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Gouvernement - Page 2

  • Quelle « drôle de gauche », cette fausse gauche sociale-démocrate!


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    Quand la « drôle-de-gauche » gouverne à droite et fait son retour à gauche dans l’opposition…

    Les droites ont pour qualité de savoir ce qu’elles veulent : protéger et promouvoir au maximum les intérêts qu’elles représentent, c’est-à-dire avant tout les milieux d’affaires, la propriété privée des moyens de production et tous les conservatismes sociétaux, sauf si ceux-ci risquent d’affaiblir, par les réactions qu’ils suscitent les pouvoirs de l’argent. Elles font alors assaut de « modernité » et « changent tout pour que rien ne change » ! Car leur cohérence et leur constance sont absolues dans leur détermination à ne jamais céder au social si le profit est mis en cause.

    Les droites revêtent, selon les circonstances, des formes variées : elles ont été souvent, en France, « républicaines », « parlementaires » et « modérées » ; elles peuvent être « décomplexées », « arrogantes » à l’américaine et autoritaires ; en période de crise aiguë, elles ne rechignent pas à la répression forte et à la totale concentration des pouvoirs dans le cadre d’une droite extrême, qualifiée hier de fasciste et aujourd’hui de « populiste ». Derrière leurs masques variés, l’essentiel demeure.

    Ces différentes droites peuvent s’articuler de manière complexe afin de mieux faire croire qu’elles incarnent « l’intérêt général ». Elles sont, en tout état de cause, largement financées par les pouvoirs privés et la classe la plus aisée et disposent des moyens les plus vastes pour s’imposer à l’occasion des élections légitimant le plus souvent cette forme de « démocratie » particulière bien faite pour « la race des seigneurs », celle de l’argent, de la haute administration et du « tout-Paris », celle qui pratique le déni absolu des antagonismes sociaux et des inégalités insupportables.

    Ainsi, en France et à travers le monde, sans user de violence frontale grâce au cirque électoral, animé par l’argent et le tam-tam médiatique, prolifèrent des dynasties plus ou moins médiocres, non pas seulement au Pakistan, en Inde, ou au Liban, mais aussi aux États-Unis, en Grèce ou en France, alors que le « suffrage universel n’est que l’index qui permet de mesurer la maturité des classes populaires et qu’il ne peut être rien de plus… dans l’état actuel », comme le notait Engels.

    Or, précisément, force est de constater l’immaturité du plus grand nombre, objet de toutes les manipulations et de toutes les domestications créant l’illusion du choix et la croyance que chacun est authentiquement « libre »1.

    Si, par accident, les droites perdent les élections, elles les déclarent « illégitimes » ou illégales, la « preuve » essentielle de ces défauts étant leur propre défaite !

    Si la droite échoue, c’est qu’un « populisme » vulgaire et démagogique a décérébré les citoyens : conclusion, il faut voter à nouveau (cf les résultats des référendums européens de 2005 non respectés). Si l’échec se perpétue, alors toutes les violences « démocratiques » sont fondées, style Pinochet ou autre !! Toutes les formes de coup d’État sont jugées légitimes !! Il en est de même si les élections n’ont pas été « régulières » puisqu’elles ont été perdues (cf la victoire de 2011 de L. Gbagbo en Côte d’Ivoire) : alors, le recours à la force s’impose « au nom de la démocratie et de la protection des populations » ! La « dictature démocratique » reçoit alors la bénédiction des grandes puissances occidentales et des institutions économiques et financières internationales.

    == Les « gauches » ou prétendues telles, ont d’autres pathologies. Elles ont pour défaut fréquent d’avoir peur d’elles-mêmes en se risquant à faire l’Histoire au lieu de s’adonner aux jeux politiciens.

    La gauche « social-démocrate » en est l’illustration la plus « exemplaire » … Avec Jean Salem, on peut la qualifier de « drôle-de-gauche », tant elle est animée d’un esprit de compromission produisant une politique faite nécessairement de contradictions. La place importante que cette « D.D.G » occupe dans les sociétés européennes est elle-même source d’une contradiction majeure : les autres gauches semblent ne rien pouvoir faire sans elle (ce qui reste à prouver), mais elles ne peuvent rien non plus avec elle (ce qui est d’ores et déjà démontré) !

    Au nom de la « Liberté », cette « drôle-de-gauche » se caractérise par un anticommunisme profond, indissociable de sa nature antisociale (sous couverture de « réalisme » économique). Les partis se réclamant de la social-démocratie sont des forces « ramasse-tout », facteur de blocages paralysants.

    Les partis « socialistes » européens en ont fait la démonstration lorsqu’ils dominaient la plupart des gouvernements des États membres de l’Union Européenne qu’elle a pourtant géré comme les droites. En France, le parti socialiste a connu une période où il dirigeait à la fois le Parlement et les Régions, sans rien bouleverser pour autant. Les citoyens français les plus défavorisés n’ont pas vu leur situation se modifier.

    La priorité absolue est en effet donnée au sociétal, au détriment des besoins sociaux les plus fondamentaux qui s’expriment dans les mouvements revendicatifs. Cette pratique résulte du fait qu’elle est plus facile à mener, car elle ne remet pas en cause les fondements du système socio-économique. Pour cette « drôle-de-gauche », cette place du sociétal présente il est vrai l’avantage de permettre des rebonds aux lendemains de ses échecs inévitables. Elle ne peut à la fois satisfaire sa base sociale « naturelle » et les pouvoirs privés économiques et financiers qu’elle essaie de se concilier. « J’aime l’entreprise », déclarait solennellement le Premier ministre Valls ! A tout prix, y compris à celui de la défaite, la social-démocratie se refuse à courir le risque de rupture avec les dominants ! C’est pourquoi, ceux qui, en France par exemple, « enterrent » le parti socialiste en raison du désastre « hollandais », ont toutes les chances de se tromper : la défaite magistrale de G. Defferre (avec 5% des voix) aux présidentielles de 1969 a pu faire croire à la même disparition. Le rebond n’a pas tardé ! Les « gênes » des pseudo-socialistes sont trop proches des citoyens craintifs ou sans conviction claire pour ne pas favoriser des renaissances périodiques.

    De plus, la « drôle-de-gauche » – qui n’engage à rien – est très présente dans la société civile d’un pays comme la France, particulièrement dans les médias et le monde intellectuel. Elle est l’expression de la médiocrité ambiante.

    Ce petit monde, fervent adepte de la « démocratie du bavardage », admirateur de l’American Way of Life, pétri du « rêve américain », promoteur d’une pseudo « modernité » et d’un soi-disant dynamisme « innovateur » contre tous les « archaïsmes » (comme a pu y croire Max Gallo, par exemple, avec le Mitterrandisme), prétend vouloir la révolution (permanente si possible) sans la vouloir vraiment, promeut « l’engagement » citoyen mais sans prendre de risques, défend la radicalité dans tous les domaines sauf en matière économique et sociale  !

    La « drôle-de-gauche » de la société civile nourrit la social-démocratie politicienne, en lui transfusant un « air-mode » attractif et consensuel, tout au moins dans les couches sociales dominantes. Les « branchés » socio-démocrates revitalisent en effet les milieux politiciens dont les « recettes », faites de compromis constants, sont les plus vieilles du monde, dont seuls les « emballages » changent au fil du temps.

    C’est que les partis de gauche « de gouvernement » en ont bien besoin après leur périodique passage dans les sommets de l’État !

    Dans l’histoire des républiques françaises, les expériences gouvernementales de la social-démocratie ont été de nature analogue. La « drôle-de-gauche » s’appuie sur les classes populaires et sur les gauches plus radicales pour l’emporter, puis elle gouverne avec une telle « prudence » conservatrice qu’elle se discrédite et disparaît.

    Cependant, durant ses longues cures d’opposition, elle se repositionne à gauche, en faisant le procès du « Mur de l’argent », du « Grand capital » ou du « Monde de la Finance », se refaisant à bon compte une nouvelle jeunesse.

    Le Cartel des Gauches (1924-1926) est ainsi une victoire contre le Bloc National qui augmente les impôts, accepte le chômage, etc. Il l’emporte « contre les puissances d’argent », en s’affichant « pour la laïcité » et « pour les petits » (sic) ! Mais il se limitera avec le gouvernement Herriot au transfert des cendres de Jaurès au Panthéon, à l’amnistie des cheminots révoqués, sans perdre la « confiance » des milieux d’affaires, par peur de la « fuite des capitaux » et de la chute du franc ! Il est renversé au bout de deux ans.

