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Le Grand SoirJournal Militant d'Information AlternativeCette semaineSeymour HERSHEn Juin 2011, il a été signalé dans le New York Times, le Washington Post et partout dans la presse pakistanaise, qu’Amir Aziz avait été détenu pour interrogation au Pakistan ; il était, disait-on, un informateur de la CIA qui avait espionné les allées et venues dans l’enceinte de Ben Laden. Aziz fut libéré, mais l’officiel à la retraite a dit que les services de renseignement américains étaient incapables de savoir qui avait divulgué l’information hautement classifiée sur sa participation à la mission. Les (...) Lire la suite »Moon of AlabamaL’article de Hersh* sur le meurtre d’Oussama ben Laden est vilipendé par les habituels journalistes-aux-ordres des médias dominants. Ils ont cru et "rapporté", la version que la Maison Blanche et la CIA leur avait donnée. Reconnaître que Hersh a largement raison, les embarrasserait trop. Mais ils auraient pu être plus prudents. Ce que dit Hersh n’est pas nouveau. C’est à peu près la même chose que ce que R.J. Hillhouse a dit en 2011. Ce qu’elle dit a été également largement confirmé par l’ancien (...) Lire la suite »Seymour HERSHLe débat interne dans les coulisses de la Maison Blanche commença dès qu’il fut établi que la mission avait réussi. Le corps de Ben Laden était supposé être en route pour l’Afghanistan. Obama devait-il respecter ses engagements auprès de Kayani et Pasha et prétendre environ une semaine plus tard que Ben Laden avait été tué dans une attaque de drone dans les montagnes, ou devait-il rendre cela public immédiatement ? Le crash d’hélicoptère permit aux conseillers politiques d’Obama de préconiser plus (...) Lire la suite »Seymour HERSHLa demeure de ben Laden se trouvait à moins de quatre kilomètres de l’Académie militaire du Pakistan, et un quartier général du bataillon de combat de l’armée pakistanaise se trouvait à environ un kilomètre et demi encore plus loin. Abbottabad est à moins de 15 minutes en hélicoptère de Tarbela Ghazi, une base importante pour les opérations clandestines de l’ISI et le site où sont formés ceux qui gardent l’arsenal nucléaire du Pakistan. « Ghazi est la première raison pour laquelle l’ISI a mis Ben Laden à (...) Lire la suite »Romaric Godin (La Tribune)Un rapport parlementaire islandais suggère de donner à la seule banque centrale le monopole de la création monétaire. Une vraie révolution, si l’idée était appliquée... Décidément, l’Islande est le pays de la créativité financière. Après avoir montré, en 2009, qu’il existait bien une alternative au transfert de la dette bancaire vers la dette publique, l’île nordique pourrait s’apprêter à réaliser une grande expérience monétaire. Le 31 mars dernier, en effet, le président du comité des affaires économiques de (...) Lire la suite »Maïté PINEROLes plumes crissent. Ne pas s’y arrêter serait bouder le plaisir devant la rage qu’elles traduisent. Ils n’en reviennent pas de ce qui se passe, est en train de se passer : Cuba a ouvert la brèche et capitalise des années de résistance, sa tradition solidaire, ses efforts et sa réussite pour construire, dans l’indifférence ignare des dirigeants européens, une intégration latino-américaine. Son prestige y est, comme jamais, incontournable. Times are changing… réécoutons Dylan. LA SOLIDARITE SANCTIFIEE (...) Lire la suite »Rosa LLORENSComme Domenico Losurdo a écrit une Contre-histoire du libéralisme, Howard Zinn avait publié en 1980 une contre-histoire des Etats-Unis (Une histoire populaire des Etats-Unis), en remplaçant l’histoire officielle des élites (les "chasseurs") et leurs triomphes, par celle du peuple (les "lapins") et ses luttes. Comme Balbastre et Kergoat pour Les Nouveaux Chiens de garde de Serge Halimi, Olivier Azam et Daniel Mermet ont transposé ce livre au cinéma. On est surpris (et cela montre à quel point (...) Lire la suite »Seymour HERSHLe célèbre journaliste américain Seymour Hersh vient de publier dans la London Review of Books un long article sur l’assassinat d’Oussama ben Laden, qui n’a pas manqué de faire réagir. Démenti par l’administration Obama, vertement critiqué par quelques journalistes, voire qualifié de théorie du complot par d’autres, l’article de Hersh sème une nouvelle fois le trouble dans la version déjà controversée de la mort d’Oussama ben Laden. Pourtant, le journaliste Matthew Cole de NBC News a confirmé certaines de (...) Lire la suite »Jean ORTIZDans cette lettre impertinente, notre ami Jean Ortiz imagine un courrier adressé depuis Cuba par François Hollande aux Français et à Manuel Valls. Un pur délire quasi-gauchiste, hilarant et finalement très politique. LGS. Mardi, 12 Mai, 2015 - 06:44 Déclaration de La Havane Mes chers compatriotes Caros compagneros Amis, camarades, concubins, maris sages, femmes savantes... Me voici enfin à La Havane, capitale du goulag tropical, avec danseuses de cabarets, mulâtresses révolutionnairement (...) Lire la suite »« Elles doivent mourir, et leurs maisons doivent être détruites de telle sorte qu’elles ne puissent plus abriter de terroristes. Elles sont toutes des ennemies, et leur sang devrait être sur nos mains. C’est aussi valable pour les mères des terroristes morts ». Le nouveau gouvernement israélien, le quatrième formé par Benjamin Netanyahou, est le plus droitier qui ait jamais gouverné Israël. Un symbole éloquent de ce nouveau glissement vers l’extrême-extrême-droite (sans Avigdor Lieberman !) est (...) Lire la suite »Monika Karbowska« Dites la vérité, dites surtout la vérité, toute la vérité ! Nos enfants étaient des gens bien ! Pas des clochards et des déclassés ! C’est tout le contraire, ils étaient ingénieurs en informatique, enseignant, poète, journaliste, designer étudiant… Dites la vérité, car sinon les fascistes vont vous rattraper aussi. Vous n’échapperez pas, ne le pensez pas que vous leur échapperez ! » L’émotion est tellement forte qu’il me semble impossible d’écrire le soir même, ici à Odessa, revenant avec les membres de la (...) Lire la suite »Salim LAMRANIAlors que François Hollande entame lundi une visite historique à Cuba, Salim Lamrani, docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines et spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis explique pourquoi les sanctions économiques des États-Unis constituent le principal obstacle au développement de Cuba. Les premières sanctions économiques ont été imposées à Cuba en 1960 par l’administration républicaine de Dwight D. Eisenhower, officiellement en raison du processus de nationalisations entrepris par (...) Lire la suite »Jacques SAPIREn ce 9 mai 2015, nous commémorions le 70ème anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie. Cette date restera dans les livres d’histoires comme celle ou ce que l’on appelle « l’occident », et qui n’est en réalité que le cercle des alliés européens des Etats-Unis à commis une faute politique majeure. Dans cette faute, la responsabilité du Président François Hollande est importante, et pourrait avoir des conséquences profondes. Poutine isolé ? Sous les pressions des Etats-Unis, une majorité des pays (...) Lire la suite »L’ex-patron de RSF double le FN sur sa droite, quoi de plus normal ?Maxime VIVAS, Thierry DERONNEVenezuela. Le 28 mai 2007 à 10 heures. Robert Ménard, personnalité mondialement super-médiatisée donnait une conférence de presse antichaviste à l’hôtel Hilton de Caracas. Depuis l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir, le Venezuela ne comptait aucun journaliste tué, ou emprisonné, aucun journal censuré ou fermé (pas même RCTV !). Ailleurs, en Amérique-latine, ils tombaient comme des mouches (moins qu’en Irak, tout de même). Mais Robert Ménard, financé par des officines écrans de la CIA, n’allait pas embêter (...) Lire la suite »Mohsen AbdelmoumenLe matin du 8 mai 1945, à l’appel des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté, de Ferhat Abbas) et du PPA (Parti du Peuple Algérien), plusieurs villes du Nord Constantinois s’apprêtent à célébrer la victoire des alliés et à montrer pour la première fois le drapeau algérien. A Sétif, ce 8 mai est un jour de marché hebdomadaire, et une dizaine de milliers d’Algériens se sont rassemblés dans les rues afin de déposer une gerbe au pied du monument aux morts de la ville. Les Algériens qui ont payé un lourd tribut (...) Lire la suite »Jacques R. PAUWELSCe 8 mai, nous fêtons le 70e anniversaire de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale qui a coûté la vie à plus de 60 millions de personnes. A en croire les films hollywoodiens, tout se serait joué lors de combats héroïques entre soldats américains et allemands ou japonais. Les historiens sont toutefois unanimes : l’Allemagne nazie a été vaincue par l’Armée rouge. Jacques Pauwels, historien et auteur d’un ouvrage sur la question, revient sur cette période et (...) Lire la suite »Maïté PINEROLa visite de François Hollande à Cuba, le 11 mai, place l’île dans l’actualité française. Préparons-nous car, cela a commencé, nous allons assister à un déferlement de reportages, analyses et commentaires à haute rigueur intellectuelle. Loin de solliciter nos méninges ils vont nous mettre l’estomac au bord des lèvres. Le journal Le Monde annonçait dernièrement la sortie d’un hors série sous le titre « Figé dans la haine de l’Amérique ». Il nous a fallu (une micro seconde) résister à l’idée d’aller vérifier (...) Lire la suite »Kharroubi HABIBDisons-le crûment, le président français François Hollande s’est rendu au Qatar et en Arabie Saoudite pour encaisser les dividendes de l’alignement politique de la France sur les positions des monarchies de la région que ce soit sur le conflit syrien ou sur le dossier du nucléaire iranien. A Doha, il a empoché la commande ferme par le Qatar de 24 exemplaires du chasseur Rafale et de missiles pour 6,3 milliards d’euros et la promesse que l’émirat ne s’en tiendra pas à cette seule commande. Mais c’est (...) Lire la suite »
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Les «indignés» remportent Barcelone, la droite dégringole
Sources :Par Ludovic Lamant
Les candidatures citoyennes, héritières de l'esprit « indigné », sont les grandes gagnantes des municipales de dimanche, avec, en particulier, une victoire nette à Barcelone d'Ada Colau. La mairie de Madrid pourrait aussi basculer, à l'issue de négociations avec les socialistes. Ces succès vont relancer la dynamique Podemos d'ici aux législatives de la fin d'année.
