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France - Page 3

  • L'OTAN au service des USA : vers la relance de la guerre froide ?

     

    L'OTAN

    Alors qu’en 1990, H.W.Bush promettait à Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’Est, celle-ci a intégré tous les pays de l’Est de l'Europe, anciennes républiques soviétiques. Au sommet de Varsovie les 8 et 9 juillet 2016, il est décidé de doter les États Baltes et la Pologne d'une force permanente de défense afin, selon, son secrétaire général, de négocier avec la Russie en position de force.

    Cet élargissement de l'OTAN n’est pas achevé puisque le PPP (Partenariat Pour la Paix) qu'elle dirige permet de monter « des accords de défense » avec, entre autres, les ex-Républiques soviétiques de l’Asie centrale (Azerbaïdjan, Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizstan).

    L’encerclement de la Russie serait la conséquence de son attitude expansionniste. Est-ce exact ?


    I ) Historique


    La fin de la Seconde Guerre Mondiale laisse en Europe un vainqueur prestigieux, l'URSS, situation qui n'est pas sans inquiéter les États-Unis. Ceux-ci développent une stratégie, s'appuyant sur l'Europe occidentale. C'est la politique de l'endiguement définie par le président H.Truman en 1947 : «Je crois que les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d'asservissement […] les protéger de l'avancée communiste». Ce discours pose les bases d'un monde coupé en deux blocs et une volonté des États-Unis d'organiser, de contrôler le bloc occidental. C'est en application de cette volonté que le plan Marshall sera proposé sous condition d'une entente européenne, ce qui aboutit en 1948 à la création de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), qui sera remplacée en 1961 par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). La première construction européenne naît sous l'impulsion des États-Unis et contre l'Union soviétique !

    Le volet militaire intégré naît le 4 avril 1949. Dix États d'Europe de l'Ouest (Belgique, Danemark, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni) concluent une alliance militaire défensive avec le Canada et les États-Unis : l'OTAN. Cette organisation intègre les armées européennes dans un système de défense sous commandement des États-Unis, alors seule puissance nucléaire, se portant garant de la défense d'un monde occidental désormais engagé dans la « guerre froide » contre l'URSS et ses alliés.

    Après l'intégration de la RFA (République fédérale allemande) dans l'OTAN le 9 mai 1955 l'URSS riposte et organise militairement son propre bloc par la création du Pacte de Varsovie le 14 mai 1955. Pour parfaire l'encerclement du bloc soviétique, les États-Unis mettent en place des clones de l'OTAN : l'Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est (OTASE) en 1954 et le Traité d'Organisation du Moyen Orient (ou pacte de Bagdad) l’année suivante.


    II) L'OTAN a perdu sa raison d'être


    Avec l'effondrement de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991, on pouvait légitimement espérer la fin du monde bipolaire et une organisation multipolaire des relations internationales. Dans ce cadre, l'OTAN - ayant perdu sa raison d'être : lutter contre une éventuelle attaque soviétique - aurait dû être dissoute. Mais la stratégie des États-Unis à travers l'OTAN est de profiter de la relative faiblesse de la Russie en pleine reconversion vers l'économie de marché, pour en provoquer le reflux (Roll Back). C'est à dire expulser la Russie de ses positions traditionnelles, créer une irréversibilité qui assurerait la position hégémonique de l'Empire américain. Dans cette stratégie anti russe l'OTAN tient un rôle de premier plan.

    Mais, l’ennemi ayant disparu, comment justifier la persistance de l'Alliance atlantique ?

    Les événements du 11 septembre 2001 à New York, permettront de substituer un nouvel ennemi à l'ancien : le TERRORISME. En effet, celui-ci peut frapper aveuglément, n'importe où, n'importe quand et menace donc les intérêts des pays occidentaux.

    Un tournant s'opère alors : l'OTAN, organisation en théorie défensive devient ouvertement une organisation militaire offensive, prompte à intervenir partout sur la planète. Pour ce faire, elle renforce ses structures politiques et militaires. Et les États-Unis obtiennent que les forces de l'OTAN puissent intervenir hors de leur zone géographique (l'Atlantique Nord). C'est ainsi que seront menées les guerres en Afghanistan(2001), Irak( 2003), Libye( 2011), Syrie (2011) et Ukraine (2014)...


    III) L'OTAN au service des États-Unis

     

    Les Etats-Unis se caractérisent selon E. Todd, "Après l’Empire" (2004) par une économie de prédation. Ils sont importateurs - donc dépendants de l'extérieur - de matières premières et énergétiques, de biens manufacturés et industriels. La lutte pour le contrôle des espaces économiques (surtout énergétiques) est donc vitale pour eux. L'arme commerciale et les divers traités de libre-échange que Washington signe tous azimuts doivent assurer la consolidation de leur hégémonie planétaire, hégémonie mondiale que l'OTAN leur permet de conforter.

    Pour ce faire Washington a installé des bases (terrestres, aériennes et navales) sur tous les continents : environ 800 en dehors des États-Unis. Dès 1954 le Pentagone entrepose des armes nucléaires dans plusieurs pays européens - en particulier en RFA et en Turquie - ce qui fait des États-Unis, le seul État nucléaire à stocker des armes nucléaires sur le territoire d'autres États. La France, quant à elle, en a accueilli sur son territoire jusqu'en 1959. Depuis 1991, cet arsenal a été réduit de 80 % .

    Ces bases européennes de l'OTAN sont dès le départ conçues pour permettre des interventions hors de l'Europe. En 1958, les États-Unis utilisent les bases françaises pour intervenir au Liban et en Jordanie. Les bases allemandes sont très utiles pendant la guerre au Vietnam et les frappes contre Tripoli et Benghazi en 1986 sont menées à partir des bases britanniques.


    IV) OTAN et ONU

     

    L'OTAN s'est auto-proclamée « bras armé de l'ONU » et c'est la seule alliance militaire à laquelle l'ONU accorde la possibilité de mener des opérations internationales y compris en dehors de son aire géographique. A-t-on oublié que OTAN signifie Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ? … En 2003, en Afghanistan, l'OTAN effectue sa première intervention hors du cadre euratlantique.

    Mais au-delà de cette « délégation » d'intervention, l'OTAN, dont le commandement général est étasunien, se prétend institution mondiale, « gendarme du monde » et s'affranchit des résolutions de l'ONU. Ainsi au nom de la sécurité du monde, l'OTAN s'arroge indûment des prérogatives qui sont celles du Conseil de Sécurité de l'ONU.