    Le Front Populaire (1936) du gouvernement Blum considère que « tout n’est pas possible » à la différence des « frondeurs » de l’époque dirigés par M. Pivert. Les hésitations de Blum face à la hausse des prix, au chômage, à la fuite des capitaux, motifs de la « pause » sociale, font qu’il va rapidement s’opposer à la fois à l’hostilité des salariés déçus et des milieux d’affaires. Une manifestation communiste sera même réprimée violemment faisant 6 morts et de nombreux blessés, sans susciter la moindre critique officielle de la police. Par contre, rien ne sera fait pour la République Espagnole !

    Dès la Libération, la SFIO, pactisant avec la Démocratie chrétienne, prend ses distances avec l’esprit de la Résistance et devient l’instrument le plus efficace (assisté par les Américains) contre les communistes.

    Il en sera de même avec le gouvernement SFIO de Guy Mollet, constitué pour faire la paix en Algérie et qui devient le champion de la guerre à outrance, malgré un petit PSU de gauche issu des rangs socialistes.

    Il en sera ainsi avec F. Mitterrand dès 1982 et le « nouveau » parti socialiste, très rapidement distant avec les communistes et le mouvement social qu’ils réussissent à affaiblir plus efficacement que ne l’avait fait de Gaulle !

    Le décennat « hollandais », fait de reniements cumulés, est sans doute le pire, axé sur une politique prétendument « réformiste », c’est-à-dire jouant le jeu du capitalisme financier et de la Commission européenne à son service, dénonçant la CGT et instrumentalisant le sécuritarisme. La très modeste « fronde » de quelques socialistes des années 2000 n’ira pas plus loin que celle de M. Pivert en 1936.

    Cette succession d’échecs programmés permettant à chaque fois un retour fracassant de la droite, entraîne des « stages de récupération ». Tombant pour leur politique droitière, la social-démocratie, comme il a été dit précédemment, se relève par des positions réellement à gauche… dans l’opposition.

    N’ayant jamais rompu réellement avec les milieux exerçant leur hégémonie sur l’appareil d’État, sur l’économie et la société, la social-démocratie a la capacité de se « récupérer » dans un délai relativement bref. Chaque bataille perdue, parce que non menée véritablement, prépare une nouvelle victoire… inutile ou presque !

    Le Parti socialiste français, enterrant le « Hollandisme », est déjà en train de chercher du sang neuf, en ravalant se façade avec quelques personnalités, déjà vieux routiers de la politique, mais rafraîchies par leur discours renouvelé, complaisamment assistées par les médias dominants.

    La « drôle-de-gauche » passe ainsi d’une pratique de droite à une réinsertion dans le moule d’une gauche de gauche ! Sans complexe, le Premier ministre du Président déchu se présente comme un homme neuf (voir sa critique paradoxale de l’art. 49-3 de la Constitution française), de même qu’un cortège de ministres hier « hollandais », dont l’une révèle même subitement ses sentiments « castristes ». Il s’agit de se dissocier (en attendant de nouveaux compromis s’il le faut avec la droite sous prétexte de combattre l’extrême-droite, comme en Allemagne) des adversaires principaux du moment.

    La mascarade est complète avec cette droite « républicaine » où le Premier ministre, d’un autre Président déchu, s’affiche lui aussi comme l’homme-lige d’une « vraie » droite. Il apparaît que les partis de gouvernement de gauche et de droite font leur la devise de Pétain : « les Français ont la mémoire courte » !

    Les « vérités » sacralisées du marché, comme la « libre » concurrence, ne s’appliquent pas au monde politique où seule la « concentration » des pouvoirs (comme celle du capital) s’affirme en continu au détriment des intérêts populaires.

    Cette réalité de la social-démocratie française ne se distingue guère de celle qui sévit en Allemagne, en Grèce, en Espagne, au Portugal et dans les pays de l’Europe de l’Est. Leur volonté d’impuissance, comme leur soif de pouvoir, en font un obstacle à toute transformation sociale significative et leurs pathologies sont sans remède.

    1Voir Jean Salem. Élections, piège à cons ? Que reste-t-il de la démocratie ? Flammarion. 2012.

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  • Entretien avec Samir Amin : L’affirmation de la souveraineté nationale populaire face à l’offensive du capital


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    Les analyses portant sur la crise qui secoue -de manière structurelle – le système capitaliste actuel s’avèrent être d’une stérilité pitoyable. Mensonges médiatiques, politiques économiques anti-populaires, ondes de privatisations, guerres économiques et « humanitaires », flux migratoires. Le cocktail est explosif, la désinformation est totale. Les classes dominantes se frottent les mains face à une situation qui leur permet de conserver et d’affirmer leur prédominance. Essayons d’y comprendre quelque chose. Pourquoi la crise ? Quelle est sa nature ? Quelles sont actuellement et quelles devraient être les réponses des peuples, des organisations et des mouvements soucieux d’un monde de paix et de justice sociale ? Entretien avec Samir Amin, économiste égyptien et penseur des relations de domination (néo)coloniales, président du Forum mondial des alternatives.

     

    Raffaele Morgantini (Investig’Action) : Depuis plusieurs décennies vos écrits et vos analyses nous livrent des éléments d’analyse pour déchiffrer le système capitaliste, les relations de domination Nord-Sud et les réponses des mouvements de résistance des pays du Sud. Aujourd’hui, nous sommes entrées dans une nouvelle phase de la crise systémique capitaliste. Quelle est la nature de cette nouvelle crise ?

    Samir Amin : La crise actuelle n’est pas une crise financière du capitalisme mais une crise de système. Ce n’est pas une crise en « U ». Dans les crises ordinaires du capitalisme (les crises en « U ») les mêmes logiques qui conduisent à la crise, après une période de restructurations partielles, permettent la reprise. Ce sont les crises normales du capitalisme. Par contre la crise en cours depuis les années 1970 est une crise en « L » : la logique qui a conduit à la crise ne permet pas la reprise. Cela nous invite à poser la question suivante (qui est d’ailleurs le titre d’un mes livres) : sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise ?

    Une crise en « L » signale l’épuisement historique du système. Ce qui ne veut pas dire que le régime va mourir lentement et paisiblement de sa belle mort. Au contraire, le capitalisme sénile devient méchant, et tente de survivre en redoublant de violence. Pour les peuples la crise systémique du capitalisme est insoutenable, par ce qu’elle entraîne l’inégalité croissante dans la répartition des revenus et des richesses à l’intérieur des sociétés, qui s’accompagne d’une stagnation profonde d’une part, et l’approfondissement de la polarisation mondiale d’autre part. Bien que la défense de la croissance économique ne soit pas notre objectif, il faut savoir que la survie du capitalisme est impossible sans croissance. Les inégalités avec stagnation, ça devient insupportable. L’inégalité est supportable quand il y a croissance et que tout le monde en bénéficie, même si cela est de manière inégale. Comme pendant les 30 glorieuses. Il y a alors inégalité mais sans paupérisation. Par contre, l’inégalité dans la stagnation s’accompagne nécessairement de la paupérisation, et ça devient socialement inacceptable. Pourquoi en sommes-nous venus là ? Ma thèse est que nous sommes entrés dans une nouvelle étape du capitalisme des monopoles, que je qualifie de celle des « monopoles généralisés », caractérisée par la réduction de toutes les activités économiques au statut de facto de la sous-traitance au bénéfice de la croissance exclusive de la rente des monopoles.

    Comment évaluez-vous les réponses actuelles à la crise de la part des pays et des différents mouvements ?

    Avant tout, j’aimerais rappeler que tous les discours des économistes conventionnels et les propositions qu’ils avancent pour sortir de la crise, n’ont aucune valeur scientifique. Le système ne sortira pas de cette crise. Il va vivre, ou essayer de survivre, au prix de destructions grandissantes dans la crise permanente. Les réponses à cette crise sont jusqu’à présent, pour le moins qu’on puisse dire, limitées, douteuses et inefficaces dans les pays du Nord.