Barcelone va devenir, avec une poignée d'autres villes, le laboratoire d'une autre manière de faire de la politique en Espagne. Quatre ans après le surgissement des « indignés » sur les places du pays en mai 2011, la candidature citoyenne emmenée par l'activiste Ada Colau, mêlant acteurs des mouvements sociaux et membres de syndicats et de partis politiques de gauche, est arrivée en tête des municipales dimanche à Barcelone, avec plus de 25 % des voix.
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> « Je veux devenir maire, pour qu'il n'y ait plus de citoyens de première et de seconde zone », a déclaré Colau dans la soirée, devant des centaines de personnes scandant « Si, se puede » (« C'est possible »), l'un des slogans du mouvement du 15-M (en référence au 15 mai 2011, date de l'occupation des places). « C'est une victoire collective », a rappelé celle qui vient de « sortir » le maire de Barcelone, Xavier Trias (CiU, nationalistes catalans de droite), qui obtient 22,7 %.La une du « Periodico de Catalunya » dimanche soir.
Le succès de Barcelona en Comu, qui s'explique en partie par une forte mobilisation des quartiers populaires de la ville (progression de 6 % de la participation par rapport à 2011), n'est pas isolé. Dans la capitale, la candidature de Ahora Madrid, une autre de ces plateformes citoyennes, emmenée par la juge Manuela Carmena, longtemps donnée en tête pendant la soirée, décroche la deuxième place (31,9 %). Mais celle qui arrive première, l'ultra-droitière Esperanza Aguirre (34 %), au cœur de plusieurs scandales de corruption, est isolée et devrait avoir du mal à former une majorité absolue sur son nom.
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> Si bien que Carmena, 71 ans, reste la mieux positionnée pour s'emparer de la mairie de Madrid, dans le sillage de Colau à Barcelone. Elle devrait aller chercher le soutien des socialistes du PSOE, arrivé troisième, ce qui lui suffirait pour devenir maire et barrer la route d'« Espe ». « Nous devons continuer à convaincre tous ces gens qui n'ont pas voté pour le changement, parce que le changement est nécessaire à Madrid », a réagi Manuela Carmena dans la soirée.Ailleurs dans le pays, d'autres plateformes citoyennes, en chantier depuis le début d'année, ont aussi réalisé de très bons scores. Par exemple à Saragosse, la capitale de l'Aragon (deuxième position de Zaragoza en Comun, à un cheveu du PP, et avec des chances de gouverner), à la Corogne (légère avance de la « marée Atlantique », devant le PP) ou encore à Santiago, en Galice (courte victoire devant le PP). « Il y a un nouvel acteur sur l'échiquier, qui s'appelle le peuple », s'est félicité Iñigo Errejon, numéro deux de Podemos, lors d'un acte à Madrid dans la soirée. « Les grandes villes ont démontré qu'elles étaient le moteur du changement. Félicitations, Barcelone, Madrid et toutes les autres », s'est enthousiasmé, de son côté, Pablo Iglesias.
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> Podemos avait choisi de faire l'impasse sur les municipales. Mais la formation d'Iglesias a soutenu les campagnes de Colau et Carmena (avec des candidats Podemos présents sur les listes), et des actes communs ont été organisés en mai. À l'inverse, Podemos a choisi de se présenter sous sa propre « marque » pour les 13 scrutins régionaux, qui se tenaient également dimanche.
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> La nouvelle maire de Barcelone, Ada Colau, est une activiste de 41 ans, dont l'engagement remonte aux mouvements anti-G8 à partir de la fin des années 90, puis aux luttes pour le droit au logement dans les années 2000. Elle s'est fait connaître du grand public après avoir cofondé la PAH, la plateforme anti-expulsion, dès 2009 en Catalogne, peu après l'éclatement de la bulle immobilière. Ce réseau militant, fort de son expertise juridique, a permis de bloquer des centaines d'expulsions sur tout le territoire.Ada Colau dimanche soir: « Les villes, espaces de rébellion démocratique »
> « De cette crise, personne ne sortira comme avant. Ce qui nous attend, c'est, au choix, un horizon féodal, avec une augmentation brutale des inégalités, une concentration sans précédent des richesses, de nouvelles formes de précarité pour la majorité des citoyens, expliquait Ada Colau dans un entretien à Mediapart en 2014. Ou alors, une révolution démocratique, où des milliers de personnes s'engagent, pour changer la fin du film. Cette opportunité, certains, comme Podemos, l'ont saisie à l'échelle nationale. Nous, il nous a semblé que Barcelone était le cadre idéal pour lancer cette démocratisation. »
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> Tout au long de sa campagne, Colau a su se tenir à distance des débats passionnés sur l'indépendance de la Catalogne (les élections régionales en Catalogne n'auront lieu qu'en septembre). On trouve, dans la plateforme de Barcelona en Comu, des défenseurs acharnés de l'indépendance comme le Proces Constituent, et des figures moins « nationalistes » (à commencer par Colau elle-même). À la gauche du parti socialiste, seule la gauche indépendantiste plus radicale, la CUP, avait refusé de participer à cette plateforme citoyenne, qui englobe les écolos d'ICV, Podemos, et nombre d'associations et de mouvements catalans (lire notre reportage avec Ada Colau en octobre 2014).Affiche de campagne pour Ahora Madrid.
Si la victoire de Colau face à Xavier Trias n'est pas une véritable surprise pour les observateurs (Colau était partie en campagne très tôt, en juin 2014, et sa campagne « prenait » depuis longtemps), le très bon résultat de Manuela Carmena, à Madrid, paraissait il y a encore un mois totalement hors de portée. Cette juge de 71 ans, connue pour ses combats pour les droits de l'homme, de la fin du franquisme jusqu'à la crise d'aujourd'hui, n'avait pas prévu de se lancer en politique, après avoir pris sa retraite. Mais elle s'est prêtée au jeu, inventant une forme de campagne inédite, faites de conversations à travers lesquelles elle a cassé un à un les codes de la « vieille politique » (lire notre reportage avec Manuela Carmena en mai 2015). Son score est d'autant plus remarquable qu'elle était aussi confrontée à une candidature d'une partie des écolo-communistes d'IU (4,1 %), désireux de conserver quelques sièges pour les barons locaux.
Au-delà de ces succès « indignés », quelles leçons tirer de ces scrutins ? Le Parti populaire (le PP de Mariano Rajoy, chef du gouvernement) perd beaucoup de terrain (en recul de dix points par rapport aux municipales de 2011), sans s'effondrer tout à fait (il reste le premier parti, avec 27 % des voix). Il essuie de sévères revers dans des territoires clés, notamment Valence, où il devrait perdre la mairie, et aura du mal à conserver la communauté autonome. Il pourrait aussi perdre l'Aragon, si le PSOE, Podemos et Ciudadanos s'entendent. Tout comme la mairie de Madrid. Il se maintient plutôt en Castille-La Manche, la région de sa secrétaire générale, Maria Dolores de Cospedal, mais le jeu des pactes pourrait, là encore, l'écarter du pouvoir.