    Elle a ainsi souvent effectué des interventions militaires, des bombardements, sans aucun respect des résolutions votées par l'ONU. Et elle multiplie les violations de la Charte de l'ONU qui dit dans son article 2-4 que les États s'abstiennent, dans les relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force.


    V) Relance de la guerre froide ?

     

    «Il est indispensable que l'Amérique [puisse contrer ] toute tentative de restructuration impériale au centre de l'Eurasie, [ce] qui ferait obstacle à son objectif géostratégique numéro un : La mise sur pied d'un vaste système euro-atlantique...» Zbigniev Brzezinski « Le Grand échiquier » 2000 , p.121.

    Dans cette logique, pour ce conseiller de la Maison Blanche, l'Ukraine - comme l'Azerbaïdjan et l'Ouzbékistan - est un « pivot géopolitique », un État dont l'importance tient moins à sa puissance réelle qu'à sa situation géographique. L'Ukraine est alors au cœur des stratégies d'alliance opposant l'axe euro-atlantique sous domination des États-Unis et l'axe eurasien sous contrôle russe. Une Ukraine intégrée à l'OTAN aurait une capacité de nuisance sur l'acteur politique majeur qu'est redevenue la Russie. On comprend mieux la volonté farouche de rapprocher l'Ukraine de l'Union européenne via un contrat d'association et de libre échange, premier pas d'une intégration à l'OTAN, et « l'intérêt » des États-Unis pour la révolution kiévienne, comme pour les autres « révolutions colorées » !

    Poutine arrive au pouvoir en Russie en 2000, sa politique étrangère n'est en rien hostile à l'Occident car la Russie ambitionne une intégration croissante dans l'économie mondiale de marché. Le projet économique de Poutine est celui d'une « Union économique européenne de Lisbonne à Vladivostok ». Cette orientation remettrait forcément en cause la domination politico-stratégique des États-Unis et, via l'OTAN, en Europe. Surtout elle ouvrirait la voie à un ordre mondial multipolaire dans lequel l'ONU pourrait trouver toute sa place au détriment de l'organisation unilatérale voulue par les États-Unis.

    Pourtant, l'attentat terroriste du 11 septembre 2001 aurait pu donner une impulsion aux relations Russie/ États-Unis. Le 13 novembre Poutine et Bush publient une déclaration commune afin de mener une lutte conjointe contre le terrorisme. Le Conseil OTAN-Russie ( COR) est officiellement créé en 2002 date à laquelle Vladimir Poutine signe d'importants accords avec les pays membres de l'OTAN. Il ne s'oppose pas à l'installation de bases américaines en Asie centrale et à leur présence en Géorgie. A l'invasion de l'Irak par l'OTAN, en 2003, Poutine ne réagit pas. Mais cette « entente cordiale » ne va pas résister aux assauts des États-Unis...

    Les « révolutions de couleurs » en Géorgie (2003), en Ukraine (2004), au Kirghizistan (2005), soutenues et financées par Washington, vont marquer un tournant de la politique étrangère de Vladimir Poutine. La pression engagée par le Kremlin contre les ONG et les institutions financées par Washington (USAID, NED, …) et par l'Union européenne ne va dès lors cesser de s'amplifier.

    A Munich, en février 2007, Poutine dénonce la politique des États-Unis qu'il accuse de vouloir imposer leur système politique et de se lancer dans une nouvelle course aux armements avec leur projet de bouclier antimissiles, en Pologne et en Tchéquie.

    Après l'affrontement avec la Géorgie en 2008, l'OTAN suspend jusqu'en 2010 les réunions du COR. Nouvel accroc en 2014 suite au coup d'état occidental en Ukraine et au rattachement de la Crimée à la Russie, suspension du COR jusqu'en 2016...

    Enfin, dès 2011, la Syrie est une nouvelle source de tensions...(1)

    L'OTAN reproche à la Russie l'usage de la force vis à vis de ses voisins et estime qu'elle reste une menace potentielle. L'Alliance dénonce entre autre l'annexion de la Crimée. Mais que fait-elle du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » ? Le referendum de rattachement, proposant la réintégration de la Crimée à la Russie a recueilli 90% de OUI. Que reprochent les Occidentaux à la Russie ? D’avoir rompu avec la politique d’Eltsine et de défendre ses intérêts nationaux ?

    Baptisées « Anaconda » - du nom de ce reptile qui étouffe ses proies - les manœuvres d’une vingtaine d’armées de l’OTAN aux frontières de la Russie ont constitué « le plus grand exercice depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide ». Poutine réplique en installant des missiles iskander à Kaliningrad – l'enclave russe entre Pologne et la Lituanie. La tension monte...

    Le dernier sommet de l'OTAN - qui a lieu tous les deux ans - s'est déroulé du 8 au 10 juillet 2016 à Varsovie. Il y a été décidé un renforcement des capacités de commandement de l'Alliance en Europe du Nord et de l'Est, la validation du principe consistant à déployer par rotation une brigade blindée en Europe, c'est-à-dire 4000 hommes envoyés alternativement en Pologne et dans les Pays Baltes pour faire face à la menaçante Russie. C'est ainsi que 72 ans après l’échec des armées nazies devant Leningrad, des blindés allemands se déploient à 150 km de St Petersbourg, dans les Pays Baltes intégrés dans l'OTAN en 2004 et actuellement dirigés par des gouvernements d'extrême-droite.

    Nos médias n'en ont pas dit un mot mais nous étions en plein Euro-foot et Tour de France cycliste....

    Quant au gouvernement allemand il a adopté le 24 août un plan de défense civile appelant notamment les Allemands à stocker de l'eau à raison de "deux litres par personne et par jour sur une période de cinq jours". Les citoyens sont aussi appelés à stocker suffisamment de nourriture pour pouvoir s'alimenter pendant dix jours. Il prévoit aussi des plans d'urgence en cas d'une interruption de l'approvisionnement en eau ou en électricité ….


    VI ) Pourquoi la France doit sortir de l'OTAN ?

     

    Plusieurs raisons nous poussent à dire que la France n'a rien à faire dans cette organisation belliciste, dont le but évident est la domination mondiale avec pour objectif de supplanter l'ONU dans toutes les questions militaires, et d'encercler la Russie en se positionnant au plus près de ses frontières. Ces provocations ne font qu' exacerber les tensions internationales et incitent Vladimir Poutine à augmenter ses crédits militaires .

