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MS21 - Page 60

  • Jean Jaurès VS Alexandre de Juniac (PDG d'Air France)

    Document 1

     

    « Oui, monsieur le ministre ; la violence, c’est chose grossière, palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est noté. Un acte de brutalité, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. (...) 

     

    Ah ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. »

     

    Jean Jaurès à la Chambre des députés, séance du 19 juin 1906

     

     

    Document 2 

    "C'est quoi l'âge d'un enfant, de nos jours ? Est-ce que c'est 16, 18 ou 20 ans ? On pense à donner le droit de vote à des enfants qui ont 16 ans ? Est-ce que ce sont des enfants, je ne sais plus... Est-ce qu'il faut les faire travailler, pas travailler ? Pas sûr. (…) La durée du temps de travail, qui, paraît-il, est un acquis social, qu’est-ce cela veut dire pour un ingénieur qui a une tablette et un smartphone et qui travaille chez lui ? (…)Est-ce que cela a un sens de fixer l’âge de la retraite ? (…) Comme le disait mon homologue de Qatar Airways, hier, à propos de la grève, 'Monsieur de Juniac, chez nous, ce ne serait pas possible, on les aurait tous envoyés en prison'."

    Alexandre de Juniac, PDG d'Air France, discours aux rencontres patronales des Entretiens de Royaumont, 18 mars 2015

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  • Comment l’Union Européenne organise la crise économique et sociale de la nation française par la dette.

     

     

    Au MS 21, une de nos priorités est de lutter contre le néo-libéralisme. Cette priorité n’est pas un dogme. Elle est fondée sur une constatation simple et qui apparaît à la lumière des événements récents survenus notamment en Grèce : le néo-libéralisme est un ensemble de règles construites par et pour une classe dirigeante au détriment du peuple. Nous nous proposons ici de montrer comment le mécanisme de la dette est une des armes les plus efficaces dans cette offensive néo-libérale, ou, autrement dit, de voir comment les financiers – s’appuyant sur les institutions européennes - utilisent la dette pour assujettir les peuples et les nations à leur seul profit.

    Il faut arrêter d’accorder le moindre crédit aux fables qui sont colportées par la grande majorité des médias sur cette question. Non, en France, la puissance publique ne vit pas au-dessus de ses moyens. Non, les collectivités territoriales n’ont pas trop d’équipements sportifs, de crèches, de centres culturels et de transports scolaires. Non, l’État n’a pas une police trop nombreuse, des écoles trop bien équipées et des services publics pléthoriques. Non, la sécurité sociale n’est pas un luxe pour des sous-citoyens gaspilleurs. C’est même exactement la réalité contraire qui devrait heurter le bon sens de nos concitoyens : des régions entières sont menacées de désertification en matière de santé, d’équipements et de services ; de nombreux collèges n’ont pas suffisamment de personnel pour assurer une éducation de qualité, des pans entiers de l’Université sont laissés dans une absence de moyens criante et – problème central où la question politique rejoint une forme minimale de morale civique – des millions de personnes âgées terminent leur vie dans des mouroirs indignes.
    A l’opposé de cette évolution, nous pensons au MS21 que tout est question de choix politiques et que la puissance publique doit se donner les moyens d’incarner le lien social entre tous les citoyens. Elle représente le pacte républicain avec des principes fondamentaux : des recettes par l'impôt, une redistribution pour l'intérêt général, des investissements pour l'avenir.


    Pourquoi cet acharnement ?


    Alors, pourquoi un tel acharnement à vouloir appauvrir la puissance publique par l’endettement? La réponse est simple. Dans un espace clos, les grands opérateurs privés ne peuvent maintenir leur profit. Il leur faut donc étendre leur emprise et ils n’ont pour cela que trois solutions :


        i.    gagner des marchés dans des pays étrangers par le libre-échange généralisé ;


        ii.   alimenter un espace virtuel où l’argent se multiplie lui-même en financiarisant l’économie et enfin


        iii.    conquérir en interne des marchés historiquement dévolus à la sphère publique.