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       Samir Amin

    Mais il y a des réponses plus ou moins positives dans le Sud qui s’expriment par ce qu’on appelle «  l’émergence ». La question qui se pose alors est : émergence de quoi ? Emergence de nouveaux marchés dans ce système en crise contrôlé par les monopoles de la triade (des impérialismes traditionnels, de la triade Etats Unis, Europe occidentale et Japon) ou émergence des sociétés ? Le seul cas d’émergence positive dans ce sens est celui de la Chine qui tente d’associer son projet d’émergence nationale et sociale à la poursuite de son intégration dans la mondialisation, sans renoncer à exercer son contrôle sur les conditions de cette dernière. C’est la raison pour laquelle la Chine est probablement l’adversaire potentiel majeur de la triade impérialiste. Mais il y a aussi les semi-émergents, c’est-à-dire ceux qui aimeraient l’être mais qui ne le sont pas véritablement, comme l’Inde ou le Brésil (même au temps de Lula et Dilma). Des pays qui n’ont rien changé aux structures de leur intégration dans le système mondial, demeurent réduits au statut d’exportateurs de matières premières et des produits de l’agriculture capitaliste. Ils sont bien « émergents », dans le sens qu’ils enregistrent parfois des taux de croissance pas trop mauvais accompagnés par une croissance plus rapide des classes moyennes. Ici l’émergence est celle des marchés, pas des sociétés. Et puis, il y a les autres pays du Sud, les plus fragiles, et notamment les pays africains, arabes, musulmans, et ici et là d’autres en Amérique latine et en Asie. Un Sud soumis à un double pillage : celui de leurs ressources naturelles au profit des monopoles de la Triade, celui des raids financiers pour voler les épargnes nationales. Le cas argentin est à cet égard emblématique. Les réponses dans ces pays sont souvent malheureusement « pré-modernes » et non « post-modernes » comme on les présente : retour imaginaire au passé, proposé par les islamistes ou par des confréries chrétiennes évangélistes en Afrique et en Amérique latine. Ou encore des réponses pseudo-ethniques qui insistent sur l’authenticité ethnique de pseudo-communautés. Des réponses qui sont manipulables et souvent efficacement manipulées, bien qu’elles disposent de bases sociales locales réelles (ce ne sont pas les États-Unis qui ont inventé l’islam, ou les ethnies). Néanmoins, le problème est sérieux, parce que ces mouvements disposent de grands moyens (financiers, médiatiques, politiques, etc.) mis à leur disposition par les puissances capitalistes dominantes et leurs amis locaux.

    Quelles réponses pourrait-on imaginer, de la part des mouvements de la gauche radicale aux défis posés par ce capitalisme dangereusement moribond?

    Une des tentations, que je vais écarter tout de suite, est que face à une crise du capitalisme global, la réponse recherchée doit elle aussi être globale. Tentation très dangereuse parce qu’elle inspire des stratégies condamnées à l’échec certain : «la révolution mondiale », ou la transformation du système mondial par en haut, par décision collective de tous les Etats. Les changements dans l’histoire ne se sont jamais fait de cette manière. Ils sont toujours partis de celles des nations qui constituent des maillons faibles dans le système global ;des avancées inégales d’un pays à l’autre, d’un moment à l’autre. La déconstruction s’impose avant la reconstruction. Cela vaut pour l’Europe par exemple : déconstruction du système européen si on veut en reconstruire ultérieurement un autre, sur d’autres bases. Il faut sortir de l’illusion de la possibilité de « réformes » conduites avec succès à l’intérieur d’un modèle qui a été construit en béton armé pour ne pouvoir être autre chose que ce qu’il est. La même chose pour la mondialisation néolibérale. La déconstruction, qui s’appelle ici déconnexion, n’est certes pas un remède magique et absolu, qui impliquerait l’autarcie et la migration hors de la planète. La déconnexion appelle au renversement des termes de l’équation ; au lieu d’accepter de s’ajuster unilatéralement aux exigences de la mondialisation, on tente d’obliger la mondialisation à s’ajuster aux exigences du développement local. Mais attention, dans ce sens, la déconnexion n’est jamais parfaite. Le succès sera glorieux si on réalise seulement quelques-unes parmi nos revendications majeures. Et cela pose une question fondamentale : celle de la souveraineté. C’est un concept fondamental que nous devons nous réapproprier.

    De quelle souveraineté parlez vous ? Croyez vous dans la possibilité de construire une souveraineté populaire et progressiste, en opposition à la souveraineté telle que conçue par les élites capitalistes et nationalistes ?

    La souveraineté de qui ? Voilà la question. Nous avons été habitués par l’histoire à connaître ce qui a été appelé comme la souveraineté nationale, celle mise en œuvre par les bourgeoisies des pays capitalistes, par les classes dirigeantes pour légitimer leur exploitation, d’abord de leurs propres travailleurs, mais aussi afin de renforcer leur position dans la compétition avec les autres nationalismes impérialistes. C’est le nationalisme bourgeois. Les pays de la triade impérialiste n’ont jamais connu jusqu’à présent un nationalisme autre que celui-ci. Par contre, dans les périphéries nous avons connu d’autres nationalismes, procédant de la volonté d’affirmer une souveraineté anti-impérialiste, opérant contre la logique de la mondialisation impérialiste du moment.

    La confusion entre ces deux concepts de « nationalisme » est très forte en Europe. Pourquoi ? Et bien, pour des raisons historiques évidentes. Les nationalismes impérialistes ont été à l’origine des deux guerres mondiales, source de ravages sans précédents. On comprend que ces nationalismes soient ressentis comme nauséabonds. Après la guerre, la construction européenne a laissé croire qu’elle allait permettre de dépasser ce genre de rivalités, par la mise en place d’un pouvoir supranational européen, démocratique et progressiste. Les peuples ont cru à cela, ce qui explique la popularité du projet européen, qui tient toujours en dépit de tous ses ravages. Comme en Grèce par exemple, où les électeurs se sont prononcé contre l’austérité mais en même temps ont conservé leur illusion d’une autre Europe possible.

    Nous parlons d’une autre souveraineté. Une souveraineté populaire, par opposition à la souveraineté nationaliste bourgeoise des classes dirigeantes. Une souveraineté conçue comme le véhicule d’une libération, faisant reculer la mondialisation impérialiste contemporaine. Un nationalisme anti-impérialiste donc, qui rien à voir avec le discours démagogique d’un nationalisme local qui accepterait d’inscrire les perspectives du pays concerné dans la mondialisation en place, qui considère le voisin plus faible comme son ennemi.

    Comment se construit-il donc un projet de souveraineté populaire ?

    Ce débat nous l’avons conduit à différentes reprises. Un débat difficile et complexe compte tenu de la variété des situations concrètes. Avec, je crois, de bons résultats, notamment dans nos discussions organisées en Chine, en Russie, en Amérique latine (Venezuela, Bolivie, Équateur, Brésil). D’autres débats ont été encore plus difficiles, notamment ceux organisés dans les pays les plus fragiles.

    La souveraineté populaire n’est pas simple à imaginer, parce qu’elle est traversée de contradictions. La souveraineté populaire se donne l’objectif du transfert d’un maximum de pouvoirs réels aux classes populaires. Celles-ci peuvent s’en saisir à des niveaux locaux, pouvant entrer en conflit avec la nécessité d’une stratégie au niveau de l’État. Pourquoi parler de l’État ? Parce qu’on le veuille ou pas, on continuera à vivre pas mal de temps avec des États. Et l’État reste le lieu majeur de la décision qui pèse. Ici se situe le fond du débat. À l’un des extrêmes de l’éventail dans le débat, nous avons les libertaires qui disent que l’État c’est l’ennemi qu’il faut à tout prix combattre, qu’il faut donc agir en dehors de sa sphère d’influence ; à l’autre pôle nous avons les expériences nationales populaires, notamment celles de la première vague de l’éveil des pays du sud, avec les nationalismes anti-impérialistes de Nasser, Lumumba, Modibo, etc. Ces leaders ont exercé une véritable tutelle sur leurs peuples, et pensé que le changement ne peut venir que d’en haut. Ces deux courants doivent dialoguer, se comprendre afin de bâtir des stratégies populaires qui permettent d’authentiques avancées.

    Qu’est-ce qu’on peut apprendre de ceux qui ont pu aller plus loin ? Comme en Chine ou en Amérique latine ? Quelles sont les marges que ces expériences ont su mettre à profit? Quelles sont les forces sociales qui sont ou pourraient être favorables à ces stratégies ? Par quels moyens politiques pouvons-nous espérer mobiliser leurs capacités ? Voilà les questions fondamentales que nous, les mouvements sociaux, les mouvements de la gauche radicale, les militants anti-impérialistes et anti-capitalistes, nous devons nous poser et auxquelles il nous faut répondre afin de construire notre propre souveraineté, populaire, progressiste et internationaliste.

    Source : Investig’Action

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  • La France, sponsor des terroristes? L’inépuisable terreau (10/10)

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    Abandon des pouvoirs publics, inégalités, injustices, ghettoïsation, stigmatisation et islamophobie : l’inépuisable terreau du terrorisme en France.