    Depuis que la France a rejoint le commandement intégré de l'OTAN en 2009 à l'occasion du sommet de Strasbourg, elle a accepté, de fait, une soumission à la politique étrangère définie par les États-Unis. Nous avons donc perdu notre indépendance militaire et politique et nous pouvons être entraînés dans des aventures guerrières inconsidérées. Ainsi nos armées sont allées en Afghanistan, en Libye, en Syrie …. Pour y défendre quelle cause? Sans parler du coût en hommes et en argent de ce genre de folies ! La France est responsable et coupable d'avoir contribué à déstabiliser ces pays où règne maintenant le chaos...

    La déclaration de De Gaulle lors de sa conférence de presse du 21 février 1966 annonçant la sortie de la France du commandement intégré de l'OTAN, reste d'une brûlante actualité : «…. voici que des conflits où l’Amérique s’engage […], risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est dans l’OTAN celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. […] Enfin, la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée. »

    Si la France quittait l'OTAN, imaginez le retentissement sur l'opinion mondiale d'une telle rupture aujourd'hui ! Ce serait un signe très fort pour faire avancer l'exigence d'une politique de paix mondiale et redonner à la France le rang de puissance prestigieuse. Qui a oublié le discours de Dominique de Villepin à l'ONU le 14 février 2003, annonçant que la France ne participerait pas à la guerre en Irak ? Ce discours inoubliable fut applaudi par tous sauf... par les Américains qui lancèrent une campagne de dénigrement de la France aux États-Unis. Et ce fut la dernière manifestation de la souveraineté de la France au plan international.

    Tout comme la Russie, la Chine fait l'objet d'une stratégie d'encerclement. Ce pays a déjà le premier PIB mondial derrière les États-Unis et il est prévu qu’il les dépassera d'ici quelques années. Les États-Unis pourront-ils alors maintenir cette suprématie du dollar qui fait leur force ?

    Aujourd'hui, on peut légitimement se demander jusqu’où ira l’obsession guerrière de l'OTAN si on n'y met pas fin. Jusqu’où ira la servilité européenne et française ? De plus en plus de voix exigent la sortie de la France de l'OTAN.

    MS21 s'est associé à un appel pluraliste lancé par le Comité Valmy en juin 2015 dénonçant l'existence de l'OTAN et appelant au retrait de nos armées du commandement intégré. (2)

    Cet appel est malheureusement aujourd'hui plus que jamais d'actualité


     

    (1) http://ms21.over-blog.com/2015/11/le-bourbier-syrien.html

    (2) http://ms21.over-blog.com/2015/06/l-otan-n-a-plus-raison-d-etre.html

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  • Comment la France passa de l’ère allemande à l’ère américaine

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    Dans deux de ses livres, Le choix de la Défaite : les élites françaises dans les années 1930 et De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3e République 1938-1940 (Paris, Armand Colin, 2010 et 2008), Annie Lacroix-Riz, spécialiste d’histoire contemporaine et professeur à l’université Paris 7, a expliqué comment, dans les années trente, l’élite de la société française – politiciens, militaires de haut rang, industriels, banquiers, le haut clergé, etc. – a voulu et planifié l’ « étrange défaite » de 1940. C’est par le biais de cette trahison que l’élite put triompher de l’« ennemi intérieur » gauchiste, empêcher d’autres réformes politiques et surtout sociales comme celles introduites par le Front Populaire, et éliminer le système, trop démocratique à son goût, de la 3e République en faveur du régime autoritaire et collaborateur de Vichy. Ce régime choya tous les éléments de l’élite du pays, mais surtout le patronat, et tandis qu’il fut un paradis pour celui-ci, il fut un enfer pour les salariés, et pour le peuple français en général ; Annie Lacroix-Riz l’a bien démontré dans un autre ouvrage, Industriels et banquiers sous l’Occupation (Armand Colin, Paris, 2013). Or, dans une toute nouvelle étude, Les Élites françaises entre 1940 et 1944 (Armand Colin, Paris, 2016), l’historienne se penche sur un autre aspect de la saga de la couche supérieure de la société française des années trente et quarante : leur passage de la tutelle allemande à la tutelle américaine.

    Les défaites subies par la Wehrmacht devant Moscou (fin 1941) et surtout Stalingrad (hiver 1942-1943) ainsi que l’entrée en guerre des États-Unis et le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (novembre 1942) firent comprendre à l’élite française que l’Allemagne perdrait la guerre et que l’inévitable victoire soviétique impliquerait fort probablement pour la France le triomphe de la Résistance, « majoritairement ouvrière et communiste », et par conséquent une épuration des collaborateurs et des changements révolutionnaires. Afin d’éviter un tel scénario, catastrophique pour eux-mêmes et pour leur ordre socio-économique, la majorité des politiciens, militaires, industriels, banquiers, et autres « gens très bien », responsables directement ou indirectement pour la trahison de 1940 et la politique collaboratrice, répressive et même meurtrière de Vichy, commencèrent à se dissocier discrètement de la tutelle allemande et à préparer un « avenir américain ». Ils espéraient que l’occupation allemande de la France serait suivie par une occupation américaine, ce qui éviterait des « désordres », mot de passe pour les changements révolutionnaires associés avec la Résistance; et dans le contexte d’une Pax Americana engendrée par une victoire américaine leurs péchés pro-nazis seraient pardonnés et oubliés, leur permettant de conserver les privilèges traditionnels et nouveaux dont ils avaient joui grâce à Vichy. Sous les auspices du nouveau tuteur américain, la France serait un « Vichy sans Vichy ».

    Il était possible de rêver à tout cela parce que les leaders américains détestaient également l’idée que, après le départ des Allemands, les Résistants communistes et autres puissent prendre le pouvoir en France, y provoquer des « mutations [politiques et socio-économiques] profondes » et ouvrir la porte à l’influence soviétique. À Washington on n’avait rien contre le régime de Vichy, avec lequel on maintenait jusqu’en janvier 1943 de bonnes relations diplomatiques ; et les autorités étatsuniennes, Roosevelt en tête, espéraient longtemps que dans l’après-guerre Pétain ou un des autres dirigeants vichyssois pas trop souillés par leur germanophilie – comme Weygand ou Darlan – resterait au pouvoir en France, peut-être après un léger « replâtrage parlementaire » du système vichyssois. « L’avenir américain » fut préparé dans des négociations en Afrique du Nord, où les É.-U. avaient plusieurs consulats, en Espagne et en Suisse, où Berne fut le pied-à-terre de l’agent secret étatsunien Allen Dulles, qui y « veillait à l’avenir de la France » et de l’Europe en général.