    Et sur ces trois points, pour arriver à leur fin, ces opérateurs privés ont un impérieux besoin de l’endettement de la sphère publique, et ceci pour plusieurs raisons.
    En premier lieu, l’appauvrissement des États-nations les rend vulnérables à la prédation économique des multinationales qui pillent leurs ressources humaines, leurs infrastructures et leurs ressources naturelles.
    Ensuite, affaiblies par l’endettement, ces mêmes nations se retrouvent incapables de prendre des mesures institutionnelles et juridiques pour limiter les abus de la financiarisation et elles sont même sollicitées – comme lors de la crise financière de 2008 - pour réparer les dégâts qu’elle engendre (plus de 2000 milliards d’euros des États de l'Union européenne vers les banques, excusez du peu…).
    Enfin, ces mêmes opérateurs utilisent l’argument du déficit public pour exiger des nations la privatisation des secteurs les plus lucratifs de leur économie.
    La dette est donc un outil créé artificiellement pour l’enrichissement d’une oligarchie financière mondiale et de ses serviteurs. Installant dans le pays une politique sociale qui est le plus souvent dégradée (santé, éducation, chômage, retraites, …), la dette provoque en contrecoup l’appauvrissement systématique de tout le reste de la population. Au MS21 nous pensons que ce système destructeur doit maintenant trouver face à lui des citoyens désireux de reprendre en main leur destin en opposant la démocratie et la souveraineté à cette dictature, à peine déguisée, des marchés financiers.

    Comment se construit une dette ?

    Pour construire une bonne dette bien « juteuse », l’oligarchie financière a une recette infaillible. Regardons de plus près comment elle a fonctionné dans un pays comme la France
     

        A- Il faut tarir les recettes publiques

    Qui n’a pas entendu le fameux refrain «  nous vivons au-dessus de nos moyens ». Tel est le discours tenu aux Français par la quasi totalité des partis politiques complices de l’oligarchie financière. En fait, durant ces dernières années, les dépenses de l’État français n’ont pas augmenté, ce sont les recettes qui ont baissé. Ces pertes sont savamment organisées par des évasions fiscales : de 60 à 80 milliards (Mds) d'euros par an, avec peu de retour car il y a peu d’enquêteurs sur ce type de délit financier, il faut bien faire des économies de personnel !! Par exemple, sur plus de mille entreprises étrangères qui ont leur siège au Luxembourg, celles qui ont leur activité en France ne payent pas les impôts correspondants. Merci à M. Junker, ancien chef du gouvernement luxembourgeois devenu aujourd'hui Président de la Commission de l’Union européenne (UE).

    On notera également que les cadeaux fiscaux et les multiples réductions d’impôts décidés depuis dix ans par les gouvernements successifs représentent un manque à gagner pour l’État français de 100 Mds d'euros.

    Il faut enfin ajouter la baisse annoncée des dépenses publiques de 50 Mds d'euros demandée par la Commission Européenne, ce qui va entraîner mécaniquement une baisse du PIB d’un coefficient de 1,5 soit 75 Mds d'euros. La conséquence de cette baisse est prévisible : outre une aggravation de la situation des plus pauvres elle conduit mécaniquement à une hausse relative du pourcentage de la dette par rapport au PIB alors que cette même Commission demande une baisse du taux de cette dette. Encore une aberration