    « Dans une société où la concurrence entre individus est promue comme valeur suprême, où la compétitivité devient l’objectif majeur de la vie sociale et où la devise louis-philipparde « enrichissez-vous » semble le seul horizon, c’est en promouvant pratiquement dans la réalité sociale les valeurs de solidarité, d’égalité et de justice sociale, c’est par l’éducation quotidienne à l’égalité entre les femmes et les hommes que sera asséché le terreau de l’intégrisme et que ses adeptes seront marginalisés. »[1]

    Pierre Khalfa

     

                Pour Bakary Samb, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits en Afrique à l’Université de Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, « le terrorisme et le radicalisme sont les enfants naturels des liaisons dangereuses entre l’arrogance des injustices et l’ignorance de ceux qui se sentent des victimes[2] ». Pour le chercheur, « la lutte contre le terrorisme en amont avec une politique de prévention par l’éducation, le renforcement des capacités, la résorption des inégalités et la promotion d’espaces de socialisation alternatives au tout religieux, aux surenchères ethnico-confessionnelles paraîtraient plus efficaces que les formes de guerres asymétriques. […] Tant qu’on va continuer à privilégier l’intervention en lieu et place de la prévention par l’éducation et la justice sociale dans des régions où l’achat d’un vieux char coûte souvent plus cher que la construction d’une école, on ne s’en sortira pas[3] ».

    L’ancien diplomate éthiopien Mohamed Hassan va encore plus loin. Pour lui, « les dirigeants européens n’avaient pas de problème à voir s’exiler ces jeunes [partant faire le jihad armé en Syrie] dont ils ne savaient que faire. Ce devait même être un soulagement pour eux de voir partir sous les bombes ces « fous d’Allah » plutôt que de s’interroger sur la radicalisation de leurs jeunes citoyens. Une grande partie de ces euro-jihadistes sont des marginaux qu’on a parqués dans des ghettos. On ne leur a laissé aucune perspective d’avenir. Finalement, on les a juste autorisés à sombrer dans la drogue ou à se faire tuer loin de chez nous au nom de Dieu et contre un pays qu’on a voulu détruire. […] On ne leur donne pas beaucoup de chances pour suivre des études correctement, trouver du travail, fonder une famille et s’épanouir. Ceux qui s’accrochent malgré tout et parviennent à faire une bonne scolarité peinent ensuite à trouver un travail parce que leur nom de famille finit par une voyelle. Quel modèle peuvent-ils ensuite offrir à leurs petits frères ? […] Et maintenant, les gouvernements européens craignent que ces jeunes reviennent de Syrie. La menace terroriste va monter d’un cran, les mesures sécuritaires vont être renforcées, la défiance à l’égard des musulmans va s’accroître et, au final, la radicalisation gagnera encore du terrain. […] Les gouvernements européens devraient s’activer à offrir de réelles perspectives aux jeunes issus de l’immigration. Ils feraient bien aussi de revoir leur politique étrangère qui contribue depuis de nombreuses années à l’émergence de l’islamisme radical au Moyen-Orient. Le problème, c’est qu’il faudrait pour cela donner aux pays arabes de réelles chances de développement, ce qui est contraire aux intérêts des multinationales occidentales[4] ».

    C’est aussi l’avis du chercheur Olivier Roy : « Daech n’envoie pas des Syriens commettre des attentats en France pour dissuader le gouvernement français de le bombarder. Daech puise dans un réservoir de jeunes Français radicalisés qui, quoi qu’il arrive au Moyen-Orient, sont déjà entrés en dissidence et cherchent une cause, un label, un grand récit pour y apposer la signature sanglante de leur révolte personnelle[5] ». Ce qui explique qu’à la fin 2015, plus de 600 jeunes français (380 hommes et 220 femmes) étaient engagés dans les rangs de l’État Islamique, tant en Irak qu’en Syrie[6]. Un tiers des femmes et un sixième des hommes jihadistes français sont des convertis à l’islam[7]. Olivier Roy avertit : « l’écrasement de Daech ne changera rien à cette révolte. Le ralliement de ces jeunes à Daech est opportuniste : hier, ils étaient avec Al-Qaida, avant-hier (1995), ils se faisaient sous-traitants du GIA algérien ou pratiquaient, de la Bosnie à l’Afghanistan en passant par la Tchétchénie, leur petit nomadisme du djihad individuel (comme le « gang de Roubaix »). Et demain, ils se battront sous une autre bannière, à moins que la mort en action, l’âge ou la désillusion ne vident leurs rangs comme ce fut le cas de l’ultragauche des années 1970. […] Le problème essentiel pour la France n’est donc pas le califat du désert syrien, qui s’évaporera tôt ou tard comme un vieux mirage devenu cauchemar, le problème, c’est la révolte de ces jeunes. Et la vraie question est de savoir ce que représentent ces jeunes, s’ils sont l’avant-garde d’une guerre à venir ou au contraire les ratés d’un borborygme de l’Histoire.[8] » Pour Olivier Roy, on n’assiste donc pas à une radicalisation de l’Islam, mais à une islamisation de la radicalité.

    Le sociologue Saïd Bouamama rejoint l’analyse d’Olivier Roy sur les causes socio-économiques de la « radicalisation » – autrement dit sur le penchant nihiliste – d’une partie de la jeunesse européenne. L’islamisation de la radicalité vient du fait que c’est aujourd’hui le marché le plus florissant en matière de ce que Saïd Bouamama appelle « l’offre nihiliste »[9]. Saïd Bouamama rappelle que tout marché implique une offre et une demande, et le marché du radicalisme n’échappe pas à cette règle. Pour le chercheur, l’offre nihiliste n’est pas nouvelle, même si elle est plus visible depuis une quinzaine d’années en France. Cette offre nihiliste se caractérise par la prolifération de prédicateurs charlatanesques, en recherche constante de candidats révoltés ou désespérés prêts à se sacrifier pour une cause présentée comme noble ou révolutionnaire.

    Un « public nihiliste musulman » (ou supposé tel) ira spontanément vers les offres radicales de l’intégrisme musulman (le salafisme djihadiste) ; un « public nihiliste chrétien » (ou supposé tel) vers les offres radicales de l’intégrisme chrétien (de type Anders Behring Breivik) ; un « public nihiliste laïc ou athée » vers les offres radicales de l’intégrisme néo-païen (comme la secte de l’Ordre du Temple Solaire qui pratique des suicides collectifs). Mais il faut rappeler que seuls les individus nihilistes les plus fragiles « passent à l’acte », et ils sont une infime minorité. D’autres se réfugieront dans l’hyper-consumérisme à la poursuite d’un bonheur illusoire vendu par le mythe capitaliste. Ou encore dans la dépression, la résignation, la mortification et l’apathie sociale.

    L’attitude nihiliste est aujourd’hui alimentée chez les jeunes (15-30 ans) par l’absence de perspective professionnelle, un marché du travail bouché, un ascenseur social bloqué au rez-de-chaussée, une violence sociale omniprésente, des discriminations croissantes, une situation écologique catastrophique, un hyper-militarisme angoissant, une surveillance oppressante, un individualisme libéral castrateur, une répression policière de type totalitaire, le tout agrémenté d’une classe politique affligeante, soumise aux desiderata des lobbies et d’une oligarchie industrielle toute-puissante qui exploite tant les humains que les ressources de la planète. Et on pourrait continuer la liste à l’envi, tant les raisons de l’indignation et de la révolte sont légions. Ce désespoir, cette frustration collective, ce « désenchantement du monde » post 30 glorieuses, cette rage trop longtemps contenue et souvent intériorisée, débouchent inévitablement une « demande nihiliste ». Or, lorsque la demande nihiliste rencontre l’offre nihiliste, la transaction devient possible, comme la résultante logique issue de deux tensions complémentaires.

    Mais alors, pourquoi une sur-représentation de l’offre nihiliste de type islamique ? Pour Saïd Bouamama, la précarisation et la paupérisation à l’œuvre ces dernières années  touchent toutes les catégories de la jeunesse européenne. Mais trois autres facteurs cristallisant la demande nihiliste de type islamique sont propres aux milieux populaires, aux personnes issues de l’immigration et plus particulièrement aux musulmans. Il s’agit de :

    1. la discrimination de type « raciale » (racisme biologique, au service de l’esclavage et de la hiérarchisation sociale)
    2. l’éthnicisation des comportements (racisme culturaliste, justifiant le néocolonialisme et les inégalités sociales)
    3. l’islamophobie (discrimination religieuse). Une discrimination savamment entretenue par des polémiques qui alimentent périodiquement les médias dominants à l’instigation des sphères politiques : sur le port du voile à l’école ou dans l’espace public, sur la construction de minarets, sur la viande halal dans les écoles, etc.

