauché dès 1941 et visait à préparer un système monétaire mondial fondé sur une unité de réserve non nationale, le banco. Les américains proposaient plutôt de créer un fond de stabilisation construit sur les dépôts des états et une banque de reconstruction pour l’après-guerre. C’est la proposition américaine qui l’emporte, organisant le système monétaire mondial autour du dollar US, mais avec un rattachement nominal à l’or. Deux organisations, toujours en activité, voient le jour lors de cette conférence : la banque mondiale (BM) et le fonds monétaire international (FMI). Ces deux institutions ont un point commun : les Etats-Unis y sont seuls à pouvoir exercer un droit de véto. Les pays européens alors ruinés, doivent accepter que des conditions soient liées aux prêts du FMI.

    En 1948, le plan Marshall, officiellement appelé « programme de rétablissement européen » est mis en place afin de reconstruire une Europe ravagée par la guerre mais aussi de « protéger les états libres de l’avancée du communisme » (2). Les États-Unis demandent aux États européens de s’accorder entre eux au sein de l’ OECE pour commencer la reconstruction. Cette organisation européenne de coopération économique a comme mission de répartir les crédits du plan Marshall et de coordonner l’économie des pays bénéficiant de fonds. La libéralisation du commerce et des échanges monétaires en est le but avoué. Cette organisation, ancêtre de l’OCDE, doit étudier la possibilité de créer une union douanière ou de libre-échange.

    l’OECE comprend l’ Autriche, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’ Irlande, l’ Islande, l’ Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Turquie, l’ Allemagne occidentale, zones d’occupation anglaise, américaine et française.

    La structure de l’OECE consiste en comités chargés de domaines spécifiques : alimentation et agriculture, charbon, électricité, pétrole, sidérurgie, matières premières, équipement, métaux non ferreux, produits chimiques, bois, pâtes et papiers, textiles, transports maritimes et intérieurs, programmes, balance des paiements, échanges, paiements intra-européens et main-d’oeuvre. L’OECE accomplit également un important travail d’échange d’informations statistiques.

    L’URSS refuse le plan Marshall, le libre-marché et la libération économique étant incompatibles avec l’économie communiste. Staline ne voulait pas que les pays sous influence soviétique passent sous contrôle américain. La guerre froide commence.

    A partir de 1952, l’ OECE perd de son utilité. L ’OTAN se servira de ses comités pour alimenter ses propres travaux. La création de la CEE, pour une coopération économique entre la RFA, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays Bas, en 1957 rend la situation de OECE bancale et fait échouer, notamment, la conclusion d’un accord de libre-échange dans le cadre de l’ Organisation.

    En 1961, l’OCDE, comprenant les Etats unis et le Canada, se substitue à l’OECE.

    Comment fonctionne l’OCDE ?

    Le conseil de l’organisation se compose d’un représentant par pays membre, il se réunit régulièrement afin de décider afin de fixer les priorités des travaux qui seront réalisés par le secrétariat.

    Les comités (environ 250) sont des groupes de travail et groupes d’experts spécialisés. Il débattent des idées et progrès réalisés en économie, échanges, emploi, science, éducation et marchés financiers.

    Le secrétariat, présidé actuellement par M. Angel Gurria, effectue les travaux suivant les priorités fixées par le conseil. Le secrétariat, établi à Paris, au château de la Muette, compte quelque 2500 agents. Ils ne sont pas tous basés à Paris, certains travaillent dans des centres de l’OCDE à l’étranger.

    « L’OCDE est financée par ses pays membres. Les contributions financières des membres au budget annuel sont calculées à partir d’une formule qui dépend de la taille de l’économie de chacun des pays membres. Les Etats-Unis sont le contributeur le plus important, suivis par le Japon. Avec l’approbation du Conseil, les pays peuvent également apporter leurs contributions de manière distincte à des programmes particuliers qui ne sont pas financés à partir du budget de base.
Le budget de l’OCDE et son programme de travail sont établis par le Conseil ».(3)

    Que fait l’OCDE ?

    On trouve, sur son propre site, une description du rôle que s’assigne l’OCDE : "La mission de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde.

     L’OCDE offre aux gouvernements un forum où ils peuvent conjuguer leurs efforts, partager leurs expériences et chercher des solutions à des problèmes communs. Nous travaillons avec les gouvernements afin de comprendre quel est le moteur du changement économique, social et environnemental. Nous mesurons la productivité et les flux mondiaux d’échanges et d’investissement. Nous analysons et comparons les données afin de prédire les tendances à venir. Nous établissons des normes internationales dans un grand nombre de domaines, de l’agriculture à la fiscalité en passant par la sécurité des produits chimiques.

    Nous examinons également les questions qui affectent directement la vie des gens, comme le coût des impôts et de la sécurité sociale ou le temps libre dont ils disposent. Nous comparons la façon dont les systèmes éducatifs préparent les jeunes à la vie moderne et la façon dont les systèmes de retraite protègeront les citoyens plus âgés.

    En nous appuyant sur les faits et l’expérience concrète, nous recommandons des politiques dont le but est d’améliorer la vie de tous. Nous travaillons avec les entreprises, à travers le Comité consultatif économique et industriel auprès de l’OCDE, et les syndicats, à travers la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE. Nous consultons d’autres organisations de la société civile, notamment en organisant chaque année le Forum de l’OCDE. Tous nos travaux ont pour point commun un engagement partagé en faveur du développement durable, de l’emploi et des échanges, reposant sur la coopération internationale et visant le bien-être de tous. Chemin faisant, nous nous efforçons aussi de rendre la vie plus dure aux terroristes, aux fraudeurs fiscaux, aux entrepreneurs véreux et à tous ceux qui sapent les fondements d’une société juste et ouverte. »(3)

    Voilà pour la présentation officielle ! En réalité, on assiste à une mondialisation des politiques ultra-libérales, via un organisme financé par nos états, qui se fixe ses propres règles et travaille à l’ acceptation d’un système de relations internationales entre états bénéficiant aux intérêts des États-Unis et de ses alliés.

    La promotion de politiques et les mesures de productivités ne consistent pas en d’anodines spéculations : dernièrement, la visite du secrétaire M. Angel Gurria à notre premier ministre afin de lui remettre ses conclusions sur les « progrès » de la Belgique a été présentée dans les médias comme de première importance. Ce rapport a d’ailleurs été commenté dans la presse sous forme de "bons points" et "mauvais points" attribués à notre pays, allant jusqu’ à expliquer comment cela fonctionne : si la Belgique ne suit pas les recommandations de l’OCDE, elle risque de perdre sa "bonne réputation" et de se faire taper sur les doigts par l’Europe, le FMI, la BCE… Ainsi, sans avoir l’air de s’ingérer dans la politique belge, l’OCDE se présente comme conseiller incontournable.

    Le fait de rendre la vie plus dure aux terroristes, fraudeurs et entrepreneurs véreux reflète le côté « punitif » de l’organisation qui, en principe, n’a aucune légitimité en matière de poursuites. En effet, ces catégories d’individus sont normalement traquées par toutes les polices financières ou criminelles qui font leur travail. Tout comme les violeurs, les trafiquants de drogues ou d’êtres humains…

    Pourquoi ne citer que les terroristes, fraudeurs fiscaux et entrepreneurs véreux ? Pour les deux derniers, on comprend le rapport à l’économie et le raccourci qui les rend responsables de la crise camoufle les inégalités sociales. Pourquoi y associer les terroristes ? Parce que, dans le contexte des guerres provoquées par les principaux pourvoyeurs de fonds de l’organisation, c’est sans aucun doute l’actualité qui dicte la ligne à suivre. Sinon, pourquoi ne pas citer les violences ou corruptions policières qui secouent des états comme les USA ou le Mexique ? La communication de l’ OCDE ne met en lumière que ce qu’elle veut bien. L’ OCDE, dépourvue officiellement de pouvoir de coercition, produit des rapports relayés docilement dans les médias afin de conditionner l’opinion.

    Le grand bond en arrière

     

    Serge Halimi, dans son essai « le grand bond en arrière », étudie comment l’ordre libéral s’est imposé au monde car « il a beaucoup fallu penser pour les marchés avant que ne se généralise l’idée qu’on ne pourrait plus penser contre eux ».(4)

    Il y montre comment « changer le monde » est devenu un but pour la droite américaine et les néo-libéraux en général. Serge Halimi met en lumière la mise en place de politiques, de stratégies et de création d’ organisations internationales (OCDE, FMI, BM, BCE…) dont le but est, essentiellement, de faire triompher leurs idées au niveau mondial et de « fabriquer du marché ». Dans un chapitre qu’il consacre à l’OCDE, il démontre combien les travaux de l’organisation sont douteux : « …ses pronostics sont pour le moins hasardeux : entre décembre 1995 et mai 1996, elle (l’OCDE) a du diviser par cinq ses prévisions de croissance pour l’Allemagne… Pour l’année 1996 ! Depuis 2004, l’OCDE publie d’ailleurs ce genre de chiffre en indiquant une marge d’erreur parfois égale au taux de croissance annoncé. » (4)

     

    Pour lutter contre le chômage, l’OCDE recommande, entr’autre, plus de flexibilité du marché et des travailleurs, ignorant superbement qu’il n’y a suffisamment de postes offerts que pour mettre au travail une petite partie des demandeurs d’emploi et que les pays où le taux d’ employabilité est le plus grand est aussi celui où on trouve le plus d’emplois à temps partiel et de situations de précarité (3). Et pourtant, ces recommandations continuent à modeler nos politiques. Cette même flexibilité, avec les compétences qui s’y rattachent, envahit l’enseignement.