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>La « Une » de notre partenaire InfoLibre, sur la « débâcle » du PP.
Le PSOE de Pedro Sanchez, lui, limite la casse face au surgissement des nouveaux partis, Podemos mais aussi Ciudadanos. Il obtient 25 % du total des votes aux municipales, contre 28 % environ lors du scrutin de 2011. Malgré ses échecs cinglants aux municipales à Madrid ou Barcelone, il reste devant Podemos dans les 13 communautés autonomes – un bon point qui devrait conforter l'autorité de Sanchez, un temps contestée, au sein du PSOE.
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> Quant à Ciudadanos, le parti centriste d'Albert Rivera, il confirme son ancrage dans le paysage (6,4 % des voix pour les municipales, avec de bons scores à Madrid ou Barcelone, par exemple). Mais il jouera un rôle moins décisif que prévu dans la formation des exécutifs régionaux parce que, dans bien des cas, le PP a chuté plus qu'attendu, et qu'une alliance PP-Ciudadanos ne suffira pas à trouver une majorité. -
La lutte contre l’UE doit être de tous les instants par Bernard Friot
« La lutte contre l’UE, inamendable syndicat du capital contre les peuples, doit être de tous les instants »
Entretien avec Bernard Friot : Salaires, cotisations sociales
site du PRCF : www.initiative-communiste.fr
> Le 8 avril dernier, Bernard Friot accordait un entretien à propos de son ouvrage Emanciper le travail au journal Etincelles du PRCF. Abonnez vous à Etincelles ! www.initiative-communiste.fr vous propose en avant première cet entretien à retrouver en intégralité en achetant (et en vous abonnant) à la presse du PRCF ! Achetez, soutenir les médias du PRCF c’est indispensable !
>> Initiative Communiste : tu insistes à juste titre sur l’importance de la lutte pour le salaire dans la construction des rapports de forces entre classes sociales. Peux-tu en dire plus à nos lecteurs ?
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De 1920 à 1980, période que j’ai étudiée dans Puissances du salariat[1], la lutte de classes en France a été victorieuse pour les travailleurs parce qu’elle a porté en priorité sur le salaire, auquel elle a commencé à donner une signification anticapitaliste sous trois angles principaux.
> Premièrement, avec le statut de la fonction publique conquis en 1946 après 40 ans de lutte et mis en place par Maurice Thorez, ou dans un moindre mesure avec celui des électriciens-gaziers mis en place par Marcel Paul, le salaire à vie commence à s’instituer contre le salaire du marché du travail : s’il n’y a pas de chômage chez les fonctionnaires, c’est parce que leur salaire est un attribut de leur personne à travers leur grade. Même sans poste, même à la fin de leur service quand ils sont en retraite, ils sont payés pour leur grade. La pension est la « poursuite du traitement » chez les fonctionnaires (poursuite donc du meilleur salaire, celui de fin de carrière), c’est le « salaire d’inactivité » à l’EDF. Du coup, les fonctionnaires d’Etat n’ont pas d’employeur, au sens où un propriétaire peut dire à un travailleur nu, sans salaire parce que sans poste de travail, « aujourd’hui je t’embauche sur un poste dont je suis le propriétaire, avec le droit donc d’embaucher qui je veux quand je veux, je paie ton poste (je ne te pais pas toi, évidemment) et demain je te licencie de ce poste et tu te retrouves nu ». Quand on sait combien le fait d’attacher le salaire au poste de travail et non à la personne est au cœur de l’exploitation capitaliste, combien la peur de perdre son poste ou d’être changé autoritairement de poste est décisive dans la domination des propriétaires, une telle bataille, gagnée, pour le salaire à vie des fonctionnaires et des salariés à statut est le tremplin de conquêtes ultérieures que la bourgeoisie combat sans cesse et qui ne pourra être préservé que si une bataille est engagée pour que le salaire à vie soit généralisé à tous : il faut supprimer le marché du travail et la fonction d’employeur en faisant du salaire un droit politique attribué automatiquement et de façon irrévocable à 18 ans à tout le monde au premier niveau de qualification (par exemple à 1500 euros nets mensuels), avec ouverture d’une carrière salariale permettant de monter en qualification par exemple jusqu’à un maximum de 6000 euros, si, comme le préconise la CGT, il y a quatre niveaux de qualification.
> Deuxièmement, les conventions collectives ont été au centre de la mobilisation syndicale dans le privé à partir de 1950. Outre des éléments portant sur les conditions de travail ou les droits des représentants des travailleurs, les conventions collectives sont d’abord des grilles de salaire qui font correspondre à chaque poste de travail un niveau de qualification (OP2, etc…) et un niveau de salaire. Ce fondement du salaire sur la qualification est aussi une importante victoire sur la logique du capital, même si elle est moins décisive que celle du salaire à vie parce qu’elle continue à lier le salaire au poste de travail et non pas à la personne. Fonder le salaire sur la qualification, c’est commencer à sortir du déni de qualification dont sont victimes les travailleurs réduits à des forces de travail dans le capitalisme. Le capitalisme réserve la définition de la valeur économique et la maîtrise de sa production aux propriétaires (et aux prêteurs qui se partagent avec eux, de plus en plus d’ailleurs avec la globalisation financière du capital, le profit). L’exploitation du travail des non propriétaires passe par leur réduction à des forces de travail demandeuses d’un poste de travail sur un marché où les propriétaires les achètent pour leur prix, c’est-à-dire pour la satisfaction des besoins nécessaires à leur reproduction. La violence capitaliste réduit les travailleurs à des êtres de besoin à qui il suffit de concéder du pouvoir d’achat, elle s’exprime dans le déni que ces travailleurs produisent la valeur et doivent être reconnus en tant que producteurs et non pas en tant que consommateurs. Récuser que le salaire soit du pouvoir d’achat et imposer la qualification (et donc la contribution à la production de valeur) comme fondement du salaire en qualifiant les postes, c’est sortir de ce déni. C’est faire du salaire non plus cette institution centrale du capitalisme qu’est le prix de la force de travail, c’est-à-dire le revenu d’un être de besoin, mais la reconnaissance d’une production (on voit, par parenthèse, que la revendication de « hausse du pouvoir d’achat » est totalement aliénée et tourne le dos à la bataille pour la qualification). Certes cette subversion du salaire capitaliste n’est pas aussi accomplie que dans le salaire à vie puisque c’est le poste qui est qualifié par la convention collective, mais cette qualification, bien qu’elle maintienne le marché du travail, a rencontré une hostilité constante du patronat. Pour la contrer, le patronat déploie aujourd’hui deux stratégies que j’ai décrites dans L’enjeu du salaire[2].
> D’une part, il fait du SMIC – un salaire spécifiquement capitaliste puisqu’il nie la qualification et est construit à partir d’un « panier de consommation » – le salaire de référence d’une part de plus en plus grande des salariés (et là encore, la revendication isolée de « hausse du SMIC » manifeste l’abandon de la bataille pour la qualification). D’autre part, le Medef et ses partenaires emmenés par la CFDT (CFTC, CGC, UNSA et sauf exception FO) négocient depuis une vingtaine d’années le remplacement de la qualification du poste par la sécurisation des parcours professionnels : le salaire ne serait plus lié à la qualification, et en contrepartie les salariés seraient dotés d’une série de comptes liés à leur personne au prorata de leur temps d’emploi (compte temps, compte formation, compte pénibilité, compte retraite complémentaire, compte maladie complémentaire), des comptes portables, c’est-à-dire que les employeurs successifs doivent alimenter (et honorer s’il s’agit par exemple d’utiliser un compte de formation). Cette entreprise extrêmement nocive de changement capitaliste du salaire, par suppression de la qualification du poste et attachement à la personne de comptes qui se substituent au salaire socialisé des cotisations de sécurité sociale, ne peut pas être contrée par le retour à la qualification du poste, pour la raison sur laquelle j’ai insisté qu’elle maintient le marché du travail. Il s’agit de mener campagne pour l’on passe bien d’un salaire lié au poste à un salaire lié à la personne, mais pas par les dangereux comptes qui portent sur tout sauf sur la qualification et qui enchaînent encore davantage des salariés au marché du travail : encore une fois, il s’agit de sortir de la logique d’emploi par l’attribution de la qualification elle-même à la personne du salarié. La qualification doit devenir personnelle, et donc le salaire doit être attaché au salarié. On retrouve la revendication centrale de la généralisation du salaire à vie.