    Ces trois derniers facteurs sont la résultante d’une idéologie du rejet et de la stigmatisation, qui s’est distillé à dose homéopathique mais constante dans les discours politiques et médiatiques ces dernières années. Et si un sérum homéopathique prouve son efficacité sur le long terme, il en est de même avec un poison homéopathique.

    Ces trois facteurs participent à un processus de négation culturelle, qui est intériorisé par les jeunes issus de l’immigration musulmane comme un rejet de leur identité profonde, entraînant un ébranlement des repères identitaires. Bref, un déracinement et une déstabilisation de l’assise psychologique de l’individu, qui le pousse à exprimer des comportements violents d’abord contre lui-même, puis contre ses proches et contre les autres.

    Comprendre les causes structurelles de la maladie est le premier pas vers la guérison. Ainsi, comprendre les mécanismes d’exclusion sociale est un processus thérapeutique en soi, et le premier pas vers l’émancipation de ces stratégies de domination. L’école de la sociologie de la souffrance[10] nous enseigne les bienfaits de cette psychothérapie collective, qui est aussi une voie d’émancipation politique :

    1. Comprendre les causes de la souffrance permet d’en atténuer les effets. Effet immédiat.
    2. L’analyse collective dilue la souffrance en ce que nous sommes conscients de partager le même sort.
    3. La réflexion collective mène à l’action collective, et au besoin de s’organiser pour éradiquer les causes de cette souffrance.

    Le diagnostic est posé, reste à appliquer le traitement.

     

     

    Les paroles de la chanson « Lettre à la République » du rappeur français Kery James illustrent bien l’exaspération couplée à la lucidité d’une partie de cette jeunesse française :

    « A tous ces racistes à la tolérance hypocrite

    Qui ont bâti leur nation sur le sang

    Maintenant s’érigent en donneurs de leçons

    Pilleurs de richesses, tueurs d’africains

    Colonisateurs, tortionnaires d’algériens

    Ce passé colonial c’est le vôtre

    C’est vous qui avez choisi de lier votre histoire à la nôtre

    Maintenant vous devez assumer

    L’odeur du sang vous poursuit même si vous vous parfumez. […]

    Vous avez souhaité l’immigration

    Grâce à elle vous vous êtes gavés, jusqu’à l’indigestion.

    Je crois que la France n’a jamais fait la charité

    Les immigrés ce n’est que la main d’œuvre bon marché

    Gardez pour vous votre illusion républicaine

    De la douce France bafouée par l’immigration africaine

    Demandez aux tirailleurs sénégalais et aux harkis

    Qui a profité de qui ? […]

    Mais la nature humaine a balayé vos projets

    On ne s’intègre pas dans le rejet

    On ne s’intègre pas dans les ghettos français, parqués

    Entre immigrés, faut être censés

    Comment pointer du doigt le repli communautaire

    Que vous avez initié depuis les bidonvilles de Nanterre

    Pyromane et pompier, votre mémoire est sélective. […]

    Parce que décoloniser pour vous c’est déstabiliser.

    Et plus j’observe l’histoire moins je me sens redevable

    Je sais ce que c’est d’être Noir depuis l’époque du cartable. […]

    J’ai grandi à Orly dans les favelas de France

    J’ai « fleury » dans les maquis je suis en guerre depuis mon enfance. […]

    Au cœur de débats, des débats sans cœur

    Toujours les mêmes qu’on pointe du doigt dans votre France de rancœur

    En pleine crise économique, il faut un coupable

    Et c’est en direction des musulmans que tous vos coups partent

    Je n’ai pas peur de l’écrire : La France est islamophobe

    D’ailleurs plus personne ne se cache dans la France des xénophobes

    Vous nous traitez comme des moins que rien sur vos chaînes publiques

    Et vous attendez de nous qu’on s’écrie « Vive la République ! »

    Mon respect se fait violer au pays dit des Droits de l’Homme

    Difficile de se sentir Français sans le syndrome de Stockholm

    Parce que moi je suis Noir, musulman, banlieusard et fier de l’être

    Quand tu me vois tu mets un visage sur ce que l’autre France déteste

    Ce sont les mêmes hypocrites qui nous parlent de diversité

    Qui expriment le racisme sous couvert de laïcité

    Rêvent d’un français unique, avec une seule identité

    S’acharnent à discriminer, les mêmes minorités

    Face aux mêmes électeurs, les mêmes peurs sont agitées

    On oppose les communautés, pour cacher la précarité

    Que personne ne s’étonne si demain ça finit par péter

    Comment aimer un pays, qui refuse de nous respecter

    Loin des artistes transparents, j’écris ce texte comme un miroir

    Que la France s’y regarde si elle veut s’y voir

    Elle verra s’envoler l’illusion qu’elle se fait d’elle-même

    Je ne suis pas en manque d’affection

    Comprends que je n’attends plus qu’elle m’aime ! »

     

     

    Source: Investig’Action

     

    Bibliographie :

     

    • BEAU Nicolas, BOURGET Jean-Marie, Le vilain petit Qatar: cet ami qui nous veut du mal, Fayard, 2013.
    • BENOT Yves, Massacres coloniaux : 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises, Paris, éd. La Découverte, 2001.
    • BENSAADA Ahmed, Arabesque$. Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes, Investig’Action, 2015.
    • BOUAMAMA Saïd, Figures de la révolution africaine. De Kenyatta à Sankara, La Découverte, 2014.
    • BURKE Jason, Al-Qaïda, la véritable histoire de l’islam radical, La Découverte.
    • CHOMSKY Noam, Israël, Palestine, États-Unis : Le triangle fatidique, Édition remise à jour en mars 1999.
    • CHOUET Alain, Au cœur des services spéciaux. La menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers. Éditions La Découverte, 2011.
    • CHOUET Alain (ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE), blog présentant ses analyses : http://alain.chouet.free.fr/
    • COLLON Michel, Libye, OTAN et médiamensonges : Manuel de contre-propagande, Investig’Action, 2011.
    • FAURE Claude, Aux Services de la République, du BCRA à la DGSE, Fayard, 2004.
    • FOULQUIER Jean-Michel, Arabie séoudite, la dictature protégée, Éditions Albin Michel, 1995.
    • GUISNEL Jean, KAUFFER Rémi, FALIGOT Roger, Histoire politique des services secrets français, La Découverte (2012)
    • GUISNEL Jean, FALIGOT Roger, Histoire secrète de la Vè République, La Découverte, 2006.
    • HASSAN Mohamed et LALIEU Grégoire, Jihad Made in USA, Investig’Action, 2014.
    • HASSAN Mohamed, COLLON Michel et LALIEU Grégoire, La Stratégie du chaos, impérialisme et Islam, Investig’Action, 2011.
    • HAYEZ Philippe, COUSSERAN Jean-Claude, Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie, Odile Jacob, 2015.
    • JOHNSON Ian, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident, JC Lattès, 2011.
    • KROPP Pascal, Les Secrets de l’espionnage français, Lattes, 1993.
    • KIMYONGÜR Bahar, Syriana, la conquête continue, Investig’Action, 2011
    • LABEVIERE Richard, Les dollars de la terreur – Les États-Unis et les islamistes, Editions Grasset, 1998.
    • LABEVIERE Richard, Les Coulisses de la terreur, Éditions Grasset, 2003.
    • LABEVIERE Richard, Vérités et mythologies du 11 septembre 2001, Nouveau-Monde Editions, 2011.
    • MANIQUET Xavier, French bomber : Enfin la vérité sur le Rainbow Warrior, Michalon,‎ 2007.
    • MARTINET Pierre, Cellule delta : Au sein des services secrets, certains ont le permis de tuer, Flammarion,‎ , 263 p.
    • MELNIK Constantin, La mort était leur mission : Le service Action pendant la guerre d’Algérie, Plon, 223 p.
    • MERVEILLEUX DU VIGNAUX Sophie, Désinformation et services spéciaux, Rocher, 2007.
    • MILLET Damien, L’Afrique sans dette, Syllepse, 2006.
    • MOYO Dambisa, L’aide fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, Jean-Claude Lattès,‎ 2009.
    • NOUZILLE Vincent, Les Tueurs de la République, Fayard, 2015.
    • SASSI Jean et TREMBLAIS Jean-Louis, Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes : Résistance, Indochine, Algérie, Paris, Nimrod, 335 p.
    • STORA Benjamin, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), Paris, éd. La Découverte, 1991.
    • STORA Benjamin, La Gangrène de l’oubli – La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, éd. La Découverte, 1998 et 2005.
    • STORA Benjamin, Le Transfert d’une mémoire – De l’« Algérie française » au racisme anti-arabe, Paris, éd. La Découverte, 1999.
    • VERSCHAVE François-Xavier, La Françafrique : Le plus long scandale de la République, 1998, Stock, 380 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, De la Françafrique à la Mafiafrique, 2004, Tribord, 72 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, Au mépris des peuples : Le néolonialisme franco-africain, entretien avec Philippe Hauser, 2004, La Fabrique, 120 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, Complicité de génocide ? La politique de la France au Rwanda, 1994, La Découverte, 178 p.
    • VERSCHAVE François-Xavier, L’horreur qui nous prend au visage : L’État français et le génocide, Rapport de la Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, avec Laure Coret, 2005, Karthala, 586

     

    NOTES:

    [1]              . Pierre KHALFA, « La laïcité à l’épreuve », France.attac.org, 29 mars 2016.