    Si l’ OCDE consacre une bonne partie de ses travaux à l’analyse des systèmes d’enseignement c’est qu’il faut rendre ceux-ci plus compétitifs. Evidemment, cette compétitivité-là ne tient compte ni du développement personnel ni d’ une évolution sociale rendue possible par l’ éducation. L’école reste soumise au sacro-saint « marché du travail ». La pensée néolibérale s’ impose de la même manière dans les cours d’économie au coeur des universités : à l’UCL, les étudiants jugeant leur cursus trop dogmatique, n’ ont obtenu que récemment un cours d’histoire des doctrines économiques. Les prévisions de l’organisation ne sont pas pertinentes et ne tiennent compte ni des exigences nationales, ni des spécificités de chacun. Ce travail de collecte de statistiques et d’analyses devrait être confié aux universités et soumis au débat contradictoire. Les sommes versées à l’OCDE seraient plus utiles à l’enseignement supérieur…

    En conclusion : « l’organisation de coopération et de développement économique devrait être vendue ou dissoute…elle ne cesse d’expliquer que le contribuable est trop imposé. Pourquoi devrait-il participer plus longtemps au financement d’un organisme qui n’a d’autre obsession que de le dépouiller des quelques droits sociaux que le marché lui laisse ? » (4)
    Michèle JANSS

    Source : Investig’Action

    (1) Dossier de N. Hirtt sur PISA : http://www.skolo.org/spip.php?article1656
    (2) discours de Harry Truman au congrès des Etats-Unis -12 mars 1947
    (3) site de l’OCDE, http://www.oecd.org
    (4) Serge Halimi, Le grand bond en arrière, comment l’ordre libéral s’est imposé au monde, Eléments - Editions Agone 2006
    (5) Mateo Alaluf, http://politique.eu.org/spip.php?article3072

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  • Venezuela : la CIA accusée par ses propres documents


    Par Michel Collon

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    Depuis quelques années, la CIA ‘arrose’ toutes sortes d’organisations au Venezuela : les partis politiques de droite et un ensemble d’associations présentées comme émanant de la ‘société civile’ mais qui en réalité servent de paravent pour attaquer le gouvernement et préparer son renversement « à la chilienne ». (Extrait du livre Les sept péchés d'Hugo Chavez de Michel Collon)

     


     

    2002 : Washington derrière le coup d’Etat

     

    L’affrontement est devenu inévitable. Et il se prépare depuis Washington. Le 25 février 2002, Charles Shapiro est désigné comme nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Caracas. Ce n’est pas n’importe qui. Ca fait vingt-quatre ans qu’il s’occupe de l’Amérique Latine. Il était conseiller militaire à l’ambassade US de Santiago du Chili lors du coup d’Etat fasciste contre Allende en 1973. Il a été en poste cinq ans au Salvador au plus fort de la répression militaire dans ce pays.

    Au même moment, plusieurs hauts gradés de l’armée vénézuélienne appellent publiquement à se débarrasser de Chavez. Ils sont soutenus par la hiérarchie de l’Eglise catholique, toujours très proche des Etats-Unis et de la haute bourgeoisie locale. Les évêques refusent le dialogue proposé par le gouvernement.

    En février également, Carlos Ortega, leader du syndicat droitier CTV, rencontre à Washington les dirigeants du syndicat AFL-CIO. Comme il a été démontré par des historiens (1), ce syndicat a souvent servi d’intermédiaire pour transmettre des fonds de la CIA à des organisations d’opposants dans certains pays sensibles.

    Au Chili, par exemple, l’AFL-CIO a aidé l’administration Nixon et les multinationales US à renverser le gouvernement d’Unité Populaire : transferts de fonds vers les mouvements contre-révolutionaires : plus de huit millions de dollars selon le New York Times du 24 septembre 1974, création de groupes paramilitaires pour terroriser les militants de gauche, assistance à la grève des propriétaires de camions qui paralysa l’économie pour créer le chaos, formations en leadership c’est-à-dire à l’agitation anti-Allende…

    Henry Kissinger a reconnu que les programmes d’éducation en question avaient été un élément important de la politique US contre le Chili. (2)

     

    Bref, au niveau de ces dirigeants, on devrait plutôt parler d’AFL-CIA.

    Mais l’élément-clé du complot anti-Chavez est incontestablement Otto Reich... Un fameux passé ! Il a joué un rôle décisif dans la déstabilisation du gouvernement de gauche au Nicaragua dans les années 80. Il est en étroite relation avec Orlando Bosch, un des plus grands terroristes du continent latino-américain, impliqué dans l’attentat contre un avion de ligne cubain en 1976, l’assassinat du général chilien Letellier en 1978 et de nombreux autres actes terroristes. C’est à un tel homme que George Bush a confié le poste de vice-ministre US des Affaires étrangères pour l’Amérique Latine entre 2002 et 2004.

    En ce début de l’année 2002, Otto Reich se réunit fréquemment avec les chefs de l’opposition vénézuélienne. Et particulièrement avec Pedro Carmona, président de Fedecamaras, la fédération des patrons.

     

    La CIA accusée par ses propres documents

     

    Depuis quelques années, la CIA ‘arrose’ toutes sortes d’organisations au Venezuela : les partis politiques de droite et un ensemble d’associations présentées comme émanant de la ‘société civile’ mais qui en réalité servent de paravent pour attaquer le gouvernement et préparer son renversement « à la chilienne » : Consorcio Justicia, Accion Campesina, Assamblea de Educacion, Centro al Servicio de la Accion Popular, Instituto Prensa y Sociedad, Associacion Civil Justicia Alternativa, Fundacion Justicia de Paz…

    Pour se dissimuler, ces financements de la CIA transitent par diverses fondations-écrans. Dont la principale s’appelle NED : National Endowment for Democracy, un organisme étroitement contrôlé par la présidence et le Congrès des Etats-Unis. Durant les premiers mois de 2002, les montants versés augmentent énormément.

    Comment le sait-on ? Dans son livre Code Chavez – CIA contre Venezuela, l’avocate new yorkaise Eva Golinger a publié de nombreux documents provenant des administrations US elles-mêmes et prouvant l’implication de la CIA dans le coup d’Etat de 2002 (de même que dans les tentatives suivantes pour renverser Chavez). Les noms des agents, les institutions qui servent de paravents et même les montants versés, tout figure dans ce « mode d’emploi du parfait coup d’Etat ». (3)

    Les documents que Golinger a réussi à obtenir démontrent noir sur blanc que la CIA est au courant de tous les préparatifs du coup d’Etat. Dans un rapport envoyé le 5 mars à Washington, il est écrit : « L’armée aussi est divisée en ce qui concerne le soutien à Chavez… Il sera difficile d’organiser un coup d’Etat. » Le 1er avril, puis le 6 avril, des rapports assez largement diffusés parmi les hauts fonctionnaires US sont très précis : « Des factions militaires dissidentes, comportant quelques officiers de haut rang mécontents intensifient leurs efforts pour organiser un coup d’Etat contre le président Chavez, probablement au début de ce mois. Les plans détaillés mentionnent l’arrestation de Chavez et de autres hauts responsables. »

    Bien sûr, les Etats-Unis nieront - comme d’habitude - être impliqués dans le coup d’Etat. Mais il suffit de constater à travers leurs propres documents, qu’ils étaient au courant des tous les préparatifs, et qu’ils n’ont en rien averti le gouvernement légal vénézuélien. Bien plus, ils ont augmenté leurs financements aux organisations putschistes.

    Le 7 avril, le président Chavez destitue six dirigeants de PDVSA pour mauvaise gestion, malversations financières et application d’une politique contraire à celle de l’Etat. Il en a le droit puisque la société publique du pétrole est placée sous l’autorité de l’Etat. Le 9 avril, le syndicat CTV et le patronat appellent – ensemble ! – à une grève générale. Le 10, ils la proclament d’une durée indéfinie, c’est-à-dire en fait jusqu’au renversement de Chavez. Les télés privées diffusent l’appel à la rébellion d’un des plus haut responsables militaires, le général Nestor Gonzalez Gonzalez.

     

    Le premier coup d’Etat mis en scène par la télévision

     

    Dès sa préparation, les médias privés vénézuéliens ont joué un rôle décisif dans le coup d’Etat militaire. Dès le 7 avril, quand le patron des patrons et son allié syndical annoncent leur grève générale pour évincer Chavez, le directeur du quotidien El Nacional, Miguel Enrique Otero, s’enhousiasme à leurs côtés au nom des médias : « Nous sommes tous dans cette lutte pour la défense du droit à informer. »

    Le 10, l’édito du même quotidien lance un appel à l’émeute : « Prenons la rue ! » « Pas un pas en arrière », proclament les annonces diffusées par Globovision. « Tous à la marche le jeudi 11 à 10 heures du matin ! Apporte ton drapeau. », martèlent les pubs d’une autre chaîne.

    Le jeudi 11 avril, le syndicat CTV et la fédération patronale organisent une énorme manifestation, soutenue par les grands médias privés. Elle part, comme par hasard, des locaux de PDVSA et se dirige vers le centre. Mais, en cours de manifestation, le dirigeant syndical pro-US Ortega appelle à se rendre au palais présidentiel de Miraflores. Où sont rassemblés des milliers de manifestants venus soutenir leur président. Ca sent la provocation…

    Tout-à-coup, au lieu dit Puente Llaguno, où l’Avenida Urdaneta enjambe l’Avenida Baralt, des tirs sont déclenchés. Plusieurs manifestants chavistes sont tués. Ainsi que deux manifestants dans le cortège de l’opposition. D’où proviennent ces tirs ? Des chavistes, prétendent tout de suite les télévisions privées. Elles montrent des images de trois manifestants chavistes tirant au revolver. En direction, disent-elles, des manifestants de l’opposition. Manipulation incroyable. Car, sur les images que les mêmes télévisions ont présentées en direct, on a pu voir que les manifestants chavistes sont au contraire pris pour cibles par les premiers tirs et qu’ils se couchent par terre en essayant d’échapper à ces tirs. Même le quotidien d’opposition El Nacional le confirme dans son édition suivante : « Les premières victimes provenaient des rangs pro-chavistes. »

    De plus, les deux cortèges sont séparés par plusieurs centaines de mètres. Impossible avec de simples revolvers d’ atteindre l’autre cortège, il faut des fusils à longue portée. De plus, quand on examine les lieux, on constate qu’entre les deux cortèges, il y a… des immeubles, que les balles ne peuvent évidemment avoir traversés !