    B- Il faut privatiser la création monétaire

    Tous les mercredis, à Bercy, un fonctionnaire du Ministères des finances choisit sur quel marché financier l’État français va s’adresser pour emprunter les quelques milliards d’euros nécessaires à sa trésorerie pour la semaine en cours. Cette quasi-obligation pour l’État d'emprunter aux marchés financiers (et non plus de « battre » sa propre monnaie) remonte à une Loi de V. Giscard D'Estaing votée en 1973, sous la Présidence de G. Pompidou ; ceci est devenue après Maastricht la règle de l'Union européenne. Ainsi, suite à l’obligation pour l’État d’emprunter avec intérêt aux banques privées, l’État français verse de 45 à 50 Mds d'euros par an en intérêts (ceci est appelé la charge de la dette), soit l’équivalent de la totalité de l’impôt sur le revenu de l’ensemble des français !! Une énorme dépense supplémentaire hors de tout fondement économique. Pourquoi l’État français est-il obligé de passer par des prêteurs privés avec intérêts au lieu d’emprunter directement à une Banque Centrale comme cela s'est pratiqué après la Seconde guerre mondiale pendant la période dite des Trente glorieuses? Nous attendons toujours la réponse.

    Sans ces intérêts la dette ne serait – comme le précisait d’ailleurs Michel Rocard fin 2012 - que de 16% du PIB, soit 300 Mds d'euros contre les 2 000 Mds d'euros actuels. Cet endettement de l’État est ainsi provoqué pour le plus grand bonheur des banques privées qui perçoivent une manne financière sans participer en quoi que ce soit à la production de richesses dans notre pays. Ce système, constitutionnalisé par les traités européens est verrouillé par la Banque Centrale Européenne (BCE) qui est indépendante des gouvernements élus. Elle n’a qu’un seul objectif affiché - lutter contre l’inflation - et fait semblant d’ignorer la dimension économique et sociale de ses choix. Elle n’a de compte à rendre à personne et n’est qu’un instrument au service des banques privées et des milieux financiers alors qu’elle devrait être un outil au service de l’économie des États et des citoyens. Chaque citoyen doit maintenant faire cette simple constatation : au-delà du cas français, le fonctionnement actuel de la BCE condamne toute perspective d’Europe sociale à un échec inévitable. Ce choix a été fait délibérément et marque la signature de la construction européenne.

     

    C- Organiser l’obsession de la monnaie forte et la peur de l’inflation


    N’ayons pas peur de caractériser le capitalisme financiarisé et les capitalistes. Un capitaliste, dans sa nature même, cherche le profit, c'est à dire amasser, stocker, thésauriser. A partir d'un certain niveau de profits, il aime les coffres en Suisse, les stock-options, les dividendes, les valises de billets et les créances. Mais tous ces équivalents ont un point faible : la valeur de la monnaie. Dans une démocratie souveraine, cette valeur - qui n’est qu’une convention sociale définie politiquement - peut être amenée légitimement pour des raisons conjoncturelles à baisser dans l’économie interne d’un pays (inflation) ou vis à vis d’autres pays (dévaluation). Pour éviter cette éventualité qui menacerait à court terme le capital, c'est à dire les profits, les tenants de ce capital ont une obsession dogmatique : préserver la valeur de leur trésor (le capital) par une monnaie forte et rigide.


    Pour cela, ils ont institutionnalisé la concurrence libre et non faussée qui organise la déflation salariale et ils ont instrumentalisé le chômage de masse qui jugule mécaniquement l’inflation. Mais cette baisse générale des prix et des salaires (déflation) est un poison mortel pour l’économie. Car, sur le plan économique global, payer moins est attractif à court terme mais, à moyen terme, rend les classes populaires encore plus pauvres : moins d’activités pour les entreprises entraîne la réduction des investissements, des salaires et des cotisations sociales, puis nouvelle baisse des prix et nouveaux licenciements dans une spirale sans fin qui mène à l’austérité générale que nous connaissons. Une telle situation conduit toujours à l'endettement des caisses de l’État : moins d’argent rentre dans les caisses de l’État et plus doit en sortir pour gérer les dégâts sociaux dont celui du chômage. Ce déséquilibre auto-entretenu oblige l’État à emprunter et à augmenter irréversiblement sa dette (et son poids en intérêts).