> Initiative Communiste : statut de la fonction publique, qualification dans les conventions collectives, nous supposons que la troisième dimension de la bataille pour le salaire a été la cotisation sociale ?
> Effectivement, la période que j’ai étudiée est celle de l’invention et de la montée en puissance spectaculaire de la partie socialisée du salaire dans la cotisation sociale. La cotisation interprofessionnelle s’impose, après l’échec de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes de 1910, avec les assurances sociales de 1930 et les allocations familiales qui les suivent de peu. Les cartes sont rebattues en 1945 dans la sécurité sociale que met en place Ambroise Croizat. A la fin des années soixante-dix, la cotisation sociale, partie de zéro cinquante ans plus tôt, représente plus de 60% du salaire brut, un taux qui n’a hélas pratiquement pas augmenté depuis 35 ans, et qui n’est conservé que pour les salaires les plus élevés. Car d’une part le taux de cotisation est gelé depuis le début des années 1980 alors qu’il avait doublé entre 1945 et la fin des années 1970. D’autre part, aux exonérations Aubry-Fillon sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic se sont ajoutés depuis Ayraud des remboursements de cotisation (à hauteur de 6% de la masse salariale) sous forme de crédit d’impôt jusqu’à 2,5 Smic. Et le pacte de responsabilité ajoute encore une couche : lorsqu’il sera arrivé à maturité, les employeurs ne paieront plus de cotisations sociales sur le Smic et des exonération/remboursements supplémentaires concerneront les salaires jusqu’à 3,5 Smic. Quand on sait que le salaire moyen est d’à peine 2 Smic, on voit que l’attaque contre la cotisation est généralisée. L’incapacité à s’y opposer n’est pas due seulement à la force de nos adversaires, elle est aussi un témoignage supplémentaire, avec les reculs du salaire à vie de la fonction publique et de la qualification comme fondement du salaire, des échecs auxquels a conduit l’abandon du centrage de l’action syndicale et politique sur le salaire.
> Qu’est-ce qu’ont de révolutionnaire les cotisations sociales ? Attention, toutes les cotisations ne sont pas révolutionnaires, et il faut ici bien prendre garde à opposer cotisations capitalistes et cotisations anticapitalistes, comme je le fais dans Emanciper le travail[3]. La cotisation-prévoyance du salaire différé, ou l’impôt-solidarité de l’assistance, sont des institutions capitalistes combattues par le mouvement ouvrier révolutionnaire qui a, contre elles, promu la cotisation-salaire dans une lutte acharnée contre le pouvoir, le patronat et ses partenaires.
> La cotisation-prévoyance, c’est l’AGIRC-ARRCO : mes cotisations sont consignées dans un compte qui sera la mesure de ma pension viagère quand je le liquiderai. Le patronat et ses partenaires tentent en permanence d’étendre cette logique du salaire différé à toute les prestations dites contributives, comme en témoignent les récentes conventions UNEDIC édictant qu’un jour cotisé = un jour presté, ou le projet d’alignement du régime général des retraites sur l’Arrco, ou l’obligation de complémentaires-santé dont les prestations sont fonction des cotisations choisies dans un menu. Le salaire différé correspond ainsi à la définition capitaliste de la valeur : je ne produits que lorsque je suis soumis à un employeur pour mettre en valeur du capital, et pour assurer mes besoins (encore eux) lorsque je suis chômeur, malade ou retraité, je diffère la partie de mon salaire que je n’ai pas consommée quand j’étais occupé.
> Quant à l’impôt-solidarité, c’est la CSG et ses avatars : les besoins (toujours eux !) des personnes dont le temps d’emploi ou le niveau de salaire ne permettent pas qu’elles aient des droits contributifs suffisants sont couverts par une solidarité fiscale qui assure un « panier de soins »[4] ou un « minimum vieillesse », qui « lutte contre la pauvreté » des familles, qui favorise « l’insertion dans l’emploi » des chômeurs.
> Contre cette rhétorique et ces institutions du capital que sont la cotisation-prévoyance et l’impôt-solidarité, le mouvement ouvrier révolutionnaire a combattu pour une cotisation-salaire, c’est-à-dire une cotisation qui finance un salaire à la qualification pour les travailleurs sans marché du travail et sans actionnaires que sont les retraités, les soignants (de la fonction publique hospitalière ou libéraux conventionnés), les parents et les chômeurs. Il est essentiel de bien voir que, comme les combats menés sur les deux autres terrains déjà analysés du salaire à vie et de la qualification, la cotisation-salaire, loin d’être du pouvoir d’achat couvrant des besoins des retraités, des malades, des parents et des chômeurs, subvertit le salaire capitaliste en payant des travailleurs qui produisent une autre valeur économique que la valeur d’échange capitaliste : retraités, parents, chômeurs et soignants produisent de la valeur sans emploi, sans employeur, sans actionnaires. Ce salaire attaché à la personne institue, comme dans la fonction publique, la qualification personnelle comme matrice du travail productif, contre l’emploi qui remplit cette fonction dans la pratique capitaliste de la valeur.
> Poursuivre l’œuvre victorieuse de nos anciens, poursuivre cette mutation du salaire par sa socialisation, c’est mener un combat immédiat et un combat de moyen terme. Dans l’immédiat, revendiquer qu’à 55 ans[5] tous les salariés aient une pension de 100% de leur meilleur salaire brut quelle que soit la durée de leur carrière, que le chômage soit indemnisé sans limite de temps à 100% du salaire net de l’emploi perdu, que les parents puissent prendre du temps pour éduquer leurs enfants en conservant leur salaire à temps plein. A moyen terme, que la cotisation-salaire concerne aussi les salaires directs : le salaire à vie suppose que les entreprises ne paient plus leurs salariés mais cotisent à une caisse qui assurera non seulement la part des salaires qu’assure aujourd’hui la sécurité sociale, mais aussi les actuels salaires nets. La suppression des employeurs suppose que plus personne ne paie « ses » salariés. Aujourd’hui, sur 100 de valeur ajoutée par ses salariés, le propriétaire de l’entreprise en affecte 40 au profit (y compris le remboursement des prêteurs), 35 aux salaires directs et 25 aux cotisations : poursuivons en revendiquant qu’il en affecte 60 à une cotisation salaire qui ira à des caisses qui paieront les salaires à vie[6]. Les 40% restants iront pour partie à l’autofinancement décidé par les salariés copropriétaires, et le reste à une cotisation économique versée à des caisses qui subventionneront le reste de l’investissement (y compris par création monétaire, s’agissant de l’investissement net) et les dépenses courantes des services publics.
> Initiative Communiste : ainsi, selon toi, il faut non seulement remplacer les salaires directs par la cotisation, mais aussi créer une cotisation pour financer l’investissement ?
> Oui, car la cotisation a une autre vertu révolutionnaire que la possibilité de supprimer les employeurs : elle rend possible la suppression de la propriété lucrative de l’outil de travail et instaure un financement non capitaliste de l’investissement. Les centaines de milliards d’euros mobilisés dans les caisses ont permis de financer la production de santé sans appel au marché des capitaux, y compris l’investissement hospitalier, avant que le gel du taux de cotisation-maladie ne conduise à la désastreuse création par Juppé de la CADES en 1997, qui emprunte des capitaux et a fait des hôpitaux des débiteurs insolvables. Avant ce désastre, le subventionnement de l’investissement hospitalier par des caisses de maladie alimentées par une cotisation dont le taux augmentait régulièrement pour assumer la production croissante de santé a fait la preuve que c’est en mutualisant une partie du PIB dans des caisses d’investissement que nous allons pouvoir subventionner l’investissement en supprimant les prêteurs. Le constat est le même pour le financement par subvention des équipements collectifs grâce à la croissance de l’impôt. Les malheureux 400 milliards investis chaque année ne sont prêtés que parce qu’ils ont été au préalables ponctionnés : notre travail produit 2000 milliards, les propriétaires lucratifs en ponctionnent 700, dont ils affectent 300 à la spéculation et aux dépenses somptuaires et 400 seulement à l’investissement… que nous devons leur rembourser avec en plus un retour sur investissement de 15% alors que la production n’augmente que d’un ou deux pour cent. Or on peut en finir avec cette rapine et financer l’investissement sans crédit, comme je viens de le montrer avec la subvention des équipements publics par l’impôt ou la cotisation.