     

    Les snipers de la CIA

     

    Que s’est-il vraiment passé ? En fait, les putschistes avaient placé plusieurs snipers en haut des immeubles du quartier. C’est de là qu’on tirait. C’est seulement après ces attaques meurtrières que trois manifestants chavistes ont utilisé leurs revolvers pour riposter. Tirant depuis le pont sur l’unité blindée de la Police qui s’avance par l’autre avenue. Parce qu’ils croient que ce sont ces policiers (dirigés par un maire d’opposition) qui ont tiré sur eux.

    D’ailleurs, quand la foule se précipite vers les bâtiments d’où on a tiré, elle parvient à mettre la main sur sept snipers qui seront remis à la Justice. Parmi eux, un citoyen des Etats-Unis, Robert McNight, un Colombien et cinq hommes apparemment vénézuéliens (mais certains sont en possession de faux papiers). Très rapidement, le contre-amiral Carlos Molina Tamayo, putschiste, ordonnera de les libérer, et ils quitteront immédiatement le Venezuela.

    Aussitôt, les images sont remontées en studio avec un commentaire truqué. La manipulation consiste tout simplement à inverser l’ordre des images. On passe d’abord les trois chavistes tirant sur la police. Ensuite seulement, les images de victimes. Et on fait croire que ce sont les trois chavistes qui ont tué les manifestants du cortège de l’opposition. Pour imposer cette version, les putschistes ferment de force la télé publique et une télé communautaire de quartier, Catia TV.

    La scène, passée en boucle, inlassablement, va bouleverser la population. Maurice Lemoine, du Monde Diplomatique, était sur place et dénonce la manipulation de ces télés : « Tirée de son contexte, diffusée en continu par toutes les chaînes de télé, cette scène a permis d’affirmer que le 11 avril, les partisans de Chavez, rebaptisés ‘snipers’ (‘franco-tiradores’), avaient tiré sur une foule désarmée. En réalité, on voit clairement sur mes photos qu’il s’agit du contraire : c’est la masse des sympathisants de Chavez qui se protège, en se baissant, pour échapper aux tirs des snipers. » (4)

    Version confirmée par les images tournées en direct par les télés de l’opposition. On y voit très clairement les chavistes essayant d’échapper aux tirs. D’ailleurs, quelques mois plus tard, deux reporters de ces chaînes, Luis Alfonso Fernandez (Venevision) et Del Valle Canelon (Globovision), confirmeront que les premières victimes étaient des chavistes.

     

    Des morts programmés

     

    Dans l’après-midi de cette funeste journée, le contre-amiral Hector Ramirez Perez lit une proclamation déplorant la mort de civils innocents et dénonçant une conspiration macabre de Chavez qui a provoqué, dit-il, la mort de six Vénézuéliens assassinés par les forces gouvernementales. Ramirez Perez appelle donc à l’insurrection générale à cause des violences commises par Chavez. Emotion générale.

    Mais en réalité, cette proclamation n’est pas enregistrée en direct, elle a été enregistrée… la veille ! En effet, Otto Neustald, envoyé spécial de CNN, expliquera plus tard que toute la proclamation a été enregistrée à sa résidence personnelle avant toutes les violences ! Neustald, lors d’une conférence quelques mois plus tard, affirmera très clairement qu’au moment où la proclamation a été enregistrée, aucune violence ne s’était encore produite !

    « Dans la nuit du 10 au 11, ils m’ont appelé : ‘Otto, demain le 11, il y aura une vidéo de Chavez, la manifestation ira jusqu’au palais présidentiel, il y aura des morts, vingt hauts responsables se présenteront contre Chavez et demanderont sa démission. Voilà ce qu’ils m’ont dit la nuit du 10 au 11. » Bref, tout avait été orchestré, avec la participation des grands médias d’opposition.

    On le voit aussi dans leur comportement, cet après-midi là. A 15 heures, les premiers morts tombent dans les deux manifestations. Immédiatement, les télés privées diffusent la proclamation préenregistrée de Ramirez Perez accusant Chavez de ces meurtres. A 15 heures 44, Chavez prend la parole pour démentir, mais les télés privées sabotent son intervention et diffusent l’appel à l’insurrection.

    Clairement, le coup d’Etat a été préparé à partir de l’organisation délibérée d’un massacre pour diaboliser Chavez, et avec la participation active des grands médias. Il faut signaler que dans les documents obtenus par Eva Golinger, le câble de l’ambassadeur US envoyé à Washington à propos de ces événements se retrouve complètement censuré par l’administration. Parce que la mise en scène a été préparée par la CIA ?

    Notes :

     

    1) Anthony Carew, The origins of CIA financing of AFL programs, CovertAction Quaterly, été 1999.

     

    2) Lettre ouverte à John Sweeny, président de l’AFL-CIO, www.globalwomenstrike.net/French

     

    3) Eva Golinger, Code Chavez, CIA contre Venezuela, Oser Dire, Liège, 2006

     

    4) Luis Britto Garcia, Investigacion de unos medios por encima de toda sospecha, brochure VTV, Caracas.

    Source : Rxtrait du livre Les 7 Péchés d’Hugo Chavez, de Michel Collon

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  • Le discours des « valeurs de la république » : un nouveau masque de l’idéologie dominante

    Par Saïd Bouamama

     

     

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    « Crise du civisme » disent certains « chroniqueurs », carence de transmission des « valeurs de la république » répondent en écho des ministres, nécessité urgente d’une reprise en main « citoyenne » de la jeunesse concluent-ils en chœur. La France serait-elle devenue une « démocratie de l’abstention » ?

     



    Avec un taux d’abstention s’élevant à 50, 02 % au niveau national lors du second tour des départementales (il était déjà de 49, 83 % lors du premier tour), la France est devenue une « démocratie de l’abstention (1) ».

    Le profil des abstentionnistes est tout autant significatif : 73 % pour les 18-24 ans et 59% chez les 25-34 ans, 58 % pour les employés, 53 % pour les ouvriers (2).

    « Crise du civisme » disent certains « chroniqueurs », carence de transmission des « valeurs de la république » répondent en écho des ministres, nécessité urgente d’une reprise en main « citoyenne » de la jeunesse concluent-ils en chœur. Une nouvelle fois les explications sont idéalistes c’est-à-dire qu’elles évacuent les bases matérielles du comportement des citoyens et de la jeunesse.


     

    Revenir à une approche matérialiste

     

    L’idéalisme est cette approche philosophique qui explique les comportements humains à partir des idées, de « l’esprit », des représentations, des « valeurs ». Il a comme avantage pour les classes dominantes d’occulter les bases matérielles des comportements humains c’est-à-dire pour notre sujet les injustices, les inégalités sociales, les discriminations sexistes et racistes. Revenir à une approche matérialiste c’est-à-dire expliquer les « idées », les « représentations » et les « valeurs » à partir des faits matériels est donc une nécessité pour comprendre et transformer le monde.

    Or dans ce domaine de nombreux faits éclairent l’abstention des classes populaires et plus particulièrement de ses jeunesses. Citons quelques exemples : plus de la moitié des personnes pauvres ont moins de 30 ans (4), plus d’un tiers des 15- 29 ans occupe un emploi précaire (3), 23, 7 % des jeunes est au chômage fin 2014 contre 9,9 % pour l’ensemble des actifs (5), etc. La dégradation des conditions matérielles est telle que les associations caritatives tirent depuis plusieurs années la sonnette d’alarme :

     

    « plus d’un jeune sur 5 est concerné […] », « ils sont aujourd’hui les plus touchés par la pauvreté, bien plus que les personnes âgées », « les 18-25 ans représentent 12 % des bénéficiaires de l’aide » rappelle le Secours Catholique (6).

    Inutile de préciser que si ces jeunes sont issus de l’immigration ces chiffres doivent encore être augmentés :

     

    « Une étude de France Stratégie (le Commissariat général à la stratégie et à la prospective) publiée hier dresse un bilan bien sombre de la politique d’intégration en France. Intitulée Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ?, cette étude livre des résultats qui, s’ils ne sont pas surprenants, sont néanmoins inquiétants. Dans tous les domaines – éducation, logement, emploi, citoyenneté, santé… – les jeunes issus de familles immigrées, et singulièrement africaines et maghrébines, sont moins, voire beaucoup moins bien placés que des jeunes « sans ascendance migratoire directe (7) ».

    C’est dans ce contexte matériel que se forgent les rapports au monde, les idées, les désirs, les sentiments, etc., des nouvelles générations. Nul besoin d’invoquer un « esprit » ou des « valeurs » supposées en crise de transmission pour comprendre les effets de subjectivité d’une telle dégradation des conditions d’existence. Les jeunesses sont tout à la fois dans un rapport pessimiste à l’avenir et dans une colère sociale massive.

    Une enquête d’opinion intitulée « Génération Quoi ? » réalisée par sondage avec un échantillon de 210 000 répondants de 18 à 35 ans résume cette subjectivité des jeunesses comme suit : 61 % des interrogés se déclarent prêt à participer « à un mouvement de révolte type Mai 68 demain ou dans les prochains mois » (66% des intérimaires, 63% des chômeurs, 60% des étudiants et même 54% des CDI) (8).