    D- Fixer un cadre institutionnel arbitraire et contraignant en méprisant la souveraineté des peuples

    Tout ce dispositif - qui n’a pour seule cohérence que l’intérêt d’une classe dominante - ne peut se maintenir que dans un cadre institutionnel et juridique taillé sur mesure et bétonné par les traités européens. Ainsi le déficit est limité aux 3% du PIB. Le haut fonctionnaire du Ministère des Finances auteur de ce chiffre difficile à établir a reconnu par défaut s’être inspiré de la Trinité ! En fait, lors d’un conseil de l’Europe, voyant que les chefs de gouvernements ne pouvaient définir un chiffre, Pierre Bérégovoy proposa ce pourcentage.


    Autre précepte divin : la dette doit être limitée à 60% du PIB pour éviter une crise. Ce ratio fut établi d’après le modèle économique élaboré par deux grands économistes. Mais quelque temps plus tard, il a été démontré que leur programme informatique était erroné.


    Que dire enfin des fameux « Stress tests » des banques censés prévenir les nouveaux risques de crise bancaire ? Ils se sont révélés eux aussi non valables, comme avec la banque Daxia qui avait passé tous ses tests haut la main pour se retrouver en quasi faillite quelques mois plus tard et que le service public dut sauver à grands frais. C’était certainement la faute inexcusable du niveau de vie trop élevé des citoyens ….dont le salaire médian est aux alentours de 1500 euros net par mois !!

    On le voit, toutes ces incohérences ne sont que le camouflage d’une domination violente et les arguments qui ambitionnent de les justifier sont faibles. La compréhension des principes fondamentaux de l’économie par la population est donc un des enjeux majeurs de notre époque. Le MS21 veut s’atteler à cette tâche d’éducation populaire en faisant connaître, en particulier, le torpillage délibéré de notre économie et de notre modèle social hérité du Conseil National de Résistance (CNR) de 1945.


    Chers concitoyens, il est temps de sortir de cette austérité générale qui frappe la France et de nombreux pays d’Europe. Il est temps de préparer ensemble un vaste coup de balai pour remplacer nos élus inféodés depuis bien trop longtemps à l’orthodoxie libérale et palier l’inertie coupable de nos partis politiques défaillants.

     

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  • L’ENCYCLIQUE « LAUDATO SI » (2015), LA DECLARATION DE COCOYOC (1974) : MÊME CONSTAT, MÊME COMBAT.



    Le MS21 se réclame de l'expérience des pays d'Amérique latine (Équateur, Bolivie, Venezuela) dans leur lutte contre le néo-libéralisme, la finance, la technocratie, contre l'explosion des inégalités, contre la dégradation environnementale et sociale qui prend à présent une dimension planétaire. L'un des meilleurs ambassadeurs actuels du discours anticapitaliste, écouté par les médias dominants, se trouve être aujourd'hui le chef de l’Église catholique, premier pape non européen depuis 13 siècles, issu de cette Amérique latine qui l'a vu naître.
     
    Le Vatican a un statut d’Etat observateur à l’ONU depuis 1964. C’est à ce titre que le Pape lors de l'Assemblée générale des Nations Unies (ONU), à l'occasion du lancement des Objectifs du millénaire pour le développement, plaidera le 25 septembre très probablement pour une écologie intégrale, liant l'humain et l'environnement. L'encyclique du Pape François sur l'écologie, Laudato Si, appelle à un autre système économique, celui que nous connaissons se révèle délétère pour l'homme et la planète. Voici donc un pape qui s’adresse à tous, croyants et non croyants, qui assure qu'un autre monde est possible, ici-bas et maintenant. « Tout est lié » souligne-t-il : la pauvreté et l'exclusion, la dictature du court-terme, le productivisme et le consumérisme, la culture du déchet, le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité, l'eau potable, droit humain primordial, transformée en marchandise soumise aux lois du marché.
     