    Les Allemands étaient à la hauteur mais toléraient ces initiatives parce que l’élite du Reich préparait son propre « avenir américain », ce qui impliquait des industriels et banquiers allemands avec de bons contacts américains – y compris Dulles – et même des chefs de la SS/Gestapo. Afin de permettre à quelques-uns des plus fermes suppôts du nazisme au sein de de l’élite allemande, par exemple le banquier Hjalmar Schacht, de se poser en « résistants » quand le régime nazi s’écroulerait, on les enferma dans des camps de concentration comme Dachau, où ils étaient « entièrement séparés de la masse des détenus du camp proprement dit » et bien traités. De façon similaire, les autorités allemandes en France eurent la gentillesse d’arrêter de nombreux « collaborationnistes de premier plan » et de les « déporter » vers le Reich pour y attendre la fin de la guerre dans un confortable lieu de « détention d’honneur », par exemple des hôtels à Bad Godesberg et au Tyrol. Cette expérience devait servir de « brevet de ‘résistance’ » à ces personnages, leur permettant de poser en héros patriotiques à leur retour en France en 1945.

    Tandis qu’à l’occasion du choix du tuteur allemand comme « protecteur des coffre-forts » en 1940, « un chef français compatible avec le guide allemand » se tenait déjà prêt dans les coulisses, à savoir Pétain, la sélection d’un chef français compatible avec le nouveau guide américain était nettement moins facile. Le tandem de l’élite française et les autorités américaines détestaient celui qui apparaît aujourd’hui comme un choix manifeste, à savoir Charles de Gaulle, le chef des « Français libres ». La raison ? Ils le regardaient comme un « fourrier du bolchevisme », « un simple tremplin vers le pouvoir des communistes ». Ce n’est que très tard, à savoir le 23 octobre 1944, donc plusieurs mois après le débarquement en Normandie et le début de la libération du pays, que de Gaulle fut reconnu officiellement par Washington comme chef du Gouvernement provisoire de la République française. La chose devint possible à cause de plusieurs facteurs. Primo, les Américains ont fini par se rendre compte que le peuple français ne tolérerait pas qu’après le départ des Allemands « le tout-Vichy [fût] maintenu en place ». Ils ont compris que, inversement, de Gaulle bénéficiait d’une grande popularité et du soutien d’un grande partie de la Résistance. Par conséquent, ils avaient besoin de lui pour « neutraliser les communistes au lendemain des hostilités ». Secundo, de Gaulle négocia auprès de Roosevelt afin d’adopter une politique « normale », ne menaçant aucunement « le statu-quo socio-économique » ; et il donna des gages en « repêchant » de nombreux collaborateurs vichyssois qui avaient été les favoris des Américains.  Tertio, le chef des « Français libres » avait pris ses distances avec l’Union Soviétique. C’est ainsi que le gaullisme s’est « respectabilisé » et que de Gaulle est devenu « un leader de la droite », acceptable à élite française aussi bien qu’aux Américains, les successeurs des Allemands dans le rôle de « protecteurs » des intérêts de cette élite. Or, du point de vue des nouveaux vrais maîtres de la France – et de la plupart du reste de l’Europe – il fut et resta une sorte de « rebelle » qui continua longtemps à leur causer des ennuis.

    Les Élites françaises entre 1940 et 1944 est une étude surprenante, fascinante, rigoureusement et minutieusement documentée, comme les autres livres d’Annie Lacroix-Riz. De ceux-ci, il faut encore mentionner Aux origines du carcan européen (1900-1960) : La France sous influence allemande et américaine (Paris, Éditions Delga, 2014). On peut y apprendre comment, à la suite de la fin de la Seconde guerre mondiale, les États-Unis ont su consolider leur domination politique et économique de l’Europe occidentale par le biais de la création d’institutions européennes. Et ils l’ont fait en collaboration avec des élites françaises, allemandes et autres – y compris des collaborateurs vichyssois « recyclés » tels que Jean Monnet. Dans ce contexte aussi, leur ancien antagoniste, de Gaulle, leur a causé quelques ennuis.

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  • Leçons et conséquences d’un été révélateur : La construction progressive des conditions de pogromes

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    L’été 2016 a été marqué par trois faits de nature différente : un ignoble attentat endeuille le pays le 14 juillet, une loi détruisant le code du travail massivement rejetée par la population et les travailleurs est votée le 21 juillet et un arrêté municipal interdisant l’accès à la plage pour les femmes portant un « burkini » est pris à Cannes, déclenchant en quelques jours une véritable épidémie d’arrêtés similaires dans d’autres villes. Les réactions sociales et les commentaires politiques et médiatiques qui ont suivis ces trois événements constituent un excellent analyseur de l’état de notre société, des contradictions qui la traversent et des intérêts qui s’y affrontent.

     

    « Radicalisation rapide », stratégie de dissimulation et production d’une psychose collective

    Dès le 16 juillet le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve évoque la thèse d’une « radicalisation rapide » du chauffeur meurtrier accompagnée d’une série de précisions angoissantes :

    « Il n’était pas connu des services de renseignement car il ne s’était pas distingué, au cours des années passées, soit par des condamnations soit par son activité, par une adhésion à l’idéologie islamiste radicale […] Il semble qu’il se soit radicalisé très rapidement. En tous les cas, ce sont les premiers éléments qui apparaissent à travers les témoignages de son entourage […] des individus sensibles au message de Daesh s’engagent dans des actions extrêmement violentes sans nécessairement avoir participé aux combats, sans nécessairement avoir été entraînés […] La modalité de la commission de son crime odieux est elle-même nouvelle. » (1)

    La thèse de la « radicalisation rapide » est lourde de conséquences. Elle accrédite l’idée que tous les musulmans sont susceptibles de se transformer rapidement et brusquement en terroriste. Le danger est désormais partout où sont présent des musulmans ou supposés tels. L’heure est donc à la méfiance à chaque fois que l’on croise un musulman réel ou supposé. Bien sûr, on ajoutera systématiquement « qu’il faut veiller à ne pas faire d’amalgame » soulignant ainsi la conscience des effets probables d’une telle thèse.

    Le fait que le profil du tueur soit atypique (au regard de celui que nos médias dessinent depuis des années pour nous aider à repérer les « candidats au djihadisme ») renforce encore la production d’une psychose collective. On ne peut même plus reconnaître un musulman compatible avec la république à des faits simples comme « ne pas fréquenter une mosquée », « ne pas faire le Ramadan » ou « manger du porc ».