> Au lieu de nous laisser dépouiller de 700 milliards par des propriétaires lucratifs qui ensuite nous imposent de leur rembourser la part de leur ponction sur notre travail qu’ils décident d’investir à notre place, affectons 600 milliards de ce que nous produisons à l’investissement : par exemple la moitié par l’affectation de 15% de la valeur ajoutée à un autofinancement décidé par les salariés copropriétaires de l’entreprise, et les 300 autres milliards par une cotisation investissement de 15% : les caisses d’investissement, gérées par les travailleurs, subventionneront les projets présentés par les entreprises, y compris par création monétaire pour les projets intéressants excédant leur encaisse. L’investissement doit devenir le fait du salaire socialisé.
> Il en est de même pour les dépenses courantes des services publics. Actuellement déjà, la cotisation-maladie finance les dépenses courantes des producteurs de santé comme l’hôpital. Nous pouvons généraliser cette modalité de financement à toutes les dépenses courantes des services gratuits, qui doivent être étendus au logement, aux transports de proximité et aux premières consommations d’eau et d’électricité. Ainsi, les salaires des services publics seraient assurés, comme tous les salaires, par les caisses de salaires ; leur investissements par les caisses d’investissement ; et leur dépenses courantes par des caisses de fonctionnement percevant les 10% restant de la valeur ajoutée.
> Tout le PIB irait ainsi à la socialisation salariale de la valeur pour financer, par des caisses gérées par les salariés, les salaires (60%), l’investissement (30%) et la gratuité (10%). On le voit, en finir avec la propriété lucrative, le marché du travail et le crédit, bref avec la production capitaliste, devient possible si on assume toute la portée révolutionnaire du changement du salaire qu’institue 1945 et si on le poursuit résolument.
> Initiative Communiste : pourquoi selon toi la taxation des revenus financiers, type Tobin/Attac, est-elle une fausse piste dangereuse ?
> La taxe Tobin est une plaisanterie et n’est pas, fort heureusement, le cœur de la mobilisation des groupes Attac même si elle a été l’occasion de leur constitution (mais pas la raison de leur impact) il y a près de vingt ans.
> Ce qui est beaucoup plus préoccupant, c’est l’audience de propositions de taxation du capital, dont témoigne le consensus autour d’un auteur comme Piketty ou le succès à gauche des mots d’ordre de « révolution fiscale ». Je viens de montrer que la cotisation-salaire, cette invention prodigieuse du mouvement ouvrier révolutionnaire, ne taxe pas le capital, elle le remplace dans le financement de la production d’une part aujourd’hui considérable du PIB. Contre cette dynamique, taxer le capital, c’est renoncer à le supprimer. C’est même le légitimer : si le mal du profit finance le bien de la sécu, il n’est plus tout à fait un mal, en tout cas il devient un mal nécessaire. Il ne s’agit plus de remplacer la classe capitaliste dans la production de la valeur, mais de changer le partage d’une valeur dont les capitalistes restent les maîtres, certes dénoncés pour leur excessive rémunération à combattre par une fiscalité davantage redistributive, mais non contestés comme dirigeants de la production.
> Or les attaques contre la sécurité sociale n’ont ni comme but ni comme résultat premiers d’augmenter la prédation des capitalistes et de baisser le pouvoir d’achat de ceux qu’ils exploitent. La lutte de classes n’est pas d’abord une lutte pour le partage de la valeur, mais une lutte pour la maîtrise de sa définition et de sa production. Si les attaques contre la fonction publique et la cotisation-salaire sont si déterminées depuis 30 ans, ce n’est pas d’abord à cause de la baisse du taux de profit, ni parce qu’un prétendu « néolibéralisme » assoiffé d’or et de finance aurait remplacé un capitalisme plus raisonnable et industriel, c’est parce que la classe capitaliste entend réoccuper le terrain conquis par la pratique salariale de la valeur, réaffirmer que seules produisent des forces de travail mettant en valeur du capital, et qu’il importe pour ce faire d’intensifier la soumission des populations au chantage de l’emploi et de la dette. La lecture de la réforme dans les termes fumeux du « tournant néolibéral » Reagan-Thatcher ou dans les termes économicistes d’une crise du capital confronté à la baisse du taux de profit (crise au demeurant incontestable) fait l’impasse sur la lutte de classes et sur la dimension d’abord politique de l’économie : l’économie est d’abord une affaire de pouvoir sur la valeur, et la classe dirigeante a l’œil rivé non pas d’abord sur son porte monnaie mais sur sa souveraineté sur la production. La lutte pour un partage moins injuste de la valeur grâce à une fiscalité juste, qui est toujours une faute stratégique, devient une impasse dramatique quand la classe capitaliste est à l’offensive pour reconquérir des terrains perdus en termes de pratique de la valeur. Les opposants aux réformateurs sont condamnés à continuer de perdre si leur contre-offensive n’est pas menée sur le terrain du salaire à vie contre le marché du travail, de la copropriété d’usage de l’outil de travail contre la propriété lucrative, de la cotisation investissement contre le crédit, de la mesure de la valeur par la qualification du producteur contre sa mesure par le temps de travail.
> On voit que placer les revendications sur le terrain de la fiscalité n’est pas la seule des « conduites d’évitement » que j’analyse dans Emanciper le travail. J’entends par conduites d’évitement des mots d’ordre qui évitent de mener la lutte de classes parce qu’ils se situent sur le terrain du partage d’une valeur capitaliste qui, elle, n’est pas combattue, au lieu de se situer sur le terrain de l’affirmation d’une autre production de valeur que la valeur capitaliste. J’insiste dans l’ouvrage sur l’évitement de la lutte de classes qu’il y a à revendiquer le plein emploi (et donc plein d’employeurs), un pôle public du crédit (et donc la légitimité du crédit) ou une allocation d’autonomie pour la jeunesse (qui continue à réduire le droit au salaire à la présence sur le marché du travail).
> Initiative Communiste : Quelles revendications formuler pour contrer les attaques contre les diverses branches de la Sécu ?
> Et si nous arrêtions de « formuler des revendications » ? Revendiquer, c’est reconnaître la légitimité des capitalistes, c’est accepter notre position de demandeurs, certes dans l’espoir de conquérir des droits nouveaux, mais sans mise en cause fondamentale de la règle du jeu. Or la classe dirigeante n’a strictement plus rien à négocier dans les pays anciennement capitalistes où elle est décidée à réduire les droits salariaux en jouant sur la disparité des droits populaires à l’échelle mondiale. La seule réponse à cette offensive est de partir des tremplins conquis par une lutte de classes anticapitaliste riche de deux siècles pour nous passer des capitalistes et produire autrement. En poussant plus loin le « déjà-là » anticapitaliste d’une production de valeur libérée de la propriété lucrative, du marché du travail, du crédit, de la mesure de la valeur par le temps de travail, comme c’est déjà le cas pour le tiers du PIB, mais un tiers fort malmené ou perverti tant qu’il n’est pas généralisé.
> Notre temps militant se perd beaucoup trop en parlotes avec des patrons, des élus et des responsables d’administrations qui sont des adversaires à disqualifier et non des interlocuteurs à qui présenter des revendications. Nos seuls interlocuteurs sont les travailleurs, et le temps militant, qu’il soit syndical, politique ou associatif, doit être consacré pour l’essentiel à leur auto-organisation. Généraliser le salaire à vie et la copropriété d’usage de l’outil de travail par les salariés – et donc maîtriser l’investissement, cela suppose un combat constant pour disqualifier le marché du travail et les employeurs, les propriétaires lucratifs et les prêteurs, pour rendre populaires la responsabilité exclusive des travailleurs sur ce qui est produit, l’élection des directions, l’affectation de la valeur ajoutée aux cotisations pour payer les salaires à vie et subventionner l’investissement. Le temps n’est plus aux revendications mais à la popularisation de mots d’ordre d’auto-organisation, et leur réalisation partout où c’est possible. J’en ai déjà évoqué quelques-uns mais je prends des exemples supplémentaires.
> Reprise des entreprises par les salariés : la situation se présente des milliers de fois chaque année, et il faut que se multiplient les preuves que des entreprises marchandes peuvent fonctionner sans employeur, sans actionnaire et sans prêteur. Cela suppose que les entreprises récupérées soient effectivement gérées par les salariés, tous associés aux décisions de l’amont à l’aval de la production et à la désignation de la hiérarchie, qu’elles fonctionnent en réseau et mutualisent leur valeur ajoutée pour financer salaires et investissements, qu’elles mobilisent parmi leurs salariés des retraités qui ne demandent qu’à participer au bien commun autrement que par le bénévolat associatif et qu’elles n’auront pas à payer, puisqu’ils le sont par leur pension. Cela suppose aussi, comme le préconise Pierre Rimbert à propos du financement de la presse d’information générale[7], que soit popularisé un mot d’ordre de cotisation sur la valeur ajoutée de toutes les entreprises pour soutenir l’activité des entreprises autogérées.