    De nombreux manifestants sont, à l’évidence, beaucoup plus matérialistes que nos « chroniqueurs » et ministres en criant le slogan : « qui sème la misère, récolte la colère ».


     

    Explosion, implosion et séparation sociale et politique

     

    Il ne suffit pas que les bases matérielles d’une révolte existent pour que celle-ci devienne réalité. La possibilité ne signifie pas automatiquement l’effectivité. Les mêmes conditions matérielles peuvent s’exprimer sous la forme de l’explosion sociale comme en novembre 2005 mais également sous celle de l’implosion c’est-à-dire de la violence retournée contre soi ou dans les rapports sociaux de proximité comme nous le constatons quotidiennement dans nos quartiers populaires. Elles peuvent également conduire à des comportements nihilistes dans une recherche éperdue d’un sens à une existence devenue insupportable. Elles peuvent enfin se traduire par un séparatisme social et politique consistant à « bricoler » son existence sans tenir compte de la société officielle. Il est inutile de rechercher une quelconque homogénéité de comportements en réaction à ces conditions d’existence destructrices. Chacun s’oriente dans telle ou telle direction en fonction de sa trajectoire, des ressources relationnelles qu’elle contient ou non, des offres de canal d’expression de la colère qu’elle croise sur son chemin ou non, de la densité de ses liens sociaux ou de son degré d’isolement, etc.

    L’idéologie dominante s’attache par l’outil des médias de masses à séparer les différentes formes d’expression des mêmes causalités. Elle s’évertue à proposer des causalités individuelles et/ou culturelles en lieu et place des explications sociales et économiques c’est-à-dire à diffuser des grilles idéalistes de lecture. Elle s’efforce de masquer l’historicité de ces différentes formes afin de les faire apparaître comme des surgissements imprévisibles, inattendues, voir inexplicables rationnellement. Elle nous habitue à inverser l’ordre des causes et des conséquences et ce faisant à construire les victimes de l’inégalité sociale comme des coupables. Elle diffuse de la peur pour unir ceux qui devraient être divisés (les dominants et les dominés blancs et assimilés) et diviser ceux qui devraient être unis (les salariés et les chômeurs, les jeunes et les moins jeunes, les français et les immigrés, les sans-papiers et les autres, les musulmans et les autres, les Rroms et les autres, etc.). Elle diffuse des débats écrans visant à voiler la réalité et à imposer un autre agenda des priorités que celui qui émerge de la vie quotidienne concrète.

    Si l’action de l’idéologie dominante décuplée par la puissance de feu des médias de masse est pour l’instant suffisante pour empêcher l’émergence d’une offensive des dominés, elle est cependant insuffisante pour produire une adhésion au système social, à ses prétendus « valeurs », à ses modes de gestion politique. Nous sommes bien en présence d’une crise de l’hégémonie culturelle des classes dominantes, une partie grandissante de notre société ne se reconnaissant plus dans le « consensus » proposé. C’est à notre sens dans ce rejet direct ou indirect du consensus idéologique dominant qu’il faut rechercher les causes de l’abstention de fractions entières des classes populaires : les jeunes, les citoyens issus de l’immigration, les plus paupérisées des classes populaires blanches.

    Gramsci soulignait en son temps que la domination reposait sur deux piliers. Le premier est celui de la force qui agit dans la « société politique » (avec ses institutions : l’armée, la police, la justice). Le second est le consentement qui agit dans la « société civile » (avec ses institutions que sont l’école, les médias et tous les autres appareils idéologiques d’Etat au sens d’Althusser). C’est ce second pilier qui est aujourd’hui en crise. Par la révolte ou par le séparatisme social, une partie importante de notre société tend à échapper aux processus de légitimation de l’ordre social. Le besoin de produire de nouveaux processus d’intériorisation de la domination est grandissant pour la classe dominante.

     

    Les « valeurs de la république », la « laïcité », « l’instruction civique et morale », etc., sont autant de tentatives visant à retrouver un consentement minimum des dominés.

     

    Du « Je suis Charlie » aux « valeurs de la République »

     

    Si le « je suis Charlie » s’est conjoncturellement traduit par un « esprit du 11 janvier » qu’il s’agissait de préserver, l’outil de cette opération de sauvegarde est désormais trouvé : la défense et l’inculcation des « valeurs de la république » par les appareils idéologiques d’Etat et en premier lieu l’école. Les enseignants se voient ainsi ajouter une série de missions par la réunion interministérielle du 6 mars 2015. Le document intitulé « égalité et citoyenneté : la République an actes » (9) présente une série de mesures qui visent à transformer explicitement les enseignants en outils d’une nouvelle offensive idéologique.

    Le document programme commence par un regard lucide sur la réalité :

     

    « Pour une majorité de nos concitoyens, la République est devenue souvent une illusion. Etre comme assigné à son lieu de résidence ; se sentir bloqué, entravé dans ses projets ; être condamné à la précarité des petits boulots ; voir l’échec scolaire de son enfant sans pouvoir l’aider ; se dire que son propre destin est joué d’avance : voilà ce que vivent des habitants, dans des quartiers, en périphérie des grandes villes, mais aussi dans les territoires ruraux ou dans les Outre-mer.(10) » .

    Ce premier constat permet de saisir la dernière différence entre le gouvernement Sarkozy et le gouvernement Hollande. Le premier nie la réalité. Le second la reconnaît mais sans en citer les causes. Ainsi Valls reconnaissait lors de ses vœux à la presse, le 20 janvier 2015, l’existence d’un « apartheid territorial, social, ethnique » sans en analyser les causes.

     

    Ce premier constat sans causes est immédiatement complété par un second, ledit « malaise démocratique : l’abstention toujours croissante, la crise de confiance entre les Français et leurs institutions, entre les Français et leurs élus. Il y a plus largement une crise de la représentation, qui touche tous les corps intermédiaires. (11) »

     

    Ces deux constats s’ajoutent, dit le document, c’est-à-dire qu’ils sont présentés comme n’ayant aucun lien entre eux. Ne pouvant pas agir sur le premier constat du fait de ses choix économique libéraux, le gouvernement Valls-Hollande mandate les enseignants pour agir sur le second.

    Il est ainsi demandé aux enseignants pêle-mêle de « mettre la laïcité et la transmission des valeurs républicaines au cœur de la mobilisation de l’école », de « développer la citoyenneté et la culture de l’engagement » et de « renforcer le sentiment d’appartenance à la République ». Pour ce faire, ils auront à dispenser un « nouvel enseignement moral et civique dans toutes les classes de l’école élémentaire à la classe de Terminale ».

     

    Comme si cela ne suffisait pas, les enseignants auront également à « faciliter la compréhension et la célébration des rites et symboles de la République (hymne national, drapeau, devise) » et à emmener leurs élèves en mairie pour assister à des « cérémonies de naturalisation (12) ».

     

    Terminons en citant le « rôle et la place » de l’école que formalise le document : « L’École doit être, et sera en première ligne, avec fermeté, discernement et pédagogie, pour répondre au défi républicain, parce que c’est son identité et sa mission profonde (13) ».

     

    Le reste du document est tout autant questionnant mais dépasse la seule sphère de l’école : « réaffirmer la laïcité comme une valeur fondamentale de la fonction publique », « faire connaître la laïcité dans le monde de l’entreprise », etc.

    Ces quelques citations suffisent à illustrer la volonté de faire de l’école une machine d’inculcation idéologique active de l’idéologie dominante comme au temps béni de la troisième république coloniale et guerrière. Il s’agit également de faire des enseignants des outils d’une hypocrisie appelant à la fois les nouvelles générations à croire aux « valeurs de la République » et à « avoir envie de devenir milliardaires (14) » selon le mot d’Emmanuel Macron.

    L’inflation des discours sur les « valeurs de la république » allant de Marine Le Pen à Hollande, le consensus encore plus large sur la laïcité en danger qu’il faudrait défendre, la quasi-unanimité pour soutenir les nouvelles guerres coloniales, etc., révèlent l’illusion de combattre les effets sans s’attaquer aux causes. Il s’agit d’hypocrisie généralisée qui comme le soulignait Césaire est d’autant plus odieuse qu’elle ne trompe plus :

     

    « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. Le fait est que la civilisation dite « européenne », la civilisation « occidentale », telle que l’ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial ; que, déférée à la barre de la « raison » comme à la barre de la « conscience », cette Europe-là est impuissante à se justifier ; et que, de plus en plus, elle se réfugie dans une hypocrisie d’autant plus odieuse qu’elle a de moins en moins chance de tromper. (15) »

    Si les enseignants ne sont pas en mesure de refuser cette injonction à l’endoctrinement idéologique, ils deviendront des otages instrumentalisés d’une classe dominante tentant par tous les moyens hypocrites de ressouder une hégémonie culturelle défaillante. Comme le souligne un groupe d’enseignants dans Médiapart : « les élèves n’ont pas besoin comme on l’entend un peu partout d’un surcroît d’éducation civique ou cours de « fait religieux » qui ne seront qu’un inutile pansement supplémentaire sur un cadre et des programmes scolaires déjà largement inadaptés (16). »

     

    L’enjeu est de taille compte-tenu d’une méfiance réelle déjà existante entre les classes populaires et l’institution scolaire (liée à la sélection, aux inégalités scolaires, aux orientations perçues comme discriminantes, etc.) qui s’est encore renforcée ces dernières années avec les multiples « affaires du foulard »

    Notes :

     

    1) Cécile Braconnier et Jean Yves Dormagen, La démocratie de l’abstention : Aux origines de la démobilisation électorale, Folio Actuel, Paris, 2007.

     

    2) Départementale 2015 : le taux d’abstention a atteint 50,02 %, enquête opinionway, http://www.europe1.fr/politique/dep..., consulté le 31 mars 2015 à 10h 30.

     

    3) La pauvreté selon l’âge, http://www.inegalites.fr/spip.php?p...