    Pendant près de deux semaines, des « experts » se sont succédé sur nos plateaux pour nous convaincre d’un danger multiforme nécessitant une méfiance permanente vis-à-vis de certains de nos concitoyens. La perle pour les spécialistes revient une nouvelle fois à Mohamed Sifaoui présenté par BFM TV comme « journaliste spécialiste du terrorisme islamique », qui estime que la radicalisation peut-être « instantanée » :

    « elle peut s’accomplir [la radicalisation] le jour même de l’attentat; car il est dit par les idéologues islamistes que l’attentat kamikaze, l’attentat martyre fait pardonner l’ensemble des péchés. » (2)

    Mais ce « spécialiste » ne se contente pas d’accélérer à l’extrême la rapidité de la radicalisation, il appelle dans la même émission ses confrères à ne pas chercher à comprendre le comportement du tueur à partir d’une « rationalité occidentale ».

    Nous avons donc à faire à des individus qui ne fonctionnent pas ni ne raisonnent comme nous. Ils sont extérieurs à notre monde, non produits par lui et inexplicables rationnellement. C’est ainsi que se construit une psychose collective qui élimine une partie de la population du « Nous » social. Or à chaque fois qu’il y a des processus d’exclusion d’un « Nous » social, il y a autorisation au passage à l’acte. Les conditions de possibilité d’un pogrom se réunissent par ce type de processus.

    Mais Mohamed Sifaoui ajoute un argument de taille : la stratégie de dissimulation. « La dissimulation est une technique que l’on apprend dans des manuels qui sont distribués par Daesh » développe-t-il dans la même émission. La thèse de la « préméditation dissimulée » s’ajoute immédiatement à celle de la « radicalisation rapide ».

    Le procureur de la république de Paris, Louis Molins, déclare dans une conférence de presse le 21 juillet qu’« il apparaît que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a envisagé son projet criminel plusieurs mois avant son passage à l’acte ». (3) Il annonce également la mise en détention provisoire de cinq suspects soupçonnés de complicité. Sans attendre de précisions les média dominants s’emballent. Les téléspectateurs et les lecteurs des grands médias apprennent un nouveau mot arabe : « La Taqiya ».L’hebdomadaire Mariane titre « Taqiya : la dissimulation comme nouvelle arme de guerre » en expliquant en chapeau d’article :

    « Certains terroristes l’utilisent comme stratégie pour passer sous les radars des renseignements, d’autres s’en servent comme un alibi pratique pour continuer de mener leur vie d’occidentalisés : dans tous les cas, la taqiya – l’art de la dissimulation – est prônée par l’Etat islamique pour ces « soldats de Dieu ». Enquête  ». (4)

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  • Tension à Caracas, France : un Etat policier, Valls et Sarko : même combat ? Les USA fabriquent les terroristes...

    Le Grand Soir
    Journal Militant d'Information Alternative
    SAMEDI 10 SEPTEMBRE 2016 - Halle Léo Ferré, espace Tourisme 14h00, à l’espace Débat Conf/Débat - "CUBA, LE GRAND CHANGEMENT ?" animé par Viktor Dedaj, du Grand Soir voir détails : http://www.legrandsoir.info/fete-de-l-huma-conf-debat-cuba-le-grand-ch... 15h00, à l’espace Débat Maxime Vivas dédicacera et présentera son dernier livre "Les Déchirures" http://www.legrandsoir.info/les-dechirures-de-maxime-vivas.html Lire la suite »
     
    Mouna ALNO-NAKHAL
    Ce qui se passe dans le nord de la Syrie, et plus particulièrement dans la région d’Alep, depuis la reddition des groupes terroristes retranchés à Daraya, échappe aux esprits superficiels des prétendus opposants révolutionnaires syriens qui pleurent à tour de rôle devant les écrans des canaux satellitaires saoudiens, et d’ailleurs, sur la défaite de leurs milices, car une entente a bien eu lieu entre les grands. Pour Nasser Kandil [1], cette entente se résume à dire que les Saoudiens auront à payer la (...) Lire la suite »
     
    Yann FIEVET
    Il parait que les Français ont besoin de se retrouver. C’est François Hollande qui nous l’a dit le 10 juillet dernier, quelques heures avant la finale de l’Euro 2016 de football qui allait opposer la France au Portugal. En fait, le Président de la République parlait à l’imparfait dans l’entretien qu’il donna ce jour-là au Journal du Dimanche : « Les Français avaient besoin de se retrouver. » Il espérait tellement la victoire de l’équipe de France qu’il n’était pas question d’en douter ne serait-ce qu’un (...) Lire la suite »
     
    MS21
    Aujourd’hui, 1er septembre 2016, une manifestation appelée « La prise de Caracas » est organisée par les partis d’opposition à Nicolas Maduro. Ces partis qui ont échoué à prendre le pouvoir par des voies démocratiques espèrent ainsi rééditer le coup d’État du 11 avril 2002 qui avait failli mettre un arrêt brutal au processus bolivarien mis en œuvre par le Président Hugo Chavez . Il faut rappeler qu’au Venezuela comme dans de nombreux pays d’Amérique latine, la classe dirigeante, lorsque ses intérêts lui (...) Lire la suite »
     
    Philippe Nadouce
    Julian Assange vient de fêter sa quatrième année de réclusion forcée dans l’ambassade d’Equateur à Londres. Les médias de marché, régulièrement le disent déprimé et malade ; ces rumeurs ne sont jamais confirmées par l’intéressé. Il semble au contraire plus actif que jamais. Cette interview[1] filmée dans son « bureau/salon » de l’ambassade le montre certes, vieilli, mais doué d’un esprit clair et concis. Le fondateur de WikiLeaks s’explique sur les rumeurs qui l’accusent de travailler pour M. Putin et ses (...) Lire la suite »
     
    France : installation d’un Etat policier. 4ième partie
    Jean-Claude PAYE
    Les prolongations de l’état d’urgence se succèdent à la suite d’une série d’attentats. Le nouvel état d’exception, justifié par un massacre précédent, est pourtant incapable de faire face aux nouvelles tueries. C’est pourtant son efficacité présupposée qui justifie chaque prolongation, installant, à chaque fois, de nouvelles mesures attentatoires aux libertés. Dans les faits, les dispositifs liberticides ne suivent pas les massacres, mais anticipent largement ceux-ci. Les premières mutations du code pénal et (...) Lire la suite »
     
    Jean ORTIZ
    Jamais la France n’aura eu un premier ministre aussi provocateur, méprisant, matamoresque, cynique... Comme Sarko et le FN, il a décidé que les prochaines présidentielles porteraient sur « l’identité », la « sécurité », la « nation », à la sauce ultra réact, reléguant ainsi la question des questions : la « question sociale »... La polémique sans cesse relancée, burinée, sur le « burkini » relève d’une offensive proche de la « révolution nationale » du bon maréchal. Bien qu’elle puisse apparaître burlesque, elle (...) Lire la suite »
     