> Gestion par les salariés, réseau de mutualisation de la valeur ajoutée, cotisation universelle, mobilisation des retraités : ce que je viens de dire à propos de la reprise des entreprises par les salariés vaut aussi pour toutes les coopératives et les initiatives de production alternative qui se multiplient et qui ne pourront tenir face au capital que si elles s’inscrivent dans une logique macroéconomique de mutualisation de la valeur.
> Autre pratique à porter : l’exclusivité des marchés publics aux entreprises autogérées et sans propriété lucrative. La mutualisation de la valeur qu’opère l’impôt pour la construction d’une piscine municipale ou du réseau ferré et qu’opère la cotisation pour la production des médicaments va à des groupes capitalistes qui n’existent que par les marchés publics. Le scandale que provoquent ces profits doit être saisi pour populariser, au contraire, une mutualisation de la valeur au seul service de la généralisation de la copropriété d’usage des entreprises.
> Le mot d’ordre, absolument urgent, de hausse massive des taux de cotisation, porté pendant des décennies par la classe ouvrière (le taux de cotisation a plus que doublé de 1945 au début des années 1980), et abandonné depuis plus de trente ans alors que les réformateurs mènent contre la cotisation-salaire une bataille acharnée qui est la cause unique des difficultés des régimes de sécurité sociale, ne peut redevenir central que si nous montrons que la cotisation-salaire reconnaît la production, et non pas la dépense, des soignants, des retraités. Et c’est la même chose pour l’impôt qui paie les fonctionnaires ou les salariés des associations de service public. Ces derniers produisent la valeur correspondant à la subvention qu’ils reçoivent, ils ne dépensent pas de l’argent produit par d’autres. Le mot d’ordre de gestion du Trésor public et des caisses de sécurité sociale par les seuls salariés, avec élection des directions par les administrateurs salariés –comme c’était le cas avant l’étatisation antidémocratique du dispositif- doit être accompagné d’un déplacement de la pratique syndicale dans les services publics et la sécurité sociale, et plus généralement partout où il n’y a pas de propriétaire lucratif, vers l’auto-organisation des salariés, la délibération par les intéressés de l’objet et des moyens du travail. Que les fonctionnaires soient à la hauteur des libertés que leur offre leur statut et en conquièrent collectivement d’autres est la condition pour rendre attractives des entreprises sans actionnaires et sans employeurs.
> Je voudrais insister sur un point rarement abordé, la convergence à construire avec les travailleurs indépendants, qu’ils soient protégés du capital par les règles des professions libérales que le gouvernement actuel est décidé à faire sauter, comme en témoigne la loi Macron pour les professions judiciaires, ou qu’ils soient livrés à lui sans défense, comme les paysans ou les artisans et commerçants. Ces travailleurs ont une expérience de la maîtrise de l’outil de travail et se battent de fait contre le capital pour ne pas être dépossédés de toute la chaîne de production d’un bien ou service. Qu’ils aient en général une idéologie de droite n’est pas un obstacle insurmontable si nous savons mettre les mots sur leur expérience de fait de la nocivité du capital et si nous déplaçons l’objet de notre action syndicale vers la maîtrise de l’outil de travail.
> Oui, c’est là un vrai déplacement de l’activité militante, et je renvoie aux développements que je consacre aux mots d’ordre immédiats possibles dans Emanciper le travail.
> Initiative Communiste : nous nous doutons bien à IC que les attaques contre la Sécu et les autres acquis de 45-47 ne changeraient pas de nature si la France sortait de l’UE et de l’euro, mais nous pensons que la construction supranationale euro-atlantique, éventuellement coiffée par une Union transatlantique couplée à l’O.T.A.N., est une arme sociopolitique (et potentiellement, militaire) de premier plan contre les travailleurs et les peuples souverains. Qu’en penses-tu de ton côté ?
>
La lutte contre l’UE, inamendable syndicat du capital contre les peuples, doit être de tous les instants. Sur le fait que l’UE et l’euro sont des outils capitalistes contre l’émancipation des travailleurs, je ne saurais trop recommander la lecture des remarquables travaux à la fois historiques et lexicométriques de Corinne Gobin, une collègue spécialiste de sciences politiques de l’Université libre de Bruxelles. Elle a d’ailleurs écrit une importante contribution à l’ouvrage collectif que j’ai édité avec Bernadette Clasquin[8] sur les effets destructeurs en matière de droits salariaux des politiques de l’emploi impulsées par l’UE depuis les années 1990. Quant au côté potentiellement militaire, pour reprendre vos termes, de l’arme contre les peuples souverains que sont l’UE et l’OTAN, il a une telle évidence aujourd’hui, joint à la militarisation de notre quotidien et à la criminalisation de l’action militante sous prétexte de lutte contre le terrorisme, qu’il est clair que la classe dirigeante est en train de mettre en selle l’extrême-droite et de construire l’arsenal de sa riposte violente aux mobilisations populaires que son échec économique suscite.
> Bref, l’enjeu de la lutte de classes est devenu aujourd’hui si lourd qu’il est essentiel de se souvenir qu’on ne construit pas une classe révolutionnaire par une lutte contre, mais par une lutte pour. Les épreuves, les souffrances qu’entraînera l’affrontement au capital à la hauteur où il doit être maintenant mené ne pourront être acceptées que si le projet est enthousiasmant et mobilise pour construire l’alternative et non pas simplement pour en finir avec des élites abhorrées. Le programme du CNR s’appelle « Les jours heureux », pas « Mort au nazisme » (même si une partie est consacrée à cette nécessaire dimension de la bataille). Et donc la nécessaire bataille contre l’UE et l’euro comme monnaie unique (et contre l’illusion de leur possible démocratisation hélas répandue dans la gauche de gauche sous l’invocation d’une « autre Europe ») n’est qu’une composante d’une bataille pour la maîtrise populaire de la valeur, y compris à l’international, dans toutes les dimensions que j’ai développées. Autrement dit, la lutte contre l’UE n’a de sens qu’au service de la mobilisation pour le salaire à vie ou la copropriété d’usage de tous les outils de travail. Par exemple, pour la crédibilité même d’un projet qui conduira le premier peuple qui le mettra en œuvre à sortir de la zone euro et fort vraisemblablement de l’UE (sauf contagion révolutionnaire permettant une rapide reconstruction), il faut dès maintenant montrer comment nous allons recréer le franc et l’articuler à l’euro comme monnaie commune, comment nous allons récuser les directives de la Commission et la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, pour m’en tenir à ces seuls exemples. Mais ces démonstrations concrètes doivent être en permanence rapportées à un projet de salaire à vie ou de subvention de l’investissement qui n’est aujourd’hui pas popularisé alors qu’il doit devenir le cœur de notre action militante.
> [1] Bernard Friot, Puissances du salariat, nouvelle édition augmentée, Paris, La Dispute, 2012 (première édition 1998)
> [2] Bernard Friot, L’enjeu du salaire, Paris, La Dispute, 2012
> [3] Bernard Friot, Emanciper le travail, entretiens avec Patrick Zech, Paris, La Dispute, 2014, second entretien
> [4] Pour éviter la stigmatisation de ses bénéficiaires, le panier de soins peut être universel. Mais cette universalité ne change rien au fond du projet des réformateurs : les régimes complémentaires de salaire différé doivent voir leur place augmenter au détriment d’un régime général maladie fiscalisé.
> [5] Quel congrès de la CGT a décidé de renoncer à la retraite à 55 ans pour la retraite à 60 ans ? Je n’en trouve pas.
> [6] Pour financer aux 50 millions de résidents de plus de 18 ans un salaire à vie moyen net de 25000 euros par an, il faut 1250 milliards, soit les montants déjà consacrés à la rémunération du travail.
> [7] Pierre Rimbert, Le Monde diplomatique, décembre 2014
> [8] Bernadette Clasquin et Bernard Friot, dir, The Wage under Attack : Employment Policies in Europe, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014. Cet ouvrage reprend les résultats d’une équipe de chercheurs de 7 pays de l’ouest-européen.
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Comment remplacer de employés français par des polonais sous payés !
Par MS21 Nord
Voici ce qu'une entreprise polonaise propose à une association d'aide à domicile (320 salariés en Sambre-Avesnois-Thiérache - 59), qui n'a pas donné suite à cette proposition.
Elle préfère travailler avec des français, mais que nous ne sommes pas du tout raciste. Une entreprise privée, aurait fait travailler ces personnes afin de faire des bénéfices
plus importants.
Nous pensons que c'est un très bon état d'esprit.