     

    4) La précarité de l’emploi selon l’âge, consulté le 31 mars à 11 h 20 http://www.inegalites.fr/spip.php?p..., consulté à 11 h 30.

     

    5) Le chômage est en hausse en France, http://www.challenges.fr/france/201..., consulté le 31 mars à 11 h 45.

     

    6) Pauvreté, La galère des 18-25 ans, http://www.letelegramme.fr/ig/gener..., consulté le 31 mars à 12 h 30.

     

    7) Pierre-Yves Cusset,Hélène Garner, Mohamed Harfi, Frédéric Lainé, David Marguerit, Note d’analyse - Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ?, mars 2015, http://www.strategie.gouv.fr/public...,

     

    8) Génération Quoi ? les ambivalences de la jeunesse en France, Consulté le compte rendu de Zineb Dryef, http://rue89.nouvelobs.com/2013/09/..., consulté le 31 mars à 13 h 30.

     

    9) http://www.gouvernement.fr/la-solut..., consulté le 31 mars à 16 h.

     

    10) Ibid, p. 5.

     

    11) Ibid, p. 5.

     

    12) Ibid, p. 11.

     

    13) Ibid, p.12.

     

    14) Interview au journal 3Les Echos » du 7 janvier 2015.

     

    15) Aimé Césaire, discours sur le colonialisme, Présence Africaine, Paris, 1950.

     

    16) Ce n’est pas des élèves dont nous avons peur, http://blogs.mediapart.fr/edition/l..., consulté le 31 mars à 16 h 30.

    Illustration réalisée par BAF.F !

    Source : Investig’Action

     

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  • La guerre saoudienne contre le Yémen et l’alliance des opportunistes

    site du PRCF : www.initiative-communiste.fr

    Par Hamdan AL Damiri

    Depuis une semaine se déroule devant nos yeux, une guerre destructive menée par l’Arabie saoudite et ses alliés, une guerre contre un pays voisin qui est le Yémen, un pays pauvre et important sur le plan géopolitique, une guerre qui vise à détruire ses infrastructures et surtout son armée, la plupart de ces alliés sont loin de Yémen, quel est leur intérêt d’envoyer leurs avions de chasse bombardant le territoire d’un pays dont ils ne sont pas en guerre? Qu’est qu’elle cherche réellement l’Arabie saoudite par sa guerre contre son voisin du sud ?

    Ces lignes tentent de répondre à ces deux questions principales, mais avant, je souhaite marquer mon dégout de rôle mensonger joué par la plupart des médias, une nouvelle fois, l’opinion publique est victime d’une manipulation médiatique mensongère, plusieurs points font partie de cette manipulation, il s’agit sans être complet:

    1) Les Houthis au Yémen sont-ils chiites et quelle est la vérité historique sur ce point ?

    Les Houthis sont partisans de Zaid Ibn Ali, considéré comme cinquième imam chez les musulmans chiites, c’est pourquoi depuis des siècles sont appelés les Zaydites , une partie des enseignements religieux dans lesquels s’inscrivent leurs convictions, se trouvent en partie chez les Sunnites, les Zaydites par exemple ne partagent pas avec les chiites majoritaire ( Duodécimaines) le grand principe de retour de douzième Imam disparu vers 873 (Al-Mahdi), leur approche sur les 3 premières Califes qui ont dirigés la communauté musulmane après la mort de prophète Mohammed est différente de celle des chiites musulmans majoritaire, ils ne croient plus au besoin de la présence d’une autorité religieuse chiite pour tous les chiites dans le monde, pour eux dans chaque pays, on peut choisir un Imam pour la communauté, d’autres points peuvent être également avancés pour conclure que les Zaydites, ne sont pas tout à fais des chiites même s’ils partagent avec eux la croyance de l’importance de place accordée à la famille d’Ali ( quatrième Calife et cousin de prophète ).

    Le nom Houthis (Zaydites) est très récent dans l’histoire du Yémen, c’est en 2001 que ce nom est utilisé par les médias, il s’agit de désigner les partisans de Hussein Badreddin AL-Hoithi, d’autre part les Zaydites ont gouverné le Yémen à partir de 898, c’est avec l’arrivée des militaires en 1962 et la création de la république arabe du Yémen, que le pouvoir de l’Imamat des Zaydites a connu sa fin.

    2) les Houthis sont-ils hostiles au régime saoudien et aux monarchies du Golfe parce qu’ils sont alliés de l’Iran ?

    Dans les années 60, l’Egypte de Nasser a envoyé ses troupes au Yémen pour donner un coup de main aux insurgés républicains qui voulaient abattre le régime de l’Imamat dirigé depuis des siècles par les Zaydites, il s’agit d’un système tribale féodal et rétrograde, ce sont les Zaydites (aujourd’hui les Houthis) qui ont combattu les troupes de Nasser avec l’aide militaire saoudienne, ils étaient le principale allié de la monarchie saoudienne contre le nationaliste arabe Nasser.

    Oui, pour la monarchie saoudienne, les amis et alliés d’hier sont les ennemies d’aujourd’hui, les Houthis quant à eux, ils n’ont pas changés depuis les années 60 leur croyances religieuses, les intérêts et alliances saoudiens ne sont plus les mêmes, c’est bien ça qui change dans les rapports entre les deux parties.

    Qu’est qu’ils cherchent les Houthis ? Deux choses, avoir un allié régional et avoir leur place dans un nouveau système politique yéménite, il faut reconnaitre que depuis les années 60, les Zaydites (Houthis) et leurs régions sont complètement ignorés et marginalisés par le pouvoir central à Sanaa.

    L’Iran est le seul pays qui leur apporte son soutien pour des raisons sans doute géopolitiques, l’Iran comme une puissance régionale importante et montante, cherche à s’assurer la présence d’acteurs régionaux à sa coté et pas contre lui, c’est une approche politique et pragmatique de sa part.

    3) Le président Mansour Hadi est le seul qui représente la légitimité au Yémen ?

    Revenant sur les événements de contestation contre le régime de Président Ali Saleh de 2011 à 2013, l’objectif de cette révolte très populaire dans lequel les Houthis étaient très mobilisés, est de renverser le régime sur place depuis 1978, néanmoins l’Arabie saoudite sous la bannière de conseil de coopération du Golf(CCG) est intervenue , elle a proposé une initiative qui remplace la tête du régime(Ali Saleh) par l’installation à la tête de l’Etat de vice-président

    ( Mansour Hadi), la durée de son mandat était fixée pour 2 ans et pendant lesquelles, un dialogue inter-yéménite dirigé par lui doit préparer et mettre en place un autre régime politique dont les bases doivent être acceptées par les différents partis dont Ansarollah (Parti politique des Houthis), l’objectif saoudien en mettant en avant cette initiative politique est double, d’un côté éviter l’arrivée au Yémen suite à la révolte populaire d’un régime politique hostile à la politique régionale de la monarchie saoudienne, et de l’autre côté maintenir ce pays sur le plan géopolitique dans le jardin arrière de l’Arabie saoudite, un peu comme le cas de certains pays de l’Amérique latine dans leurs liens avec les U.S.A pendant longtemps.

    Depuis deux ans , les partis Yéménites sont en dialogue sur les bases de l’initiative saoudienne sans arriver à un accord ,sur place les saoudiens ont mené une politique renforçant leurs alliés comme le président Hadi ,le parti de réforme ( Section des frères musulmans au Yémen) et une partie de tribus yéménites, cette politique de soutien logistique(armes et financements) visaient l’affaiblissement des Houthis et d’autres mouvements comme le parti de l’ex-président Ali Saleh, cette situation inacceptable pour les Houthis les a poussé vers la décision de prendre le pouvoir par les armes, ils sont arrivé à contrôler la capital Sanaa, cette prise de pouvoir partielle ne concernait pas l’ensemble de territoire Yéménite, la partie du sud de pays était resté en dehors de leur control, ils ont projeté de continuer leur avancement territoriale, depuis les combats n’ont pas cessé avec leurs opposants soutenus par l’Arabie saoudite, l’intervention saoudienne et leur alliés cherchent, à renverser la réalité sur le terrain qui est favorable militairement aux Houthis et à leur principal allié à savoir l’ex-président déchu Ali Saleh, celui-ci contrôle encore l’essentiel des unités de l’armée Yéménites, il s’agit de créer une nouvelle réalité qui ramène le Yémen sous le control total de la monarchie saoudienne.

    Les alliés de l’Arabie saoudite dans la tempête décisive(nom donné à l’agression saoudienne) sont tous sans exception des alliés hypocrites opportunistes, leurs intérêts sont financiers ou géopolitiques, pour certains l’aide financière saoudienne explique leur adhésion, d’autres l’objectif d’une nouvelle alliance régionale large se trouve derrière leur présence à cette alliance, ces pays sont (La Jordanie, l’Egypte, les Emirats arabes, le Qatar, le Bahreïn, la Turquie, le Pakistan, le Soudan, le Maroc et les différents mouvements de frères musulmans) et derrière lesquels se trouvent évidement les Etats Unis qui ont affiché leur soutien logistique aux bombardements.

    La guerre au Yémen cache la confortation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, ces deux pays où chacun se trouve dans une alliance régionale différente, tentent de renforcer leur influence au Yémen dont la place géographique contrôlant le détroit de Bab AL-Mandeb est très importante, un passage obligé vers le canal de Suez, par cette donnée géographique, le Yémen peut menacer le passage d’une partie importante de commerce mondiale dont 40% de l’exportation pétrolière des pays de Golf.