    Il est temps de dire ce qui paraît désormais évident
    Andre VLTCHEK
    Si l’Occident en général, et les États-Unis en particulier, pliaient bagages et fichaient la paix au monde arabe et musulman, nous n’aurions probablement jamais eu toutes ces attaques terroristes qui secouent le monde, de l’Indonésie à la France. Il n’y aurait pas eu de Moudjahidin puis sa mutation vers al-Qaida ; ni en Afghanistan ni ailleurs. Il n’y aurait jamais eu un semblant d’ISIS (ou ISIL ou EI ou Daesh ou quelque soit son nom) en Syrie, en Irak, en Libye ou ailleurs. Et l’islam wahhabite (...) Lire la suite »
     
    Cyrus Mahboubian
    Dans le premier de deux articles, un Occidental, qui a une vaste expérience de terrain en Syrie et en Irak, explique que la compréhension de l’identité confessionnelle du Moyen-Orient par l’Occident est fausse. Il donne de nouvelles informations sur ces guerres civiles et leurs participants. Note de l’éditeur : Cet auteur écrit sous un nom de plume. Je connais l’identité de l’auteur et bien que ses arguments puissent susciter la controverse, j’ai confiance dans la qualité de ses sources et de son (...) Lire la suite »
     
    Luis BASURTO
    Et non, non, non... détrompez-vous ! Ce n'est pas win-win ! Dans ce bas-monde il y a de gagnants... parce qu’il y a de perdants ! Ces actionnaires et patrons heureux sont l'oligarchie planétaire, la nomenklatura capitaliste, la classe dominante bénéficiant de plus de quarante ans de néolibéralisme rampant, conquérant et triomphant. Les dividendes des actionnaires dans le monde sont en hausse en 2016. Donnant 372 milliards d’euros pour le deuxième trimestre de cette année (1). Un montant (...) Lire la suite »
     
    Moon of Alabama
    Tôt ce matin, la Turquie a envahi la Syrie. Un contingent de 1 500 « rebelles syriens » sponsorisés par les turcs, en fait des Islamistes venus du monde entier, étaient accompagnés par des forces spéciales turques et vingt tanks, pour prendre la ville de Jarablus, à la frontière turco-syrienne. Le mouvement avait été précédé d’une nuit de mise en jambes avec des tirs d’artillerie et des raids aériens. Peu après midi, le drapeau de la « révolution syrienne » et la bannière turque (!) flottaient sur la ville. (...) Lire la suite »
     
    Si la guerre avec la Russie éclate, à dessein ou par accident, les journalistes en porteront une grande part de responsabilité.
    John PILGER
    La disculpation d’un homme accusé du pire des crimes, le génocide, n’a pas fait les manchettes. Ni la BBC ni CNN n’en ont parlé. The Guardian s’est permis un bref commentaire. Un tel aveu officiel et rare fut, sans surprise, enterré ou occulté. Cela révélerait trop de choses sur les dirigeants du monde. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a discrètement blanchi le feu président serbe, Slobodan Milosevic, de crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie de 1992 à 1995, y (...) Lire la suite »

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  • Déchainement médiatique en France au sujet du Burkini


    plages
     

    Cela marche à fond, le ridicule ne tue pas.

    Désigner un bouc émissaire est payant. Une pause estivale où tout le monde est découragé par les morts et les attentats, une rentrée sociale difficile qui se profile : le moment est bien choisi. Pour les médias, cela fait vendre du papier, qu’on soit pour ou contre l’interdiction du maillot couvrant, tout le monde a une opinion. Ce n’est pas compliqué, il n’y a pas de données économiques ou géostratégiques à comprendre.

    Le tourisme est en baisse, cela fait parler de son bout de plage française, au risque de se couvrir de ridicule à l’étranger et de voir, plus tard, fuir les mêmes touristes.

    Pour le moment, les affaires marchent. On ne parle plus de la politique guerrière de François Hollande après Nice. Manuel Valls se faisait huer? Il récupèrera des sympathisants en faisant des déclarations sur les « valeurs de la république » sans se soucier des libertés. Cela fait même oublier un peu le 49.3, la loi travail et le fait que Emmanuel Macron ne soit pas de gauche.

     

    Faire le jeu de la droite et des vrais extrémistes.

    Les élections approchent à grands pas et la menace « front national » se précise. Il est temps pour tout le monde, gauche et droite confondues, de grignoter de l’électorat de droite. Et cela plait, il suffit de voir à quel point le débat est suivi. Cela fait hélas aussi le jeu de Daesch qui peut encore plus facilement présenter les musulmans comme victimes de l’Occident décadent. «Pas d’amalgame» est loin. On mélange tout, il en sortira bien quelque chose.
     

    La laïcité

    La laïcité est devenue une nouvelle religion qui interdit toute distinction religieuse. Enfin, exclusivement vis à vis des musulmans. On n’a jamais verbalisé le port d’une croix au cou ou de la soutane. Mais il s’agit de femmes musulmanes, on se déchaine pour savoir ce qu’elles doivent porter. On exige l’assimilation, qui tend à faire disparaitre toute particularité religieuse ou culturelle, alors que l’intégration est respectueuse de tous.
    Pour les « nouveaux réactionnaires », la laïcité est devenue un instrument d’oppression des classes populaires musulmanes, qui font pourtant aussi partie de notre histoire européenne. Elles ont versé leur sang durant la plupart des guerres occidentales du 20ème siècle, elles ont participé à l’essor industriel de ces 100 dernières années en tant que travailleurs immigrés. Ce qu’on leur demande aujourd’hui, c’est de se rendre « invisibles » au nom de la laïcité. On oublie que la laïcité est avant tout la liberté de culte pour chacun et la recherche rationnelle du bien commun.
     

    Les valeurs de l’occident

    Les valeurs de l’occident seraient égratignées par quelques femmes voulant se baigner habillées?  La France, imprégnée des idées du siècle des lumières, a bien possédé des esclaves et a colonisé l’Afrique les armes à la main. Massacres de masse, enfumage des villages qui résistaient, têtes coupées exhibées en Algérie. Deux guerres mondiales. On massacre au gaz dans les tranchées, on envoie les « indigènes » se battre en première ligne, on fusille. Après ces périodes tragiques, rien n’est fini : massacres de Sétif et de Madagascar en 1947. Guerre d’Indochine. Plus proche de nous, interventions en Côte d’Ivoire, Irak, Mali, Centrafrique, Libye, Syrie. Laurent Fabius ira jusqu’à déclarer que Al Nosra y fait du bon travail. Parler des valeurs de l’Occident en ne prenant que des morceaux choisis et en oubliant les épisodes moins glorieux, c’est un peu facile.
    En matière de droit des femmes, on feint d’ignorer le nombre de victimes de violences conjugales en France, l’inégalité des salaires entre hommes et femmes et la composition aux trois-quarts masculine de nos gouvernements et conseils d’administration. On évite aussi de rappeler des cas comme celui de Dominique Strauss Khan qui avait pourtant trouvé des camarades de gauche pour le défendre. Enfin, l’héritage chrétien n’est pas vraiment un exemple en ce qui concerne l’égalité des sexes.
     