    Quarante et un ans séparent l’intervention du Pape aux Nations Unies de l’un des textes les plus fondamentaux traitant de ce sujet. Il s'agit de la Déclaration de Cocoyoc, texte enterré délibérément par les gouvernements des pays riches de l'époque et qui fait partie des documents rayés de l’histoire officielle des Nations-Unies. Le MS21 tient à faire reconnaître l’actualité de ce texte essentiel qui fait partie de ses fondamentaux.
     
    La Déclaration de Cocoyoc du 23 octobre 1974 est un texte radical sur le développement et la nécessité de protéger l’environnement. Il a été rédigé dans la suite de la Conférence mondiale sur l'environnement de Stockholm de 1972 et résulte des travaux d'un colloque qui s'est tenu à Cocoyoc au Mexique portant sur « l’utilisation des ressources, de l’environnement et des stratégies de développement ». La similitude des réflexions à 40 ans de distance est frappante.
    La Déclaration de Cocoyoc porte la voix des pays en développement et des pauvres et aspire à un nouvel ordre économique mondial. La déclaration finale est un réquisitoire contre les politiques occidentales en général et des États-Unis en particulier. Voici quelques points clés de cette Déclaration :
     
    Pauvreté : « les affamés, les « sans-abri » et les illettrés sont plus nombreux aujourd’hui que lorsque les Nations Unies ont été créées »
     
    Ordre colonial : les rapports de force de « cinq siècles de contrôle colonial qui a massivement concentré le pouvoir économique entre les mains d’un petit groupe de nations » n’ont pas été modifiés.
     
    Richesses : le problème n’est pas lié à un manque de richesses produites, mais à une
    « mauvaise répartition et un mauvais usage ».
     
    Croissance : « un processus de croissance qui bénéficie seulement à une très petite minorité et qui maintient ou accroît les disparités entre pays et à l’intérieur des pays n’est pas du développement, c’est de l’exploitation ». « Par conséquent, nous rejetons l’idée de la croissance d’abord et d’une juste répartition des richesses ensuite ».
     
    Economie de marché : « les solutions à ces problèmes ne peuvent provenir de l'auto-régulation par les mécanismes de marché »
     
    Pauvreté et dégradation de l’environnement : ce n’est pas la pauvreté qui est désignée comme responsable de la dégradation de l’environnement, mais les relations économiques inéquitables et le prix dérisoire des matières premières sur les marchés, c’est à dire une pauvreté organisée par les classes dirigeantes.
     
    Gestion environnementale des biens communs : permettre l’autonomie des nations sans tomber dans l’autarcie. Nul besoin d’une « aide » des pays riches, mais le paiement au juste prix des matières premières.
     
    La Déclaration de Cocoyoc impressionne autant par la justesse de l’analyse que par les perspectives politiques qu’elle dessine. La radicalité du texte fut analysée par les pays occidentaux comme une véritable provocation. Deux points furent jugés inacceptables : la critique du mode de vie occidental et le refus d’un monde centré sur les pays développés. Les États-Unis, par l’intermédiaire d’un long télégramme adressé par le Secrétaire d’État Henry Kissinger au Secrétaire général des Nations Unies, rejeta l’intégralité du texte.
     
    La Déclaration de Cocoyoc est un texte fondateur à redécouvrir pour la protection et la gestion de l’environnement. Il est le seul texte international sur l’environnement à vouloir rompre avec l’ordre économique mondial dominant. Il résonne à trois mois de la Conférence Climat de Paris (COP21) où déjà le Président François Hollande, dans sa conférence de presse du 7 septembre, fait mine de s'interroger sur les risques d'échec de cette conférence alors que tout indique qu'il n'en sortira rien ou si peu de choses, ni engagement concret et contraignant pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ni financement ferme pour l'aide aux pays pauvres alors qu'un engagement de 100 milliards de dollars par an avait été pris lors de la Conférence de Copenhague en 2007.
     