    L’offensive saoudienne a permis de mettre en place une alliance composée par des acteurs dont certains ont été en désaccord sur certains dossiers régionaux comme celui de la Syrie et de l’Irak, l’exemple de la présence de Soudan ,de la Turquie et de Qatar qui représentent un grand soutien aux groupes islamistes , ces pays ne partageaient pas avec l’Arabie saoudite et l’Egypte la même approche vis avis des mouvements islamistes des frères musulmans, le soutien apporté à cette offensive par les mouvements des frères musulmans comme le Hamas en Palestine, Al-Nahda en Tunisie et surtout le parti de réforme au Yémen( frère musulman), montre la possibilité d’une autre recomposition régionale et internationale, elle est chère aux américaines, il s’agit de recomposer les forces en place dans cette région du monde dans une nouvelle alliance plus large, les américains cherchent une recomposition dans laquelle les mouvements des frères musulmans ont leur place, et pourquoi pas être de nouveau dans le pouvoir dans certains pays, les Etats unis ne sont pas hostiles à l’arrivée des mouvements islamistes dites modérés comme les frères musulmans au pouvoir, les américains ont déjà montré cette position lors de l’expérience tunisienne et égyptienne. L’échec de leur stratégie en Syrie visant le renversement de régime du président Assad, le régime syrien n’est pas battu malgré tous les soutiens apportés par des pays de la région et de puissances internationales comme les Etats unis aux groupes armés des insurgés, la défaite amorcée en Irak de l’Etat islamique(Daêch ), les amènent à revoir de nouveau leur plan, ils ont besoin d’une grande alliance comme celle qui entoure la politique saoudienne au Yémen ,de leur point de vue, elle est plus prometteuse pour faire face à l’autre axe regroupant l’Iran, la Syrie, l’Irak officiel, Hezbollah au Liban et certains organisations palestiniennes.

    La guerre au Yémen par la force de la géographie est une guerre géopolitique, son peuple a toujours su résisté aux envahisseurs, c’est une réalité de son histoire, la force de pétrodollar des monarchies du golfe ne suffise pas de la modifier, l’hésitation saoudienne de lancer une agression terrestre, prouve les craintes saoudiennes de se retrouver dans une nouvelle braisière régionale, ces craintes sont renforcées par l’absence de candidats prêts de porter leur secours terrestre.

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  • Quand la CIA pirate votre Iphone : le totalitarisme US vous espionne

     #bigbrother #liberté #USA #dictature     

    site du PRCF : www.initiative-communiste.fr

    C’est grâce à l’exploitation des documents dévoilées par le lanceur d’alerte Edward Snwoden que le journal l’Intercept vient de révéler que la CIA a pour projet de pouvoir pénétrer dans chaque téléphone.

    Car la CIA ne se contente pas de pirater 70% des réseaux mobiles dans le monde.

    les USA écoutent peut être votre mobile, piratent votre smartphone

    C’est ainsi que dès 2006, l’agence d’espionnage américain a lancé un programme visant à pirater le système d’exploitation des téléphones mobiles de la marque à la pomme, mais également de ses ordinateurs et tablettes tactiles.

    A cette fin, la CIA aurait créé un environnement logiciel modifié pour les développeurs. Ce faisant, les applications créées par les développeurs donneraient ainsi un total accès aux données de l’appareil en désactivant ses fonctions de sécurité. Big Brother vous espionne ! C’est cela le capitalisme

    Cette campagne de piratage des Iphones, Ipad et compagnie aurait fait l’objet d’ailleurs d’une conférence en 2012 intitulée « Strawhorse: Attacking the MacOS and iOS Software Development » (cheval de Troie ; attaquer l’environnement logiciel de développement de Mac OS et iOS

    Plus largement, les services secrets américains et britanniques (NSA & BGCH) ont lancé conjointement une campagne pour pirater l’ensemble des téléphones portables dès 2010. Des virus ont ainsi été installés avec succès dans des Iphones dans le cadre de l’opération « Warrior pride » (fierté du guerrier) du GCHQ pour pouvoir pirater les communication privés de ces téléphones mobiles…

    Cela pose la question de la capacité des agences d’espionnage à espionner les utilisateurs de smartphones. Surtout que les agences disposent de moyens considérables pour pouvoir pirater l’ensemble des productions des principales fabriquants. En 2010, dans un de ces document, le GCHQ (agence d’espionnage des télécoms britannique) indiqué que le but ultime est d’ « exploiter n’importe quel téléphone, n’importe où n’importe quand ». Bref, nous sommes tous potentiellement sous écoute.

    A coté de ces industriels de l’écoute, de ces industriels du piratage, les libertés individuelles sont de faits fortement réduites, pour ne pas dire illusoires.  De fait, le système capitaliste apparait pour ce qu’il est, un système totalitaire et liberticide.

    Edward Snwoden : réfugié en Russie, menacé aux USA. Liberté ?

    Camp de la liberté et des droits de l’Homme le camp impérialiste capitaliste euroatlantique?

    Certainement pas. Comme en témoigne l’usage massif de la torture, dans des prisons secrètes avec l’active collaboration de l’ensemble des pays de l’OTAN.

    pourtant, la propagande anticommuniste n’a de cesse que de présenter les USA comme le premier défenseur de la liberté. Un pays qui demeure profondément raciste et où la lutte pour les droits civiques a été si sanglantes dans les dernières décennies. Un pays qui embastille ses opposants politique. N’oublions pas Mumia Abu Jamal.

    Mais l’exemple d ‘Edward Snowden est édifiant du sort réservé aux opposants politiques par les USA.

    C’est grâce à la conscience et au courage de ce lanceur d’alerte que tant de révélation sur les méthodes dignes des pires dictatures de l’impérialisme américain et de ses acolytes ont été dévoilées : mettant à jour la nature profondément totalitaire d’un régime prêt à tout pour maintenir sa domination. (retrouvez la liste des informations ici)

    « Je suis prêt à sacrifier tout cela parce que je ne peux, en mon âme et conscience, laisser le gouvernement américain détruire la vie privée, la liberté d’Internet et les libertés essentielles des gens du monde entier avec ce système énorme de surveillance qu’il est en train de bâtir secrètement » Ed Snowden Mai 2013

    De hauts responsables politiques américains, dont le candidat à la présidentielle Al Gore ont reconnu le service important rendu par Snowden « révélant le viol de lois importantes, dont des violations de la Constitution des États-Unis » .

    Cet ancien analyste de la CIA, menacé de représailles aux USA, a du s’enfuir des États-Unis. Il est aujourd’hui coincé en Russie, sous la menace des États-Unis et de leurs alliés. On se souvient de l’intervention minable des pays de l’Union Européenne dont la France, fermant leurs espaces aérien à l’avion du président Bolivien Evo Morales par crainte que ce dernier ne transporte Snowden en Equateur ou à Cuba. Si le Guardian et le Washington Post ont été récompensé du prix Pullitzer pour avoir publié les informations de Snowden, il faut noter que les autorités britanniques ont obligé le journal à détruire plus de 20 000 documents transmis par Snowden dans une tentative d’empêcher la publication de ces informations. C’est là la manière de défendre la liberté de la presse pour les capitalistes des pays de l’Axe Euro-Atlantique.

     

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  • Minsk II : Une réussite diplomatique menacée


    Par Robert Charvin

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    L'accord réalisé en mars-avril et qui doit être conclu en juin 2015 entre l'Iran et les Grandes Puissances, malgré la vive hostilité d'Israël, le peu d'empressement de la France et les réticences des États-Unis à lever les sanctions économiques en contre-partie des mesures acceptées par Téhéran dans le domaine nucléaire, constitue une exception dans la pratique euraméricaine.

     

    Photo : Archives Reuters

    « Les grandes puissances occidentales jouent sur un échiquier où l’Ukraine et l’ex-Yougoslavie apparaissent comme des pions. Il s’agit d’une répétition d’un scénario qui s’est produit en Yougoslavie et a mené à son éclatement pour des enjeux similaires : l’extension de l’OTAN et de l’Union Européenne ».

    Émir Kusturica, Metteur en scène

     

    Ces dernières décennies, violant le principe majeur de la Charte des Nations Unies dont la logique est celle, « horizontale », de la concertation entre peuples souverains et égaux, les États occidentaux ont tenté d’imposer par tous les moyens une gouvernance « supérieure » exerçant une autorité se voulant centralisée sur les peuples et les États, pour le plus grand intérêt des pouvoirs financiers et des grandes firmes transnationales.

    Le démantèlement des États-résistants, la création de nouveaux espaces (avec la complicité objective de forces islamistes) (1) facilitant les ingérences et les trafics de toute nature, ont constitué l’essentiel de la diplomatie guerrière de l’Occident : l’incapacité à maîtriser les situations créées (par exemple en Libye ou en Syrie, peut-être bientôt au Yémen), source d’un chaos destructeur est jugée préférable à l’existence de contre-pouvoirs.

    Le respect de l’esprit et surtout de la lettre de la loi internationale n’est plus une préoccupation. Le chapitre VI de la Charte axé sur la négociation est quasiment abandonné au profit d’un usage immédiat du chapitre VII visant à la sanction. S’y ajoute une idéologie de la « punition », comme si les puissances occidentales étaient légitiment fondées à donner des leçons de morale à la planète entière !

    La conclusion de l’Accord de Lausanne avec l’Iran est une anomalie comparée aux pratiques devenues « banales » recourant à la violence armée et aux embargos, comme en témoignent actuellement l’agression de l’Arabie Saoudite, des États du Golfe ainsi que de l’Égypte et du Maroc, soutenus par les États-Unis et Israël à l’encontre du peuple yéménite privé du droit de décider de son sort (2) et les sanctions économiques visant à « punir » la Russie de sa politique ukrainienne, sans que l’ONU, dans les deux cas, ait la moindre capacité à jouer son rôle.

    Dans les deux cas, la notion – contraire à toute logique juridique – de légitime défense préventive inspire les Puissances inquiètes de l’émergence d’une société internationale multipolaire, alors qu’un système impérial monolithique euraméricain avait été espéré dans les années 1990 après la disparition de l’URSS.

