Mais que peut-il se passer à Odessa pour que la présence, le témoignage d'étrangers soient redoutés?
Le 2 mai 2014 un rassemblement pacifique se tenait sur la place des champs Kulikovo, à Odessa, afin de récolter des signatures pour obtenir un référendum sur une organisation fédérale de l’Ukraine. Ce rassemblement a été violemment attaqué par une expédition terroriste de groupes de néo nazis de Pravy-sektor, provoquant de nombreux morts parmi ces habitants d'Odessa. Certains, pour échapper aux nervis neonazis se sont réfugiés dans la maison des syndicats qui a été encerclée, puis incendiée. Au moins 42 victimes supplémentaires ont péri par le feu ou en se défenestrant et ont été achevées par les assaillants.
En janvier 2015 une délégation des mères d’Odessa est venue témoigner dans diverses villes de France (le 28 janvier à Marseille, le 29 janvier à Nice). C'est à cette occasion que nous avons fait connaissance des membres de cette délégation.
Le 2 mai 2016 était le deuxième anniversaire de cet épisode dramatique à la commémoration duquel nos amis ukrainiens nous invitaient. Nous étions quatre à répondre à cette invitation : Serge , ancien résistant et Sylvie, sa fille, Claude et Mireille fille et petite fille de Gleb Sivirine, commandant du célèbre maquis Vallier, maquis gaulliste qui a opéré dans le Var jusqu'aux combats de la libération. Gleb Sivirine étant né lui même à Odessa, elles profitaient de ce voyage pour retrouver le berceau de leurs origines familliales.
Des informations alarmantes nous avaient dans un premier temps convaincu de renoncer à notre participation à ces commémorations : Saakashvili et Poroshenko auraient mobilisé 1000 tueurs du bataillon Azov pour "maintenir l'ordre".
Pour éviter tout prétexte à de nouvelles violences, les familles des victimes du massacre du 2 mai ont décidé de remplacer les commémorations publiques qui étaient prévues par des repas privés dans les familles. Seul étaient maintenu et autorisé par la mairie d'Odessa un moment de recueillement au cimetière devant les tombes des victimes.
Nos amis d'Odessa tenaient beaucoup à la présence de témoins étrangers et ont maintenu leur invitation. C'est donc à ces moments de recueillement privés que nous étions conviés.
Mais il semble que la présence, le témoignage d'étrangers soient redoutés puisque, visiblement, nous étions attendus et avons été retenus à la frontière. Après un interrogatoire de plus de 2 heures, nous avons été interdits de pénétrer sur le territoire ukrainien, et placés sous surveillance militaire dans l'aéroport d'Odessa. Nous avons dû passer la nuit dans des conditions très rudimentaires, allongés sur des banquettes en fer avec deux oreillers et deux couvertures pour quatre. Toujours « accompagnés », confinés pendant les 3 heures ½ de la correspondance d'Istanbul, nous avons été reconduits jusqu'à Nice – notre point de départ. Nos passeports nous ont été confisqués, remis directement dans les mains de la compagnie aérienne chargée de nous rapatrier. Ce n'est qu'arrivés à Nice que nous avons pu les récupérer des mains de la police française. Interrogés, escortés donc et privés de liberté pendant 21 heures.
Nous avons donc été empêchés de nous recueillir sur les tombes des victimes de la tuerie du 2 mai 2014, empêchés d'apporter le soutien de Français et de partager avec nos hôtes, famille des victimes, un repas en privé.
Et dire que de tels comportements sont orchestrés par les autorités ukrainiennes qui bénéficient du soutien actif de l'Union européenne avec en première ligne la complicité de notre propre gouvernement et dans le silence assourdissant de la majorité de nos médias.
Témoignage de Serge Lesou, Sylvie Pillé, Mireille et Claude Roddier