Bonjour Madame, Monsieur,
Je me permets de vous transmettre des informations consernant notre service de l' Agence de travail- Uniapol.
Nous sommes une agence de travail temporaire : AP UNIAPOL DEVELOPMENT située en Pologne, avec la siège à Poznan et les agences à Cracovie et à Wroclaw.
Nous avons la base des candidats qualifiés, experimentés qui sont interessés et motivés pour travailler en France.
ENTREPRISE DE TRAVAIL TEMPORAIRE POLONAISE
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Faites confiance à la compétence polonaise !!!AP UNIAPOL DEVELOPMENT, entreprise de travail temporaire polonaise met à disposition son savoir-faire en matière de détachement de personnel intérimaire et de recrutement de travailleurs polonais dans tous les secteurs du BTP et de l’industrie.
Nous opérons sur le territoire français depuis 2006. Nous sommes adhérents et un des principaux partenaires de la Chambre de Commerce et d’Industrie Polonaise en France.
PRESTATIONS ET GARANTIES:
§ Performance et réactivité grâce à une équipe de recruteurs expérimentés et bilingues,
§ Mise à disposition de personnel qualifié et motivé,
§ Rémunération garantie au minimum du smic conventionnel et paiement des congés payés (établissement de la fiche de paie)
§ Maintien au régime de sécurité sociale polonais (assurance maladie, retraite, chômage)
§ Réalisation de la formation sécurité avant le départ (selon code du travail polonais)
§ Mise à disposition des équipements de sécurité standards
§ Prise en charge des frais de visite médicale
§ Prise en charge des frais de transport Pologne/France
§ Respect des dispositions législatives et règlementaires françaises, polonaises, européennes (sur le territoire français c’est la réglementation du travail française qui s’applique en terme d’égalité de traitement –garantie de rémunération minimum, prime, temps du travail, congé payes... dispositions du nouveau Règlement européen 883/2004 et de la directive 96/71/CE)
§ Suivi administratif et juridique tout au long de la mission
§ Aucune formalité à votre charge!
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NOTRE COMMERCIAL EN POLOGNE:Renata WOJTKOWIAK
Gsm: + 48 668 026 057
Courriel: rwojtkowiak@uniapol.pl -
RAPPEL : UKRAINE / RUSSIE, conférence à Nice le 9 JUIN
RAPPEL
L’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR » travaille depuis septembre 2014 sur la guerre en Ukraine. Notre objectif est de faire connaître à nos concitoyens d’autres aspects de ce conflit.
Nous avons également pensé qu’il fallait témoigner à la Russie la reconnaissance qui lui est due, suite à sa contribution essentielle pour terrasser le nazisme. Il faut quand même rappeler que ce pays a permis d’abattre la peste brune en Europe en sacrifiant plus de 25 millions de Soviétiques dans cette guerre à mort.
La délégation de notre association composée de Résistants et d’enfants de Résistants, prend ainsi une valeur symbolique importante.
Nous avons accueilli le 29 janvier à Nice une délégation d’Ukrainiens d’Odessa. Ces personnes ont expliqué le conflit en cours et elles ont parlé également du massacre du 2 mai 2014. Ce jour-là plus de quarante personnes sont mortes, brûlées vives dans la maison des syndicats. Une des personnes de la délégation a perdu dans ce drame son fils de 27 ans, achevé sauvagement par des barbares après avoir essayé d’échapper aux flammes en se jetant par la fenêtre.
Suite à cette rencontre nous avons été invités par les responsables de la manifestation du 9 mai à Moscou. Une délégation de l’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR » est allée à Moscou pour assister à la parade pour le 70ème anniversaire de la victoire sur le nazisme.
Notre délégation est de retour. Dans le lien ci-dessous vous trouverez le message complet comportant des témoignages et des photos prises sur place : http://lucien-pons.over-blog.com/2015/05/la-delegation-francaise-du-comite-pour-une-nouvelle-resistance-cnr-le-9-mai-2015-a-moscou-jour-de-la-grande-parade-en-souvenir-du-70
L’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR » organise une
conférence le mardi 9 juin 2015 au CLAJ* à Nice
de 17h 30 à 22h pour rendre compte de la participation officielle de notre association à cet évènement. Les membres de la délégation donneront des informations à ce sujet, un film a été préparé également. Ce sera l’occasion de poursuivre le travail de notre association pour la paix en Ukraine et en Europe.
par Lucien PONS.
Président de l’association « Comité pour une Nouvelle Résistance-CNR »
*Le CLAJ 26, avenue Scudéri – 06100 NICE
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Partenariat Trans-Pacifique et mort de la République
Alors que la Commissaire européenne Cecilia Malmström vient de défendre le projet du TTIP devant le parlement fédéral belge, Investig'Action vous propose cette analyse d'un autre accord de libre-échange qu'est en train de négocier Washington. Le TPP, tout aussi discret que son pendant transatlantique, est un accord entre les Etats-Unis, le Mexique, le Canada, le Japon, Singapour et sept autres partenaires concernant 40 % de l’ensemble des marchés mondiaux. La juge Ellen Brown relève comment cet accord ferait passer le droit des multinationales avant celui des citoyens. Un problème qui se pose aussi à travers le TTIP.
« Les Etats-Unis s’engagent à garantir à chaque état de l’Union une forme de gouvernement républicaine » - Article IV . Section 4. Constitution des Etats-Unis
Une forme républicaine de gouvernement est celle qui donne le pouvoir à des représentants des citoyens, officiellement élus et exerçant le pouvoir conformément aux termes de la loi. Dans The Federalist Papers, James Madison définit la république comme « un gouvernement qui tient tous ses pouvoirs directement ou indirectement de l’ensemble de la population… »
Or il faut savoir que, le 22 avril 2015, la commission Finance du sénat a approuvé une loi autorisant le traitement accéléré du Partenariat Trans-Pacifique (TPP), important accord commercial qui court-circuiterait notre forme républicaine de gouvernement et confierait le pouvoir législatif et judiciaire à un groupe étranger d’avocats associés constitué de trois personnes.
Ce si discret TPP est un accord entre le Mexique, le Canada, le Japon, Singapour et sept autres partenaires concernant 40 % de l’ensemble des marchés mondiaux. L’autorité compétente pour le traitement accéléré - fast track - de ce dossier peut désormais soumettre son texte en séance plénière au Sénat dès la semaine prochaine. Fast track signifie que le Congrès ne pourra amender l’accord commercial qui sera soumis à un vote à la majorité simple des élus. La négociation secrète du traité et son vote accéléré par le Congrès est ainsi jugée indispensable pour en assurer l’approbation car, si l’opinion publique avait le temps d’en étudier tous les aspects, l’opposition pourrait s’organiser et le rejeter.
Abdiquer le pouvoir judiciaire en faveur d’un groupe d’avocats associés
James Madison a écrit dans The Federalist Papers : La concentration de tous les pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire dans les mêmes mains peut être fort justement qualifiée de tyrannie… « Quand le pouvoir de juger est associé au pouvoir de légiférer, la vie et la liberté du citoyen est exposée à l’arbitraire car le juge est celui qui rédige les lois… »
Et cela sera la conséquence inéluctable de ce que nous savons des termes secrets des accords du TPP.
La disposition la plus controversée du TPP est l’ISDS (Investor-State Dispute Settlement)- Organe de règlement des conflits entre Etat et Investisseurs- qui renforce les procédures existantes. Cet ISDS est apparu en 1959 à la faveur d’un premier accord commercial bilatéral. Selon The Economist, l’ISDS octroie aux firmes étrangères le droit inhabituel de déposer plainte auprès d’une cour d’arbitrage discrète constituée d’avocats très bien rémunérés en vue de demander des compensations chaque fois que le gouvernement vote une loi qui, selon elles, porterait atteinte à leurs bénéfices (comme des mesures contre le tabagisme, les dégradations de l’environnement ou encore les risques d’accidents nucléaires).
Ces juges arbitres officient au salaire horaire de 600 à 700 US Dollars, ce qui les incite peu à écarter les plaintes. Le caractère secret des procédures d’arbitrage et le manque de jurisprudence en ces matières laisse libre cours aux décisions les plus fantaisistes et arbitraires.
A ce jour, la compensation la plus élevée exigée par l’ISDS s’élève à 2,3 milliards d’US Dollars demandés par l’Occidental Oil Company au gouvernement équatorien pour l’interruption d’un contrat d’exploitation pétrolière pourtant décidée d’une manière formellement légale. Une autre procédure d’arbitrage est en cours, lancée par Vattenfall, une entreprise suédoise qui gère deux sites nucléaires en Allemagne et qui réclame une compensation de 4,7 milliards d’US Dollars sur base d’une clause de l’ISDS en matière d’investissements énergétiques, après que le gouvernement allemand ait décidé de mettre un terme à ses activités nucléaires après le désastre de Fukushima en 2011 au Japon.