     

    Le caractère sommaire des analyses nord-américaines conjuguant les opérations anti-islamistes et le combat contre les forces de résistance pan-arabes en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban, dans une confusion qui ne rencontre pour limite que des intérêts à très court terme, rejoint celles de l’OTAN stimulées par la Pologne et des États baltes, fondamentalement anti-russes, en Ukraine.

    Les Accords de Minsk II représentent un échec de la diplomatie occidentale, mais un succès de l’esprit de conciliation.

    Tous les grands médias occidentaux, s’abreuvant auprès de l’OTAN (3), ont « travaillé » pour présenter la population russe d’Ukraine comme des étrangers et non comme des Ukrainiens favorables à une fédération à l’intérieur de leur pays et résistant au régime de coup d’état installé à Kiev, à la composition hétéroclite (4°.

    Loin de favoriser l’esprit de négociation qui aurait représenté une rupture avec les options militaristes dominantes de la France et des États-Unis, les médias n’ont cessé de diaboliser la Russie comme si elle menaçait toute l’Europe, d’occulter le chiffre réel des victimes civiles des bombardements par Kiev des provinces de l’Est de l’Ukraine, tout en minimisant les lourdes défaites de l’armée « régulière » incapable de rivaliser avec ceux qu’ils appellent les « rebelles » du Donbass.

    Le cessez-le-feu entré en vigueur rapidement après la signature de l’Accord de Minsk II a été néanmoins immédiatement jugé incertain voire illusoire, sans que la « responsabilité de protéger les civils » comme principe « juridique » majeur, si souvent invoqué avec force par ailleurs lorsque cela favorise la politique occidentale, ne présentât le moindre intérêt.

    Quant à la mise en œuvre des autres dispositions qu’ils prétendent avoir été « arrachées » à la Russie, les médias européens n’insistent que sur la position très réservée des États-Unis (non signataires) qui « jugeront aux actes », comme si le respect de l’accord ne dépendait que de la Russie et sur l’alourdissement éventuel des sanctions...5. Mme Merkel et F. Hollande, parties très actives au contentieux ukrainien, sont présentés comme des « médiateurs » pour « faire front face à Poutine ».

    Mais les médias audiovisuels, les plus influents auprès de l’opinion occidentale, se gardent de donner des informations sur le contenu de Minsk II. Or, le seul fait qu’un conflit armé de plus en plus dangereux au cœur de l’Europe ait pu faire l’objet d’une négociation constitue une rupture de la pratique occidentale devenue la règle ces dernières années, en Afghanistan, Irak, Libye, Mali, Centre Afrique, Syrie, etc. La Russie, mais aussi la capacité de résistance du peuple du Donbass qui a été en mesure de témoigner de son existence et donc de la légitimité de ses revendications, ont contraint au dialogue que Kiev refusait, appuyé par les États-Unis, la Pologne, la Roumanie et les États Baltes. Silence évidemment des médias occidentaux !

    Contrairement à ce que répète une certaine « élite » occidentale, ce n’est pas une agression qui a été stoppée par l’entente franco-allemande, mais c’est le retour à l’esprit de « guerre froide » qui a subi un échec.

    Néanmoins, le contenu de l’Accord de Minsk II est susceptible d’interprétations différentes sinon contradictoires.

     

    Quant à son application, elle est dangereusement menacée par la politique étasunienne et plus encore par les contradictions du régime de Kiev.

     

    1. Minsk II : des dispositions susceptibles d’interprétations diverses

     

    Après des milliers de morts (beaucoup plus que les chiffres officiels, en particulier pour les troupes de Kiev), et les dizaines de milliers de personnes déplacées, le cessez-le-feu est un acquis essentiel. Les milieux occidentaux autorisés si prompts à dénoncer les violations des droits de l’homme partout dans le monde auraient dû s’en féliciter hautement : la réserve a été la règle. Peut-être provenait-elle du fait des pertes importantes et des nombreuses défaites d’une armée « régulière » ukrainienne ayant une faible combativité (malgré l’assistance de forces spéciales de diverses origines) face à ceux que Kiev qualifie de « rebelles » ou de « terroristes », tandis que les Occidentaux se contentent du terme « séparatistes ». Avec le temps, les forces de Donetsk et de Loubansk n’ont en effet pas cessé de gagner du terrain : un arrêt des combats s’imposait pour éviter de nouvelles reculades.

    Malgré les titres des médias occidentaux (par exemple, celui du Monde, Paris, du 19 février 2015, osant, en première page, indiquer que Merkel et Hollande ont « arraché » à Poutine un « plan de paix ») le cessez-le-feu s’est imposé pour éviter un échec militaire de Kiev trop spectaculaire.

    Le retrait des armes lourdes et l’établissement d’une large zone de sécurité (de 50 à 140 km) entre les belligérants assure essentiellement la sécurité des villes de l’Est et de leur population civile. Le contrôle de la situation militaire « garanti » par l’OSCE est une concession russe : cette organisation qui aurait pu être une structure efficace de coexistence pacifique est en réalité très proche des Occidentaux. Son acceptation par la Russie est une des preuves qu’elle ne recherche aucune solution militaire.

    Minsk II prévoit qu’un dialogue doit s’instaurer sur les modalités des élections locales et sur la nature de « l’autonomie » des provinces de l’Est dont les forces ont accepté de ne pas revendiquer, comme c’était le cas jusque-là (comme d’ailleurs pour le Parti Communiste ukrainien), un système fédéral. Toutefois, cette « autonomie » n’est pas interprétée de la même façon par Kiev et par les représentants de Donetsk et de Loubansk. D’ores et déjà, cependant, il est prévu que la langue russe soit celle de Donetsk et de Loubansk et que les élus de ces provinces ne puissent être démis de leur fonction par Kiev avant la fin de leur mandat. Le Parlement de Kiev qui était tenu de voter dans les 30 jours, soit le 15 mars une loi mettant en œuvre cette obligation électorale et décentralisatrice n’y est pas parvenu : en Occident on a fait silence sur cette lourde entorse à Minsk II, conformément à la tradition médiatique établie durant toute la crise ukrainienne, seuls les Russes et les « rebelles » sont coupables ! Or, le Président Poroshenko et le Premier Ministre Iatseniouk sont en conflit et les milices d’extrême droite pèsent de tout leur poids sur l’application de l’Accord.

    Toute une série de mesures humanitaires ont aussi été décidées (grâce et amnistie pour les individus poursuivis, libération des prisonniers, protection des accès à l’aide humanitaire). Kiev a dû accepter, en conformité avec sa propre logique selon laquelle les provinces de l’Est sont parties intégrantes du territoire national, de rétablir les relations socio-économiques au bénéfice des populations de l’Est (relations bancaires, versement des retraites, des prestations sociales, etc.), en dépit de leur dissidence.

    Par contre, Kiev a obtenu que les frontières avec la Russie (400 km) soient placées sous le contrôle du pouvoir central (et non plus de l’OSCE). Toutefois, cette disposition n’est applicable qu’après les élections prévues et en collaboration avec les représentants élus du Donetsk et de Loubansk. A défaut du respect de ces dispositions associant l’État et l’Est, le contrôle de la frontière restera administré par les représentants locaux.

    S’ajoute à ces dispositions le retrait sans condition de toutes les forces étrangères et équipements militaires, sous le contrôle de l’OSCE, y compris les mercenaires de tout bord et les individus et conseillers militaires de toutes catégories.

    Simultanément, les États-Unis – qui ne se considèrent jamais liés par aucun accord multilatéral – interviennent sans respect de Minsk II, en participant à la formation de troupes de choc ukrainiennes et en fournissant des armes à Kiev, malgré le désaccord de la France et de l’Allemagne. Ils poussent le paradoxe de ne pas lever les sanctions prises contre la Russie comme si elles n’avaient qu’une relation très indirecte avec la crise ukrainienne. C’est qu’en effet, elles sont nuisibles surtout aux économies russes et européennes !

    Enfin, avant la fin de 2015, une réforme constitutionnelle doit institutionnaliser l’autonomie de l’Est, tandis que le Groupe de Travail réunissant l’Ukraine, la Russie et les deux « Républiques Populaires » de l’Est doit parvenir à régler définitivement les contentieux.

    Ces dispositions sont mises en œuvre dans le cadre de la Déclaration du 12 février 2015 qui réaffirmait « la souveraineté et l’intégrité » du territoire de l’Ukraine, l’exigence de solutions exclusivement politiques et non militaires, le dialogue entre l’Union Européenne, l’Ukraine et la Russie, avec en perspective la création d’un « espace commun de l’Atlantique au Pacifique », conformément aux principes du droit international et de l’Union Européenne.

     

    2. Les menaces sur Minsk II

     

    Comme c’est le cas pour tout accord conclus entre adversaires, les arrière-pensées ne manquent pas. Chaque partie demeure sur ses gardes.

    Il est clair que la Russie demain comme hier ne peut accepter à ses frontières des installations militaires hostiles (6), c’est-à-dire celles de l’OTAN, malgré les encouragements en ce sens développés par la Pologne, les États Baltes et la Roumanie qui entendent ainsi manifester leur existence au cœur des relations internationales.

    En tout état de cause, on ne peut cependant attribuer à la Russie une pleine responsabilité : les actes des deux « Républiques Populaires » autoproclamées ne sont pas placés sous la pleine maîtrise des autorités russes (7).

    Les populations locales, par les élections qui, en pleine guerre, ont désigné en masse leurs représentants opposés à Kiev et surtout par leur résistance militante de l’ensemble des civils sous les bombardements de l’artillerie de Kiev, constitutifs de crimes de guerre, ont témoigné d’une réelle volonté « d’autonomie » et certainement davantage. Dès l’origine, cependant, si la Russie entendait récupérer la Crimée artificiellement détachée de la patrie-mère, elle n’a jamais prétendu vouloir « annexer » le Donbass, alors qu’elle en a les moyens militaires et politiques.