    [2]              . Jean-Jacques LOUARN, « Attentats: compassion sélective des Africains? », Rfi.fr, 19 novembre 2015.

    [3]              . Elhadji Ibrahima THIAM, « Expansion de l’extrémisme religieux en Afrique : Pr Bakary Samb appelle les gouvernants à revoir les orientations éducatives », Bakarysambe.unblog.fr, 10 décembre 2015.

    [4]              . HASSAN Mohamed et LALIEU Grégoire, Jihad Made in USA, Investig’Action, 2014, p. 106-107.

    [5]              . Olivier ROY, « Olivier Roy : « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste », Lemonde.fr, 24 novembre 2015.

    [6]              . Élodie GUEGUEN, « 220 Françaises parties faire le djihad, un chiffre en hausse constante », Franceinfo.fr, 7 janvier 2016.

    [7]              . Idem.

    [8]              . Olivier ROY, Idem.

    [9]              . Saïd BOUAMAMA, lors de la conférence « Terrorisme et conflits au Moyen-Orient : la solution est-elle militaire ? », le jeudi 21 avril 2016 à la faculté de Médecine de l’ULB à Bruxelles.

    [10]            . Analyse apportée par le sociologue de l’immigration et des quartiers populaires Saïd BOUAMAMA, lors de la même conférence.

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  • Leçons et conséquences d’un été révélateur : La construction progressive des conditions de pogromes

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    L’été 2016 a été marqué par trois faits de nature différente : un ignoble attentat endeuille le pays le 14 juillet, une loi détruisant le code du travail massivement rejetée par la population et les travailleurs est votée le 21 juillet et un arrêté municipal interdisant l’accès à la plage pour les femmes portant un « burkini » est pris à Cannes, déclenchant en quelques jours une véritable épidémie d’arrêtés similaires dans d’autres villes. Les réactions sociales et les commentaires politiques et médiatiques qui ont suivis ces trois événements constituent un excellent analyseur de l’état de notre société, des contradictions qui la traversent et des intérêts qui s’y affrontent.

     

    « Radicalisation rapide », stratégie de dissimulation et production d’une psychose collective

    Dès le 16 juillet le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve évoque la thèse d’une « radicalisation rapide » du chauffeur meurtrier accompagnée d’une série de précisions angoissantes :

    « Il n’était pas connu des services de renseignement car il ne s’était pas distingué, au cours des années passées, soit par des condamnations soit par son activité, par une adhésion à l’idéologie islamiste radicale […] Il semble qu’il se soit radicalisé très rapidement. En tous les cas, ce sont les premiers éléments qui apparaissent à travers les témoignages de son entourage […] des individus sensibles au message de Daesh s’engagent dans des actions extrêmement violentes sans nécessairement avoir participé aux combats, sans nécessairement avoir été entraînés […] La modalité de la commission de son crime odieux est elle-même nouvelle. » (1)

    La thèse de la « radicalisation rapide » est lourde de conséquences. Elle accrédite l’idée que tous les musulmans sont susceptibles de se transformer rapidement et brusquement en terroriste. Le danger est désormais partout où sont présent des musulmans ou supposés tels. L’heure est donc à la méfiance à chaque fois que l’on croise un musulman réel ou supposé. Bien sûr, on ajoutera systématiquement « qu’il faut veiller à ne pas faire d’amalgame » soulignant ainsi la conscience des effets probables d’une telle thèse.

    Le fait que le profil du tueur soit atypique (au regard de celui que nos médias dessinent depuis des années pour nous aider à repérer les « candidats au djihadisme ») renforce encore la production d’une psychose collective. On ne peut même plus reconnaître un musulman compatible avec la république à des faits simples comme « ne pas fréquenter une mosquée », « ne pas faire le Ramadan » ou « manger du porc ».

    Pendant près de deux semaines, des « experts » se sont succédé sur nos plateaux pour nous convaincre d’un danger multiforme nécessitant une méfiance permanente vis-à-vis de certains de nos concitoyens. La perle pour les spécialistes revient une nouvelle fois à Mohamed Sifaoui présenté par BFM TV comme « journaliste spécialiste du terrorisme islamique », qui estime que la radicalisation peut-être « instantanée » :

    « elle peut s’accomplir [la radicalisation] le jour même de l’attentat; car il est dit par les idéologues islamistes que l’attentat kamikaze, l’attentat martyre fait pardonner l’ensemble des péchés. » (2)

    Mais ce « spécialiste » ne se contente pas d’accélérer à l’extrême la rapidité de la radicalisation, il appelle dans la même émission ses confrères à ne pas chercher à comprendre le comportement du tueur à partir d’une « rationalité occidentale ».

    Nous avons donc à faire à des individus qui ne fonctionnent pas ni ne raisonnent comme nous. Ils sont extérieurs à notre monde, non produits par lui et inexplicables rationnellement. C’est ainsi que se construit une psychose collective qui élimine une partie de la population du « Nous » social. Or à chaque fois qu’il y a des processus d’exclusion d’un « Nous » social, il y a autorisation au passage à l’acte. Les conditions de possibilité d’un pogrom se réunissent par ce type de processus.

    Mais Mohamed Sifaoui ajoute un argument de taille : la stratégie de dissimulation. « La dissimulation est une technique que l’on apprend dans des manuels qui sont distribués par Daesh » développe-t-il dans la même émission. La thèse de la « préméditation dissimulée » s’ajoute immédiatement à celle de la « radicalisation rapide ».

    Le procureur de la république de Paris, Louis Molins, déclare dans une conférence de presse le 21 juillet qu’« il apparaît que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a envisagé son projet criminel plusieurs mois avant son passage à l’acte ». (3) Il annonce également la mise en détention provisoire de cinq suspects soupçonnés de complicité. Sans attendre de précisions les média dominants s’emballent. Les téléspectateurs et les lecteurs des grands médias apprennent un nouveau mot arabe : « La Taqiya ».L’hebdomadaire Mariane titre « Taqiya : la dissimulation comme nouvelle arme de guerre » en expliquant en chapeau d’article :

    « Certains terroristes l’utilisent comme stratégie pour passer sous les radars des renseignements, d’autres s’en servent comme un alibi pratique pour continuer de mener leur vie d’occidentalisés : dans tous les cas, la taqiya – l’art de la dissimulation – est prônée par l’Etat islamique pour ces « soldats de Dieu ». Enquête  ». (4)

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  • Vers un " Fascisme Démocratique " ?

    par Francis Arzalier

    Politiciens et maîtres des médias à leur service ont réussi à persuader la majorité des français que le monde se divise en deux catégories de pays, ceux, " démocratiques ", comme la France, qui utilisent le suffrage universel et le pluralisme des partis politiques pour adouber leurs dirigeants, et les autres, dictatures autoritaires qui ne respectent pas les " libertés ", notamment celle d'entreprendre. Cette version fait en fait peu de cas des réalités de l'histoire passée, et celles du présent.

    Les diverses variétés de régimes fascistes ont ensanglanté le xxeme siècle, imposant le silence à tous ceux qui contestaient le capitalisme, et massacrant par millions les minorités désignées par eux comme boucs émissaires, en vertu de doctrines racistes et antisémites.
    La plupart de ces fascismes, a commencer par le plus virulent, le nazisme, ont accédé au pouvoir à l'issue d'élections: ainsi, Hitler est devenu chancelier du Reich en Allemagne par un vote majoritaire du parlement, avec le soutien des autres partis de la droite allemande. Ce n'est qu'après qu'il élimina toutes les organisations antinazies, et expédia leurs militants en exil ou en camps de concentration.

    Les fascismes d'il y a 70 ans, vaincus a l'issue de la deuxième guerre mondiale, ne ressuscitent pas aujourd'hui a l'identique. Mais des régimes autoritaires, utilisant la terreur et la démagogie xénophobe pour perpétuer l’inégalité et le capitalisme ne manquent pas: une variété contemporaine de l'antique fascisme, en quelque sorte, a commencer par les intégrismes islamistes qui font subir à leurs peuples et aux opposants leur terreur, en prétendant la justifier par un islam falsifié.