    La libération des femmes par la mode

    En 1958, on a organisé un dévoilement forcé en Algérie. Cela devait servir, entre autre, à mettre en scène les « bienfaits » du pouvoir français alors sur le déclin. En réaction, des algériennes qui ne portaient pas le voile se sont mises à s’en couvrir. Ceux qui prétendent «libérer» la femme musulmane ne se posent même pas la question de savoir si elles ne choisissent pas elles-mêmes leur manière de se vêtir.  Les croire totalement soumises au dictat de leurs maris-pères-et-frères est une méconnaissance totale du fonctionnement de ces familles. Enfin, vouloir libérer les femmes en les prenant d’emblée pour des idiotes est une démarche affreusement patriarcale.
     
    Prétendre ensuite que le petit maillot, bikini ou string sont des signes de libération, relève de la fantaisie la plus totale. Surtout lorsqu’on analyse les campagnes en faveur des régimes, épilations et produits de bronzage qui peuplent les magazines au printemps, afin de pouvoir présenter un corps parfait dans ce fameux mini bout de tissu. Parmi ces campagnes publicitaires, beaucoup présentent une image lamentable de la femme, déguisée, soumise à des clichés ou placée dans des situations qui suggèrent le sado-masochisme. La mode occidentale n’est pas exempte d’asservissements. Les talons hauts, jugés «sexy» par exemple : rappelons le cas de cette jeune femme licenciée (1) pour avoir refusé d’en porter au travail. Les hôtesses (de l’air, d’accueil…) ont l’obligation d’être maquillées. Ces exigences sont à l’évidence beaucoup plus connotées sexuellement que le port de la cravate et du costume pour les hommes.
     

    Nous n’avons pas de leçons à donner. Il est grand temps de remettre le respect des différences au centre de nos débats, d’ apprendre à vivre la diversité des cultures et des choix spirituels. Les paroles racistes, en particulier contre les musulmans et les immigrés sont de plus en plus nombreuses. A force de les désigner comme « bouc émissaire », on finira par oublier que nous devons rester unis contre les véritables responsables du démantèlement de nos acquis sociaux, des guerres et de la pauvreté.

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    (1) Nicola Thorp, une intérimaire londonienne de 27 ans , fut renvoyée chez elle sans salaire au motif qu’elle ne portait pas de talons hauts. «On attendait donc de moi de travailler neuf heures d’affilée debout à accompagner les clients en salle de réunion. Je n’aurais tout simplement pas été capable de faire cela en talons !»
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  • Vers un " Fascisme Démocratique " ?

    par Francis Arzalier

    Politiciens et maîtres des médias à leur service ont réussi à persuader la majorité des français que le monde se divise en deux catégories de pays, ceux, " démocratiques ", comme la France, qui utilisent le suffrage universel et le pluralisme des partis politiques pour adouber leurs dirigeants, et les autres, dictatures autoritaires qui ne respectent pas les " libertés ", notamment celle d'entreprendre. Cette version fait en fait peu de cas des réalités de l'histoire passée, et celles du présent.

    Les diverses variétés de régimes fascistes ont ensanglanté le xxeme siècle, imposant le silence à tous ceux qui contestaient le capitalisme, et massacrant par millions les minorités désignées par eux comme boucs émissaires, en vertu de doctrines racistes et antisémites.
    La plupart de ces fascismes, a commencer par le plus virulent, le nazisme, ont accédé au pouvoir à l'issue d'élections: ainsi, Hitler est devenu chancelier du Reich en Allemagne par un vote majoritaire du parlement, avec le soutien des autres partis de la droite allemande. Ce n'est qu'après qu'il élimina toutes les organisations antinazies, et expédia leurs militants en exil ou en camps de concentration.

    Les fascismes d'il y a 70 ans, vaincus a l'issue de la deuxième guerre mondiale, ne ressuscitent pas aujourd'hui a l'identique. Mais des régimes autoritaires, utilisant la terreur et la démagogie xénophobe pour perpétuer l’inégalité et le capitalisme ne manquent pas: une variété contemporaine de l'antique fascisme, en quelque sorte, a commencer par les intégrismes islamistes qui font subir à leurs peuples et aux opposants leur terreur, en prétendant la justifier par un islam falsifié.

    C'est le cas des champions mondiaux de l'exécution capitale qui gouvernent la riche monarchie d' Arabie Saoudite, et financent les fanatismes djihadistes en Afrique et en orient.

    Mais c'est aussi le cas du régime islamiste turc dirige par Erdogan, membre éminent de l'alliance occidentale OTAN, qui a été des années durant le soutien objectif de Daech contre l'état syrien et les kurdes tout en prétendant le contraire. Ce dernier, comme les nazis en 1933, est arrivé au pouvoir après des élections, s'y maintient par la démagogie et la manipulation du religieux, et aujourd'hui dévoile son vrai visage. À l'issue d'une tentative de coup d'état si maladroite qu'elle pourrait bien être une provocation, Erdogan a entamé l'élimination de tout ce qui ressemble à un contestataire: environ 50 000 personnes arrêtées, détenues ou chassées de leur emploi, dans l'armée, la magistrature, l'enseignement.. POUR Ceux qui ont un peu de mémoire, cela ressemble fort a l'incendie du Reichstag organisé par les nazis a Berlin pour éliminer leurs opposants. Heureusement, les oppositions turques organisent la riposte et manifestent dans la rue a Istanboul aux cris de " ni coup d'état, ni dictature du palais!", Même si les journalistes français n'en rendent guère compte...

    Plus au sud, le pouvoir israélien, lui aussi issu d'élections, S'enfonce de plus en plus dans la spoliation colonisatrice au détriment des palestiniens, et la justifie par un racisme affirmé ouvertement au sein du gouvernement par le ministre de la défense, le leader d'extrême droite Liberman.