    La solution à la crise écologique ne peut se trouver auprès des dirigeants politiques inféodés à un système économique destructeur. Il s'agit de rompre avec une économie où les questions de l'éthique, du bien commun sont exclues par la fiction de la « main invisible » censée réguler le marché et ses conséquences environnementales et sociales. La solution politique se trouve au niveau des peuples et non plus des élites égarées par la logique d'un système qui conduit à terme à un effondrement de nos sociétés.
     
    Repenser nos sociétés conduit donc à reformuler les bases de leur fonctionnement : la remise en cause d'une économie basée uniquement sur les lois de la concurrence, la libre circulation des capitaux, le libre-échange commercial, la nécessité de retrouver une souveraineté monétaire, la possibilité de faire des choix, ce qui pose la question de la démocratie et du respect de la souveraineté nationale et populaire. Cette souveraineté est à présent ouvertement désavouée et bafouée. Comme le souligne Roland Gori, initiateur de l'Appel des appels, « la crise grecque met en lumière jusqu'à l'obscénité la mise sous curatelle technico-financière des peuples et des nations », se référant ainsi au propos laconique et terrible de J.Cl. Juncker, Président de la Commission européenne « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Retrouver la démocratie demande de se réapproprier des espaces de parole, de débats et de discussion, en finir avec les formes dégénérées que sont la démocratie du spectacle et la démocratie de l'expertise. C'est donc bien tout l'édifice institutionnel et politique de l'Union européenne qui doit être remis en cause pour se libérer du jeu des économies financiarisées. Celle-ci s'est construite autour des seules idées de concurrence, de compétitivité, de libre-échange qui ont pour vocation de supprimer la souveraineté des peuples. La crise grecque confirme ce que nombre d'économistes, de militants et de citoyens répètent depuis des années, l'Union européenne n'est pas réformable de l'intérieur, la seule option qui reste est d'en sortir.
     
     
    Pour en savoir plus :
     
    A. Bernier 2012 Comment la mondialisation a tué l'écologie. Ed. Mille et Une Nuits. [Dans cet ouvrage le lecteur peut retrouver l’intégralité de la Déclaration de Cocoyoc en version française].
     
    J.M. Dumay 2015 Le pape contre le « fumier du diable ». Le Monde Diplomatique, septembre 2015
     
    R. Gori 2015 « Il faut redonner au politique toute sa place désertée » , entretien dans L'Humanité du 4,5 et 6 septembre 2015 et L'individu ingouvernable. Ed. Les Liens qui libèrent
     
    Pape François 2015. Loué sois-tu (Laudato Si). Lettre encyclique sur la maison commune, disponible chez plusieurs éditeurs (Bayard, Cerf, Artège, Salvator), téléchargeable sur Internet (www.vatican.va)
     

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  • "La France envisage l'arrêt des négociations", révèle Matthias Feki

    Voilà plus de deux ans que l’Union européenne et les États-Unis ont entamé des négociations en vue de conclure un accord de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (Transatlantic Free Trade Agreement, ou Tafta). S’il aboutissait, ce serait l’un des traités de libre-échange les plus importants jamais conclus, puisqu’il porterait sur la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges commerciaux. C’est dire l’enjeu de ces négociations, dont un nouveau cycle doit s’ouvrir à la mi-octobre. Mais celles-ci achoppent, face à l’intransigeance américaine, et la France s’impatiente.

    Pour la première fois, un membre du gouvernement tape du poing sur la table et brandit la menace d’une rupture. Secrétaire d’État au Commerce extérieur, l’élu lot-et-garonnais Matthias Fekl est évidemment en service commandé pour accorder cet entretien exclusif à " Sud Ouest ".
    S’il le fait, c’est en accord avec François Hollande, Manuel Valls et Laurent Fabius. C’est aussi avant de rencontrer aujourd’hui à Berlin le vice-chancelier allemand et ministre de l’Économie, Sigmar Gabriel.
    Autant dire que Paris fait monter la pression.