    C'est le cas des champions mondiaux de l'exécution capitale qui gouvernent la riche monarchie d' Arabie Saoudite, et financent les fanatismes djihadistes en Afrique et en orient.

    Mais c'est aussi le cas du régime islamiste turc dirige par Erdogan, membre éminent de l'alliance occidentale OTAN, qui a été des années durant le soutien objectif de Daech contre l'état syrien et les kurdes tout en prétendant le contraire. Ce dernier, comme les nazis en 1933, est arrivé au pouvoir après des élections, s'y maintient par la démagogie et la manipulation du religieux, et aujourd'hui dévoile son vrai visage. À l'issue d'une tentative de coup d'état si maladroite qu'elle pourrait bien être une provocation, Erdogan a entamé l'élimination de tout ce qui ressemble à un contestataire: environ 50 000 personnes arrêtées, détenues ou chassées de leur emploi, dans l'armée, la magistrature, l'enseignement.. POUR Ceux qui ont un peu de mémoire, cela ressemble fort a l'incendie du Reichstag organisé par les nazis a Berlin pour éliminer leurs opposants. Heureusement, les oppositions turques organisent la riposte et manifestent dans la rue a Istanboul aux cris de " ni coup d'état, ni dictature du palais!", Même si les journalistes français n'en rendent guère compte...

    Plus au sud, le pouvoir israélien, lui aussi issu d'élections, S'enfonce de plus en plus dans la spoliation colonisatrice au détriment des palestiniens, et la justifie par un racisme affirmé ouvertement au sein du gouvernement par le ministre de la défense, le leader d'extrême droite Liberman.

    Plus au nord, le pouvoir en place à Kiev, issu d'un soulèvement armé pro-occidental a Kiev, noyauté par l'extrême droite nationaliste et pro-nazie, s'est acquis une virginité " démocratique " par des élections organisées dans la contrainte.

    En quelque sorte, quatre exemples parfaits d'un " néo-fascisme démocratique " contemporain, qui a les faveurs de l'occident impérialiste. Comme le disait richard Ninon il y a un demi siècle, " ce sont de foutus bâtards, mais ce sont nos bâtards!". Faut il rappeler que l’Arabie saoudite, la Turquie, Israël, et l’Ukraine anti russe, sont des alliés privilégiés du pouvoir de hollande et Valls? Et que la France, entre des attentats criminels successifs, honteusement instrumentalises vers la xénophobie sécuritaire par ses " élites " politiciennes et médiatiques, semble bien suivre le même chemin....Si nous ne savons l'empêcher.

     

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  • L’État dévasté

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    Un constat fait consensus : la privatisation du monde anéantit la capacité normative des États. Les gouvernements et plus encore les parlements sont mis sous tutelle. Les élections sont le plus souvent vidées de leur sens. Les institutions publiques perdent leur pouvoir régulateur. Les frontières n’ont de signification que pour les pauvres de la planète : l’économie de marché est transnationale.


     

    L’État s’est désarmé face au chômage ; il ne maîtrise plus les politiques de croissance ; il perd ses ressources fiscales et ne peut plus assurer la survie des systèmes de protection sociale. Ces pertes le délégitiment aux yeux du plus grand nombre : « elles ne sont compensées par aucun équivalent fonctionnel », souligne Habermas.

     

    L’État n’est plus en mesure de maintenir une « communauté de volontés impures », selon la formule de Kant : les instincts et les perversions individuels, destructeurs de la société, ne sont plus contrecarrés par l’éthique de l’intérêt général et d’une quelconque solidarité sociale.

     

    Aux yeux des citoyens, la valeur de l’État s’approche de zéro[1]. Ils ont peur de l’insécurité sociale et des violences ponctuelles, telles que les attentats terroristes ; ils ne sont plus libres. Seuls les marchés financiers « surfent » sur un système socio-politique frappé d’anémie et en voie de démantèlement.

     

     

    1. Ce processus de démolition de l’État entraînant une décomposition au moins partielle de la société civile (ce qui contredit ceux qui y placent toutes leurs espérances) est le fruit de la logique du capitalisme financier : il est de nature complexe, relativement lent, car il est le fait de tous, à des degrés divers, bien que les acteurs principaux soient les grands groupes financiers.

     

    Nombre de citoyens acceptent de redevenir sujets, en espérant par leur docilité un servage sécurisé. Le discours et la pratique des syndicats réformistes les y encouragent. A défaut d’émancipation et des participation aux décisions, la démission et la passivité sont des « refuges » !

     

    La dévastation de l’État occidental suit ainsi un cours apparemment « naturel », avec un minimum de heurts et de réactions sociales et politiques. Cet État a néanmoins besoin d’ennemi pour exister encore ; il s’affirme avant tout « sécuritaire » et le politique se restreint de plus en plus à une surenchère dans le domaine de la surveillance, du renseignement et de la répression policière. Le terrorisme islamiste, issu d’une confessionnalisation du vieil affrontement des pauvres contre ceux qui le sont moins et qui expriment le délire du religieux lorsqu’il s’empare du politique, permet, un temps encore, à cet État déclinant de trouver une justification, appelant à une « union sacrée » droite-gauche, stratégie « classique » des temps de « guerre » !

     

    Ce sont les oligarques qui mènent le jeu : ils sont « apolitiques », s’affirmant les simples transcripteurs des « lois » qui gouvernent le devenir économique et social de l’Humanité. Leur obscurantisme prétend à la rationalité et toute idéologie (autre que la leur) est récusée. Ils ne sont ni du Nord, ni du Sud, et ne se rattachent à aucune école de pensée : la puissance et l’argent sont leurs seules raisons d’être.

     

    Leur « éthique » est la domination par tous les moyens : leurs enfants en font l’apprentissage dans quelques grandes écoles discriminantes comme dans leurs partouzes à Ibiza ou à St Barth, avant de prendre en main à leur tour les rênes des grands pouvoirs privés dont ils hériteront.

     

    Par contre, il subsiste dans le monde des États réticents vis-à-vis de la mondialisation. Leur mode de production, leur régime politique, leur niveau de développement sont différents, mais ils ont en commun le défaut majeur de constituer des espaces de « manques à gagner » pour les prédateurs que sont les grandes firmes privées et les Puissances qui les assistent, en premier lieu les États-Unis.

     

    Ces Obstacles, qualifiés souvent « d’Etats-voyous », constituant « l’axe du Mal » dans le monde, sont durement sanctionnés : les grands médias les discréditent, les embargos les paralysent, les ingérences de toutes sortes les déstabilisent, dont certaines consistent à assister les opposants ou à acheter des gouvernants.

     

    Si ces méthodes ne suffisent pas, le recours à la force armée est utilisé : l’armée chilienne « stimulée » par les États-Unis a ainsi liquidé en 1973 le pouvoir socialiste de S. Allende ; les armées occidentales et l’OTAN ont détruit les États arabes « non fiables » (l’Irak, la Libye, la Syrie, etc.) avec la complaisance d’Israël[2] et de la Turquie.

     

    Cette destruction des États « non fiables » n’est pas suivie d’une politique de reconstruction : le chaos est,, soit par volonté délibérée soit par indifférence, maintenu. Sans État organisé, les fractures internes de la population s’intensifient, se confessionnalisent et les pouvoirs privés occidentaux « récupèrent » : par exemple, le pétrole libyen est vendu par certaines milices à bas prix (environ 10 dollars le baril) aux grandes compagnies privées, notamment italiennes et américaines, privant l’économie nationale de recettes vitales[3].

     

    Les promesses occidentales de « démocratie » et de développement rapide ne sont pas tenues : le chaos à la libyenne ou à l’irakienne est lui-même très rentable, tout comme le servilisme instrumentalisé style Tchad, Gabon ou Côte d’Ivoire « ouattarisée »[4] !

     

    La société internationale est ainsi aujourd’hui composé de Grandes Puissances dont les principaux pouvoirs privés économiques déterminent l’essentiel des politiques étatiques, d’États satellisés, d’espaces (de plus en plus nombreux au Moyen Orient et en Afrique) où règne le chaos. Quelques États cependant surnagent en se refusant à la mondialisation sauvage qu’imposent quelques oligarques, leurs firmes et leurs auxiliaires publics.