    Vis-à-vis des populations de l’Est de l’Ukraine, la Russie, comme ne manquent pas de le faire les puissances occidentales dans diverses régions du monde, au gré de leurs intérêts, défend le droit des minorités russophones (comme elle le fait vis-à-vis des États Baltes) ce qui est parfaitement conforme à la légalité internationale8. Les préoccupations nationales, qu’il s’agisse du maintien de la paix face aux menaces explicites de l’OTAN9 ou des besoins économiques, l’emportent sur les appels des russophones de l’Est ukrainien. Toutefois, la Russie sait que Kiev, actuellement dans une situation financière, économique et sociale très difficile, partagée entre des courants bellicistes (10) et des instances plus prudentes, les uns et les autres étant liés aux Allemands et aux Américains, n’a pas réellement accepté de mettre en œuvre Minsk II. C’est donc vraisemblablement de manière réactive que la Russie déterminera sa conduite dans la période à venir (11).

    Kiev, si l’Occident lui en donne les moyens matériels, peut avoir la volonté de gommer Minsk II, en ne respectant pas l’esprit de l’accord, par exem gommer Minsk II, en ne respectant pas l’esprit de l’accord, par exemple, à propos des dispositions concernant « l’autonomie » de l’Est et le contrôle des frontières.

    C’est le rejet absolu du fédéralisme, qui fonctionne pourtant dans de nombreux États, malgré le risque d’un affrontement permanent et le refus de négocier avec les autorités des « Républiques Populaires de Donetsk et de Loubansk » qui créent les conditions d’une sécession définitive.

    Jacques Sapir le constate : « Kiev n’a nullement l’intention d’appliquer les clauses politiques de l’accord et refuse toute fédéralisation du pays. Dans ces conditions, la guerre reprendra inévitablement » (12).

    De plus, des contradictions se manifestent entre oligarques ukrainiens. Certains s’opposent à l’objectif-clé de l’Union Européenne et des États-Unis qui consiste à prendre le contrôle des entreprises énergétiques qui assurent le transport du gaz vers l’Ouest (13).

    Les relations internes des forces politiques dominantes à Kiev sont tout aussi contradictoires. Le parti néonazi Pravy Sektor, lié à l’état-major militaire, l’est aussi avec un oligarque du sud ukrainien, Kolomoisky, soucieux avant tout de conserver son fief d’Odessa. Des mercenaires, via des sociétés privées américaines, ont été embauchés et sont susceptibles de faire pression sur le Président Porochenko en faveur de la reprise des hostilités. Le maintien des sanctions européennes et américaines contre la Russie qui ont perdu leur fondement depuis l’accord conclu est un indicateur du caractère « provisoire » dans l’esprit des Occidentaux de l’Accord de Minsk, dans l’attente de nouveaux rapports de forces sur le terrain.

    L’OSCE n’a ni les moyens ni surtout l’objectivité nécessaire pour faire respecter Minsk II conformément aux intérêts du maintien de la paix (14).

    Quant aux moyens de la propagande étasunienne, ils sont d’un tel volume (par exemple, avec l’Atlantic Council), qu’il est possible aux États-Unis de développer une vaste campagne anti-russe dans l’ensemble de l’Europe justifiant une nouvelle politique de force.

    Enfin et surtout peut-être, le pouvoir de Kiev, en grande difficulté politique, économique et sociale, a besoin de mener une politique active de diversion pour se maintenir : l’ultra-nationalisme anti-russe et le sécuritarisme sont ses armes les plus efficaces pour se pérenniser. Sa consolidation peut exiger un nouvel affrontement armé et le refus de toute « autonomie » aux russophones de l’Est.

    L’affaire ukrainienne n’est pas une question isolée du contexte mondial. Elle ne peut être réglée comme s’il s’agissait d’un cas particulier. C’est globalement que les Grandes Puissances et leurs alliés respectifs peuvent faire évoluer les relations internationales vers une nouvelle coexistence pacifique, doublée d’une coopération plus développée, pour échapper à une nouvelle guerre froide, coûteuse pour tous économiquement, socialement, et plus encore dangereuse pour la paix.

    Une réponse à la situation de tension qui s’est développée entre les deux Europe ainsi qu’entre les États-Unis et la Russie pour le simple fait essentiel qu’elle se reconstitue en grande puissance, serait une nouvelle « Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe », inspirée de la Conférence d’Helsinki de 1975. La conclusion de l’Acte Final, signé le 1er août 1975, visait à restructurer, dans tous les domaines, les relations entre l’Est et l’Ouest. Cette Conférence d’Helsinki n’a abouti que parce que l’URSS avait fait preuve à son sujet d’une grande persévérance.

    « Helsinki II » devrait pouvoir, à l’occasion du quarantième anniversaire « d’Helsinki I », logiquement plus facilement qu’hier, réunir tous les États européens avec les mêmes préoccupation de développement commun, de détente politique et de maintien de la paix.

    Les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies (égalité souveraine des États, non recours à la menace ou à l’emploi de la force, non intervention dans les affaires intérieurs, règlement pacifique des différends, etc.),pourraient ainsi connaître une renaissance susceptible de sensibiliser tous les peuples concernés à condition qu’ils sachent se les approprier afin de leur donner la plus grande effectivité possible. La crise ukrainienne aurait donc été utile, en faisant progresser la société internationale toute entière.

     

    Notes :

     

    1) L’Histoire enseigne que, par exemple, l’Empire Ottoman, mosaïque de nature religieuse, adversaire des États européens, a été démantelé par la stimulation du nationalisme arabe et la création de plusieurs États placés longtemps sous la tutelle anglo-saxonne et française. Un processus inverse a été mis en œuvre contre les États-Nations lorsque ces derniers ont eu tendance à « se mettre à leur compte », les ingérences occidentale jouant alors la carte du religieux et des divisions de l’Islam !

    2) Israël, sous prétexte de jouer « sa survie » face à l’Iran, apporte son soutien à l’agression saoudienne et joue la « carte sunnite » pour favoriser un front anti-iranien. L’opération militaire saoudienne contre les Houthis profite à Al-Qaïda et à la branche la plus extrémiste du réseau sunnite.

    3) Voir, par exemple, Investig’Action. Atlantic Council : quand les médias français s’abreuvent directement à l’OTAN. L’Atlantic Council (fondé en 1961) est un « cercle de réflexion atlantiste » (animé notamment par Z. Brzezinski, Fogh Rasmussen, J.M. Barroso, etc.) dont les thèmes privilégiés sont la nécessité pour les États-Unis de conserver leur leadership et de favoriser les firmes transnationales.

    4) Le Président Poroshenko est plus à l’écoute des États-Unis que ne l’est le Premier Ministre, ultra-nationaliste et anti-russe, incarnant le « parti de la guerre ».

    5) Cf. par exemple, Le Monde du 13 et du 14 février 2015.

    6) Aucune grande puissance n’admet être menacée à ses frontières, en tout premier lieu les États-Unis : il convient de se remémorer, par exemple, l’affaire des fusées soviétiques devant s’installer à Cuba (c’est-à-dire à 250 km des côtes américaines) et les risques de troisième guerre mondiale que cela avait provoqué

    7) Il en est de même pour les forces d’extrême droite qui soutiennent le Premier Ministre du gouvernement de Kiev et qui n’apprécient pas le Président ukrainien.

    8) L’Occident a ainsi par exemple soutenu l’autonomie kurde en Irak, sans tenir compte de la volonté de Bagdad, et créé l’État du Kosovo, malgré l’opposition de Belgrade.

    9) Lors de la Conférence annuelle sur la sécurité, le 7 février 2015, à Munich, le Commandant en chef des forces de l’OTAN en Europe, le général P. Breadlove, a pu déclarer : « Nous ne devons pas exclure la possibilité d’un scénario militaire », rappelant les positions prises par les Occidentaux à la veille des guerres contre l’Irak et la Libye.

    10) Kiev développe, en dépit du silence médiatique occidental sur ses comportements, des attitudes directement inspirées par Pravy Sektor, force néonazie, rejoint pas le Ministre de la défense, conciliant avec des milices d’extrême-droite particulièrement anti-russes. La délégation ukrainienne à l’Assemblée Générale des Nations Unies a d’ailleurs voté (avec les États-Unis et le Canada et l’abstention des membres de l’Union Européenne) contre une résolution proposée par le Brésil et la Russie condamnant la glorification du nazisme de décembre 2014. Cf. L’Humanité. 6.1.2015.

    11) A la différence de l’Ukraine dont les « portes de sortie » de sa crise intérieure sont très limitées, la Russie, en dépit des difficultés dues au contexte économique mondial (prix du pétrole et du gaz, par exemple) et des sanctions économiques, travaille à l’édification (difficile mais réaliste) de différentes solutions (l’Union Économique Eurasiatique, les accords avec les Brics, le développement des relations économiques avec la Chine. Voir, par exemple, J. Verceuil dans Le Monde Diplomatique de février 2015).

    12) Voir RussEurope : blog de J. Sapir ; « Peut-on sauver l’accord de Minsk ? ».

    13) Dans la confusion, on constate en plus de la vague de démissions que connaissent plusieurs sociétés et administrations régionales, une vague de « décès » qui frappe les anciens cadres du parti des Régions (la formation de l’ex-Président) parmi lesquels M. Chechetov, S. Miller, A. Peklushenko, S. Walter, N. Sergienko, A. Kolesnik, A. Bordyuga.

    14) C’est ainsi que l’OSCE fait état régulièrement des différentes rencontres avec les différentes parties au conflit.

    Source : Investig’Action

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