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  • Entretien avec GEORGES GASTAUD,

    porte-parole du PRCF A propos du « MOMENT ACTUEL » # 17 septembre 2015

    Georges Gastaud, philosophe, syndicaliste, secrétaire national du PRCF tout juste de retour d’une fête de l’Humanité très réussie pour le PRCF, a bien voulu répondre à quelques question d’Initiative Communiste. Explications, analyses et propositions au regard de la situation, du moment actuel.

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  • Camés aux subvemtions

    Par François Ruffin, Pierre Souchon, 28/09/2015

     

     

    Le journal Fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !

     

    « François Hollande est devenu un puissant dealer de subventions, un narcotique auquel les entreprises françaises aiment se shooter… » C’est un ancien du Medef qui le dit.
    Ce que confirme un comptable de Vinci.
    Et une chasseuse de primes, pro du « détournement ».

     

    « Tiens, aujourd’hui, je viens d’intégrer le CICE, le Crédit Impôt Compétitivité Emploi dans les comptes de la boîte. »
    Roland est comptable dans une entreprise, filiale du groupe Vinci. Ça nous intéressait, cette petite mécanique financière :
    « Et comment vous faites, alors ? Vous mettez ça dans les “investissements” ?
    - Non, c’était tout simple : j’ai inscrit une ligne de crédit, 400 000 euros, boum, à rajouter d’un coup dans les “plus”.
    - Mais vous allez devoir embaucher, non ?
    - Pas du tout. D’ailleurs, chez nous, il y a une dame qui est partie en congé maternité. Bon, un congé normal, tout se passe bien... Sauf qu’un peu après l’accouchement, la collègue fait une infection, et elle enchaîne sur un arrêt maladie. La boîte l’a convoquée... pour un entretien préalable au licenciement. Ils lui ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas la garder, que ça coûtait trop cher de l’indemniser, vu qu’en ce moment les salaires sont gelés et la situation pas terrible terrible. Ça a fait du barouf, elle est allée voir les syndicats... En attendant, elle a plus de boulot, deux enfants à charge. Et moi, au même moment, je vois tomber les 400 000 € du CICE. »
    Proche de la retraite, Roland a toujours voté socialiste, un atavisme familial. Et c’est navré qu’il raconte les avatars de la dernière réforme présidentielle : « J’ai fait mon boulot, mais c’est bizarre, quand j’entends Hollande parler des contreparties, tout ça... Chez nous, ils ont pris le fric presque sans remarquer, et ils licencient une collègue avec quinze ans d’ancienneté parce que ça coûte trop cher... »

     

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    Trémolos
    « Chaque chômeur qui reprend un travail, déclarait, avec des trémolos, François Hollande pour ses vœux, c’est une famille qui respire, c’est de l’espoir qui revient, c’est du pouvoir d’achat qui est regagné, de la justice sociale qui est retrouvée. » Comme la rhétorique est habile, évoquer les souffrances des humbles pour mieux justifier les cadeaux aux puissants : « En 2014, nous aurons besoin de la mobilisation de tous pour gagner cette bataille. C’est pourquoi je propose un pacte de responsabilité aux entreprises. Il est fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social. »
    Et à coup sûr, on va créer un corps de police spécial, pour vérifier que les « contreparties » sont bien au rendez-vous, des inspecteurs aux pouvoirs élargis pour contrôler la quantité des « embauches » et la qualité du « dialogue social ».
    Qui s’y retrouve encore ?
    Vingt milliards pour le CICE, trente pour la fin des cotisations familiales, 4,5 pour la suppression annoncée de la C3S (la Contribution de solidarité des sociétés), 3,5 pour une baisse de l’impôt sur les sociétés… Mais ça ne suffit toujours pas, et voilà que l’Institut Montaigne – un think-tank patronal, présidé et fondé par Claude Bébéar, l’ex-PDG d’Axa – affirme, dans une « étude », que « dix milliards d’euros d’allègements supplémentaires sur les bas salaires pourraient créer jusqu’à 800 000 emplois », et cette « étude » - présentée comme une banalement « universitaire » - est aussitôt reprise par l’AFP, Les Échos, Le Parisien, etc.
    Moins citée, cette analyse : « François Hollande est devenu un puissant dealer de subventions, un narcotique auquel les entreprises françaises aiment se shooter… » Qui écrit ça ? Un ancien cadre du Medef, responsable des affaires sociales. Et David Verhaeghe de filer la métaphore : « Les entreprises françaises sont malades de cette addiction à la subvention déguisée. Celle-ci agit comme la cocaïne : elle donne l’illusion temporaire de la puissance et de la force, mais elle ruine la santé à petits feux. »
    A tel point que la chasse aux subventions est devenue un sport prisé.