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  • La France, sponsor des terroristes? De l’esclavage au néocolonialisme, « Y’a bon la françafrique ! » (9/10)


    françafrique
     

    La France en guerre contre le terrorisme? Un coup d’oeil dans le rétroviseur nous rappelle qu’elle n’a rien à envier aux méthodes de ceux qu’elle prétend combattre. Plus inquiétant, le présent n’apparaît pas vraiment plus réjouissant…


    Il n’est lieu pas de revenir ici sur l’histoire de l’esclavage et de la colonisation, dont l’Europe capitaliste a largement profité pour enrichir sa classe bourgeoise de manière éhontée au fil des siècles. Ces périodes sont largement documentées, et les crimes commis par « les grandes puissances » colonisatrices font l’objet de maints rapports, livres, articles, études et  documentaires, auxquels le lecteur intéressé pourra se référer le cas échéant.

    De l’époque la plus récente, on rappellera à titre illustratif le massacre de Thiaroye le 1er décembre 1944, qui fit 70 morts[1]. Cette répression sanglante a été menée par l’armée française pour mater des tirailleurs sénégalais dont le seul crime était de réclamer leur solde. On rappellera encore les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945, contre des militants nationalistes qui manifestaient pacifiquement contre le colonialisme français. Ces massacres firent entre 3000 et 8000 morts. Ces crimes d’État sont d’autant plus abjects qu’ils ont servi à mater des militants de l’indépendance au moment même où la France, elle, célébrait sa « libération » de l’occupation nazie.

    Dans son livre Massacres coloniaux 1944-1950 : la IV République et la mise au pas des colonies françaises[2], Yves Bonot expose les crimes et les massacres de civils opérés par l’armée française contre des militants indépendantistes, depuis le massacre de Rabat-Fès en 1944, à ceux de Côte-d’Ivoire en 1949-1950, en passant par les massacres de Sétif (1945), Haiphong (1946), Casablanca (1947) et Madagascar (1947). En tout, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont morts sur l’autel de l’Empire colonial français. Des dizaines de milliers de civils assassinés pour avoir eu le courage et l’audace de revendiquer leur liberté et de lutter pour leur indépendance.

    Il faut y ajouter les 44.282 Algériens qui ont été arrêtés en France pendant la durée du conflit[3], et les milliers de prisonniers algériens immigrés en France qui ont été enfermés dans des camps d’internement. Selon l’historien Benjamin Stora, « entre 1957 et 1962, on peut estimer à environ 10.000 le nombre d’Algériens qui, après avoir été jugés, ont passé entre un et deux ans dans les camps en France[4] ».

    N’oublions pas non plus le dernier massacre colonial commis sur le sol hexagonal : le 17 octobre 1961 à Paris, à quelques mois de l’indépendance de l’Algérie, la police française a réprimé dans le sang une manifestation pacifique d’algériens qui protestaient contre le couvre-feu imposé aux seuls Nord-africains. La répression française fit alors plusieurs dizaines de morts, plusieurs centaines de blessés et une centaine de disparus. La répression fut dirigée par le préfet de police Maurice Papon, qui avait collaboré avec le régime nazi et participé au génocide des juifs lorsqu’il était secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944.

    A nouveau le 8 février 1962, une manifestation contre l’OAS est réprimée par la police (toujours dirigée par Papon) et fait neuf morts (événement connu sous le nom de « l’affaire de la station de métro Charonne »). Pour couvrir les violences policières, une loi est votée en 1966 amnistiant les infractions contre la sûreté de l’État ou commises en relation avec les événements d’Algérie, notamment « les infractions commises entre le 1er novembre 1954 et le 3 juillet 1962 dans le cadre d’opérations de police administrative ou judiciaire »[5].

    Il semble utile de rappeler que la colonisation et les exactions qui l’accompagnent n’ont pas pris fin lors de la « vague » des indépendances des années 1960. En effet, à peine la décolonisation entamée que naissait sur les ruines encore fumantes de l’édifice colonial son fils légitime, monstrueux et vorace : le néocolonialisme.

    Là aussi, nous nous abstiendrons de dresser une liste exhaustive des nombreux crimes commis dans le cadre de la « Françafrique[6] ». Nous orientons le lecteur assidu vers les ouvrages de François-Xavier Verschave et les publications de l’association Survie, qui œuvre depuis plus de trente ans à dévoiler les intérêts de la France en Afrique : affaire Elf, génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, interventions militaires en Côte d’Ivoire, au Mali et en Centrafrique, activités des multinationales françaises, etc. Cette politique néo-coloniale est  fondée sur des réseaux d’influence de type mafieux composés d’industriels, de politiques et de militaires. Les intérêts de l’État français se mêlent dangereusement aux intérêts des entreprises françaises privées (Total, Aréva, Vinci, Bolloré, Castel…), au service d’une politique économique qui ne fait aucun cadeau. Jean-Louis Castelnau, le Président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique, ne s’en cache aucunement : « Faut-il encore investir en Afrique ? Bien sûr ! Nous ne sommes pas des sociétés de bienfaisance. Si nous ne trouvions pas notre compte en Afrique, nous n’y serions plus. D’ailleurs, les grands groupes sont toujours présents sur ce continent[7]. »

    L’association Survie rappelle d’ailleurs que « le pillage des matières premières africaines et la commercialisation de produits transformés étaient au cœur du processus colonial[8] ». La prédation des ressources africaines (pétrole, gaz, or, argent, diamant, cuivre, coltan, uranium, platine, manganèse, cacao, café, caoutchouc, coton, huile de palme…) n’est rien d’autre que la continuité de la politique étrangère de la France à la fin du XIXè siècle qui visait à exporter ses capitaux dans ses nouvelles colonies. C’est ce qu’expliquait Jules Ferry, président du Conseil, en 1885 (année de la Conférence de Berlin) : « Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux (…). La politique coloniale est fille de la politique industrielle. L’Europe peut être considérée comme une maison de commerce qui voit décroître son chiffre d’affaires, car la consommation européenne est saturée.[9] »

    Or, cette ponction continue du sous-sol africain, couplée à la corruption des dirigeants  et à la main-mise de la France sur la monnaie commune (franc CFA), n’engendre que des désastres pour ces pays africains : paupérisation chronique, accroissement des inégalités, absence d’autonomie, perte de souveraineté alimentaire et énergétique, chômage des jeunes, tensions sociales et communautaires… Bref, le terreau parfait pour que se développe le terrorisme, qui plonge ses racines dans le désespoir d’une jeunesse sans avenir.

    Mais la Terreur n’est pas seulement derrière nous, elle est à l’œuvre aujourd’hui même en France, et ce que certains nomment « terrorisme d’État » pourrait bien s’accentuer dans les années à venir. En février 2016, Amnesty International a publié un rapport sur la situation des droits humains dans le monde, et a épinglé la France pour sa politique liberticide menée au nom de la lutte contre le terrorisme. Les mesures concernant le « renforcement de la surveillance, blocages de sites internet, poursuites pour apologie du terrorisme, recours à des perquisitions et assignations à résidence sans contrôle du juge, interdictions de manifestations » sont des lois d’exception qui « ont porté atteinte de façon disproportionnée aux droits et libertés individuelles et ont parfois été mises en œuvre de façon discriminatoire[10] ». La gestion déplorable de la « crise des réfugiés », les conditions inhumaines de la « jungle » de Calais, les expulsions forcées, la répression policière, les arrestations arbitraires sous l’état d’urgence, et les accords de coopération avec des pays pratiquant la torture, ont définitivement fait entrer la France dans la liste des pays pratiquant le terrorisme d’État.

    Source: Investig’Action

    Notes:

    [1]              . Armelle MABON, « Sénégal : le camp de Thiaroye, part d’ombre de notre histoire. », Liberation.fr, 25 décembre 2012.

    [2]              . Yves BENOT, Massacres coloniaux : 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises, Paris, éd. La Découverte, 2001.

    [3]      . Benjamin STORA, « Camps d’internement en métropole pour “suspects” algériens de La guerre d’Algérie in L’Histoire N° 140, janvier 1991 », Univ-paris13.fr, janvier 1991.

    [4]      . Idem.

    [5]      . « L’affaire du métro Charonne », Grand Larousse encyclopédique.

    [6]      . Néologisme popularisé par le livre de François-Xavier Verschave : La Françafrique, le plus long scandale de la République (1998). Le terme « Françafrique » désigne les relations qu’entretient la France avec ses anciennes colonies africaines, à travers des réseaux d’influence politiques, diplomatiques, économiques, militaires, et culturels.

    [7]      . « Les entreprises françaises en Afrique », Survie.org, 16 février 2010.

    [8]              . Idem.

    [9]      . Cité par Damien MILLET, L’Afrique sans dette, Syllepse, 2006, p. 29.

    [10]     . « 5 choses à savoir sur les droits humains en France », Amnesty.fr, 23 février 2016

     

     

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