Sous le régime du TPP pourtant, des décisions judiciaires plus dramatiques encore peuvent être attendues dans la mesure où la nature des investissements qu’ils protègent comprend non seulement « l’engagement de capitaux ou d’autres ressources » mais aussi « les gains et bénéfices escomptés ». Cela signifie l’extension d’un droit des entreprises dans d’autres pays que le leur, non seulement sur leurs infrastructures et les capitaux investis mais aussi sur les revenus et bénéfices qu’elles en attendent.
Dans un article adressé par Yves Smith, Joe Firestone émet quelques hypothèses intéressantes : Avec ce TPP, le gouvernement des Etats-Unis pourrait-il être poursuivi et tenu pour responsable s’il décidait de ne plus émettre de bons du trésor et finançait ses déficits d’une autre manière (par exemple en augmentant la masse monétaire ou en émettant des pièces de milliards de dollars ?) Pourquoi pas ? Sauf qu’il ne le fera pas parce que des compagnies privées en subiraient des pertes de profits. Avec le TPP ou le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership, en français « Partenariat Transatlantique de commerce et d’investissement ») en cours de discussion avec l’Union Européenne, la Réserve Fédérale risquerait elle des poursuites si elle refusait de soutenir des banques trop grosses pour tomber en faillite ?
Firestone rappelle que sous l’accord commercial Tchèco-Néerlandais la république Tchèque a été condamnée dans un différend Investisseur-Etat pour n’avoir pas accordé sa garantie financière à une banque insolvable où le plaignant avait des intérêts. L’investisseur a obtenu une compensation de £236 millions pour clore le différend. Quels seraient les dégâts se demande Firestone si la FED décidait de ne plus soutenir la Bank of America et qu’une compagnie d’investissement Saoudienne décide de la poursuivre ?
Céder le pouvoir législatif aux multinationales
La simple menace d’une réparation aussi extravagante d’un préjudice contestable suffirait à bloquer les projets de loi en cours. Mais le TPP prend les devants et s’accapare d’emblée la fonction législative en empêchant toute forme de régulation.
Public Citizen fait observer que le TPP offre aussi aux grosses banques de bons moyens d’édulcorer les efforts de régulation de Wall Street après que les dérégulations aient entraîné la pire crise financière depuis la grande dépression. Le TPP empêcherait les Etats d’exclure les produits financiers particulièrement risqués, tels les dérivés toxiques qui ont forcé le gouvernement à couvrir AIG pour un montant de 130 milliard d’US Dollars. Il interdirait les choix politiques qui empêcheraient les banques de devenir trop grandes pour faire faillite et ferait obstacle aux pare-feu envisagés pour prévenir la conversion de nos comptes épargne en fonds de casinos que sont les hedge funds.
Le TPP limiterait aussi le contrôle des mouvements des capitaux, instrument essentiel de prévention des déstabilisations créées par les flux de monnaies spéculatives… Et l’accord interdirait la taxation des mouvements spéculatifs de Wall Street comme le propose la Taxe Robin des bois qui pourtant permettrait de libérer des milliards de dollars pour l’aide sociale, la santé ou l’environnement.
Les décisions résultant de libres accords commerciaux antérieurs sont évoquées pour défier les tentatives de régulation du monde des affaires. Le monde de l’industrie des énergies fossiles tente de contourner les mesures du Québec visant à interdire le cracking écologiquement catastrophique pour exploiter le gaz de schiste. Veolia, compagnie française connue pour la construction d’un réseau de tramways desservant les colonies israéliennes à Jérusalem Est et dans les territoires occupés bloque le relèvement des salaires minimum en Egypte. Philip Morris, le grand cigarettier, poursuit l’Uruguay et l’Australie pour leurs mesures anti-tabac.
L’objectif du TPP n’est pas uniquement d’accroître le pouvoir des industriels étrangers mais celui du monde international de la finance afin qu’il puisse s’en prendre devant des tribunaux étrangers aux politiques financières qui les contrarient et pouvoir ainsi demander des compensations aux contribuables pour les lois et règlements qui, selon eux, limiteraient leurs profits et décevraient leurs espérances de rentabilité.
Hypothéquer la souveraineté nationale
Comment justifier de telles entraves aux droits souverains des gouvernements ? Officiellement, l’ISDS les stimulerait en sécurisant les investissements étrangers. Mais, comme le fait remarquer The Economist, les investisseurs peuvent se protéger en contractant des assurances « risques politiques ».
D’autre part, le Brésil continue à bénéficier d’importants investissements étrangers alors qu’il se refuse à signer tout traité de type ISDS. De plus en plus de pays commencent à imiter le Brésil sur ce point.
Le rapport de ce 22 avril du Centre de Recherche Economique et Politique révèle pourtant à quel point les bénéfices de la libéralisation commerciale internationale sont dérisoires, équivalant à peine à 0.014 % de la consommation, soit environ 0.43 $ par personne et par mois. Cela, en supposant que les bénéfices soient uniformément répartis sur l’ensemble du paysage économique. En réalité, les sociétés multinationales perçoivent l’essentiel des bénéfices au détriment de la population mondiale.
Il semble bien que tout autre chose se prépare au-delà d’un appel aux investissements et d’un encouragement du commerce international. Le TPP voudrait plutôt saper notre forme de gouvernement républicain régi par les lois en plaçant les droits des investisseurs - également appelés « droits du capital »- au-dessus des droits du citoyen.
En clair, le TPP est formellement anticonstitutionnel . Mais comme le fait remarquer Joe Firestone, le néolibéralisme et ses alliés du monde des affaires ont si bien camouflé les éléments du traité qu’ils empêchent de voir à quel point il vend la souveraineté des Etats-Unis à l’étranger et aux grandes sociétés multinationales.
Ellen Brown est juge, fondatrice du Public Banking Institute et auteure d’une douzaine de livres parmi lesquels le best-seller Web of debt. Son dernier livre The Public Bank Solution, étudie sur le plan historique et universel les différents modèles bancaires. Ses 300 articles peuvent être consultés sur son blog EllenBrown.com. Vous pouvez aussi écouter « It’s our money with Ellen Brown » sur PRN fm.
Traduit de l’anglais pour Investig’Action par Oscar GROSJEAN.
Source : Investig’Action
Source originale : Counter Punch -
RAPPEL : Combat laïque et combat social : samedi 6 juin de 13 h à 17 h à Paris
RAPPEL
Appel à constitution de collectif
Combat laïque et combat social
“Charlie” et après ? Suite aux journées des 7, 8, 9 janvier 2015 et aux réactions populaires salutaires qui ont suivi, nous avons constaté les manipulations politico-médiatiques du gouvernement, ses tendances concordataires, le détournement de la laïcité par la droite et l'extrême-droite pour cibler les musulmans ; mais aussi, pour de nombreuses directions d'organisations de la gauche, d'une réaffirmation de positions communautaristes, pour terminer avec l'appel à un meeting “contre 'islamophobie” le 6 mars à Saint-Denis, incluant des organisations islamistes dont l'UOIF, proche de l'organisation internationale des Frères musulmans, ou les Indigènes de la République.
Nous estimons qu'aucune dynamique émancipatrice ne peut avoir lieu au XXIe siècle en s'alliant avec l'obscurantisme et la réaction. Il reste à répondre aux interrogations des militants dans un climat idéologique confus.
Les participants à une première réunion tenue le 18 février à Ivry/Seine ont souhaité élargir la mobilisation, pour aller à terme vers un collectif de type "gauche laïque" respectant la diversité des appartenances.Dans cet esprit, ils appellent à un débat qui se tiendra le samedi 6 juin de 13 h à 17 h à la Bourse du Travail, salle Jean Jaurès
3, rue du Château d'eau - 75010 – M° République
Après une présentation générale sur les perspectives de transformation sociale et politique, en France et dans le contexte international actuel, la discussion sera largement ouverte à partir des axes suivants :
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Antiracisme
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Féminisme
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Ecole
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Impasses du communautarisme et intégration
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Monde du travail
A l'initiative d'un collectif composé de l'UFAL (Union des Familles Laïques) Ile-de-France, du journal électronique ReSPUBLICA, du Réseau Education Populaire, du MS21 (Mouvement pour un Socialisme du XXIe siècle), de Prométhée 94 et de militants syndicalistes (CGT, Solidaires, FSU) et politiques (Parti de Gauche, PCF, écologistes)
Inscriptions et renseignements : contact@gaucherepublicaine.org
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