    Plus au nord, le pouvoir en place à Kiev, issu d'un soulèvement armé pro-occidental a Kiev, noyauté par l'extrême droite nationaliste et pro-nazie, s'est acquis une virginité " démocratique " par des élections organisées dans la contrainte.

    En quelque sorte, quatre exemples parfaits d'un " néo-fascisme démocratique " contemporain, qui a les faveurs de l'occident impérialiste. Comme le disait richard Ninon il y a un demi siècle, " ce sont de foutus bâtards, mais ce sont nos bâtards!". Faut il rappeler que l’Arabie saoudite, la Turquie, Israël, et l’Ukraine anti russe, sont des alliés privilégiés du pouvoir de hollande et Valls? Et que la France, entre des attentats criminels successifs, honteusement instrumentalises vers la xénophobie sécuritaire par ses " élites " politiciennes et médiatiques, semble bien suivre le même chemin....Si nous ne savons l'empêcher.

     

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  • L’État dévasté

    libreechange
     

    Un constat fait consensus : la privatisation du monde anéantit la capacité normative des États. Les gouvernements et plus encore les parlements sont mis sous tutelle. Les élections sont le plus souvent vidées de leur sens. Les institutions publiques perdent leur pouvoir régulateur. Les frontières n’ont de signification que pour les pauvres de la planète : l’économie de marché est transnationale.


     

    L’État s’est désarmé face au chômage ; il ne maîtrise plus les politiques de croissance ; il perd ses ressources fiscales et ne peut plus assurer la survie des systèmes de protection sociale. Ces pertes le délégitiment aux yeux du plus grand nombre : « elles ne sont compensées par aucun équivalent fonctionnel », souligne Habermas.

     

    L’État n’est plus en mesure de maintenir une « communauté de volontés impures », selon la formule de Kant : les instincts et les perversions individuels, destructeurs de la société, ne sont plus contrecarrés par l’éthique de l’intérêt général et d’une quelconque solidarité sociale.

     

    Aux yeux des citoyens, la valeur de l’État s’approche de zéro[1]. Ils ont peur de l’insécurité sociale et des violences ponctuelles, telles que les attentats terroristes ; ils ne sont plus libres. Seuls les marchés financiers « surfent » sur un système socio-politique frappé d’anémie et en voie de démantèlement.

     

     

    1. Ce processus de démolition de l’État entraînant une décomposition au moins partielle de la société civile (ce qui contredit ceux qui y placent toutes leurs espérances) est le fruit de la logique du capitalisme financier : il est de nature complexe, relativement lent, car il est le fait de tous, à des degrés divers, bien que les acteurs principaux soient les grands groupes financiers.

     

    Nombre de citoyens acceptent de redevenir sujets, en espérant par leur docilité un servage sécurisé. Le discours et la pratique des syndicats réformistes les y encouragent. A défaut d’émancipation et des participation aux décisions, la démission et la passivité sont des « refuges » !

     

    La dévastation de l’État occidental suit ainsi un cours apparemment « naturel », avec un minimum de heurts et de réactions sociales et politiques. Cet État a néanmoins besoin d’ennemi pour exister encore ; il s’affirme avant tout « sécuritaire » et le politique se restreint de plus en plus à une surenchère dans le domaine de la surveillance, du renseignement et de la répression policière. Le terrorisme islamiste, issu d’une confessionnalisation du vieil affrontement des pauvres contre ceux qui le sont moins et qui expriment le délire du religieux lorsqu’il s’empare du politique, permet, un temps encore, à cet État déclinant de trouver une justification, appelant à une « union sacrée » droite-gauche, stratégie « classique » des temps de « guerre » !

     

    Ce sont les oligarques qui mènent le jeu : ils sont « apolitiques », s’affirmant les simples transcripteurs des « lois » qui gouvernent le devenir économique et social de l’Humanité. Leur obscurantisme prétend à la rationalité et toute idéologie (autre que la leur) est récusée. Ils ne sont ni du Nord, ni du Sud, et ne se rattachent à aucune école de pensée : la puissance et l’argent sont leurs seules raisons d’être.

     

    Leur « éthique » est la domination par tous les moyens : leurs enfants en font l’apprentissage dans quelques grandes écoles discriminantes comme dans leurs partouzes à Ibiza ou à St Barth, avant de prendre en main à leur tour les rênes des grands pouvoirs privés dont ils hériteront.

     

    Par contre, il subsiste dans le monde des États réticents vis-à-vis de la mondialisation. Leur mode de production, leur régime politique, leur niveau de développement sont différents, mais ils ont en commun le défaut majeur de constituer des espaces de « manques à gagner » pour les prédateurs que sont les grandes firmes privées et les Puissances qui les assistent, en premier lieu les États-Unis.

     

    Ces Obstacles, qualifiés souvent « d’Etats-voyous », constituant « l’axe du Mal » dans le monde, sont durement sanctionnés : les grands médias les discréditent, les embargos les paralysent, les ingérences de toutes sortes les déstabilisent, dont certaines consistent à assister les opposants ou à acheter des gouvernants.

     

    Si ces méthodes ne suffisent pas, le recours à la force armée est utilisé : l’armée chilienne « stimulée » par les États-Unis a ainsi liquidé en 1973 le pouvoir socialiste de S. Allende ; les armées occidentales et l’OTAN ont détruit les États arabes « non fiables » (l’Irak, la Libye, la Syrie, etc.) avec la complaisance d’Israël[2] et de la Turquie.

     

    Cette destruction des États « non fiables » n’est pas suivie d’une politique de reconstruction : le chaos est,, soit par volonté délibérée soit par indifférence, maintenu. Sans État organisé, les fractures internes de la population s’intensifient, se confessionnalisent et les pouvoirs privés occidentaux « récupèrent » : par exemple, le pétrole libyen est vendu par certaines milices à bas prix (environ 10 dollars le baril) aux grandes compagnies privées, notamment italiennes et américaines, privant l’économie nationale de recettes vitales[3].

     

    Les promesses occidentales de « démocratie » et de développement rapide ne sont pas tenues : le chaos à la libyenne ou à l’irakienne est lui-même très rentable, tout comme le servilisme instrumentalisé style Tchad, Gabon ou Côte d’Ivoire « ouattarisée »[4] !

     

    La société internationale est ainsi aujourd’hui composé de Grandes Puissances dont les principaux pouvoirs privés économiques déterminent l’essentiel des politiques étatiques, d’États satellisés, d’espaces (de plus en plus nombreux au Moyen Orient et en Afrique) où règne le chaos. Quelques États cependant surnagent en se refusant à la mondialisation sauvage qu’imposent quelques oligarques, leurs firmes et leurs auxiliaires publics.

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