     

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    « L’Etat n’a pas les moyens de se payer des enculés comme nous ! »

     

    Après trois années de thèse – en « génie des matériaux » – Élise répond à une annonce d’ « ingénieur d’affaires, chercheur conseil » : « Il faut qu’il y ait marqué “chercheur” conseil, décode-t-elle, même si chez eux je n’ai jamais une minute de recherche. Ça leur permet de bénéficier du Crédit Impôt Recherche. Mais en réalité, j’étais commerciale, je devais vendre leurs produits… » Et quels produits ? « De la défiscalisation en Crédit Impôt Recherche ! J’ai commencé par potasser le Code général des impôts, un guide de procédure fiscale…
    - Mais ils avaient pas besoin d’une scientifique pour ça ? on lui demande.
    - Non, mais ça faisait sérieux, pour être crédible chez les clients, pour discuter avec le PDG. J’avais capté que c’était limite. Je leur expliquais comment frauder, comment retranscrire toute leur activité en Recherche et Développement. On tirait sur cette vache à lait, pour faire du détournement. Souvent, les clients doutaient de pouvoir en bénéficier, mais nous une laborantine, une secrétaire, un VRP, on te passe tout ça en R et D. Les SSII, les sociétés de service en informatique – ce sont des marchands de viande – ils embauchent un cheptel de cent mecs en CIR.
    - Mais les inspecteurs des impôts ont bien dû vous coincer ?
    - Non, jamais. Le contrôle se fait à deux niveaux : fiscal, et sur ce plan là, formel, administratif, on respecte scrupuleusement la procédure. Mais en théorie, le contrôle est aussi scientifique, et là, le fisc, on les enfume. Il leur faudrait des agents qui soient les deux en un, mais l’État n’a pas les moyens de se payer des enculés comme nous ! On arrive à endormir les contrôleurs, en leur fabriquant des fantômes. Ça correspond à un tel travail d’investigation, ils n’en ont pas les moyens. Et aussi, ils ne sont pas encouragés : il y a la volonté politique de fermer les yeux.
    D’après un rapport de la Cour des comptes, un tiers du CIR part dans les sociétés de services, dans les banques, les assurances, etc. Plus que dans l’industrie pharmaceutique !
    Ce qui me révolte, c’est que les clients, une fois qu’ils ont touché au truc, ils tombent dans un engrenage où ils veulent toucher toujours plus de pognon. Là, toute la bagarre, tout le lobbying, c’est de transformer le CIR en Crédit Impôt Innovation, que ce soit encore plus large… »
    C’est en 2012 qu’on avait croisé Élise.
    En 2013, François Hollande créait quoi ? Le crédit d’impôt innovation…

     

    Discrétion
    Les subventions, soit. Mais les cadeaux faits au patronat, depuis trente ans, prennent bien d’autres formes, plus discrètes. Ce sont les licenciements facilités, le marché du travail flexibilisé, la lutte contre le pouvoir d’achat.
    Toute une société qui s’adapte aux désidératas du patronat. Jusqu’à cette gigantesque offrande, qui détermine tout ou presque depuis des décennies : « la libre circulation des capitaux et des marchandises ». Et aujourd’hui, en bonus, en extra, « la plus grande zone mondiale de libre-échange »…

     

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